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Décisions

Cass. crim., 24 avril 2013, n° 12-80.346

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

M. Soulard

Avocat général :

M. Gauthier

Avocats :

SCP Baraduc, Duhamel, Me Spinosi

Paris, prés., du 15 nov. 2011

15 novembre 2011

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société X, contre l'ordonnance n° 109 du premier président de la Cour d'appel de Paris, en date du 15 novembre 2011, qui a prononcé sur la régularité des opérations de visite et saisie de documents effectuées par l'Autorité de la concurrence en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 420-1 2° et L. 450-4 du Code de commerce, 101, paragraphe 1, du TFUE, 8 § 1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, 2 alinéa 2 et 3 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, de la directive n° 95-46-CE du 24 octobre 1995 ; des articles 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 9 du Code civil, L. 1110-4 du Code de la santé publique, 226-1 et 226-13 du Code pénal, 56, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que le président de la cour d'appel a rejeté toutes les demandes d'annulation et de restitution intégrale formées par la société X ;

"aux motifs qu'ensuite de l'autorisation judiciaire obtenue le 15 octobre 2010, objet d'un recours rejeté par ordonnance de ce jour, six bureaux de la société X ont été visités le 9 novembre 2010 et les documents saisis ont été inventoriés et placés sous scellés 1 à 5, chacun des scellés 4 et 5 consistant en un DVD-R des fichiers saisis depuis les ordinateurs portables présents dans le bureau de M. 1, directeur des affaires réglementaires, et de M. 2 ainsi que des données hébergées sur le serveur et transférées sur l'ordinateur mis à disposition des rapporteurs dans le bureau de M. 1 ; que la société X demande d'annuler ces saisies informatiques placées sous les scellés 4 et 5, ainsi que le procès-verbal qui les relate, d'ordonner la restitution des documents saisis et, en toute hypothèse, d'ordonner la restitution des documents protégés ou sans rapport avec l'objet de l'enquête ; qu'à l'appui de ses prétentions elle soutient que : - l'inventaire des fichiers saisis ne permettrait pas de connaître l'étendue des saisies et de vérifier leur lien avec l'enquête autorisée, - le refus des enquêteurs de communiquer les mots-clés utilisés ne permettrait pas d'assurer un contrôle effectif en temps réel des opérations, - l'absence de ciblage des données informatiques saisies n'aurait pas permis de limiter celles-ci aux seuls documents en lien avec l'enquête et non couverts par des secrets légalement protégés, - les prescriptions de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978 n'auraient pas été respectées ; que l'Autorité conteste la pertinence de ces griefs, et demande de constater son accord pour restituer le fichier "fmj.eml" présent dans le scellé n° 5 et "après vérification, les pièces dont il serait démontré qu'elles sont véritablement couvertes par le secret médical, le secret des correspondances entre un avocat et son client ou le respect de la vie privée, sous réserve que la société X en fournisse une liste exhaustive permettant leur identification", étant relevé qu'elle a indiqué en délibéré s'accorder sur la restitution des documents listés par la société X dans sa pièce n° 6 ; sur l'inventaire : qu'il n'est pas contesté que les rapporteurs ont inventorié informatiquement, sur place, le jour des opérations, les fichiers saisis, en la présence de l'occupant des lieux ou de son représentant, après avoir eu accès aux données informatiques depuis les ordinateurs se trouvant dans les bureaux de M. 2 et de M. 1 ou mis à leur disposition, que les informations saisies ont fait l'objet d'une copie remise à l'entreprise visitée, et qu'aucune forme particulière n'est imposée pour réaliser l'inventaire des données saisies ; que la société X fait cependant valoir que les libellés des documents inventoriés doivent être suffisamment explicites pour permette un contrôle juridictionnel effectif de chacun des documents saisis et que la restitution ultérieure de documents ne saurait suffire à régulariser les opérations ; qu'elle sollicite "a minima" l'annulation de la saisie de tous les fichiers correspondant à des onglets de messagerie dont l'intitulé ne permettrait pas, selon elle, au juge de contrôler en temps utile le respect du cadre délimité de l'autorisation de saisie pour assurer un recours effectif, à savoir, s'agissant de la saisie sur l'ordinateur de M. 2 : la copie sous format ".pst" de sa messagerie Outlook et de ses archives "outlook.pst et archive.pst", la saisie des onglets intitulés "Boîte d'envoi.dbx", "Boîte de réception.dbx", "Eléments supprimés.dbx", "Eléments envoyés au 171208.dbx" et "Eléments envoyés .dbx", M. 1 : la saisie des onglets intitulés "Boîte d'envoi.bak", "Boîte de réception.bak", "Eléments supprimés.bak", "Folders.bak", "Eléments supprimés.dbx", "Folders.dbx" et "Boîte d'envoi.dbx" ; que l'Autorité fait à juste titre valoir qu'il n'est pas démontré que le principe de loyauté n'aurait pas été respecté, étant observé qu'il n'apparaît pas que la société X ait saisi les officiers de police judiciaire présents, ou le juge chargé du contrôle des opérations, d'une demande particulière pendant l'exécution de la mesure autorisée, alors que deux avocates sont arrivées sur les lieux visités aux cours des opérations ; qu'il ne saurait pas plus valablement être soutenu que l'inventaire numérique immédiatement réalisé ne permettrait pas d'identifier les données saisies, alors même que la requérante est en mesure de relever (p. 6 de ses écritures) que "le dossier "Fmj.eml" ligne 277 de l'inventaire remis concernant l'ordinateur de M. 2" contient des informations couvertes par de le secret médical et de lister en pièce 6 les données saisies sur cet ordinateur relevant du secret médical, de documents personnels ou de correspondances privées et, partant, d'exercer utilement le présent recours en permettant à la cour de se prononcer sur ses demandes de restitution ; que manifestement si les fichiers incriminés (onglets en version ".dbx" ou "bak"), dont il est admis qu'ils contiennent plusieurs centaines d'e-mails, ont été inventoriés informatiquement, ils sont suffisamment identifiés, leur nom, taille, empreinte numérique et chemins d'accès figurant dans l'inventaire ainsi qu'il résulte de la pièce n° 4 produite par la société X, et placés sous scellés répertoriés selon les bureaux de personnes dénommées où la saisie a