CA Colmar, 2e ch. civ. A, 20 mars 2013, n° 10-03458
COLMAR
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Anstett
Défendeur :
Bang (SA), General Motors France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leiber
Conseillers :
Mme Diepenbroek, M. Daeschler
Avocats :
Mes Heichelbech, Richard-Frick & Chevallier-Gaschy, Harnist, Torro
Le 17 septembre 2005, Mme Anstett a passé commande d'un véhicule neuf type monospace Opel Zafira Cosmos 1.9 L Diesel auprès de la société Automobiles Diemer & Fils, au prix de 23 354 21 euro (sic). Le véhicule a été livré le 30 décembre 2005 par la SAS Sama Saverne, qui avait racheté entre-temps le fonds de commerce de concession automobile, avec un filtre à particules, ce qui n'était pas précisé dans le bon de commande. Une panne liée à l'absence d'auto-régénération du filtre à particules se produisit par la suite, faute de distances parcourues suffisantes.
Une expertise judiciaire, ordonnée en référé le 18 mars 2008, a conclu à l'absence de tout défaut et à la présence effective d'un filtre à particules sur le véhicule, qui n'est pas adapté à l'utilisation souhaitée sur de petits parcours en raison du cycle de régénération.
Sur saisine de Mme Anstett en date du 30 juin 2009, le Tribunal de grande instance de Saverne, statuant contradictoirement après appel en garantie à l'encontre du constructeur, la SAS Société General Motors France, a débouté la demanderesse de ses prétentions visant à prononcer la résolution de vente pour défaut de conformité, vice caché, manquement à une obligation de délivrance et de conseil, visant subsidiairement à prononcer la nullité de la vente pour erreur sur les qualités substantielles, visant à obtenir la restitution du prix de vente et de dommages et intérêts à hauteur de 3 000 euro, a déclaré l'appel en garantie de Sama Saverne contre General Motors France sans objet, a condamné Mme Anstett aux dépens, y compris ceux de la procédure de référé, a dit n'y avoir lieu à statuer sur les conditions de prise en charge des frais d'exécution et dit n'y avoir à application de l'article 700 du Code de procédure civile, non plus qu'à exécution provisoire.
Par déclaration enregistrée au greffe le 21 juin 2010, Sylvie Anstett, divorcée Quirin, a interjeté appel général de cette décision.
Vu l'article 455 du Code de procédure civile ;
Vu les conclusions récapitulatives de Sylvie Anstett, enregistrées 25 septembre 2012, tendant, dans leur dernier état, à infirmer le jugement entrepris, à prononcer la nullité de la vente, à condamner la société Bang SA, venant aux droits de la Sama, à lui payer la somme de 23 354 21 euro (sic), avec les intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2005 ou à défaut à compter de la mise en demeure du 6 juillet 2007, subsidiairement à lui payer la dite somme à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'un montant de 3 000 euro de dommages et intérêts, un montant identique au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens ;
Vu les dernières conclusions de la SA Bang, avec appel incident provoqué, enregistrées le 9 octobre 2012, aux fins de lui donner acte qu'elle vient aux droits et obligations de Sama Saverne SAS, de déclarer l'appel irrecevable et mal fondé, de confirmer le jugement entrepris, de condamner l'appelante à lui payer 15 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les trois procédures, de la condamner à tous les dépens, y compris d'appel en garantie et à prendre en charge le droit de l'article 10 du tarif des huissiers, subsidiairement, de dire que le fabricant General Motors devra la tenir quitte et indemne de toute condamnation prononcée à son encontre au profit de Mme Anstett, de la condamner à lui payer 1 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les dépens des trois instances, y compris au titre de l'appel en garantie, de la condamner à prendre en charge le droit de l'article 10 du tarif des huissiers ;
Vu les dernières conclusions de la SAS General Motors France, reçues le 14 septembre 2011, visant à rejeter les appels, à confirmer le jugement entrepris, à rejeter l'appel en garantie de la société Bang, à condamner l'appelante, subsidiairement la société Bang aux dépens ainsi qu'à lui verser la somme de 1 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'ordonnance de clôture du 12 décembre 2012 ;
Sur ce :
Vu les pièces de la procédure et les documents joints ;
Sur le manquement à l'obligation légale de conformité et à l'obligation délivrance :
