Cass. 1re civ., 24 avril 2013, n° 11-18.213
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Ducept
Défendeur :
Axa France IARD (SA), Axa France vie (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Charruault
Rapporteur :
Mme Verdun
Avocat général :
Mme Falletti
Avocats :
SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, SCP Célice, Blancpain, Soltner
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 18 février 2011), que par deux traités de nomination du 1er février 1971, M. Ducept a reçu de la société Compagnie générale d'assurances, d'une part, et de la société Vie nouvelle, d'autre part, devenues les sociétés Axa France IARD et Axa France vie, un mandat d'agent général dans chacune des branches d'assurance que celles-ci exploitaient, et portant sur le secteur de La Rochelle Ouest pour l'activité IARD, et la région de La Rochelle pour l'activité vie ; qu'après que M. Ducept eut présenté sa démission par lettre du 21 mars 2003, les parties sont convenues des conditions de son retrait, en prévoyant, d'abord, la conservation du volet épargne du mandat vie et le versement de 90 % de l'indemnité de fin de mandat IARD au mois de juillet 2003, suivi d'un mandat de gestion provisoire confié à l'agent sortant jusqu'à la nomination de son successeur, puis, aux termes d'un nouvel accord formalisé le 17 juin 2004, le versement des indemnités compensatrices IARD et vie arrêtées au 30 juin 2004, avec maintien du mandat vie "aux conditions actuelles", la faculté de transférer ce mandat vers une société de capitaux à créer et la fixation de la rémunération revenant à l'agent démissionnaire au titre de sa contribution à la "gestion provisoire société" ; que M. Ducept ayant cessé d'exercer toute activité IARD pour le compte de la société Axa France le 31 décembre 2004 puis démissionné du mandat vie objet de l'accord du 17 juin 2004, par lettre du 6 avril 2006, la société Axa France a refusé de payer le solde de l'indemnité compensatrice afférente à ce mandat, puis assigné son ancien agent général en restitution des indemnités IARD et vie déjà perçues, pour manquements à ses obligations statutaire et conventionnelle de non-rétablissement, ainsi qu'en dommages-intérêts pour concurrence déloyale ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de M. Ducept, pris en ses trois premières branches : - Attendu que M. Ducept fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société d'assurance Axa France les sommes de 652 641,17 euros à titre de dommages-intérêts et de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles alors, selon le moyen : 1°) que seul le traité de nomination d'agent général concernant l'activité vie, signé par M. Ducept et le groupe Drouot, le 29 janvier 1971, stipule une obligation de non-concurrence à la charge de l'agent général et prévoit, en son article 11, que pour avoir droit à une indemnité compensatrice "l'agent s'engage à ne pas accepter pendant une période de deux ans à compter de la date à laquelle son mandat aura pris fin, la représentation d'un organisme d'une société d'assurances sur la vie ou de capitalisation dans un rayon de 50 kilomètres du lieu où il aura exercé son activité" ; qu'il ressort des propres constatations de la cour d'appel que M. Ducept a informé, le 21 mars 2003, la société d'assurances Axa France de sa décision d'arrêter sa profession d'agent général d'assurance tant pour l'activité IARD que pour l'activité vie et que, s'agissant de l'activité vie, le statut prévoyait que l'agent était tenu à une obligation de non-concurrence pendant une période de deux ans à compter de la fin de son mandat, ce dont il résultait que l'obligation de non-concurrence imposée à M. Ducept prenait fin le 21 mars 2005 ; qu'en retenant que M. Ducept était tenu de respecter un délai de trois ans pour le portefeuille IARD à compter du 1er janvier 2005 et un délai de deux ans en ce qui concernait l'activité vie à compter du 1er avril 2006, tout en relevant que M. Ducept avait démissionné le 21 mars 2003 de tous ses mandats et que, s'agissant de l'activité vie, l'obligation de non-concurrence était limitée à deux ans à compter de la cessation de ses fonctions, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a violé l'article 1134 du Code civil ; 2°) que l'article 10 du traité de nomination d'agent général concernant l'activité IARD, signé le 29 janvier 1971, stipule une obligation de non-concurrence d'une durée de trois ans mais uniquement à la charge des ayants droit de l'agent général ; que cette disposition plus favorable que l'article 26 du statut des agents généraux d'assurances approuvé par le décret du 5 mars 1949 - lequel impose à l'agent général lui-même une obligation de non-concurrence d'une durée de trois ans - devait donc prévaloir ; qu'en déclarant que l'article 26 des statuts des agents généraux était applicable au cas d'espèce, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 26 du statut des agents généraux d'assurances ; 3°) que M. Ducept faisait valoir que la démission de ses activités IARD et vie avait été effective le 21 mars 2003, que la société Axa en avait pris acte et avait prévu le versement du solde de son indemnité IARD ainsi que celle du portefeuille vie, le 30 juin 2004, que divers courriers électroniques lui avaient été adressés pour fixer les modalités de calcul et de règlement des sommes qui lui étaient dues, que ce n'était que pour rendre service à la société Axa qu'il avait continué, à titre provisoire, la gestion du portefeuille IARD jusqu'au 31 décembre 2004 et que, pour l'activité vie, aucun mandat postérieur à la démission n'avait été signé avec un Code définitif, le projet de conclure un nouveau mandat dans