CA Rennes, 2e ch., 3 juin 2008, n° 07-02085
RENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Riandistribution (SARL), Cogic
Défendeur :
Distribution Casino France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mme Boisselet, M. Patte
Avoués :
SCP Jacqueline Brebion, Jean-David Chaudet, SCP Bazille Jean-Jacques
Avocats :
Selarl Cussac, Haouari, Me Lehuede
Faits et procédure :
La société Perrosdis a acquis le 22 mars 1996 de la société Casino France un fonds de commerce situé à Perros Guirrec et exploité sous l'enseigne Casino. Elle a conclu le même jour un contrat de franchise pour 7 ans avec Casino France, à laquelle a succédé la société Distribution Casino France (ci-après Casino). Il était expressément prévu que le contrat ne se renouvellerait pas par tacite reconduction, et que les parties pourraient entrer en négociation pour un nouvel accord trois mois avant son expiration.
Casino a par la suite proposé au dirigeant de Perrosdis, Maurice Cogic, d'exploiter un magasin à Riantec sous la même enseigne. Ce dernier a créé une société Riandistribution à cette fin, et Casino lui a consenti le 1er septembre 2001, et tous deux pour la durée d'un an tacitement reconductible, deux contrats, l'un de location gérance du fonds de commerce, et l'autre de franchise.
La même opération a été mise en œuvre à Ploufragan, où Maurice Cogic a créé une société Distribution Ploufragan, à laquelle Casino a consenti un contrat de location gérance de fonds de commerce et un contrat de franchise le 18 octobre 2001, toujours pour un an reconductible tacitement.
Des pourparlers se sont engagés début 2003 entre Casino et Maurice Cogic au sujet de la rénovation du magasin de Perros Guirrec dans le cadre de son passage sous l'enseigne Spar appartenant également à Casino.
Par courriers du 21 mars 2003, Maurice Cogic a dénoncé tous les contrats liant ses sociétés à Casino, ceux intéressant Perrosdis à effet au 22 mars 2003, ceux intéressant Riandistribution au 31 août 2003, et ceux intéressant Distribution Ploufragan pour le 17 octobre 2003. Il expliquait avoir été conduit à cette décision par l'absence de transparence financière de son partenaire, et par la décision de ce dernier de privilégier le développement des enseignes Spar au détriment de celle de Casino.
Le fonds de commerce de Perros Guirrec a été cédé le 4 novembre 2003 à la société Prodim pour le prix de 350 000 euro, soit à un prix très supérieur à l'offre faite par Casino.
Considérant que la clause résolutoire était acquise en raison d'impayés, Casino a notifié à Riandistribution le 13 juin 2003 la résiliation des contrats au 30 juin 2003, date reportée au 10 juillet 2003. Le 16 juillet 2003, elle a interrompu la liaison informatique et cessé de livrer.
L'inventaire de reprise du fonds de Riantec a été effectué le 1er août 2003.
Reprochant à Riandistribution tant la rupture fautive du contrat que la violation des clauses de non concurrence et de secret, Casino l'a assignée, ainsi que Maurice Cogic, devant le Tribunal de commerce de Saint Etienne. Par arrêt du 25 janvier 2005, la Cour d'appel de Lyon a renvoyé le litige devant le Tribunal de commerce de Lorient, saisi de la résiliation du contrat de location gérance.
Par jugement du 16 mars 2007, le tribunal a :
condamné Riandistribution à payer à Casino au titre des clauses pénales réprimant la rupture anticipée des contrats les sommes de 11 433,67 euro pour le contrat de franchise, et 2 896,53 euro pour le contrat de location gérance,
débouté Casino de sa demande au titre de la violation de la clause de non concurrence, et de celle dirigée contre Maurice Cogic à titre personnel,
débouté Riandistribution et Maurice Cogic de leur demande reconventionnelle.
Riandistribution et Maurice Cogic en ont relevé appel le 30 mars 2007.