été réalisée ; que l'établissement détaillé de l'intégralité des données, ni des répertoires inclus dans les messageries, dont il est admis qu'elles concernent plusieurs centaines de courriels, ne saurait être exigé alors que la description exhaustive des pièces mises sous scellés n'est pas légalement imposée et qu'un inventaire sous forme informatique des fichiers saisis n'est pas interdit ; qu'en l'espèce la société X bénéficie d'une copie des DVD-R placés sous scellés lui permettant de connaître précisément les données contenues dans chacun des fichiers saisis ainsi inventoriés et de vérifier de manière parfaitement fiable et exhaustive toutes les données ainsi appréhendées contenues dans ces fichiers, garantissant les droits de la défense, sans rupture de l'égalité des armes, puisque la société saisie a pu effectivement exercer le présent recours sur la base de ces copies, dont la remise a été dûment actée au procès-verbal de visite et saisie, et que l'Autorité ne s'oppose pas à la restitution de pièces listées protégées par le secret médical, le secret des correspondances avocat-client ou le respect de la vie privée ; qu'il ne saurait être retenu qu'une telle restitution serait insuffisante, alors qu'elle aura nécessairement pour effet, comme une annulation qui ne saurait porter que sur les seuls documents appréhendés irrégulièrement, d'exclure l'utilisation de données relevant de secrets professionnels ou de la vie privée, rétablissant, le cas échéant, les droits de la société saisie, ce qui constitue incontestablement un redressement approprié, la copie de ces données ne pouvant dès lors faire grief ; que l'existence d'une atteinte disproportionnée au regard des intérêts en présence n'est pas caractérisée, alors que les impératifs d'une enquête judiciairement autorisée de recherche de preuves de pratiques illicites justifient la saisie de messageries, dont il n'est pas en fait dénié qu'elles contiennent pour partie des pièces entrant dans le champ de l'autorisation, et que la restitution d'éléments protégés qu'elles sont susceptibles de contenir, qui s'avère possible quelque soient les intitulés des onglets de messageries, est de nature à exclure tout préjudice ; qu'en conséquence, les saisies ne sauraient être invalidées de ces chefs ; sur le refus de communication des mots clés : qu'il résulte des mentions du procès-verbal qu'une des deux avocates présentes a demandé la communication des mots clés utilisés pour la recherche informatique effectuée sur les ordinateurs de M. 1 et de M. 2, laquelle lui a été refusée ; que la société X soutient que cette méthode d'investigation ne permettrait pas d'assurer le respect effectif des droits de la défense ; que, cependant , les rapporteurs ne sauraient être tenus dans le cadre de l'enquête de s'expliquer sur leurs moyens de sélection ni, partant, de communiquer les mots clés leur permettant de déterminer les fichiers paraissant pertinents, au regard du nombre de documents contenus dans chacun d'eux, alors qu'aucune disposition légale n'impose cette communication et qu'il n'est nullement démontré que les fichiers saisis seraient largement hors du champ de l'autorisation judiciaire ; que la non divulgation de mots clés se justifie d'évidence par la nécessaire efficacité de la recherche légitime d'éléments susceptibles d'intéresser l'enquête, celle-ci supposant qu'il ne soit pas porté atteinte aux informations confidentielles ayant pu être préalablement reçues ni à la possible nécessité de recherches ultérieures ; qu'elle n'est pas préjudiciable à la partie saisie qui, ainsi que précédemment démontré, est parfaitement en mesure de contester l'étendue des saisies réalisées et d'obtenir ainsi un contrôle juridictionnel effectif des mesures justifiant le cas échéant une restitution, laquelle constitue une restauration appropriée des droits protégés ; qu'il ne saurait, dans ces conditions, être admis que le refus opposé est susceptible d'invalider les OVS et ce moyen de nullité sera également rejeté ; sur le caractère global des saisies informatiques : qu'il n'est pas sérieusement contesté qu'une saisie proportionnée au but poursuivi par les enquêteurs est licite, ni que les fichiers informatiques saisis contiennent des éléments d'information entrant dans le champ de l'autorisation ; que la société X reproche cependant aux opérations critiquées d'avoir, faute de précautions particulières, permis également la saisie de documents excédant le champ de l'autorisation et d'informations couvertes par un secret légalement protégé (confidentialité de la correspondance entre l'avocat et son client, caractère privé de certaines correspondances et secret médical) ; qu'elle fait valoir qu'il serait techniquement possible de copier les seuls messages utiles sans altérer les données ainsi saisies, qu'une positon contraire ne permettrait pas de réellement garantir le respect des droits, pas plus qu'une restitution, laquelle ne permettrait pas de s'assurer que les enquêteurs n'ont pas pris connaissance des documents protégés ou ne se rapportant pas à l'enquête, et que la seule réparation appropriée consiste en l'annulation des scellés 4 et 5 contenant les saisies informatiques et, à tout le moins, la non exploitation de l'ensemble des fichiers qu'ils contiennent ; qu'il résulte du procès-verbal dressé le 9 novembre 2010 que : - les saisies informatiques opérées ont été ciblées, puisqu'aucune saisie informatique n'a été réalisée après examen des ordinateurs de bureau de 3, de 4, ou de 5, et que des impressions ont été réalisées lorsque seuls quelques documents apparaissaient utiles, ce qui est le cas des documents extraits de l'ordinateur de bureau de 6, - les saisies informatiques critiquées ne sont intervenues que lorsqu'une analyse approfondie du support informatique a dû être effectuée et alors qu'il était constaté la présence de documents entrant dans le champ de l'autorisation ; qu'à l'évidence, alors que les enquêteurs peuvent saisir tous supports d'information, ils ont choisi de procéder à la saisie, par voie de copie sur les ordinateurs de bureau MM. 1 et 2 et à partir de la zone serveur sur un autre ordinateur mis à leur disposition dans le bureau de M. 1, de fichiers apparaissant présenter des données pour partie utiles à l'enquête ; qu'il ne s'agit donc pas d'une opération massive ni indifférenciée, même si elle porte sur de nombreuses données et l'intégralité d'une messagerie "Outlook", étant observé qu'il n'est nullement démontré, en l'état des critiques de la société X, que les fichiers saisis seraient largement