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Décisions

Cass. crim., 24 avril 2013, n° 12-80.334

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

Mme Ract-Madoux

Avocat général :

M. Bonnet

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié, SCP Baraduc, Duhamel

Paris, prés., du 15 nov. 2011

15 novembre 2011

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société X France, contre l’ordonnance n° 110 du premier président de la Cour d’appel de Paris, en date du 15 novembre 2011, qui a confirmé l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ayant autorisé l’Autorité de la concurrence à procéder à des opérations de visite et saisie de documents, en vue de la recherche de preuves de pratiques anticoncurrentielles ; - Vu les mémoires produits en demande, en défense et en réplique ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 66 de la Constitution, 2, 4 et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen, 6 et 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, 101 du TFUE, 7, 47 et 52 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, L. 420-1, L. 450-4 du Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a dit n'y avoir lieu à annulation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Créteil, en date du 15 octobre 2010, ayant autorisé une visite et saisie dans les locaux de divers organisme et sociétés dont ceux de la société X à Boulogne-Billancourt et a confirmé l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions ;

"aux motifs que la demanderesse demande, notamment au visa des dispositions des articles L. 450-4 du Code de commerce et 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, d'annuler cette décision, avec toutes conséquences de droit, faisant valoir qu'elle serait dépourvue de fondement et imprécise quant aux mentions relatives au droit d'appel, étant relevé que la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) présentée dans un mémoire distinct (déposé le 2 mai 2011) et évoquée par la société X a depuis fait l'objet d'une ordonnance de refus de transmission le 4 octobre 2011 : que sur les droits procéduraux, le dispositif de la décision critiquée énonce clairement que l'ordonnance est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel dans le ressort du juge ayant autorisé les visites et saisies dans un délai de dix jours à compter de sa notification ; que la décision permet ainsi un recours effectif ; qu'au demeurant la société X a été en mesure de valablement former celui-ci, ainsi que le relève l'Autorité ; qu'aucun grief n'est caractérisé, étant observé que l'intéressée ne saurait sérieusement se prévaloir à cet égard d'une prétendue incertitude sur le caractère franc du délai prévu par la loi, la juridiction compétente ou le lieu de déclaration d'appel, alors qu'elle a bien agi dans le délai, qu'elle a bénéficié du temps de la procédure pour préciser ses moyens, et qu'elle ne pouvait ignorer, en l'état de commissions rogatoires données pour assurer sur place le contrôle des opérations, que seule l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant les visites et saisies était susceptible d'appel, les ordonnances rendues sur commission rogatoire n'en constituant que des actes d'exécution ; qu'en conséquence, la demande d'annulation, avec toutes ses conséquences de droit, de l'ordonnance entreprise sera rejetée ;

"1°) alors que les droits constitutionnels à un recours juridictionnel effectif, les droits de la défense, et l'équilibre des droits des parties garantis par l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen, ainsi que le respect de la vie privée garanti par les articles 2 et 4 du même texte, 7, 47 et 52 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 66 de la Constitution s'opposent à ce qu'une autorité de poursuite puisse prendre connaissance et exploiter les pièces saisies, avant même que le juge ait statué en fait et en droit sur la validité de l'ordonnance d'autorisation de visite et sur le déroulement de la saisie sans même prévoir la moindre procédure d'urgence pour examiner le recours contre l'ordonnance d'autorisation de visite ou la contestation du déroulement de la saisie, ni même enfermer l'examen de ces recours dans une condition de délai : qu'ainsi les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 ne sauraient, sans méconnaître les droits constitutionnels susvisés, autoriser l'Autorité de la concurrence à prendre connaissance et à exploiter les pièces saisies sans prévoir la moindre procédure d'urgence pour examiner le recours contre l'ordonnance d'autorisation de visite ou la contestation du déroulement de la saisie ; qu'à la suite de la déclaration d'inconstitutionnalité qui interviendra, l'arrêt attaqué se trouvera privé de base légale au regard des textes susvisés ;