Par conclusions du 25 mars 2008, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet de leur argumentation, Riandistribution et Maurice Cogic demandent :
qu'il soit jugé que la résiliation des contrats par Casino est abusive,
qu'il soit à tout le moins jugé qu'aucun préjudice n'étant démontré, il n'y a pas lieu à application des clauses pénales,
que Casino soit condamnée à payer les sommes de 115 000 euro à Riandistribution à titre de dommages et intérêts, et celle de 10 000 euro à Maurice Cogic en réparation de son préjudice moral,
qu'en tout état de cause Casino soit condamnée à payer à Riandistribution la somme de 15 000 euro en réparation du préjudice causé par l'arrêt de la liaison informatique et des livraisons jusqu'au 1er août 2003,
que Casino soit condamnée à lui payer les intérêts de droit sur la somme de 43 165,32 euro à compter du 24 octobre 2003, et sur celle de 14 482,66 euro à compter du 12 novembre 2003, et jusqu'au 1er mars 2005, ces deux sommes ayant fait l'objet d'une condamnation en référé par arrêt du 1er mars 2005,
que, les ristournes, remises et avantages consentis à Casino par les fournisseurs devant profiter à ses franchisés, la production des pièces permettant d'en déterminer la nature et l'importance soit ordonnée, ou à défaut une mesure d'expertise habilitant l'expert à se faire remettre ces pièces et à les exploiter,
que lui soit allouée une provision de 4 981,29 euro à valoir sur le montant de ces ristournes,
que lui soit allouée la somme de 30 000 euro à titre d'indemnité de procédure.
Par conclusions du 26 mars 2008, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet de son argumentation, Casino demande :
que soient rejetées comme tardivement communiquées les pièces n° 175 à 194,
que le jugement soit confirmé en ce que la résiliation aux torts du franchisé a été constatée,
qu'il soit jugé qu'il n'y a pas lieu à réduction des clauses pénales,
que Riandistribution soit dès lors condamnée à lui payer les sommes de 228 673,52 euro et 8 690 euro à ce titre,
qu'il soit constaté que Riandistribution a violé la clause de non concurrence pendant les relations contractuelles, puisque son dirigeant était également celui de la société Perrosdis, partenaire depuis le 24 mars 2003 du groupe Carrefour, et condamnée à lui payer la somme de 457 347,05 euro en réparation de ce préjudice,
qu'il soit jugé que Riandistribution a violé la clause de secret pour le même motif, et condamnée à lui payer la somme de 152 449,01 à ce titre,
qu'en application de la garantie à première demande souscrite le 1er septembre 2001, Maurice Cogic soit condamné personnellement à payer la somme de 114 336,76 euro,
subsidiairement, que les demandes d'indemnisation par Riandistribution des préjudices causés par la résiliation soient rejetées,
que les demandes de communication de pièces et d'expertise, relatives à la rétrocession des ristournes soient rejetées comme ne correspondant pas à la commune volonté des parties, qui a fixé leur montant à un pourcentage forfaitaire sur le montant des achats, et comme contraires au secret des affaires, la demande en paiement de la somme de 4 981,29 euro correspondant à un solde de ristourne de fidélité étant nouvelle en appel et à ce titre irrecevable,
qu'il soit jugé que, les indemnités contractuelles étant dues dès la résiliation des contrats, la compensation s'est opérée de plein droit avec les sommes fixées par l'arrêt du 1er mars 2005, et qu'aucun intérêt n'est donc dû sur ces dernières,
subsidiairement, qu'il soit constaté que le paiement est intervenu le 25 mars 2005,
que chacun des appelants soit condamné à lui payer la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur quoi, la Cour :
Sur la demande de report de la clôture et de rejet de pièces :
Aucun motif ne justifie la révocation de la clôture. Les pièces communiquées le 21 mars, soit plusieurs jours avant la clôture, pour un grand nombre d'entre elles déjà connues de Casino, comme lui ayant été précédemment adressées ou émanant d'elle, n'appelaient pas d'observations particulières, et n'ont dès lors pas lieu d'être rejetées.
