CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 26 avril 2013, n° 11-02403
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Promod (SAS)
Défendeur :
René Derhy (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Aimar
Conseillers :
Mmes Nerot, Renard
Avocats :
Mes Bouzidi-Fabre, Dehors, Fromantin, Fajgenbaum
La société René Derhy a pour activité la création, la fabrication et la commercialisation de vêtements de prêt-à-porter féminin sous la marque éponyme.
Elle distribue ses créations en France et à travers le monde, par l'intermédiaire de grossistes, de magasins de détail ainsi que sur son site Internet.
La société René Derhy indique qu'elle est à l'origine de nombreux imprimés, notamment ceux référencés "Filigiri" et "Woodsmoke" avec lesquels sont confectionnés certains de ses modèles de vêtements.
Exposant avoir été alertée par la société La Redoute, à la fin du mois d'avril 2009, que la société Promod offrait à la vente, tant dans ses magasins que sur son site Internet, un chemisier-débardeur confectionné dans un tissu reprenant les caractéristiques du motif "Filigiri", la société René Derhy dûment autorisée, a fait pratiquer le 19 mai 2009 une saisie-contrefaçon le 12 mai 2009 au siège de la société Promod, lesquelles ont révélé que cette dernière a commandé 23 100 pièces du chemisier-débardeur argué de contrefaçon, fournies par la société indienne Kimo Clothing Design Concept.
La société René Derhy a également fait dresser un procès-verbal par l'agence pour la protection des programmes, le 7 mai 2009, portant sur la vente en ligne du modèle litigieux sur le site Internet accessible à l'adresse "www.promod.fr".
Elle a par ailleurs constaté le 13 juin 2009 que la société Promod proposait à la vente deux modèles de vêtements présentant selon elle de grandes similitudes avec son autre motif dénommé "Woodsmoke", ainsi qu'avec deux de ses modèles de tunique et de jupe.
C'est dans ces conditions que la société René Derhy a, par acte d'huissier en date du 15 juin 2009, fait assigner la société Promod devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droit d'auteur et en concurrence déloyale.
Par acte d'huissier en date du 16 octobre 2009, la société Promod a fait assigner en garantie son fournisseur, la société indienne Kimo Clothing Design Concept.
Par jugement en date du 21 janvier 2011, le Tribunal de grande instance de Paris, ordonnant l'exécution provisoire à l'exception des mesures de publication, a :
- dit que le dessin "Filigiri", dont la société René Derhy est titulaire des droits d'auteur, est original et protégé par les dispositions des Livres I et III du Code de la propriété intellectuelle,
- dit que la société Promod, en offrant à la vente et commercialisant un modèle de chemisierdébardeur dont le dessin du tissu reproduit l'imprimé "Filigiri" de la société René Derhy, s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon de droit d'auteur,
- interdit à la société Promod toute fabrication, exportation, importation, détention et exposition ou vente d'articles, sous quelque forme que ce soit, susceptible de contrefaire le dessin "Filigiri" et ce, sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à compter du délai d'un mois suivant la signification du jugement,
- dit que l'astreinte sera limitée à trois mois et s'en est réservé la liquidation,
- condamné la société Promod à verser à la société René Derhy la somme de 205 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon,
- ordonné la publication du dispositif du jugement, par extraits, dans 2 journaux périodiques ou magazines au choix de la société René Derhy, mais aux frais avancés de la société Promod, le coût par insertion ne pouvant excéder la somme de 4 500 euros H.T,
- condamné la société Promod à verser à la société René Derhy la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre le remboursement des frais de saisie-contrefaçon et de constat, sur justificatifs,
- condamné la société Promod aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de son conseil,
- condamné la société Kimo Clothing Design Concept à garantir la société Promod des condamnations mises à sa charge.
La société Promod a interjeté appel de cette décision par déclarations des 8 février et 19 décembre 2011.
Les procédures ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état du 21 février 2012.