"2°) alors qu'en matière de visite domiciliaire, les personnes concernées doivent pouvoir obtenir un contrôle juridictionnel effectif en fait comme en droit de la régularité de la décision prescrivant la visite ; que la notification de l'ordonnance d'autorisation de visite qui se borne à recopier les dispositions de l'article L. 450-4 du Code de commerce relatives aux voies de recours sans identifier clairement la juridiction et le greffe compétents pour enregistrer le recours ni mentionner les règles de computation du bref délai d'appel de dix jours ne satisfait pas aux exigences du recours effectif ; qu'en décidant le contraire, le délégué du premier président a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, 101 du TFUE, 7, 47 et 52 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne, ainsi que les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"3°) alors que l'omission des mentions permettant à tout intéressé d'effectuer un recours de pleine juridiction contre une ordonnance d'autorisation de visite et saisie constitue une irrégularité de fond entraînant par elle-même l'annulation de la mesure ; qu'en affirmant au contraire qu'à défaut de démontrer l'existence d'un grief causé par ces omissions, le moyen d'annulation devait être écarté, la cour d'appel qui a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, 101 du TFUE, 7, 47 et 52 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et L. 420-1 ainsi que les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales, 101 du TFUE, 7, 47 et 52 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, L. 420-1, L. 450-4 du Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a dit n'y avoir lieu à annulation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Créteil, en date du 15 octobre 2010, ayant autorisé une visite et saisie dans les locaux de divers organisme et sociétés dont ceux de la société X à Boulogne-Billancourt et a confirmé l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions ;

