CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 19 avril 2013, n° 12-10689
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Chic Fashion (SAS)
Défendeur :
Coup de Cœur (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aimar
Conseillers :
Mmes Nerot, Gaber
Avocats :
Selarl Recamier Avocats Associés, Mes De La Taille, Uzan, Bracka
La société Chic Fashion, spécialisée dans la création, la conception, la fabrication de vêtements de prêt-à-porter, expose qu'elle est titulaire de droits d'auteur sur une robe tunique référencée sous le numéro 6W482A.
Ayant appris que la société Coup de Cœur fabriquait et offrait à la vente un vêtement selon elle similaire à celui dont elle revendique la protection, elle a fait procéder, dûment autorisée, à une saisie-contrefaçon le 19 mars 2009, dans les locaux de cette société avant de l'assigner, le 2 avril 2009, en contrefaçon de droits d'auteur et en concurrence déloyale.
Par jugement contradictoire rendu le 11 mai 2012, le Tribunal de grande instance de Paris a rejeté l'intégralité des demandes de la requérante ainsi que la demande indemnitaire reconventionnellement formée par la société Coup de Cœur pour procédure abusive en condamnant la société Chic Fashion à verser à la défenderesse la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.
Par dernières conclusions signifiées le 4 janvier 2013, la société à responsabilité limitée Chic Fashion, appelante, demande pour l'essentiel à la cour, au visa des articles L. 113-1, L. 112-1 et L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle, d'infirmer le jugement, de dire que le modèle de robe référencé 6W482A qu'elle a créé est original et protégeable, de prononcer, en conséquence, les interdictions d'usage sous astreinte outre des mesures de confiscation et de destruction et, déboutant l'intimée de toutes ses demandes notamment au titre de la nullité des opérations de saisie-contrefaçon, de la condamner à lui verser les sommes de 70 000 euros et de 50 000 euros en réparation, respectivement, des préjudices nés de la contrefaçon et de la concurrence déloyale et en la condamnant, de plus, au paiement de la somme 10 000 euros au titre de ses frais non répétibles et à supporter les entiers dépens.
Par dernières conclusions signifiées le 6 mars 2013, la société à responsabilité limitée Coup de Cœur prie, en substance, la cour, au visa notamment des articles L. 332-1 du Code de la propriété intellectuelle et 495 du "nouveau" Code de procédure civile :
- in limine litis de déclarer nulle et de nul effet la saisie-contrefaçon pratiquée dans ses locaux,
- à titre principal, de confirmer le jugement et de rejeter l'intégralité des demandes de l'appelante,
- statuant à nouveau, de condamner l'appelante à lui verser la somme indemnitaire de 5 000 euros pour procédure abusive, cette même somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
SUR CE,
Sur la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon :
Considérant que la société Coup de Cœur fait d'abord valoir que le tribunal a omis de statuer sur cette demande qu'elle présentait en première instance ; qu'elle soutient que les opérations de saisie-contrefaçon doivent être annulées car l'huissier instrumentaire a présenté le modèle de robe argué de contrefaçon au représentant de la société, Monsieur Cheng - sans que son origine en soit attestée de quelque façon que ce soit - alors que l'ordonnance présidentielle rendue le 17 mars 2009 ne l'autorisait pas à le faire ; que cette introduction non autorisée fait grief au saisi qui a répondu à cette interpellation non autorisée ;
Que la société Chic Fashion, visant les articles 649 et 114 du Code de procédure civile, rétorque qu'à supposer que tel ait été le cas, la société intimée ne justifie ni même n'allègue d'aucun grief personnel, se contentant de citer des précédents jurisprudentiels ; qu'en outre, elle aurait, au contraire, subi un grief si elle n'avait pu voir le modèle contrefait et donc la similitude des modèles ; qu'enfin, l'huissier a fait le constat des marchandises contrefaisantes avant même de s'adresser au représentant de la société de sorte qu'il a parfaitement exécuté sa mission ;
Considérant, ceci rappelé et s'agissant de la recevabilité de la demande, que selon le dispositif des dernières conclusions de première instance de la société Coup de Cœur, signifiées le 31 mars 2011 (page 19/20) cette dernière présentait effectivement une demande tendant à voir annuler les opérations de saisie-contrefaçon pratiquées dans ses locaux ;
Que le jugement n'a pas tranché cette question, la demande n'étant d'ailleurs pas mentionnée dans la reprise des prétentions de la défenderesse, de sorte qu'elle ne s'analyse pas en une demande nouvelle en cause d'appel et qu'elle doit être déclarée recevable ;
Que, s'agissant de la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon qui constitue une défense au fond et non point une exception de procédure, il est constant que l'huissier a présenté un modèle de vêtement argué de contrefaçon au représentant de la société Coup de Cœur et que cette initiative excédait le périmètre de l'autorisation donnée par le délégataire du Président du tribunal saisi ;
Que, consignant ses diligences par procès-verbal, l'huissier indique :
"Sur place, à l'enseigne "Coup de Cœur", je constate dès l'entrée la présentation en exposition le modèle argué de contrefaçon.