Par dernières conclusions signifiées le 3 septembre 2012 auxquelles il est expressément renvoyé, la société Promod demande à la cour de :
- infirmer partiellement le jugement rendu le 21 janvier 2011,
- dire et juger que le tissu dénommé "Filigiri" revendiqué par la société René Derhy n'est susceptible d'aucune protection,
- constater que la société Promod verse aux débats une antériorité de toutes pièces,
- dire et juger que la société René Derhy ne dispose d'aucun droit de propriété intellectuelle et/ou industrielle sur l'imprimé par elle dénommé Filigiri que ce soit sous forme de dessin ou sous forme de tissu
- dire et juger qu'elle n'a commis aucun acte de contrefaçon, ni de concurrence déloyale, ni aucun acte fautif, en commercialisant le modèle fabriqué avec l'imprimé 1833 régulièrement vendu sous la dénomination "VV-Crochet" par son fournisseur, la société Kimo Clothing Design Concept,
- dire et juger que de même le tissu imprimé dénommé "Woodsmoke" revendiqué par la société René Derhy n'est susceptible d'aucune protection,
- dire et juger qu'elle n'a commis aucun acte de concurrence déloyale en commercialisant au mois de juin 2009 un modèle de tunique référencé 1620002754442131 et un modèle de jupe référencé 1621000375448141
- débouter la société René Derhy de toutes ses demandes,
- ordonner en conséquence la restitution à la société Promod de la somme de 222 000 euros réglée en vertu de l'exécution provisoire assortissant le jugement entrepris, et ce avec intérêts de droit à compter du 20 juillet 2011 date du règlement et capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil,
à titre subsidiaire,
- constater que la société Kimo Clothing Design Concept a été condamnée de façon définitive à la garantir, de toutes conséquences financières ou autres, de quelque nature et/ou de quelque montant qu'elles soient, qu'elle serait amenée à subir, du fait des revendications et actions dont elle est l'objet de la part de la société René Derhy,
- condamner la société René Derhy au paiement de la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation des différents préjudices subis, et ce toutes causes de préjudices confondues,
- condamner la société René Derhy à lui verser la somme de 20 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société René Derhy aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce inclus ceux de l'appel en garantie et ceux de la procédure devant Monsieur le Premier Président, dont distraction au profit de son conseil.
Par dernières conclusions signifiées le 17 octobre 2012, auxquelles il est également expressément renvoyé, la société René Derhy entend voir :
- confirmer le jugement du 21 janvier 2011, en ce qu'il a retenu l'existence d'actes de contrefaçon de l'imprimé "Filigiri" par la société Promod et débouté la société Promod de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles,
- infirmer le jugement du 21 janvier 2011, en ce qu'il a écarté l'existence d'actes de concurrence déloyale distincts commis par la société Promod au préjudice de la société René Derhy,
statuant à nouveau,
- interdire à la société Promod toute fabrication, exportation, importation, détention et exposition ou vente d'articles, sous quelque forme que ce soit, susceptible de contrefaire le dessin "Filigiri" lui appartenant et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, la cour restant saisi pour statuer sur l'astreinte définitive,
- dire et juger que la société Promod, en offrant à la vente et commercialisant deux modèles référencés 1620002754442131 (tunique) et 16210003754438141 (jupe) dont le dessin du tissu crée la confusion avec l'imprimé "Woodsmoke" et dont la forme crée la confusion avec ses modèles S820099 (LAMPE) et S850126 (Caleche), et en commercialisant ces produits dans des points de vente géographiquement très proches des siens, s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale de nature à engager sa responsabilité civile délictuelle sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,
- condamner la société Promod à lui verser la somme de 365 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon du dessin Filigiri,
- interdire à la société Promod toute fabrication, exportation, importation, détention et exposition ou vente d'articles, sous quelque forme que ce soit, créant un risque de confusion avec le dessin "Woodsmoke" et/ou les modèles S820099 (LAMPE) et S850126 (Caleche) lui appartenant et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, la cour restant saisi pour statuer sur l'astreinte définitive,
- condamner la société Promod à lui verser la somme de 570 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale distincts commis à son préjudice,
- ordonner à la société Promod la remise à ses frais des articles litigieux encore en sa possession, en quelque lieu qu'ils se trouvent et ce, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, la cour restant saisi pour statuer sur l'astreinte définitive,
- écarter des débats la pièce adverse n° 1, en ce qu'elle est illisible,
- ordonner à la société Promod le retrait du passage litigieux de ses conclusions,
- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, en intégralité ou par extraits, dans 3 journaux périodiques ou magazines de son choix mais aux frais avancés de la société Promod, le coût global de ces insertions ne pouvant excéder la somme de 75 000 euros HT,
- ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir pendant une période d'un mois sur la version française de la page d'accueil du site Internet de la société Promod accessible à l'adresse www.promod.fr à compter du 8ème jour suivant la signification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard, la cour restant saisie pour statuer sur la liquidation de ladite astreinte,
- ordonner que cette publication intervienne en partie supérieure de cette page d'accueil et en toute hypothèse au-dessus de la ligne de flottaison, sans mention ajoutée, en police de caractères et format qu'elle détermine dans ses écritures et sous le titre "Communiqué Judiciaire",
- condamner la société Promod à lui verser la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre le remboursement des frais de saisie-contrefaçon et de constat, sur justificatifs,
- condamner la société Promod aux entiers dépens de l'instance (comprenant les frais de constat de l'APP) lesquels pourront être recouvrés directement par son conseil.