hors du champ de l'autorisation judiciaire ; que si cette société dénonce l'insuffisance du tri opéré et la saisie globale de fichiers elle ne produit aucun élément réellement susceptible de contredire les indications techniques, quant au caractère insécable de l'ensemble indivisible formé par les fichiers en cause, fournies par l'Autorité qui précise que : - au regard de leur particularité les fichiers de messageries ne peuvent en l'état actuel de la technique être saisis que dans leur globalité, dès lors qu'ils contiennent des éléments pour partie utiles à la preuve des agissements suspectés, - chaque messagerie du type Microsoft Outlook et Microsoft Outlook Express est stockée dans un fichier conteneur unique, un tel mode de stockage préexistant ne pouvant être changé par l'utilisateur ou l'administrateur réseau, seul l'endroit du stockage pouvant être choisi, - le fait d'individualiser les messages en les extrayant est de nature à modifier l'état de l'ordinateur visité et des attributs des fichiers ; qu'à cet égard il sera relevé qu'il n'est pas discuté que chaque message peut être extrait, quoique ne figurant pas comme un fichier distinct dans le matériel informatique, l'Autorité précisant simplement, sans que soit en fait apporté d'élément contraire, que l'obligation de ne pas altérer les métadonnées des fichiers impose une saisie intégrale de ces fichiers ; qu'il en résulte que seule la saisie du fichier en son entier apparaît donner actuellement une garantie d'origine, d'intégrité et d'authenticité nécessaire, des données telles qu'elles existaient au jour de la saisie ; qu'il ne peut, dans ces circonstances, être admis qu'il serait disproportionné, compte tenu de la nécessité de préserver l'authenticité des données au jour de la saisie pour assurer tant l'efficacité de l'enquête que la garantie des droits de l'entreprise saisie, d'avoir procédé à la copie intégrale des fichiers de messageries, sans individualisation, sur place, des seuls messages entrant dans le champ de l'autorisation judiciaire alors que ces fichiers présentent des éléments intéressant l'enquête, ce qui exclut un dépassement manifeste et préjudiciable de l'objet des investigations autorisées, et que la copie remise à la société saisie lui permet d'assurer effectivement sa défense ; qu'il sera ajouté que si des correspondances échangées par la société X avec des avocats, des documents relevant du secret médical ou de la vie privée ont pu être saisis, c'est exclusivement à raison du caractère composite du contenu des fichiers de messagerie professionnelle et de sa copie en intégralité, dont il a été relevé qu'elle constituait une garantie de fiabilité ; qu'aucun moyen illicite n'a été mis en œuvre pour saisir des pièces ou documents susceptibles d'être protégés, étant observé que les regroupements, sous rubriques, ou qualifications de messages, effectués par l'utilisateur dans sa messagerie ne sauraient suffire à établir que les documents qui y figurent sont nécessairement hors champ de l'autorisation, et que seule une divulgation de telles données, inexistante en la cause, violerait la confidentialité ; qu'en l'espèce les enquêteurs ne cherchaient manifestement pas des éléments étrangers à leur mission et la société X est en mesure d'identifier utilement les pièces protégées, l'Autorité ne s'opposant pas, le cas échéant, à leur restitution laquelle aura, pour effet d'exclure l'utilisation de ces données ; que le simple fait que ces données ont néanmoins été copiées par l'Autorité ne saurait constituer une atteinte disproportionnée au regard des intérêts en présence alors que les nécessités de l'enquête judiciairement autorisée justifient la saisie de messageries intégrales laquelle préserve le saisi de toute altération des données pouvant lui être opposées ; que le fait que l'entreprise saisie doive établir la réalité de la protection invoquée ne constitue pas plus une rupture dans l'égalité des armes, alors que la copie remise lui permet de vérifier de manière parfaitement fiable et exhaustive toutes les données appréhendées et qu'il s'agit de ses propres données qu'elle peut ainsi facilement identifier et caractériser, étant observé que la pertinence de la saisie d'un document ne peut s'apprécier que par la prise de connaissance de son contenu ; qu'en définitive que la saisie opérée ne saurait être invalidée, alors que des pièces entrant dans le champ de l'autorisation y sont incluses et qu'une restitution des documents protégés est de nature à exclure tout préjudice ; que sur la loi Informatique et libertés, la société X soutient que la notion de traitement de données à caractère personnel au sens de l'article 2, alinéa 3, de la loi n° 78-17 du janvier 1978 couvrirait les opérations de collecte, de conservation et de consultation des données à caractère personnel qui résulte des saisies informatiques litigieuses et que l'obtention d'une autorisation judiciaire ne dispenserait pas l'Autorité de l'obligation de respecter les dispositions de cette loi ; que cependant le traitement reproché ne s'applique pas à un ensemble de données à caractère personnel ; que les données litigieuses sont en effet organisées en fichiers de messageries d'entreprise, par nature professionnelles et ne contiennent normalement que des messages échangés dans le cadre des activités de la société X ; que, même si des courriels à caractère personnel peuvent y être inclus, il ne peut pour autant être valablement admis que les outils mis par l'entreprise à la disposition de ses collaborateurs pour les besoins de l'activité sociale, seuls visités, perdent leur caractère professionnel ; que les fichiers en cause constituant un tout indivisible et comportant pour partie des éléments utiles, il ne peut être considéré que les saisies ainsi réalisées, dûment autorisées, visant une personne morale, sont susceptibles d'enfreindre la loi Informatique et Libertés ; que, par contre, les données saisies n'apparaissant pas techniquement divisibles, au regard de la nécessité de préserver de manière certaine leur contenu au jour de la saisie, ni étrangères au but de l'autorisation accordée, alors qu'un inventaire sur place des fichiers sélectionnés a pu être réalisé sans difficulté, avec fourniture d'une copie de l'intégralité des éléments saisis permettant un exercice effectif du droit à recours par la partie saisie, les demandes d'annulation, et de restitution de l'intégralité des documents saisis, formées à titre principal par la société X seront rejetées et seule sera ordonnée la restitution d'éléments protégés ;

