CA Bordeaux, 1re ch. civ. A, 19 février 2013, n° 11-05963
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Automobiles Palau 17 (SAS)
Défendeur :
Bordas
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lafon
Conseillers :
MM. Sabron, Lippmann
Avocats :
SCP Luc Boyreau, SCP Laydeker-Sammarcelli, Selarl Magret-Janoueix, Me Combeaud
LES DONNEES DU LITIGE
M. Jean François Bordas a acquis le 6 novembre 2009 de la société Automobiles Palau au prix de 36 500 euro un véhicule d'occasion de marque Audi, type All Road, ayant parcouru 51 947 km.
Une facture lui a été remise avec la mention "véhicule non accidenté".
La société Automobiles Palau avait acquis ce véhicule à titre de reprise de M. Benjamin Delaux par qui elle avait fait signer une attestation kilométrique comportant la mention pré-imprimée de ce qu'il n'avait jamais été accidenté pendant la période où ce dernier en était propriétaire.
Courant mai 2010, M. Bordas a appris du garage Audi auquel il avait confié l'entretien de son véhicule que celui-ci avait fait l'objet d'importants travaux, réalisés par ce même garage à la suite d'un accident avec choc à l'arrière pour le prix total de 15 408 euro TTC.
Le garagiste lui a remis une copie de la facture de ces travaux qui était datée du 10 septembre 2008 et établie au nom d'une société NSU Immobilier dont M. Delaux, le précédent détenteur, était le gérant.
Des courriers recommandés adressés à la société Automobiles Palau les 1er juin et le 1er juillet 2010 n'ayant pas eu de suite favorable, M. Bordas a par acte du 17 août 2010 fait assigner ladite société devant le Tribunal de grande instance de Bordeaux en résolution de la vente sur le fondement d'un manquement à l'obligation de délivrance.
Il a modifié sa demande par conclusions et réclamé le paiement d'une somme de 15 000 euro au titre d'une réfaction sur le prix de vente, outre des dommages-intérêts de 5 000 euro pour préjudice financier et de jouissance.
Le tribunal a par jugement du 8 septembre 2011 condamné la société Automobiles Palau à payer à M. Bordas sur le fondement de l'article 1604 du Code civil la somme de 7 000 euro au titre de la réfaction du prix de vente du véhicule.
Il a rejeté la demande de dommages-intérêts complémentaire et alloué à M. Bordas une indemnité de 2 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Automobiles Palau a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe de la cour le 28 septembre 2011.
Dans ses dernières conclusions, elle demande à la cour de débouter M. Bordas de l'intégralité de ses demandes en faisant valoir :
- que l'examen du véhicule n'a révélé aucune trace de réparation ;
- que l'indication selon laquelle le véhicule n'avait pas été accidenté a été fournie sur la base de l'attestation remise par l'ancien propriétaire ;
- que ces réparations qui n'ont pas été consécutives à un accident qui aurait porté atteinte aux qualités intrinsèques du véhicule n'ont en rien affecté les caractéristiques de la chose vendue ;
- qu'il n'existe pas de manquement à l'obligation de délivrance, la réparation ayant été réalisée dans les règles de l'art par un garagiste concessionnaire de la marque ;
- que M. Bordas qui n'a rencontré aucune difficulté dans l'utilisation de son véhicule ne justifie d'aucun préjudice.
La société appelante sollicite une indemnité de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
M. Bordas a conclu à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu que la responsabilité de la société Automobiles Palau était engagée sur le fondement de l'article 1604 du Code civil et fixé à 7 000 euro la réfaction sur le prix de la vente.
Il forme un appel incident en ce qui concerne le rejet de sa demande de dommages-intérêts pour trouble de jouissance et préjudice financier.
L'intimé réclame à ce titre une somme 5 000 euro en relevant que, depuis la révélation de ce que le véhicule avait subi un accident grave, il est contraint de surveiller l'état et l'évolution des réparations, ce qui n'aurait pas été le cas s'il avait acquis un véhicule "en simple état de bon usage".