Attendu que pour critiquer le jugement entrepris en ce que le premier juge a rejeté la demande en résolution de la vente, aux motifs, en premier lieu, que l'expert avait constaté que le véhicule était conforme au type réceptionné et qu'à la date de la livraison, il était équipé d'un filtre à particule de série, aux motifs, en second lieu, qu'au regard des dispositions de l'article L. 211-10 du Code de la consommation le bien était conforme à l'usage habituellement attendu pour un véhicule diesel et qu'au regard des dispositions de l'article L. 211-5 du Code de la consommation le défaut de conformité était mineur, le filtre à particule n'imposant de rouler à plus de 40 km heures que pendant quelques dizaines de minutes environ tous les deux mois, l'appelante fait valoir qu'elle n'a pas opté pour un véhicule avec filtre à particules, selon le bon de commande, et que la documentation technique remise à l'époque ne précisait pas la présence d'un tel équipement ; qu'il ne lui appartient pas de démontrer si les véhicules étaient équipés de série au moment de la vente, alors que la réglementation européenne en matière de pollution n'impose cet équipement qu'à partir du 1er septembre 2014 ; qu'ainsi, le véhicule n'est pas conforme au sens de l'article L. 211-4 du Code de la consommation et qu'il y a manquement à l'obligation de délivrance, dès lors qu'elle n'est pas tenue d'accepter une chose différente de celle commandée ou même d'une qualité supérieure ;
Attendu que pour conclure à la confirmation pure et simple, la Sama fait valoir qu'elle a livré le véhicule mais qu'elle n'avait pas racheté le fonds de commerce de la société Diemer & Fils lors de la passation de la commande, laquelle a négocié la vente ; qu'à la date de la livraison le véhicule ne pouvait être équipé d'un filtre à particules que de série ; que la garantie légale de conformité n'a pas lieu de jouer, le véhicule livré étant conforme à la facture et le filtre n'ayant pas à se trouver sur le bon de commande puisqu'il n'est pas un élément essentiel de l'automobile mais constitue une simple amélioration technologique ; que l'objet de la vente est conforme à la définition constructeur au jour de la livraison, d'autant qu'il a été accepté sans réserve ; que le véhicule est conforme à l'utilisation habituellement attendue d'un tel bien ; que le bien est conforme et n'a pas été commandé par Sama Saverne mais par Diemer & Fils. ;
Attendu que la société Sama, devenue Bang, n'est pas à l'origine de la commande, puisqu'elle ne l'a pas passée, mais qu'elle a manifestement accepté la cession de contrat en sa faveur puisqu'elle a non seulement procédé à la livraison mais a facturé le véhicule, il y a lieu de retenir qu'elle est engagée par elle et par son exécution, tout au moins dans la mesure où une faute contractuelle personnelle pourrait lui être reprochée ;
Attendu, sur le fond, qu'il sera relevé, à titre liminaire, que contrairement à ce qu'elle demandait en première instance, l'appelante ne demande plus la résolution de la vente mais sa nullité, alors même que les moyens soulevés relèvent de l'action en résolution du contrat et non en nullité ;
Attendu, en tout état de cause, qu'il résulte de l'examen du bon de commande, de l'expertise judiciaire et d'une attestation du fabricant (télécopie à l'expert du 23 septembre 2005), que Mme Anstett a commandé un véhicule Opel Zafira Cosmo, version 2.9 CDTI 120, sans plus de précision quant à son équipement moteur ; qu'il lui a été livré un véhicule comportant un filtre à particule, installé de série, conforme aux spécifications constructeur, qui fonctionne, conformément à sa destination, même s'il suppose périodiquement, en raison des cycles de régénération du filtre, un temps de conduite minimum à une certaine vitesse, en vue d'atteindre la température requise pour cette opération ;
Attendu qu'il s'ensuit que c'est à bon droit que le tribunal en a déduit qu'il n'y avait eu aucun manquement à l'obligation de délivrance ou à l'obligation légale de conformité, le véhicule étant conforme à la commande ainsi qu'à l'usage habituellement attendu d'un véhicule diesel et que la contrainte mineure, tirée des cycles de régénération ne pouvait justifier la résolution du contrat ;
Attendu, dans ces conditions qu'il y a lieu de confirmer la décision sur ce point et y ajoutant, de débouter Mme Anstett de sa demande de nullité de la vente fondée sur les mêmes moyens ;
Sur la nullité pour erreur sur les qualités substantielles :