"1) alors que seules peuvent être saisies les pièces entrant dans le champ de l'autorisation accordée par le juge ; qu'il résulte des mentions mêmes de l'ordonnance attaquée qu'a été saisie l'intégralité des messageries informatiques de MM. 2 et 1, au sein desquelles se trouvaient des pièces protégées par le secret médical, le secret de la correspondance ou le respect de la vie privée ; qu'en refusant l'annulation de ces saisies, aux motifs inopérants que les fichiers de messageries concernent plusieurs centaines d'emails, qu'ils contiennent pour partie des pièces entrant dans le champ de l'autorisation, et que l'Autorité de la concurrence ne s'oppose pas à la restitution a posteriori des pièces protégées par le secret médical, le secret de la correspondance ou le respect de la vie privée, que si des correspondances protégées ont pu être saisis, c'est exclusivement en raison du caractère composite du contenu des fichiers de messagerie professionnelle et de sa copie en intégralité, qu'aucun moyen illicite n'a été mis en œuvre pour saisir des pièces ou documents susceptibles d'être protégés, et que seule une divulgation de telles données violerait la confidentialité, lorsque la saisie ne peut concerner que des pièces entrant dans le champ de l'autorisation, et que les pièces couvertes par le secret médical professionnel de l'avocat ou touchant à la vie privée ne peuvent jamais être saisies, le président de la cour d'appel a méconnu les articles L. 450-4 du Code de commerce, 101, paragraphe 1, du TFUE, 8 § 1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, 9 du Code civil, 226-1 et 226-13 du Code pénal ;