Sur la résiliation :
Sur l'application de la clause résolutoire :
Riandistribution fait valoir que ni le courrier du 7 avril 2003, par lequel il lui est demandé de payer sous huit jours la somme de 93 227,03 euro, ni le courrier du 7 mai 2003, ni le courrier du 13 juin 2003, par lequel Casino lui notifie "la résiliation du contrat", ne mentionnent la volonté de Casino de se prévaloir de la clause résolutoire, et qu'ainsi, cette dernière ne peut trouver à s'appliquer. Casino le conteste, au motif que le courrier du 7 mai 2003 contient une itérative mise en demeure de payer les sommes dues, en précisant qu'à défaut elle en tirerait toutes les conclusions et mettrait en œuvre les moyens que le contrat et la Loi autorisent.
Le contrat prévoit en son article XII B) "qu'en cas d'inexécution ou de manquement par le franchisé à l'une quelconque de ses obligations, [le franchiseur] pourra alors, après une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au franchisé et non suivie d'effets dans un délai de huit jours, résilier de plein droit le présent contrat par l'envoi d'un nouvelle lettre recommandée avec accusé de réception, et ce, sans formalité judiciaire. La résiliation prendra effet à la date de réception de cette lettre par le franchisé."
Le courrier du 7 avril 2003 fait référence à une créance de 93 227,03 euro dont le paiement était réclamé, conformément aux stipulations contractuelles, dans un délai de huit jours. Il n'est pas fait mention de la volonté de Casino de sanctionner l'inexécution de cette mise en demeure par la résiliation du contrat, Casino terminant sa lettre par la phrase : "nous vous laissons le soin de régulariser votre situation, sur ce point notamment, conformément à vos obligations contractuelles." L'imprécision de cette lettre quant aux éventuelles conséquences d'un défaut de paiement est d'autant plus frappante qu'elle a été remise par huissier, qui a donc nécessairement du attirer l'attention de Casino sur le fait que la clause résolutoire n'était pas expressément visée.
Riandistribution a fait réponse à ce courrier le 10 avril en invoquant un accord verbal d'échelonnement de la dette jusqu'en août. Aucun élément ne prouve l'existence de cet accord, les attestations des salariés de Riandistribution selon lesquelles ils ont effectivement vu M. Moreau dans leurs locaux le 6 mars étant inopérantes. Il est contesté formellement par Casino dans ses écritures, et, dès lors, ne peut être considéré comme établi.
Casino a réitéré sa mise en demeure par courrier recommandé du 7 mai 2003, précisant qu'à défaut de règlement de la même somme de 93 227,03 euro dans les huit jours de la première présentation de sa lettre, elle se verrait contrainte 'd'en tirer toute conclusion et de mettre en œuvre tous les moyens que le contrat et la Loi autorisent.'
Faute de mention expresse que le franchiseur entend faire jouer la clause résolutoire, il convient d'examiner si, compte tenu du contexte, le franchisé pouvait ou non se méprendre sur la volonté de son co-contractant. Or aucune réponse n'avait été apportée à son courrier du 10 avril se prévalant d'un accord d'étalement de la créance. Au contraire, par sa rédaction administrative, la lettre du 7 mai a pu laisser penser à ce dernier qu'il s'agissait d'une mauvaise coordination entre les différents intervenants de Casino, les interlocuteurs de Maurice Cogic lors de l'accord verbal qu'il invoque n'en étant pas le signataire. C'est d'ailleurs le sens de ça, dans laquelle il se prévaut à nouveau de cet échelonnement. Maurice Cogic était d'autant plus porté à mal interpréter l'attitude de son franchiseur que ce dernier avait, depuis l'origine, toléré des retards de paiements, puisqu'il lui avait tout d'abord permis de régler son stock sur un an, puis avait accepté des impayés du même ordre de grandeur au cours de la précédente saison creuse, qui s'étaient en effet résorbés à la fin de la saison d'été.