Attendu que pour contester la décision entreprise, en ce que le premier juge l'a déboutée de sa demande en nullité du contrat et en paiement de dommages et intérêts complémentaires, en retenant que l'acheteuse ne prouvait pas avoir fait part de contraintes particulières d'utilisation du véhicule pouvant justifier la nullité de la vente faute de fourniture d'un véhicule répondant à ses exigences, l'appelante considère qu'elle n'avait pas spécifiquement à avertir le vendeur qu'elle entendait faire de petits trajets mais qu'il incombait à celui-ci de l'informer des contraintes du filtre à particules de son inadaptation aux courts trajets ;
Attendu que l'intimée estime la demande irrecevable sur ce fondement en raison de la prohibition du cumul de la garantie des vices cachés et de l'action en nullité pour erreur, peu important que l'appelante ait renoncé à la garantie des vices cachés devant cette cour ; qu'elle a agi de manière bien tardive prouvant sa mauvaise foi ; qu'aucune contrainte spécifique n'a été spécifiée lors de la passation de la commande ; qu'en tout état de cause, l'intéressée ne justifie d'aucun préjudice puisqu'elle n'a subi qu'une panne liée au filtre, due à sa faute car elle n'a pas respecté les dispositions du carnet d'entretien ; qu'elle n'a pas été limitée dans l'usage de son véhicule;
Attendu, en la forme, que la demande est pleinement recevable, aucune disposition n'interdisant à l'appelante de privilégier la voie de la nullité de la vente pour erreur, d'autant qu'elle a abandonné celle de l'action rédhibitoire pour vice cachée ;
Mais attendu, sur le fond, que le premier juge a retenu, à juste titre, que n'ayant pas introduit dans le champ contractuel et porté à la connaissance de son vendeur que le véhicule diesel qu'elle commandait était destiné exclusivement ou quasiment à de courts trajets domicile travail, alors qu'il est notoire que les caractéristiques du moteur diesel le destinent plutôt à des trajets d'une certaine durée ou sur une certaine distance, l'appelante ne saurait soutenir qu'elle a commis une erreur sur les qualités substantielles du véhicule choisi opposable à son cocontractant, de nature à justifier la nullité de la vente, d'autant que ce véhicule fonctionne en utilisation normale, dès lors que les cycles de régénération du filtre peuvent s'exécuter ;
Attendu, en conséquence, que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Sur le manquement à l'obligation d'information et de conseil :
Attendu que pour obtenir des dommages et intérêts sur le fondement d'un manquement à l'obligation d'information et de conseil à hauteur d'appel, Mme Anstett fait valoir qu'elle n'a eu aucune information sur l'existence de série du filtre à particules et sur les conséquences qu'il entraînait, notamment le fait qu'il ne convenait pas à un usage sur de faibles distances, en application de l'article L. 111-1 du Code de la consommation ; qu'elle ne l'aurait pas acheté si elle avait été correctement informée et ne roule plus avec le véhicule ;
Attendu que l'intimée fait valoir que l'acheteuse ne l'a pas informée qu'elle souhaitait utiliser le véhicule sur de très courts trajets, alors que généralement, les diesels réclament des trajets plus longs ; qu'elle n'est pas vendeur du véhicule ; que l'acheteuse a parcouru 1 247 km par mois en moyenne ce qui suffit, en principe, à régénérer le filtre à particules ; que l'obligation d'information et de conseil incombait à la société Diemer & Fils, qui a négocié la vente ;
Attendu qu'il apparaît manifestement qu'il y a eu manquement à l'obligation d'information et de conseil due par tout vendeur professionnel au consommateur profane, dès lors que l'attention de la cliente n'a pas été spécialement attirée sur l'existence du filtre à particules sur le véhicule et sur les contraintes générées par cet équipement pour permettre le déroulement de cycles de régénération "dynamique", faute de quoi les performances du véhicule en sont notablement diminuées et supposent à plus ou moins brève échéance un cycle de régénération "statique" chez un garagiste ;
Attendu que ce défaut d'information et de conseil a été préjudiciable à l'acheteuse, puisque selon l'expert elle a acheté un véhicule inadapté à ses besoins et qu'elle a subi toutes sortes de tracas par la suite due à une utilisation du véhicule incompatible avec un usage durable du filtre à particule ;
Attendu que le premier préjudice s'analyse en une perte de chance d'acheter un véhicule adapté à ses besoins et à sa conduite mais ne saurait être imputée à l'intimée, qui n'est pas l'auteur de la commande, et n'avait donc pas à diffuser l'information et le conseil, laquelle relevait, à ce stade, de la responsabilité du concessionnaire de l'époque, la société Diemer & Fils, dont le manquement contractuel antérieur à la cession de son fonds de commerce ne saurait entraîner de plein droit transfert de responsabilité au cessionnaire du contrat de vente automobile ;