"2) alors que le contrôle juridictionnel effectif des opérations de visite et de saisies suppose que soit dressé un inventaire précis des pièces saisies, seule mesure permettant au juge de s'assurer de leur contenu et de contrôler que les documents saisis entrent dans le champ de l'autorisation des opérations de perquisition ; qu'en jugeant que les fichiers de messagerie saisis dans leur intégralité ont été inventoriés et sont suffisamment identifiées, leur nom, taille, empreinte numérique et chemins d'accès figurant dans l'inventaire, lorsque ces informations, qui renseignent d'autant moins sur le contenu des fichiers ou leur objet que les modalités de sélection des documents et les mots-clés choisis par l'administration ne sont pas communiqués à l'entreprise perquisitionnée, ne mettent pas le juge en mesure de contrôler que les documents relèvent du champ de l'autorisation judiciaire, le président de la cour d'appel a de plus fort méconnu l'article L. 450-4 du Code de commerce ;

"3) alors que, relèvent des données à caractère personnel, qui se définissent comme " toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d'identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres ", les messages électroniques envoyés par les personnes physiques à titre non professionnel, quand bien même seraient-ils envoyés via une messagerie professionnelle ; qu'en jugeant que le traitement reproché ne s'applique pas à un ensemble de données à caractère personnel, que les données litigieuses sont organisées en fichiers de messageries d'entreprise, par nature professionnelles, qu'elles ne contiennent normalement que des messages échangés dans le cadre des activités de la société X, et que même si des courriels à caractère personnel peuvent y être inclus, il ne peut pour autant être valablement admis que les outils mis par l'entreprise à la disposition de ses collaborateurs pour les besoins de l'activité sociale, seuls visités, perdent leur caractère professionnel, le président de la cour d'appel a méconnu l'article 2 alinéa 2 et 3 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, la directive n° 95-46-CE du 24 octobre 1995, et l'article 101, paragraphe 1, du TFUE" ;