Le 13 mai 2003, Casino, se fondant sur le défaut de paiement de la somme réclamée, a notifié la résiliation du contrat à effet au 30 juin 2003, contre laquelle Riandistribution a protesté par courrier du 24 juin 2003, en rappelant que plusieurs chèques apurant la dette avaient été remis, et soulignant, par courrier du 25 juin, l'incohérence de l'attitude de son partenaire.
De fait, le 30 juin 2003, Casino a écrit à sa franchisée dans les termes suivants : 'pour faire suite à notre entretien du 26 juin 2003, et afin de poursuivre notre dialogue, nous vous informons que nous avons décidé de proroger nos relations commerciales jusqu'au jeudi 10 juillet 2003 au soir. A cette date, si aucun accord n'est trouvé nous appliquerons les termes de notre courrier du 13 juin 2003.'
Casino admet (p.6 de ses dernières écritures) avoir reçu des paiements pour plus de 80 000 euro entre le 2 et le 15 juillet, étant observé que Riandistribution justifie que deux chèques, dont elle expose sans être contredite les avoir remis dès mars 2003 à son franchiseur, ont été encaissés les 21 et 24 juin 2003 seulement pour un montant total de 27 215,67 euro, ce qui porterait le montant total des règlements à plus de 107 000 euro. Il est en outre admis qu'un chèque de 38 069 euro a été remis le 9 avril. La provision d'un chèque appartenant à son bénéficiaire dès sa remise, Casino était dont en possession effective des paiements correspondants au mois d'avril.
Ces éléments montrent, d'une part, que Casino n'a jamais exprimé clairement à son franchisé sa volonté de se prévaloir de la clause résolutoire, et, d'autre part, que sa propre position n'était pas elle-même bien arrêtée, puisqu'elle évoque encore la poursuite d'un dialogue le 30 juin 2003.
L'objet de ce dialogue ne pouvait être le renouvellement du contrat, puisqu'il n'a jamais été soutenu que Casino y tenait particulièrement, et qu'il était acquis qu'il prendrait de toutes façons fin au 31 août 2003. La thèse de Maurice Cogic selon laquelle l'attitude de Casino aurait été dictée par sa volonté de le conduire à lui céder son fonds de Perros Guirrec peut ainsi recevoir quelque crédit. Il est d'ailleurs remarquable que le compte entre les parties en août 2003 soit, compte tenu des chèques finalement encaissés et de la reprise du stock, évalué à 127 058,52 euro, devenu créditeur au profit de Riandistribution dès août 2003, et que Casino ne forme aucune demande au titre de créances fondées sur l'exécution du contrat autres que celles découlant des clauses pénales. La créance de Riandistribution, non contestée par Casino, est de plus de 60 000 euro après reprise du stock, ce que Casino savait puisqu'elle comptabilisait la plus grande partie des approvisionnements de Riandistribution dans le cadre de son activité de centrale d'achat. Il est ainsi démontré que Casino n'avait pas, en juin 2003, matière à redouter l'insolvabilité de sa franchisée.
En l'état, faute pour Casino de s'être explicitement prévalue de la clause résolutoire figurant au contrat, ce dernier ne peut avoir été résilié par son application. Elle n'a en outre pas agi de bonne foi en différant l'encaissement des chèques qui lui avaient été remis à titre d'acompte sur les sommes dues, en laissant sans réponse les courriers de sa franchisée faisant référence à un accord consenti par certains de ses représentants, et surtout, alors qu'elle venait de recevoir des règlements substantiels et ne courait aucun risque financier réel, en cessant ses livraisons six semaines avant le terme prévu du contrat, précisément à la période pendant laquelle le magasin, dont l'activité était saisonnière, réalisait le meilleur chiffre d'affaire de l'année, et équilibrait son exercice.