Attendu, en revanche, sur le second préjudice, que dans la mesure où l'obligation d'information et de conseil devait se perpétuer au stade de la livraison, d'autant plus que la facture mentionnait spécifiquement que le véhicule était doté d'un filtre à particules ("FAP") et que l'appelante indique, sans être démentie, qu'elle n'a pas eu la moindre information à ce sujet et qu'elle n'a reçu le carnet d'entretien que postérieurement à la livraison du véhicule, il y a lieu de considérer que Mme Anstett justifie d'un préjudice indemnisable à l'encontre de Sama Bang, même si les interventions ont été prises en charge pécuniairement par le concessionnaire, eu égard aux nombreux tracas qu'elle a subi à la suite de cette situation et qui sont établis par les attestations, qui émanent de membres de son entourage familial ou professionnel, et sont parfaitement probantes (annexes n° 17 à 19 de Me Chevallier Gaschy) ;
Attendu, en conséquence, que le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté l'appelante de sa demande de dommages et intérêts et, statuant de nouveau, la société Sama Bang sera condamnée à payer à Mme Anstett une indemnité de 3 000 euro de ce chef, en fonction du préjudice subi, avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Attendu, enfin, qu'il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme Anstett aux dépens et statuant de nouveau de faire masse des frais et dépens de première instance comme d'appel, y compris ceux de la procédure de référé et de l'expertise, et de les partager par moitié ;
Sur l'appel en garantie :
Attendu que le concessionnaire appelle le fabricant en garantie, en faisant valoir qu'il ne pouvait livrer le véhicule qu'avec un filtre à particule et que General Motors n'a pas attiré son attention sur la modification de cet équipement et sur d'éventuelles conséquences d'utilisation ;
Attendu que pour conclure au débouté, la société General Motors relève qu'elle a équipé ses véhicules conformément à la législation européenne, ce que ne pouvait ignorer le vendeur ; que les fiches techniques nécessaires ont été adressées aux concessionnaires ;
Attendu que la société Sama Bang est professionnelle de l'automobile, qui plus est concessionnaire de la marque Opel, elle ne peut soutenir sérieusement, sans plus de justification, qu'elle ignorait les caractéristiques du modèle vendu, ni que le constructeur a manqué en quoi que ce soit à ses obligations d'information vis à vis d'elle ;
Attendu, en conséquence, que l'appel en garantie sera rejeté comme dénué de fondement ;
Attendu, en revanche, qu'il apparaît équitable de ne pas faire application des dispositions sur l'indemnisation des frais irrépétibles entre ces deux parties ;
Attendu, enfin, qu'il y a lieu de condamner la société Sama Bang aux dépens de l'appel en garantie.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, sur mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ; Déclare l'appel principal partiellement bien fondé et l'appel provoqué non fondé ; Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté intégralement Sylvie Anstett, divorcée Quirin, de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la SAS Société Sama Saverne, l'a condamnée aux dépens et a déclaré l'appel en garantie de cette société à l'encontre de la SAS General Motors France sans objet ; Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant : Condamne la SA Bang, venant aux droits de la SAS Sama Saverne, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Sylvie Anstett, divorcée Quirin, la somme de 3 000 euro (trois mille euros) de dommages et intérêts, avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; Déclare l'appel en garantie de la SA Bang, venant aux droits de la SAS Sama Saverne, prise en la personne de son représentant légal, à l'encontre de la SAS General Motors France, prise en la personne de son représentant légal, non fondé ; Le Rejette ; Condamne la SA Bang, venant aux droits de la SAS Sama Saverne, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Sylvie Anstett, divorcée Quirin, la somme de 2 000 euro (deux mille euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Fait masse des frais et dépens de première instance comme d'appel, y compris ceux de la procédure de référés dans les rapports entre la SA Bang et Mme Anstett et les Partage par moitié ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile dans les rapports entre la SA Bang, venant aux droits de la SAS Sama Saverne, et la SAS General Motors France ; Condamne la SA Bang, venant aux droits de la SAS Sama Saverne, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de l'appel en garantie.