"aux motifs que la rapporteure générale de l'Autorité a, dans le cadre d'une enquête par elle demandée le 5 octobre 2010 sur proposition du rapporteur, présenté, par requête du 8 octobre 2010, déposée le 14 octobre 2010, au juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Créteil une demande d'autorisation de pratiquer des OVS, notamment dans les locaux de l'appelante, aux fins de rechercher la preuve des agissements entrant dans le champ de la pratique prohibée par les articles L. 420-1 2° du Code de commerce et 101-1 du TFUE (traité sur le fonctionnement de l'Union européenne) relevés dans le secteur de la fourniture de dispositifs médicaux cardiologiques, estimant disposer d'éléments d'information lui permettant de les suspecter; qu'il a été fait droit à cette requête le 15 octobre 2010, par ordonnance dont appel, laquelle retient, en particulier, que la rapporteure générale de l'Autorité est habilitée à présenter une telle demande, il ressort de l'ensemble des éléments transmis par celle-ci, ayant une origine apparemment licite, "qu'à l'occasion de plusieurs appels d'offres lancés par des hôpitaux situés dans différentes régions du territoire national, une pratique continue de la part" de cinq fabricants différents, dont la société Medtronlc, "consistant à soumettre des offres alignées sur le tarif prévu à la LPPR" (liste des produits et prestations remboursables) "pour chacun des dispositifs concernés, sans qu'aucune remise ne soit accordée" a été observée, "qu'il y a tout lieu de présumer que le comportement convergent" de ces fabricants "résulterait soit d'échanges d'informations, soit d'une action coordonnée de la part de ceux-ci visant à ne pas accorder de remises sur les tarifs prévus par la LPPR, restreignant significativement la concurrence par les prix dans le cadre des appels d'offres lancés par les hôpitaux" et "que la mise en œuvre de la pratique présumée a pour effet de mettre en échec le jeu de la concurrence entre les fabricants résultant normalement des mécanismes d'appels d'offres", "le recours aux pouvoirs de l'article L. 450-4 du Code de commerce constitue le seul moyen d'atteindre l'objectif recherché", les OVS "sollicitées ne sont pas disproportionnées au regard de l'objectif à atteindre, puisque les intérêts des entreprises et organisme professionnel concernés sont garantis, dès lors que les pouvoirs de l'Autorité" sont utilisés sous contrôle judiciaire, et il "est vraisemblable que les documents utiles à l'apport de la preuve se trouvent dans les locaux", en particulier, de l'entreprise X ; que l'appelante demande, notamment au visa des dispositions des articles L. 450-4 du Code de commerce et 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, d'annuler cette décision, avec toutes conséquences de droit, faisant valoir qu'elle serait dépourvue de fondement et imprécise quant aux mentions relatives au droit d'appel, étant relevé que la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) présentée dans un mémoire distinct (déposé le 2 mai 2011) et évoquée par la société X a depuis fait l'objet d'une ordonnance de refus de transmission le 4 octobre 2011 ; que la société X reproche à la décision entreprise de ne pas avoir sérieusement vérifié les éléments d'information fournis et les indices allégués par l'Autorité, lesquels ne sauraient, selon elle, établir une présomption de pratiques anticoncurrentielles, - respecté le principe de proportionnalité au regard du but poursuivi ; que l'Autorité fait valoir que le recours ne saurait porter que sur la légalité de l'ordonnance et conteste formellement la pertinence des griefs invoqués ; que sur l'autorisation, avant de délivrer l'autorisation de procéder aux OVS le juge doit vérifier, de manière concrète, le bien-fondé de la demande et, dans l'ordonnance autorisant la visite et la saisie, il doit délimiter le marché concerné (point non litigieux en l'espèce) et caractériser les pratiques anticoncurrentielles présumées ; qu'il doit encore s'assurer de la proportionnalité des mesures sollicitées ; que la demanderesse soutient que les sept exemples de procédures d'appel d'offres lancés par les hôpitaux publics et les deux procès-verbaux d'auditions anonymes produits à l'appui de la demande d'autorisation ne permettraient d'établir une présomption d'échange d'informations ni d'action coordonnée, tandis que le cadre réglementaire contraignant du marché expliquerait le comportement des fabricants ; que l'Autorité prétend, au contraire, que la décision du juge des libertés et de la détention serait dûment motivée à la lumière du comportement des autres acteurs du secteur économique concerné et caractériserait l'existence d'une présomption de pratique anticoncurrentielle ; que l'ordonnance entreprise, énumère les vingt-cinq annexes (ci-après dites documents) produites par l'Autorité à l'appui de sa requête ; que si la plupart de ces documents permettent de comprendre le contexte juridique et factuel, il en résulte, notamment, que les produits en cause (défibrillateurs implantables, les stimulateurs cardiaques et les sondes associées à l'utilisation de ces dispositifs) sont inscrits sur la LPPR (document 22) et que les hôpitaux sont incités par la réglementation à faire jouer la concurrence entre les fabricants ; qu'il sera observé que le seul fait qu'un arrêté du 2 mars 2005, non soumis au juge des libertés et de la détention, permette aux hôpitaux publics de facturer, en sus des prestations d'hospitalisation, les dispositifs médicaux dans les conditions prévues à la LPPR, n'apparaît pas de nature à exclure l'intérêt (retenu par la décision critiquée) pour les hôpitaux d'obtenir à l'occasion des appels d'offre des remises, un arrêté postérieur du 9 mai 2005 (produit à l'appui de la requête, document 7) prévoyant que lorsque la facture est inférieure au tarif de la LPPR, ils peuvent se voir rembourser la moitié de la différence entre le tarif LPPR et le prix remisé obtenu du fabricant ; que l'analyse des documents relatifs aux exemples de marchés fournis par l'Autorité au juge des libertés et de la détention (documents 15, 9, 12, 8, 13,14, 10, 11) relatifs aux marchés publics organisés par les hôpitaux suivants ; CHU de Rennes, de Pau, d'Orléans, de la côte basque à Bayonne, AP-Hôpitaux de Paris, CH Henri Mondor à Aurillac, CHU de Reims, a pu exactement permettre de retenir que cet examen corroborait les deux procès-verbaux particulier, que cinq fournisseurs, en ce compris la société X, présentent des offres identiques, correspondant au prix plafond fixé par la LPPR, sans accorder de remise depuis 2005 pour des dispositifs médicaux cardiologiques ; qu'ainsi les centres hospitaliers précités font tous état de propositions