CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 24 avril 2013, n° 11-11191
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Traces Ecrites (SAS)
Défendeur :
L'Yonne Républicaine (SACCV)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Luc, Pomonti
Avocats :
Mes Etevenard, Anne, Melun, Jeandaux
Vu le jugement du 18 avril 2011 par lequel le Tribunal de commerce d'Auxerre a débouté la société Traces Ecrites de l'ensemble de ses demandes, l'a condamnéE à payer à la société L'Yonne Républicaine la somme de 1 500 par application de l'article 700 du Code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens ;
Vu l'appel relevé par la société Traces Ecrites et ses dernières conclusions signifiées le 19 décembre 2011 par lesquelles elle demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil ainsi que de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau de :
1) dire que la société L'Yonne Républicaine a rompu abusivement la relation contractuelle subsidiairement, la relation commerciale qui les unissait,
2) en conséquence, condamner la société L'Yonne Républicaine à lui payer :
- la somme de 14 275,81 à titre d'indemnité de préavis pour rupture de la relation contractuelle ou subsidiairement, pour rupture brutale de la relation commerciale établie,
- la somme de 9 243,44 à titre d'indemnité de préavis pour perte de chiffre d'affaires en 2007 ou, subsidiairement, au titre du préjudice subi en 2007 du fait de la rupture partielle de la relation commerciale établie,
- la somme de 7 137,90 à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat ou, subsidiairement, pour rupture vexatoire de la relation commerciale établie,
- les intérêts au taux légal sur les sommes demandées à compter du 5 mai 2008, date de réception de la mise en demeure restée vaine, et capitalisation,
- condamner la société L'Yonne Républicaine aux dépens et à lui payer la somme de 3 000 par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 13 juin 2012 par la société L'Yonne Républicaine qui demande à la cour de :
- débouter la société Traces Ecrites de toutes ses demandes,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- y ajoutant, condamner la société Traces Ecrites aux dépens d'appel et à lui payer la somme de 2 000 par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
SUR CE
Considérant que Traces Ecrites, appelante se présente comme une agence de presse agréée constituée en société commerciale et fournissant en particulier des articles à des entreprises de presse ; qu'elle fait valoir qu'elle a entretenu des relations d'affaires avec le journal L'Yonne Républicaine depuis mi-1992, mais qu'à compter de 2007, elle a subi une réduction drastique des commandes et que, en 2008, L'Yonne Républicaine a rompu toute relation avec elle, brutalement et sans préavis ; qu'elle invoque l'existence d'un contrat à durée indéterminée et, subsidiairement, l'existence d'une relation commerciale établie ;
Considérant que L'Yonne Républicaine, journal quotidien départemental, expose qu'elle élargit ponctuellement sa couverture au secteur de Dijon et que, pour cette raison, sa rédaction s'est montrée intéressée lorsque l'agence de presse Traces Ecrites, basée en Côte d'Or, lui a proposé de couvrir certains événements concernant notamment l'actualité économique ; que pour s'opposer aux prétentions de l'appelante, elle allègue que c'est Traces Ecrites qui lui proposait des sujets au coup par coup, qu'elle acceptait ou non, et lui facturait ensuite sa prestation ; qu'elle précise que cette façon de procéder a fonctionné de 1992 à 2007, sans aucun engagement de sa part en terme de volume de travail ou de prestations particulières et sans montant de règlement fixe, régulier et permanent ; qu'elle prétend que les propositions de Traces Ecrites ont été moindres en 2007 et inexistantes en 2008, la contraignant à envoyer ses journalistes d'Auxerre à Dijon pour couvrir l'actualité économique ; qu'elle souligne que les parties ont toujours agi en totale indépendance, Traces Ecrites refusant plusieurs fois de couvrir certains événements au motif de contraintes familiales ; qu'elle ajoute que Traces Ecrites reconnaît elle-même avoir couvert moins d'événements à partir de 2005 et que cette agence ne s'est jamais plainte en 2007 de la diminution de ses prestations ;
Mais considérant que M. Gaye, ancien journaliste de L'Yonne Républicaine, atteste avoir collaboré régulièrement pendant plus de 15 ans avec les journalistes de l'agence Traces Ecrites à Dijon, déclarant leur avoir commandé des articles que la rédaction en chef avait au préalable validés ; que M. Delorme, ancien rédacteur de L'Yonne Républicaine de 1999 à 2005, atteste avoir eu recours à Traces Ecrites, cette agence basée à Dijon répondant à ses commandes sur des sujets concernant l'information politique et économique et lui proposant des sujets d'articles, acceptés ou pas en fonction de leur intérêt, sa rémunération se faisant au feuillet publié ; qu'il résulte de ces attestations, confortées par d'autres et par la production de factures de Traces Ecrites, la preuve, non d'un contrat à durée indéterminée, mais d'une succession de contrats ponctuels conclus régulièrement pendant 15 ans qui caractérisent l'existence d'une relation commerciale établie portant sur la fourniture de prestations de service ;
Considérant que l'expert-comptable de Traces Ecrites certifie que les chiffres d'affaires de l'agence de presse réalisés avec société L'Yonne Républicaine ont été de 12 722 sur un total de 123 277 en 2005, 11 832 en 2006, sur un total de 90 779 , de 5 032 en 2007 sur un total de 105 443 , pour se réduire à 0 à compter de 2008 ; qu'en l'absence d'autres éléments probants sur les chiffres d'affaires antérieurs à 2005, la rupture partielle de la relation en 2007 n'est pas démontrée ; que la rupture est intervenue en 2008, sans préavis écrit de la société L'Yonne Républicaine dont la responsabilité se trouve dès lors engagée par application de l'article L. 442-6 I 5° ;
Considérant, eu égard à la durée de la relation et aux chiffres d'affaires réalisés par Traces Ecrites avec L'Yonne Républicaine, qu'un préavis d'un an aurait dû être respecté ; que même si Traces Ecrites a pu maintenir son chiffre d'affaires après 2008 au même niveau que précédemment, il n'en reste pas moins que la rupture sans préavis lui a causé un préjudice tenant au fait qu'elle a dû rechercher dans l'urgence d'autres donneurs d'ordre ; qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, son préjudice sera fixé à la somme globale de 10 000 ; que Traces Ecrites ne justifie aucunement du caractère vexatoire de la rupture, ni du fait que son image ou sa réputation auraient été compromises ; qu'en conséquence, sa demande de ce chef sera rejetée ;
Considérant qu'il convient de faire courir les intérêts sur la somme de 10 000 à compter du 18 avril 2011, date du jugement ; que la capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions prévues par l'article 1154 du Code civil ;
Considérant que par application de l'article 700 du Code de procédure civile, il y a lieu d'allouer la somme de 2 500 à Traces Ecrites, L'Yonne Républicaine étant déboutée de sa demande à ce titre ;
Par ces motifs : Infirme le jugement en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau, Condamne la société L'Yonne Républicaine à payer à la société Traces Ecrites la somme de 10 000 , en réparation du préjudice résultant de la rupture sans préavis de la relation commerciale établie, avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2011, Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par l'article 1154 du Code civil, Condamne la société L'Yonne Républicaine à payer à la société Traces Ecrites la somme de 2 500 par application de l'article 700 du Code de procédure civile, Déboute les parties de leurs autres demandes, Condamne la société L'Yonne Républicaine aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.