M. Bordas sollicite enfin des dommages-intérêts de 3 000 euro pour procédure abusive et une indemnité de 8 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
LES MOTIFS DE LA DECISION
La demande de M. Bordas ne serait pas justifiée si les réparations qui ont été effectuées sur le véhicule avant qu'il ne l'acquière de la société Automobiles Palau avaient consisté en de simples travaux de remise en état de la carrosserie consécutifs à un accrochage.
La nature des travaux réalisés n'est pas passée sous silence, contrairement à ce que relève la société appelante.
La description en résulte de la facture détaillée établie par le garage Audi qui a procédé lui-même aux réparations, facture que la société Automobiles Palau, en sa qualité de professionnel de l'automobile, est parfaitement en mesure d'appréhender.
Or M. Bordas relève à juste titre que les travaux réalisés, pour un prix très important puisque de 15 408 euro TTC, n'ont pas consisté dans de simples travaux de carrosserie et de peinture mais ont nécessité le remplacement de pièces telles que l'arbre du pont, les amortisseurs et la suspension, preuve de ce que le choc arrière subi par le véhicule avait été particulièrement violent et avait affecté la structure de ce dernier.
La facture remise par la société Automobiles Palau comporte la mention "véhicule non accidenté", de telle sorte que cette qualité faisait bien partie des caractéristique convenues au regard desquelles le prix avait été fixé à 35 600 euro.
Peu importe que la société venderesse ait fourni cette indication sur la foi de l'attestation qu'elle avait fait signer par l'ancien propriétaire lors de la reprise.
Cette source n'a pas été révélée lors de la revente et en établissant une facture mentionnant que le véhicule n'avait pas été accidenté, la société appelante qui est un professionnel de la vente d'automobiles, mais aussi un réparateur, a certifié l'exactitude de cette spécification.
Il est certain que M. Bordas n'aurait pas accepté de payer le prix de 36 500 euro s'il avait eu connaissance de ce que, contrairement à ce qui lui a été certifié lors de la vente, le véhicule avait subi un accident grave ayant affecté, outre la carrosserie, des éléments structurels.
La circonstance que les réparations avaient été faites dans les règles de l'art par un garagiste agréé par le constructeur n'était pas de nature à dissiper toute appréhension relative à la fiabilité du véhicule compte tenu de la nature et de l'importance des réparations.
M. Bordas sera tenu, lorsqu'il revendra le véhicule, de révéler à l'acquéreur le fait ignoré par lui lorsqu'il l'a acquis de la société Automobiles Palau qui lui a certifié qu'il s'agissait d'un véhicule non accidenté.
Il subit par conséquent un préjudice qui consiste dans la diminution de la valeur vénale de sa voiture sur le marché de l'occasion, nul ne pouvant garantir que l'accident, étant donné l'importance des réparations, n'aura pas de répercussion sur la fiabilité et la durée de vie du véhicule.
C'est dès lors à bon droit que le premier juge a retenu que la société Automobiles Palau avait manqué à l'obligation de délivrance conforme et, de manière équitable au regard des observations ci-dessus concernant la nature et la mesure du préjudice subi par M. Bordas, fixé la réfaction sur le prix qui avait été convenu à la somme de 7 000 euro qui représente environ 20 % de ce prix.
M. Bordas a jusqu'à ce jour utilisé le véhicule de manière complète et normale et il n'est pas démontré que les réparations réalisées en septembre 2008 nécessitent une surveillance particulière qui entraînerait des frais supplémentaires.
Le jugement sera confirmé, également, en ce qu'il a débouté l'intimé de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice financier et de jouissance.
La demande de dommages-intérêts pour "résistance abusive" est infondée, la société Automobiles Palau n'ayant commis aucune faute en défendant ses intérêts.
M. Bordas est en droit de réclamer sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile une indemnité que la cour limite toutefois à 3 000 euro compte tenu du rejet de l'appel incident.
Par ces motifs : LA COUR, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions. Déboute M. Bordas de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive. Condamne la SAS Automobiles Palau à payer à M. Jean François Bordas une indemnité de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. La condamne aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP Patricia Combeaud, avocat postulant, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.