S'il est par ailleurs exact que les dispositions contractuelles permettaient à Casino de résilier immédiatement le contrat en application de son article XII A) pour non-respect des articles XIII (clause de non-concurrence) et XIV (secret) par simple lettre recommandée, force est de constater qu'elle n'a à aucun moment visé ces griefs dans ses courriers, alors pourtant que le contrat de franchise de Perrosdis était expiré depuis le 22 mars 2003, et qu'elle ne pouvait ignorer ni que Maurice Cogic en était le gérant, ni que le magasin était toujours exploité comme supermarché.
Ainsi, la rupture unilatérale par Casino de ses engagements contractuels dans les conditions sus-rappelées, revêt un caractère fautif qui engage sa responsabilité à l'égard de son franchisé, dont la demande d'indemnité à ce titre est fondée en son principe, les demandes du franchiseur relatives à l'application des clauses pénales des contrats de franchise et de location gérance devenant sans objet.
Le préjudice est égal à la perte d'une chance de réaliser un résultat similaire à celui du précédent exercice, dans le cadre d'une exploitation normale entre le 15 juillet et le 31 août 2003. Ne peut cependant être imputée aux agissements de Casino la totalité de la perte d'exploitation subie en 2003, comme il ne peut davantage être affirmé que les bénéfices réalisés auraient été au moins de même montant. Au regard des éléments comptables produits, qui font apparaître pour 2002, un résultat net avant impôt de 18 226 euro, la réparation du préjudice causé à Riandistribution par la rupture anticipée et les conditions de sa mise en œuvre sera fixé à la somme de 5 000 euro.
Le préjudice moral personnellement subi par Maurice Cogic, qui ne peut en effet être réparé que sur le fondement de la responsabilité délictuelle de Casino, ce dernier n'étant pas partie au contrat de franchise, est établi, au regard du certificat médical produit et des graves difficultés auxquelles il a été confronté pendant la période considérée dans la gestion du magasin, et la cour trouve dans les pièces les éléments suffisants pour en fixer la réparation à la somme de 2 000 euro.
Sur la violation de la clause de non-concurrence :
L'article XIII du contrat prévoit que le franchisé s'interdit, pendant toute la durée du contrat, de s'intéresser directement ou non à tout commerce concurrent de distribution type supermarché, et que les dirigeants de la société franchisée sont soumis à ces obligations, sauf accord préalable écrit du franchiseur. La pénalité prévue est de 457 376,05 euro (3 000 000 francs).
En l'espèce, il est patent qu'à l'expiration du contrat de franchise de Perrosdis, la société Riandistribution et Maurice Cogic se sont trouvés en infraction avec ces dispositions contractuelles pendant la période séparant la résiliation de la franchise Perrosdis de celle de Riandistribution, soit du 22 mars au 31 juillet 2003, c'est à dire pendant un peu plus de quatre mois.
Au regard cependant des dates différentes d'expiration des contrats de franchise des trois sociétés, une telle situation était inéluctable si les franchisées décidaient de ne pas renouveler les contrats, tout en maintenant leur activité dans le secteur considéré, une modification de la gérance ne pouvant se concevoir hors d'un changement réel dans la direction de l'entreprise, difficilement susceptible d'être mis en œuvre rapidement. S'agissant de contrats d'adhésion, Casino, qui en est la rédactrice, a ainsi contribué elle-même à créer les conditions de leur violation sur ce point. En outre, le préjudice dont fait état Casino doit être imputé à titre principal à Perrosdis, qui n'est pas partie à la présente procédure, le seul fait matériel commis par Riandistribution étant le fait d'avoir le même dirigeant que cette société, toute concurrence effective entre les supermarchés de Riantec et de Perros Guirrec étant par ailleurs exclue en raison de leur éloignement. Perrosdistribution a d'ailleurs été condamnée le 7 février 2008 par la Cour d'appel de Lyon à payer à Casino la somme de 119 000 euro au titre de la violation de la clause de non-concurrence.