Par ordonnance en date du 6 septembre 2012 le conseiller de la mise en état a constaté l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour à l'égard de la société Kimo Clothing Design Concept compte tenu du désistement de la société Promod.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 octobre 2012.
Sur ce,
Sur le rejet des débats la pièce n° 1 de la société Promod :
Considérant que la société René Derhy sollicite dans le dispositif de ses dernières écritures, le rejet des débats la pièce n° 1 produite par la société Promod au motif qu'elle serait illisible ;
Que toutefois la lisibilité des pièces versées aux débats détermine leur force probante, qui reste soumise à la cour, mais n'est pas un motif de rejet desdites pièces ;
Que la demande ne peut donc prospérer ;
Sur le retrait d'un passage des conclusions de la société Promod :
Considérant que la société René Derhy demande à la cour, également dans le dispositif de ses dernières écritures et sans plus de précision à ce stade, d''ordonner à la société Promod le retrait du passage litigieux de ses conclusions' ;
Qu'elle indique cependant en page 23 de ses écritures que les affirmations de la société Promod selon lesquelles "en réalité la société René Derhy ne crée aucun de ses tissus imprimés et ne fait que prospecter et se servir sur des marchés locaux notamment situés en Asie" seraient calomnieuses et attentatoires à son honneur (sic) dès lors qu'ils consisteraient à lui attribuer les comportements qu'elle reproche elle-même à la société Promod ;
Que néanmoins il y a lieu de constater que si les dernières écritures de la société Promod contiennent des propos similaires, elles ne comprennent pas ceux dont la suppression est sollicitée (conclusions d'appel page 32) et qui en tout état de cause se font que s'inscrire dans le cadre du présent litige ;
Que la demande sera en conséquence rejetée et le jugement confirmé sur ce point ;
Sur la recevabilité à agir en contrefaçon :
Considérant que la société Promod fait grief aux premiers juges d'avoir déclaré la société René Derhy recevable à agir en contrefaçon de droits d'auteur en estimant qu'elle pouvait se prévaloir de la présomption de titularité et que elle-même ne renversait pas cette présomption ; qu'elle ajoute en substance que le tissu revendiqué est présenté comme étant un tissu éthnique indien dont il n'est justifié d'aucune preuve de création et que tout au plus ne serait justifiée que la commercialisation de produits finis, enfin que son fournisseur, la société Kimo Clothing Design Concept, a acheté le tissu incriminé, dont les caractéristiques reprennent celles du tissu opposé, à la société indienne The Connextions le 18 mai 2007 soit à une date antérieure à celle revendiquée par la société René Derhy comme étant celle de la divulgation du dessin Filigiri ;
Que la société intimée se prévalant de droits d'auteur tant sur un dessin, un tissu ou encore un imprimé dénommé Filigiri dont elle reproduit dans ses écritures deux détails différents et qu'elle décrit comme se caractérisant par des éléments distinctifs (sic), oppose qu'elle commercialise sous son nom ledit dessin, tissu ou imprimé depuis février 2008 et qu'elle bénéficie en conséquence, en l'absence de revendication de la part de l'auteur, de la présomption de titularité des droits de propriété intellectuelle de ce dernier, qu'il soit ou non identifié ;
Que toutefois il convient de rappeler que cette présomption simple suppose, pour être appliquée, que la personne morale qui entend s'en prévaloir identifie précisément l'œuvre qu'elle revendique, justifie de la date à partir de laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation et précise les conditions de sa création ;
Or considérant en l'espèce que la société René Derhy verse aux débats :
- des dépôts de modèles de vêtements effectués le 10 juin 2008 auprès de la société Artema portant les n° W810161,W810185, W810226, W810295, W810309,W820028,W850079, W850089, dont elle indique qu'ils sont fabriqués avec le tissu revendiqué mais dont les différentes photographies qui figurent en annexes montrent des modèles différents (pièces 2 à 2-10),