Je décline mon identité, accompagnée des forces de police et signifie l'ordonnance à la personne se présentant responsable, Monsieur Cheng.
Je lui présente le modèle original et le modèle argué de contrefaçon acheté chez lui.
Monsieur Cheng reconnaît le modèle et, au moment de ma venue, plusieurs employés rangeaient le modèle dans des cartons. En vente, le modèle référencé 802 et décliné dans plusieurs coloris, plusieurs imprimés et se décompose en petites manches gansées de satin ainsi que le devant de la robe garni de pierres en laçage au dos avec fronçage.
Se trouve sur le comptoir un carnet avec référence 802, 162 modèles reçus - pièce I.
Puis nous procédons à la quantité des articles se trouvant à l'intérieur de la boutique : 500 robes sur des pendants et 589 robes trouvées en stock dans des cartons. Je procède à la saisie de deux modèles sur lesquels j'appose des scellés.
Puis je demande à voir les livres comptables, registres, carnets de commandes et d'expéditions.
Monsieur Cheng me précise qu'il n'a rien ici et que tout est chez son comptable (...)" ;
Que le surplus des déclarations de Monsieur Cheng porte sur le prix d'une robe ; que sur interpellations successives relatives aux documents comptables, à divers documents en langue chinoise ou à un ordinateur également en langue chinoise, Monsieur Cheng s'est refusé à donner des explications ou a renvoyé l'huissier à "voir (son) patron" ;
Qu'il est constant qu'en l'absence de découverte préalable sur les lieux de la saisie d'objets argués de contrefaçon, l'huissier instrumentaire ne peut, sans y avoir été expressément et précisément autorisé, produire aux personnes présentes ceux des objets visés par l'ordonnance autorisant la saisie-contrefaçon afin de recueillir les déclarations spontanées quant aux actes argués de contrefaçon ;
Que les constatations de l'huissier reprises in extenso, ci-avant, permettent de considérer que l'huissier instrumentaire a, préalablement à la production litigieuse à la personne présente dans les locaux de la société Coup de Cœur, découvert sur les lieux de la saisie le modèle de robe argué de contrefaçon puisqu'il écrit en préambule : "je constate dès l'entrée la présentation en exposition le modèle argué de contrefaçon" ;
Qu'il peut être ajouté que cette présentation n'a pas eu pour effet de provoquer spontanément des déclarations du personnel de cette société qui s'en serait abstenu, n'eût été cette présentation, dans la mesure où le responsable interrogé s'est montré particulièrement taisant ;
Qu'il s'en évince que la demande est recevable mais mal fondée ;
Sur la titularité des droits :
Considérant que pour "rejeter l'intégralité des demandes de la société Chic Fashion" le tribunal s'est prononcé, ensemble, sur "la titularité des droits, l'originalité du modèle et la contrefaçon" en considérant qu'il appartenait au demandeur à l'action d'identifier précisément le modèle et d'en caractériser l'originalité, ce dont la société Chic Fashion s'abstenait ;
Considérant qu'en cause d'appel la société Chic Fashion, visant les articles L. 113-1 et L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle, se prévaut de la divulgation du modèle n° 6W482A créé pour son compte en juillet 2008 et ceci à compter du mois d'août 2008, précisant que les marques apposées sur les vêtements commercialisés ("Classic Tee's" et "Classic Tee-Shirts") sont des marques qu'elle exploite et soutenant que la nature du contrat de travail la liant au créateur importe peu ;
Qu'en réplique, la société Coup de Cœur fait valoir que n'est pas rapportée la preuve de la création et de sa date compte tenu des incertitudes entourant tant le contrat de travail et la situation du styliste désigné comme le créateur de la robe revendiquée que la fiche technique de création ; qu'elle s'interroge sur le caractère tardif du dépôt Fidealis et se prévaut de son inaptitude à prouver une création ;
Qu'elle soutient encore que l'appelante ne peut se retrancher derrière la présomption de titularité des droits d'auteur puisque si la fiche technique produite identifie l'œuvre revendiquée, le processus créatif est ignoré ; qu'il ne peut, de plus, être établi une corrélation entre les factures produites, avec des variations de prix qui ne s'expliquent pas, et le modèle de robe revendiqué; que, par ailleurs, l'étiquetage suscite la suspicion ; qu'enfin, doivent être proscrites des pratiques consistant à prospecter le marché asiatique et à sélectionner des modèles qui seront exploités sous le nom de la personne morale afin de s'en garantir l'exploitation monopolistique ;