La peine contractuellement prévue est, dans ces circonstances, hors de proportion avec la portée des actes imputables à Riandistribution et sera ramenée à la somme de 5 000 euro.
Sur la violation de la clause de secret :
L'article XIV du contrat prévoit que le franchisé s'engage tant pour la durée du contrat que pendant une durée de 10 ans après sa cessation, à ne pas exploiter pour le compte d'un tiers le savoir-faire confidentiel concernant les méthodes d'exploitation Casino. La tentative par un dirigeant majoritaire d'exploiter le système Casino dans une autre entreprise dans laquelle il détient une participation est également expressément prohibée. La pénalité prévue est de 152 449,01 euro (1 000 000 francs).
Cette clause fait partiellement double emploi avec la précédente, en l'absence de toute précision sur les éléments secrets divulgués dans le cadre de l'exploitation de Perros Guirrec, étant observé par ailleurs qu'aucune franchise n'a été conclue, et qu'à l'époque il bénéficiait d'un simple contrat d'approvisionnement avec le groupe Carrefour qui, en pourparlers d'acquisition du fonds, n'a pas manqué de suggérer ses propres méthodes d'exploitation.
Aucun manquement à la clause de secret, n'est ainsi caractérisé, et la demande sera rejetée de ce chef.
Sur la garantie à première demande de Maurice Cogic :
Son application n'est pas contestée, et Maurice Cogic sera condamné solidairement avec Riandistribution.
Sur les demandes de communication de pièces et d'expertise et la demande de provision :
Le contrat prévoit, en son article 5 - 1 que ' le franchiseur négocie directement avec les producteurs et fournisseurs et agit en tant que centrale d'achat et/ou de référencement pour l'ensemble des produits et ce, pour le compte du réseau dans son intégralité.'
Casino assure une fonction de stockage pour les produits livrés par ses entrepôts, commandés et facturés par elle, selon un tarif annexé initialement annexé au contrat et régulièrement tenu à jour. Les produits faisant seulement l'objet d'un référencement sont directement livrés par les fournisseurs agréés par Casino, commandés auprès d'eux et facturés par eux selon des conditions négociées par Casino. Une clause de réserve de propriété est prévue pour les produits livrés par Casino.
L'article VIII du contrat précise que : "en contrepartie de la licence de marque, des services de la centrale d'achat et/ou de référencement, l'assistance commerciale permanente, le savoir-faire remis à jour en permanence, une redevance mensuelle égale à 1% du chiffre d'affaire." est due par le franchisé.
L'annexe 6 du contrat prévoit une remise annuelle dite de fidélité, égale à 1,50 % du montant des achats HT auprès des entrepôts de Casino à condition que ces achats représentent au moins 65 % du chiffre d'affaire HT du franchisé.
Aucune des dispositions contractuelles rappelées ne prévoit d'une part que Casino rende des comptes sur les négociations qu'elle conduit avec ses propres fournisseurs, ou ceux dont elle référence les produits, et d'autre part qu'elle rétrocède tout ou partie des remises ou ristournes éventuellement perçues d'eux, en sus de la remise dite de fidélité prévue au contrat. Dans le silence du contrat, il convient d'examiner si les relations définies entre les parties l'exigent implicitement.
Le terme "pour le compte du réseau" ne peut se concevoir comme suggérant un mandat entre Casino et ses franchisées, faute de personnalité morale de l'ensemble des franchisées. Il ne peut dès lors que signifier, plus simplement, que Casino négocie des conditions de vente qui seront celles que les fournisseurs, soit de Casino, soit directement des franchisées, appliqueront à l'ensemble des co-contractants possibles.