- des factures de commande et de livraison de vêtements, dont la première remonte au 06/02/2008 et qui concernant des références W0810306 (Maxime Robe), W0810187 (Maquis Robe),W0810315 (Mayotte Robe), W0820059 (Samora Blouse), W0850101 (Paravent Jupe), W0810174 (Mantra Robe), W0830229 (Almanach Tshirt), W0810242 (Maroc Robe) et W0810243 (Maroquin Robe) (pièces 3 et 4) dont le lien avec les dépôts précédents n'est pas démontré,
- un bout de tissu portant sur une étiquette ajoutée la mention WIN 2008 102 ;
Que ces éléments ne démontrent aucune commercialisation sous son nom du dessin imprimé sur tissu qu'elle revendique et la société René Derhy ne produit en outre aucune pièce permettant d'établir le processus de création de ce dessin, tels que notamment des croquis ou des attestations de celui ou de celle qui l'a conçu, dont l'identité est selon elle pourtant parfaitement connue ;
Qu'elle ne saurait en conséquence bénéficier de la présomption de titularité des droits d'auteur instaurée au profit de la personne morale ;
Considérant qu'il y a lieu en conséquence de déclarer irrecevable l'ensemble de ses demandes formées au titre de la contrefaçon et d'infirmer de ce chef le jugement dont appel ;
Qu'il convient de rappeler que le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement ;
Considérant s'agissant de l'imprimé Woodsmoke que si la société René Derhy indique détenir également des droits d'auteur sur celui-ci, force est de constater qu'elle ne développe dans ses écritures aucun moyen relatif à la contrefaçon pas plus que le dispositif de celles-ci ne comporte de demande en ce sens ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce point ;
Sur la concurrence déloyale :
Considérant que la société René Derhy reproche à la société Promod d'avoir commis à son encontre des actes de concurrence déloyale consistant à avoir repris un camaïeu de couleurs-bleu pour commercialiser "la majorité de ses vêtements" reprenant l'imprimé Filigiri, créant ainsi un effet de gamme qui amènera le consommateur à considérer que le modèle de débardeur/chemisier commercialisé par la société Promod appartient à sa propre collection, d'avoir reproduit à l'identique et sans autorisation (sic) une frise qu'elle ajoute sur 'la plupart de ses vêtements' reproduisant le dessin imprimé Filigiri, de reprendre la forme et la composition de ses modèles et de les commercialiser dans une même gamme de prix, le tout dans le but de créer la confusion entre les produits et de détourner sa clientèle ;
Qu'elle poursuit en indiquant que la société Promod commercialise deux modèles de vêtements référencés 1620002754442131 (tunique) et 16210003754438141 (jupe) dans un imprimé 'très similaire' à un dessin Woodsmoke dont elle détient également les droits d'auteur (sic) de sorte que le public concerné pourra légitimement attribuer une même origine aux vêtements en cause lesquels ont en outre la même forme et notamment le même col en V, et qu'elle se place ainsi dans son sillage, et conclut en indiquant que la grande proximité géographique les magasins Promod et René Derhy est de nature à aggraver le risque de confusion ;
Considérant toutefois que la commercialisation de vêtements de couleur bleu n'est pas de nature à créer un effet de gamme, la société Promod ne commercialisant qu'un seul vêtement confectionné avec l'imprimé litigieux, et ne constitue pas un acte de concurrence déloyale pas, plus que la reprise d'éléments non protégés, ne constitue pas, en soi, un acte contraire aux usages loyaux et honnêtes du commerce ;
Que le tribunal a justement relevé qu'il n'existe aucune ressemblance entre le chemisier-débardeur de la société Promod et le modèle Mantra W08174 de la société René Derhy, le premier étant caractérisé par la présence d'un large empiècement au crochet de couleur noir, inexistant dans le modèle René Derhy ;
Qu'il n'est pas démontré en outre en quoi la commercialisation de vêtements d'une gamme similaire à des prix similaires constituerait un acte de concurrence déloyale ;