Considérant, ceci rappelé, qu'il est constant que la personne morale qui commercialise de façon non équivoque une œuvre de l'esprit est présumée à l'égard des tiers recherchés en contrefaçon et en l'absence de toute revendication du ou des auteurs, détenir sur ladite œuvre les droits patrimoniaux de l'auteur ;
Que pour bénéficier de cette présomption simple, il appartient à la personne morale d'identifier précisément l'œuvre qu'elle revendique et de justifier de la date à laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation ; qu'il lui incombe également d'établir que les caractéristiques de l'œuvre qu'elle revendique sont identiques à celles dont elle rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom ;
Qu'enfin, si les actes d'exploitation propres à justifier l'application de cette présomption s'avèrent équivoques, elle doit préciser les conditions dans lesquelles elle est investie des droits patrimoniaux de l'auteur ;
Qu'en l'espèce, le grief tiré de l'absence de corrélation entre le modèle revendiqué, portant un étiquetage étranger au nom "Chic Fashion" mais se rapportant aux marques qu'elle exploite et les 171 factures à en-tête "Chic Fashion" attestant de la commercialisation du modèle "Tunic6W482A" à compter du 29 août 2008 et jusqu'au 12 mars 2009 (pièce 178 de l'appelante) doit être écarté dans la mesure où la fiche technique de création que l'appelante produit supporte cette mention 6W482A (pièce 1) et qu'il n'est pas contesté que ce croquis correspond à la robe tunique produite aux débats ;
Qu'il résulte de ces pièces que l'appelante rapporte la preuve de la commercialisation, sous son nom, de ce vêtement à compter du 29 août 2008 ;
Que si la société Coup de Cœur se prévaut, néanmoins, du caractère équivoque de ces actes d'exploitation, l'analyse particulièrement détaillée à laquelle elle se livre du contrat de travail, des bulletins de salaire et du titre de séjour du styliste désigné par la société Chic Fashion comme étant le créateur de cette robe tunique pour affirmer qu'il n'est pas établi qu'il ait été salarié de l'appelante au moment où il est prétendu que la robe-tunique litigieuse a été créée (soit le 23 juillet 2008) est dénuée de portée dès lors que la présomption de titularité des droits d'auteur a vocation à s'appliquer en l'absence, comme en l'espèce, de revendication du créateur et qu'il n'est pas nécessaire qu'un styliste soit salarié pour créer un modèle pour une société ;
Que ce styliste, de nationalité chinoise, atteste d'ailleurs, en joignant une copie de ses documents d'identité (pièces 3 à 6), qu'il a commencé son activité en tant que styliste de la société Chic Fashion le 1er août 2007, qu'il a créé le dessin du modèle référencé 6W482A le 23 juillet 2008 pour son compte, qu'il lui a cédé ses droits de propriété intellectuelle et qu'il a mis au point le premier prototype de ladite référence auprès de Zhijang Weina Dresses Ltd le 27 juillet 2008 ;
Qu'il ne peut, non plus être considéré que le dépôt Fidealis, effectué le 06 février 2009, l'ait été pour les besoins de la cause puisqu'il est antérieur à la requête aux fins de saisie-contrefaçon et à la délivrance de l'acte introductif d'instance ;
Qu'il s'en déduit que la société Chic Fashion peut prétendre au bénéfice de la présomption de titularité des droits d'auteur ;
Sur l'originalité :
Considérant que pour revendiquer la protection instaurée par le Livre I du Code de la propriété intellectuelle, la société Chic Fashion en décrit comme suit les caractéristiques dont la combinaison est, selon elle, au fondement de son originalité :
- robe style tunique,
- décolleté carré en satin uni serti de pierres,
- ceinture fine à lier dans le même tissu que la robe,
- hauteur totale de la robe : 100 centimètres,
- tissu imprimé base motifs géométriques,
- cercles concentriques sur le tissu positionné dans le bas du vêtement et dans le bas des manches (vers le poignet),
- smocks de dos,
- liens en tissu dans l'encolure de dos,
- manches montées, légèrement bouffantes et longues resserrées au poignet reprenant le motif du tissu dans le même sens que la robe ;