Il résulte par ailleurs de ces dispositions, et de la pratique évoquée par les deux parties, qui fait bien référence à des fournitures de marchandises, que les produits qui sortent des entrepôts de Casino lui appartiennent, puisqu'elle s'en réserve la propriété jusqu'à parfait paiement, et font l'objet d'une facturation régulière par Casino et pour son propre compte à la franchisée. Les relations entre les parties s'inscrivent donc dans le cadre de contrats "achat-vente", Casino achetant pour revendre et agissant en qualité de grossiste. Il n'y a dès lors pas lieu à reddition de compte par Casino à sa franchisée en ce qui concerne les conditions dans lesquelles elle a acquis les produits qu'elle revend.
En ce qui concerne les produits référencés, le rôle de Casino, se rapproche de celui d'un courtier en ce qu'il a pour objet de mettre en relation des parties souhaitant contracter. Il n'y a pas lieu, dans cette hypothèse non plus, à reddition de comptes, puisque les franchisées finalisent elles même leurs contrats, sans que la relation de Casino avec les fournisseurs les concerne directement, le contrat de franchise prévoyant par ailleurs une rémunération pour le service ainsi rendu aux franchisées, dont rien ne justifie qu'elle soit exclusive d'une contrepartie versée par les fournisseurs à Casino au titre des référencements opérés. La prestation de Casino servant également les intérêts des fournisseurs, les éventuelles 'ristournes' que ces derniers peuvent lui consentir ne peuvent être considérées comme dépourvues de cause, et susceptibles à ce titre d'entrer dans les pratiques visées par l'article L. 420-1 du Code de commerce.
Les demandes de communication de pièces et d'expertise formulées sur ces fondements ne se relient dès lors à aucune demande susceptible d'être accueillie, et ne peuvent qu'être rejetées, ainsi que la demande de provision.
Sur la demande au titre des intérêts sur la condamnation prononcée par la Cour d'appel de Rennes le 1er mars 2005 :
Cette condamnation, prononcée à titre provisionnel, intéresse la somme de 43 165,32 euro figurant sur la situation d'encours établie par Casino le 16 octobre 2003, et le remboursement du dépôt de garantie ainsi qu'un mois de loyer, pour lesquelles aucune demande au titre des intérêts échus à compter de la mise en demeure n'avait été formulée au cours de cette instance.
Il n'est pas contesté que Casino a été régulièrement mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 octobre 2003 d'avoir à payer la somme de 43 165,32 euro, et que l'assignation en référé, du 12 novembre 2003, visait le dépôt de garantie.
Cette demande, limitée à la période antérieure au 1er mars 2005, ne peut qu'être accueillie.
Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile :
Chacune des parties, succombant partiellement, conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel, sans qu'il y ait lieu à application des articles 699 et 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : Infirmant le jugement, Dit que le contrat de franchise n'a pu être résilié par application de la clause résolutoire, Dit fautive la résiliation des contrats de franchise et de location-gérance à l'initiative de la société Distribution Casino France, La condamne à payer à la société Riandistribution la somme de 5 000 euro en réparation du préjudice ainsi causé, et celle de 2 000 euro à Maurice Cogic au titre du préjudice moral personnellement subi par ce dernier, Dit que la société Riandistribution a violé la clause de non-concurrence l'astreignant à ne pas avoir de dirigeant exploitant un autre supermarché, Condamne la société Riandistribution à payer à la société Distribution Casino France la somme de 5 000 euro en réparation du préjudice ainsi causé, Dit que Maurice Cogic sera tenu au paiement de cette somme au titre de la garantie à première demande par lui signée le 1er septembre 2001, Confirmant le jugement, Rejette la demande au titre de la violation de la clause de secret, Rejette les demandes de provision, de communication de pièces et d'expertise, Le complétant, Dit que les condamnations prononcées par arrêt de la présente cour du 1er mars 2005 porteront intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2003 pour la somme de 43 165,32 euro, et du 12 novembre 2003 pour le surplus, Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel, sans qu'il y ait lieu à application des articles 699 et 700 du Code de procédure civile, Rejette le surplus des demandes.