le cadre d'une société de capitaux ne s'étant finalement pas réalisé, ce dont il résultait que les mandats de M. Ducept avaient pris fin le 21 mars 2003 ; qu'en se bornant à énoncer que M. Ducept était tenu de respecter un délai de trois ans pour le portefeuille IARD à compter du 1er janvier 2005 et un délai de deux ans en ce qui concernait l'activité assurance-vie à compter du 1er avril 2006, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. Ducept ne s'était pas maintenu auprès de la société Axa, après avoir démissionné de tous ses mandats, uniquement à titre précaire et provisoire pour rendre service et assurer l'intérim, ce dont il s'évinçait que ses mandats auprès de la société Axa France avaient effectivement pris fin le 21 mars 2003 et que c'était à compter de cette date que débutait l'obligation de non-concurrence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 20 du statut des agents généraux d'assurances, ensemble l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que, devant la cour d'appel, M. Ducept s'est borné à soutenir, pour dénier tout rétablissement prohibé, que ses mandats d'agent général avaient nécessairement pris fin au jour de sa démission, le 21 mars 2003, date à laquelle ses droits à indemnités compensatrices avaient été ouverts, seule leur liquidation étant différée, sans que le mandat de gestion provisoire consenti pour l'activité IARD jusqu'à l'arrivée de son successeur, ni le mandat de prospection accordé pour l'activité vie et limité à la souscription de nouveaux contrats, ne soient de nature à reporter jusqu'à la cessation effective de toute activité les délais de non-rétablissement statutaire ou conventionnel afférents à ses mandats d'origine ; qu'il s'ensuit que le moyen, pris, en sa deuxième branche, de ce que l'article 10 du traité de nomination IARD stipulant une obligation de non-concurrence de trois ans mais uniquement à la charge des héritiers devait prévaloir sur l'interdiction de rétablissement édicté par l'article 26 du statut des agents généraux IARD, dans sa rédaction homologuée par le décret n° 49-317 du 5 mars 1949, est nouveau, mélangé de fait en ce qu'il implique une analyse comparative de cette stipulation et des dispositions impératives de l'article 26 du statut précité, auquel il ne peut être dérogé que dans un sens favorable à l'agent général, et comme tel irrecevable ; que, dès lors, le grief de la première branche, en ce qu'il soutient que M. Ducept n'aurait été assujetti à l'obligation de non-rétablissement que dans les seules limites temporelle et géographique stipulées par l'article 11 du traité de nomination vie, manque en fait ;
Qu'ensuite, ayant retenu que le mandat de gestion provisoire du portefeuille IARD consenti à M. Ducept après sa démission était annexé aux conditions particulières de son traité de nomination, et qu'aux termes de l'accord intervenu le 17 juin 2004, il avait été convenu de maintenir le mandat vie dans ses "conditions actuelles", avec faculté de le transférer vers une société de capitaux dont M. Ducept serait au minimum le cogérant, ce dont résultait l'intention des parties de continuer à soumettre leurs relations au régime des mandats d'origine, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a déduit de cette appréciation souveraine que tant le délai statutaire de non-rétablissement de trois ans édicté par l'article 26 du statut des agents généraux IARD, que celui conventionnel de deux ans stipulé par l'article 11 du traité de nomination vie, dont la validité n'était pas contestée, n'avaient pu commencer à courir avant que l'agent cesse toute activité pour le compte des sociétés mandantes ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision de déchoir M. Ducept de son droit à indemnités compensatrices en sanction d'actes directement ou indirectement concurrentiels commis entre 2005 et 2007, pendant les périodes de non-rétablissement qui lui était imposées lesquelles n'expiraient que le 1er janvier 2008 en IARD et le 1er avril 2008 en assurance-vie ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la quatrième branche du premier moyen et sur le second moyen, qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi principal ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident des sociétés Axa France IARD et Axa France vie ; - Attendu que les sociétés Axa France IARD et Axa France vie font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes en dommages-intérêts pour concurrence déloyale alors, selon le moyen, qu'il s'infère nécessairement d'un acte de concurrence déloyale un trouble commercial générant un préjudice, fût-il seulement moral ; que la cour d'appel a constaté en l'espèce que M. Ducept avait, dans le cadre de son activité concurrente de celle de son ancien mandant, utilisé des enveloppes au nom de la société Axa et adressé des correspondances à des clients de son ancien portefeuille, en leur donnant ses nouvelles coordonnées sans préciser qu'il n'était plus agent général Axa ; qu'en déboutant néanmoins la société Axa de sa demande de dommages-intérêts fondée sur ce détournement fautif de clientèle, au seul motif qu'elle ne justifiait pas du montant des cotisations perdues du fait dudit détournement de clientèle, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt ne constate pas que les pratiques anti-concurrentielles retenues pour déchoir M. Ducept de ses droits à indemnités compensatrices en sanction de rétablissements prohibés, aient engendré un détournement de clientèle, générateur de pertes de cotisations, seul chef de préjudice distinct allégué par les sociétés d'assurances ; qu'il n'encourt donc pas les griefs du moyen ;
Par ces motifs : Rejette les pourvois.