identiques aux tarifs LPPR, l'AP-HP s'interrogeant au demeurant en 2007 (document 13) sur l'utilité en de telles conditions d'appels d'offres en l'absence de remise, et précisant (document 14) que c'est depuis 2004 que les fournisseurs n'accordent aucune remise sur le tarif LPPR "estimant celle-ci injustifiée dans la mesure où les tarifs retenus par la LPPR résulte d'une négociation prix/volume" ce qui tend à conforter l'existence d'une pratique nouvelle d'alignement, même si les évolutions de prix reproduites de déclarations anonymes produits (documents 17 et 18) précisant, en pages 7 et 8 de l'ordonnance critiquée ne révèlent à cet égard que des différences antérieures (en 2004) parfois très minimes ; que l'ordonnance critiquée a pu constater qu'il pouvait en résulter une augmentation de prix significative pour les hôpitaux (citant pertinemment le cas du CH d'Orléans où il peut être relevé un écart de plus de 31 %), et une neutralisation de la concurrence par les prix sur les produits en cause, étant observé qu'il n'est pas contesté que le marché s'avère presqu'entièrement couvert par les cinq entreprises visées dans l'ordonnance critiquée, ni que la demande sur le marché français émane principalement des centres hospitaliers par voie d'appels d'offres ; que la société X soutient qu'en toute hypothèse un parallélisme des comportements serait justifié par le contexte réglementaire contraignant, le prix LPPR faisant l'objet d'une négociation avec le Comité économique de produits de santé qui intègre déjà des remises accordées par les fabricants calculées au surplus sur l'ensemble du chiffre d'affaires réalisé, ce qui exclurait des remises additionnelles aux hôpitaux ; que, cependant, il n'apparaît pas que les évolutions de la législation à partir de fin 2004 sur la fixation des niveaux de prix et de prise en charge par l'assurance maladie des produits concernés suffiraient d'évidence, à elles seules, à expliquer un parallélisme des comportements à partir de 2005, date d'entrée en vigueur du nouveau dispositif, alors qu'il n'est pas acquis qu'il serait impossible, même ponctuellement, comme non économiquement viable, de proposer lors d'un appel d'offre dans le secteur soumis à la réglementation issue de la réforme du 13 août 2004 une remise supplémentaire, s'ajoutant à celle déjà définie par le fabricant dans la fixation conventionnelle du prix de la LPPR ; qu'au contraire il s'avère, concrètement, que pour d'autres gammes de produits soumis à la tarification LPPR des remises non négligeables ont perduré (40 % selon la déclaration anonyme du 17 décembre 2007 (document n° 17), ce qui est confirmé par l'examen des documents 10 et 22 ; qu'à cet égard l'ordonnance entreprise a pu justement relever que pour deux lots de sondes d'électrophysiologie "il a pu être observé de la part des mêmes fabricants des remises pouvant aller respectivement jusqu'à 55 et 63 %" et qu'il est ainsi "possible de constater qu'en présence de concurrents", les cinq fabricants suspectés "peuvent proposer ponctuellement des remises" ; que certes la mise en évidence résultant de la confrontation des déclarations anonymes et des marchés analysés dans la décision entreprise d'une identité constante de prix depuis 2005, faute de remise pour les produits en cause accordées par les cinq fournisseurs, relève d'un marché où les prix sont réglementés, mais elle n'en constitue pas moins un indice sérieux de concertation dès lors qu'en présence d'autres acteurs du secteur cette pratique n'apparaît plus s'imposer ; que les déclarations recueillies sous couvert d'anonymat, respectivement par les agents de la DGCCRF et de l'Autorité, dont l'incohérence n'est pas démontrée même si elles n'émanent pas d'experts, contiennent des indications suffisamment précises, confortées par l'analyse motivée des marchés précités reproduite dans l'ordonnance incriminée permettant en fait de légitimement suspecter, nonobstant les impératifs de rationalité des choix des fabricants invoquée, une possible action, ou stratégie d'entente, illicite, incluant la société appelante, rendant le marché concerné transparent, ce que seule une instruction permettra d'établir ou l'écarter ; qu'il ne peut, dans ces conditions, être valablement prétendu que le juge des libertés et de la détention n'aurait pas rempli son obligation de vérification des éléments produits, se contentant de reproduire purement et simplement le texte qui lui était soumis, étant observé que le simple fait d'avoir ainsi adopté l'analyse proposée par l'Autorité n'exclut nullement la réalité d'un contrôle effectif des éléments ayant été soumis à son appréciation ; que c'est au contraire, par une exacte appréciation de la situation, au vu de l'ensemble des documents concordants fournis, décrits et analysés, que l'ordonnance entreprise a relevé, de façon motivée, des faits, résultant de ces éléments, permettant de suffisamment caractériser l'existence d'une présomption de pratique anticoncurrentielle des entités du secteur, impliquant en particulier la société X, justifiant ainsi en application de l'article L. 450-4 du Code de commerce les OVS ordonnées afin de rechercher la preuve des agissements suspectés ; qu'à cet égard si le faisceau d'indices exigé doit être proportionné à l'atteinte aux libertés que constitue toute mesure de perquisition, il n'est pas sérieusement contestable que l'infraction à l'ordre public économique, suspectée en l'espèce, nécessite d'être appréhendée grâce à des moyens d'investigation plus poussés que ceux résultant d'une simple enquête et sont seuls de nature à permettre d'accéder aux preuves pouvant se trouver dans les locaux des entreprises concernées, dont la société X susceptible d'être impliquée ; que même si une enquête lourde a nécessairement un AAA sur la société visitée, elle ne saurait être considérée comme excessive au regard du but légitime poursuivi en l'espèce de recherche de preuves de la volonté de faire obstacle à fixation des prix par le jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse dans un secteur économique déterminé, dont on peut raisonnablement supposer qu'elles sont établies selon des modalités occultes afin d'éviter toute sanction ; qu'à raison de cet impératif de recherche efficace de la preuve de pratiques anticoncurrentielles, nécessaire au bien-être économique du pays, des mesures de visite et saisie dans les locaux de la société X n'apparaissent pas disproportionnées par rapport aux indices concrets de pratiques anticoncurrentielles résultant de l'appréciation dûment motivée des documents annexés à la requête ; qu'il en résulte que le moyen tiré du non-respect du principe de proportionnalité s'avère dépourvu de pertinence ;