Attendu que, le 9 novembre 2010, les enquêteurs de l'Autorité de la concurrence, agissant en vertu d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Créteil, en date du 15 octobre 2010, ont effectué des opérations de visite et de saisie dans les locaux de la société X ;

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches : - Attendu que, pour rejeter la demande tendant à l'annulation de l'ensemble des saisies portant sur des fichiers informatiques, l'ordonnance prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que les fichiers informatiques ont été identifiés puis inventoriés et que les boîtes de messagerie électronique, qui n'étaient pas divisibles, étaient susceptibles de contenir des éléments intéressant l'enquête, le juge a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ; d'où il suit que le grief doit être écarté ;

Mais sur le moyen, pris en sa première branche : - Vu les articles L. 450-4 du Code de commerce et 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ; - Attendu que le pouvoir, reconnu aux agents de l'Autorité de la concurrence par l'article L. 450-4 du Code de commerce, de saisir des documents et supports informatiques, trouve sa limite dans le principe de la libre défense qui commande de respecter la confidentialité des correspondances échangées entre un avocat et son client et liées à l'exercice des droits de la défense ;

Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation des saisies portant sur des fichiers informatiques relatifs à des échanges entre la société X et ses avocats, l'ordonnance attaquée énonce que la restitution des fichiers litigieux, à laquelle l'Autorité de la concurrence ne s'oppose pas, aura pour effet d'exclure les données qu'ils contiennent, ce qui constitue incontestablement un redressement approprié, la copie des données en cause ne pouvant dès lors faire grief ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans prononcer l'annulation de la saisie des documents dont il constatait qu'ils relevaient de la protection du secret professionnel entre un avocat et son client et des droits de la défense, le premier président a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ; d'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs : casse et annule l'ordonnance n° 109 du premier président de la Cour d'appel de Paris, en date du 15 novembre 2011, mais en ses seules dispositions rejetant la demande d'annulation de la saisie des documents et messages électroniques relatifs à des échanges entre la société X et ses avocats, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, Renvoie la cause et les parties devant la juridiction du premier président de la Cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.