Que s'agissant de l'imprimé Woodsmoke, sur lequel la société René Derhy revendique des droits d'auteur tout en agissant au titre de la concurrence déloyale, que la cour ne peut que constater à l'instar du tribunal que l'examen des modèles en cause révèle que seule est reprise la gamme de couleur rouge, orange, beige, marron, blanc et noir qui s'inscrit dans un genre commun évoquant les années 60 ;
Qu'enfin le modèle de robe Promod référencé 1620002754442131 est une robe en lin ajustée au corps avec un décolleté en V et dépourvu de manches, alors que le modèle de tunique LAMPE de la société René Derhy est réalisé en coton léger, avec des manches bouffantes s'arrêtant aux coudes et un décolleté dit 'tunisien', de sorte qu'il ne peut y avoir de confusion entre les vêtements ;
Qu'il en est de même s'agissant des modèles de jupe litigieux tant l'impression d'ensemble qui s'en dégage est différente, le modèle Promod référencé 16210003754438141 se caractérisant par l'existence de deux jupons superposés de longueurs distinctes à la différence du modèle Caleche de la société René Derhy qui n'en ne comporte qu'un ;
Que le tribunal a ainsi justement rappelé que le principe de la liberté du commerce implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle, peut être librement reproduit, à supposer au demeurant que la preuve en soit rapportée, sous certaines conditions tenant notamment à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit préjudiciable à l'exercice paisible et loyal du commerce et qu'en l'espèce, il ne peut y avoir de risque de confusion entre les deux imprimés et les deux vêtements en cause ;
Qu'enfin la proximité des enseignes Promod et René Derhy dans différents centres commerciaux du territoire français ou dans la même rue commerçante de Nantes ne peut suffire à caractériser un acte de concurrence déloyale et n'est pas plus de nature à aggraver un quelconque risque de confusion ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société René Derhy de sa demande relative à la concurrence déloyale ;
Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive :
Considérant que l'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus que dans le cas de malice, de mauvaise foi, ou d'erreur grossière équipollente au dol ;
Que faute pour la société Promod de rapporter la preuve d'une quelconque intention de nuire ou d'une légèreté blâmable de la part de la société René Derhy, sa demande tendant à voir condamner cette dernière au paiement de dommages-intérêts sera rejetée ;
Que le jugement mérite donc aussi confirmation sur ce point ;
Sur les autres demandes :
Considérant qu'il y a lieu de condamner la société René Derhy, partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Qu'en outre, elle doit être condamnée à verser à la société Promod qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 20 000 euros ;
Que l'appel en garantie formée par la société Promod à l'encontre de son fournisseur, à l'égard duquel elle s'est en tout état de cause désistée, devient sans objet ;
Par ces motifs : Déboute la société René Derhy de ses demandes tendant à voir écarter des débats la pièce n° 1 de la société Promod et ordonner à cette dernière "le retrait du passage litigieux" de ses conclusions. Confirme le jugement rendu le 21 janvier 2011 par le Tribunal de grande instance de Paris sauf en ce qu'il a dit que la société Promod, en offrant à la vente et commercialisant un modèle de chemisier-débardeur dont le dessin du tissu reproduit l'imprimé "Filigiri" de la société René Derhy, s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon de droits d'auteur et, prononcé les condamnations subséquentes tant en principal que frais et accessoires. Statuant à nouveau, Dit que la société René Derhy est irrecevable à agir en contrefaçon de droits d'auteur. Ordonne les restitutions qui s'imposent avec intérêts de droit à compter du paiement et capitalisation desdits intérêts. Condamne la société René Derhy à payer à la société Promod la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires. Condamne la société René Derhy aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.