1°) "alors que le juge judiciaire ne saurait autoriser sur requête une visite domiciliaire sans avoir préalablement et personnellement vérifié la pertinence des éléments fondant la demande de l'administration ; que la notion de procès équitable requiert qu'une juridiction interne qui n'a que brièvement motivé sa décision ait réellement examiné les questions essentielles qui lui ont été soumises et qu'elle ne se soit pas contentée d'entériner purement et simplement la motivation qui lui était soumise ; que le juge qui se borne à entériner un texte préétabli par l'une des parties fait naître un doute sur son impartialité ; qu'en affirmant que le fait que le juge des libertés et de la détention se soit contenter de reproduire purement et simplement le texte pré-rédigé par l'Autorité de la concurrence n'exclut nullement la réalité d'un contrôle effectif des éléments soumis à son appréciation, la conseillère déléguée de la cour d'appel a violé les articles 6 et 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, 7, 47 et 52 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne, et L. 450-4 du Code de commerce ;

2°) "alors qu'en affirmant qu'il existait des présomptions d'entente visant à faire obstacle à la fixation des prix par le jeu du marché sans rechercher comme elle y avait été invitée si l'existence de tarifs négociés entre les fabricants de matériel médical et les caisses d'assurance maladie n'était pas incompatible avec une prétendue liberté des prix et des remises ultérieures, le délégué du premier président n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visées au moyen ;

3°) "alors qu'en se bornant à affirmer qu'il n'est pas démontré qu'il serait impossible dans ce contexte réglementaire de proposer une remise supplémentaire sur le tarif de la LPPR quand il s'agissait seulement de savoir si le fait de ne pas proposer de remises supplémentaires était en soi illicite ou encore si une présomption d'entente pouvait se déduire du seul alignement des opérateurs sur un tarif public, le délégué du premier président qui a statué par des motifs impropres à établir que l'application pure et simple de la LPPR pouvait laisser présumer d'une entente n'a pas légalement justifié sa décision ;

4°) "alors que le délégué du premier président n'a pu sans se contredire considérer que l'application par les opérateurs du tarif plafond de la LPPR sans aucune remise depuis 2004 ou 2005 (nouvelle législation) tend à conforter l'existence d'une pratique nouvelle d'alignement et à laisser présumer d'une entente tout en admettant que les évolutions de prix reproduites en pages 7 et 8 de l'ordonnance critiquée ne révèlent à cet égard que des différences antérieures (2004) très minimes, ce qui démontre que même avant 2005, les fabricants n'ont jamais consenti habituellement des remises importantes par rapport au tarif de la LPPR ;

5°) "alors que la proportionnalité d'une visite et saisie domiciliaires par rapport au but recherché doit être appréciée en fonction des circonstances de fait particulières de chaque espèce ; qu'en se bornant à affirmer les mesures de visite et saisie n'apparaissent pas disproportionnées lorsqu'elles sont destinées à rechercher la preuve de la volonté de faire obstacle à la libre fixation des prix ce qui est nécessaire au bien-être économique du pays, le délégué du premier président qui n'a fait état que de considérations générales pouvant justifier n'importe quelle autorisation de visite, sans tenir compte d'aucune circonstance particulière de l'espèce, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, 7 et 52 de la charte de l'Union européenne et L. 450-4 du Code de commerce" ;

Les moyens étant réunis ; - Attendu qu'il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure que, par ordonnance du 15 octobre 2010, le juge des libertés et de la détention a autorisé le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence à réaliser des opérations de visite et saisie dans les locaux de la société X France, notamment afin de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur de la fourniture de dispositifs médicaux cardiologiques ; que la société X France a relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, le premier président prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu que le premier président, qui a constaté à bon droit que la société demanderesse a bénéficié d'un recours effectif contre la décision du juge des libertés et de la détention, s'est référé, en les analysant, aux éléments d'information produits par le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence et a souverainement apprécié, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, l'existence de présomptions d'agissements anticoncurrentiels à l'encontre de la société demanderesse ; d'où il suit que les moyens, le premier devenu sans objet en sa première branche dès lors que la Cour de cassation a dit n'y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, ne peuvent qu'être écartés ;

Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;

Rejette le pourvoi.