Qu'elle ajoute que le choix des tissus, les manches transparentes, le mélange de tissu satin et de soie imprimée ou encore la présence de pierres à l'encolure traduisent un effort de création et la personnalité de son auteur ;
Que pour contester l'originalité de cette robe-tunique, la société intimée fait valoir que la société appelante se contente de présenter une liste superficielle des prétendues caractéristiques de la robe revendiquée ; qu'en outre, il ne lui est pas permis de s'approprier les éléments qui, pris isolément, relèvent du domaine public et que doit être appliqué "le critère de substituabilité" selon lequel il est impossible de distinguer des produits ne disposant pas d'une "physionomie propre et nouvelle" de modèles similaires ou qui relèvent seulement des tendances de la mode; qu'elle en conclut que le modèle n° 6W482A "est parfaitement antériorisé comme faisant partie intégrante du domaine public et du patrimoine de la mode dans lequel tout styliste est en droit de se référer" ;
Considérant, ceci rappelé, qu'il n'y a pas lieu de se prononcer, comme le demande la société intimée, sur "la physionomie propre et nouvelle" du modèle, notion étrangère au droit d'auteur, à l'instar de l'antériorisation, seule devant être recherché, dans la combinaison revendiquée et non point dans chacun des éléments dont il importe peu qu'ils constituent isolément des emprunts au fonds commun de la mode ou à ses tendances, un effort créatif porteur de l'empreinte personnelle de son auteur ;
Que force est de relever que, par-delà les généralités avancées par l'intimée, il n'est produit aucune œuvre qui aurait été commercialisée avant le mois d'août 2008 et qui reprendrait, dans la même combinaison, les caractéristiques revendiquées ;
Que le choix consistant à juxtaposer des étoffes différentes en leur adjoignant des minéraux, à mêler plis, manches bouffantes, smocks et motifs rectilignes ou concentriques en diverses parties de la robe révèle un effort de création et un parti pris esthétique qui porte l'empreinte de la personnalité de son auteur ;
Qu'il suit que cette robe tunique est éligible à la protection conférée par le droit d'auteur ;
Sur la contrefaçon :
Considérant que, sur le fondement de l'article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle, la société appelante s'attache à mettre en exergue, afin de justifier sa qualification de copie servile, les ressemblances entre le modèle n° 6W482A qu'elle revendique et la tunique-robe référencée 802 commercialisée par la société Coup de Cœur, laquelle reprend, dans la même combinaison les caractéristiques revendiquées à savoir : le décolleté carré, l'encolure sertie de pierres, le motif géométrique du tissu, les cercles étant placés en bas de la robe, la longueur de la robe, les smocks dans son dos, le lien dans le décolleté du dos, la ceinture dans le même tissu flou et les manches bouffantes resserrées aux poignets ; qu'elle ajoute que le tissu utilisé par la société intimée et le même ;
Qu'en réplique, la société Coup de Cœur qui consacre un chapitre de ses écritures à la contrefaçon, ne débat que de la titularité des droits et de l'originalité de la robe tunique en s'abstenant d'argumenter sur les faits de contrefaçon qui lui sont reprochés ;
Qu'eu égard aux pièces produites et en l'absence de contestation de l'intimée, il convient de considérer que la société appelante est fondée en son action en contrefaçon et que le jugement, en ce qu'il a "rejeté" cette demande doit être infirmé ;
Sur la concurrence déloyale :
Considérant qu'à ce titre, la société Chic Fashion qui déclare avoir fait de cette robe tunique un produit phare, incrimine la copie servile de son produit, la pratique de prix inférieurs, le fait que la société Coup de Cœur a profité de ses investissements importants (embauche d'un créateur, choix du tissu, réalisation et modification du prototype, voyages en Chine) sans exposer de frais ainsi que l'effet de gamme créé par sa concurrente ;
Mais considérant que la commercialisation d'une copie servile ne constitue pas, en soi, un acte contraire aux usages loyaux et honnêtes du commerce ;
Que le fait de commercialiser un produit à un moindre coût, s'il ne s'agit pas d'une vente à perte, participe du libre exercice de la concurrence ;
Qu'il n'est pas démontré que les investissements allégués, qui se rapportent d'ailleurs à la création du modèle et ressortent de l'action en contrefaçon, aient été consacrés précisément à la robe-tunique revendiquée dont il n'est que prétendu qu'il s'agit d'un produit phare de la collection ;
Qu'enfin, le simple fait de décliner une robe en plusieurs coloris, comme il est d'usage courant en ce domaine, ne constitue pas un acte de concurrence déloyale ;
Que la société Chic Fashion sera, par conséquent, déboutée de sa réclamation à ce titre ;
Sur les mesures réparatrices :
Considérant que pour chiffrer à la somme de 70 000 euros le préjudice subi du fait des actes de contrefaçon retenus, la société Chic Fashion fait état de la privation de la possibilité d'écouler ses stocks dont elle a été victime puisque la robe tunique contrefaisante était vendue au prix unitaire de 8 euros au lieu de 13,50 euros HT, que selon son comptable 3 119 pièces ont été vendues sur les 6 271 achetées et que le stock aurait pu générer un chiffre d'affaires de 42 391,41 euros HT ; que ses statistiques révèlent d'ailleurs une baisse brutale de son chiffre d'affaires ;
Que la société intimée oppose à cette argumentation qui ne fait pas nettement le départ entre les préjudices résultant de la contrefaçon et de la concurrence déloyale, l'absence de preuve du préjudice dont elle demande réparation, que ce soit celle des investissements réalisés, de son manque à gagner, d'autant que la mode vestimentaire a changé, ou de l'atteinte à son image et à sa prétendue notoriété ;
Considérant, ceci exposé, qu'aux termes de l'article L. 331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral du fait de l'atteinte ;
Que les faits de contrefaçon de l'espèce n'ont pas manqué de banaliser la robe tunique revendiquée ni de contribuer à sa dilution ; que selon le procès-verbal de saisie-contrefaçon la masse contrefaisante s'établit à 1 098 articles ; qu'eu égard à ces éléments ainsi qu'aux données chiffrées par ailleurs fournies par la société appelante et non contestés, il convient de fixer à la somme de 10 000 euros le montant de l'indemnité venant réparer le préjudice subi au titre de la contrefaçon ;
Qu'il convient également d'ordonner les mesures d'interdiction et de confiscation sollicitées selon les modalités précisées au dispositif ;
Sur les demandes accessoires :
Considérant que la teneur du présent arrêt conduit à débouter la société Coup de Cœur de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ; que, par motifs substitués, le jugement sera confirmé de ce chef ;
Considérant, s'agissant de l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, qu'il y a lieu d'infirmer le jugement de ce chef et de condamner la société Coup de Cœur à verser à l'appelante une somme de 5 000 euros ;
Que, déboutée de sa demande à ce dernier titre, la société Coup de Cœur qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel ;
Par ces motifs : Infirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande au titre de la concurrence déloyale et la demande indemnitaire reconventionnelle et, statuant à nouveau en y ajoutant ; Rejette la demande tendant à voir prononcer la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon dressé le 19 mars 2009 ; Déclare la société à responsabilité limitée Chic Fashion recevable à agir en contrefaçon ; Dit qu'en commercialisant un modèle de robe tunique référencé n° 802 reproduisant dans la même combinaison les caractéristiques de la robe tunique référencée 6W842A exploitée par la société Chic Fashion, la société à responsabilité limitée Coup de Cœur a commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société Chic Fashion ; Condamne en conséquence la société Coup de Cœur à verser à la société Chic Fashion la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi ; Fait interdiction à la société Coup de Cœur de fabriquer, faire fabriquer, importer, commercialiser la robe tunique référencée n° 802 sous astreinte de 200 euros par infraction constatée, 15 jours après la signification du présent arrêt ; Ordonne la confiscation de tous modèles contrefaisant la robe tunique référencée 6W842A détenus par la société Coup de Cœur et leur remise à la société Chic Fashion pour destruction en présence d'un huissier, et ceci aux frais exclusifs de la société Coup de Cœur ; Déboute la société Coup de Cœur de ses prétentions au titre de ses frais non répétibles ; Condamne la société Coup de Cœur à verser à la société Chic Fashion la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.