Livv
Décisions

CA Versailles, 13e ch., 27 juin 1996, n° 94-00003667

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Chapelle, Jean Chapelle (SA)

Défendeur :

Sony France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Monteils

Conseillers :

Mme Bardy, M. Besse

Avoués :

SCP Lefevre-Tardy, Me Bommart

Avocat :

Me Mitchell

T. com. Nanterre, du 18 janv. 1994

18 janvier 1994

Monsieur Jean Chapelle a exploité en nom personnel un fonds de commerce de vente d'appareils audiovisuels, rue de Rennes à Paris ; la SA Jean Chapelle lui a succédé en mai 1989.

Monsieur Jean Chapelle et la SA Jean Chapelle ont entretenu des relations commerciales et conflictuelles avec la société Sony France.

Monsieur Chapelle a initié de très nombreuses procédures à l'encontre de la société Sony France.

Le 21 septembre 1984, Monsieur Chapelle et la société Sony France ont signé une transaction par laquelle les parties déclaraient se désister des instances et actions qui les opposaient ; coopérer dans le respect de la loi.

La société Sony convenait d'appliquer à l'établissement Jean Chapelle, rue de Rennes, le régime de remises et de ristournes de 5 % + 5 %, et d'associer Monsieur Chapelle aussi utilement que possible au mécanisme mis en place par la société Sony pour promouvoir la distribution de ses produits.

Monsieur Chapelle a bénéficié d'une ristourne complémentaire de 9,21 %, habituellement versée aux revendeurs assurant le service après-vente.

Cette ristourne a été supprimée par décision de la société Sony à partir du 9 septembre 1985, au motif que le service après-vente n'était pas assuré.

Elle a été reprise en novembre 1986, sur intervention de l'Administration.

Les commandes de Monsieur Chapelle ont cessé en mars 1987.

Monsieur Chapelle a assigné la société Sony France en paiement de ristournes impayées entre le 9 septembre 1985 et le 18 novembre 1986, et en dommages et intérêts, et afin de voir prononcer la résiliation de la transaction du 21 septembre 1984.

Par la suite, la SA Jean Chapelle a ajouté une demande tendant à faire déclarer illicites les conditions de vente de la société Sony France, et une demande d'expertise.

Elle a demandé au tribunal de dire que la société Sony avait commis des refus de vente injustifiés, des discriminations dans l'application de ses conditions de vente et sa demande en dommages et intérêts a atteint plus de 30 millions de francs.

Par jugement du 18 janvier 1994 le Tribunal de commerce de Nanterre :

- a dit irrecevable l'intervention de la société Jean Chapelle

- a dit valable la transaction du 21 septembre 1984, mais a dit qu'elle avait cessé de produire ses effets au 9 mai 1989,

- a constaté que cette transaction s'est trouvée en fait résiliée en raison du comportement des deux parties,

- a rejeté la demande de nullité par Monsieur Chapelle des conditions de vente de Sony France,

- a dit que Monsieur Chapelle doit bénéficier du régime 10 % + 10 % des conditions de vente Sony sur la période du 9 septembre 1985 au 18 novembre 1986,

- a dit qu'il n'a pas été établi que Sony ait commis des refus de vente, que Sony avait commis des pratiques discriminatoires à l'encontre de Monsieur Chapelle mais que la responsabilité de ce dernier était engagée,

- a condamné la société Sony à payer à Monsieur Chapelle la somme de un million de francs à titre de dommages et intérêts toutes causes confondues,

- a rejeté les autres demandes des parties et a partagé les dépens par moitié.

Monsieur Chapelle et la SA Chapelle ont fait appel.

Ils demandent de réformer le jugement sauf en ce qu'il a admis la validité de la transaction du 21 septembre 1994 et a dit que Monsieur Chapelle devait bénéficier du régime 10 % + 10 % des conditions de vente Sony sur la période du 9 septembre 1985 au 18 novembre 1986 et être indemnisé du préjudice subi de ce fait,

- de juger recevable l'intervention de la SA Jean Chapelle

- de rejeter la demande de résiliation de la société Sony de cette transaction,

- de dire que la société Sony a commis des refus de vente injustifiés d'un montant de 12,979 millions de francs HT et a empêché la passation de commandes complémentaires pour 8,7 millions de francs pour les motifs exposés à la 1re partie et de dire que ces pratiques ont causé à Monsieur Jean Chapelle un préjudice de 3,614 millions de francs pour les motifs exposés à la 1re et VIe partie,

- de constater que la société Sony France a commis de très nombreuses discriminations dans l'application de ses conditions de vente d'octobre 1984 au 31 mars 1987 pour les motifs exposés à la IIe partie,

- de constater que la description de ces discriminations par Jean Chapelle, n'a pas été contestée, ni par Sony, ni par le tribunal,

- de dire en conséquence, en application de la jurisprudence du droit de la concurrence, que ces pratiques sont prohibées par l'article 50 de l'ordonnance de 1945 et par l'article 7 de l'ordonnance du 1.12.1986,

- de prononcer en conséquence la nullité des conditions de ventes Sony pour la période octobre 1984 à fin mars 1987, pour les motifs exposés à la IIe partie,

- de dire que ces pratiques ont causé à Monsieur Jean Chapelle, un préjudice de 4,81 millions de francs pour les motifs exposés à la IIe et VIe parties,

- de dire que la société Sony France a injustement refusé d'accorder à Jean Chapelle le classement de remises de 10 % + 10 % du 9 septembre 1985 au 18 novembre 1986, alors qu'elle lui a consenti les remises de 5 % + 5 %, et dire qu'elle a créé un préjudice de 0,538 million de francs, pour les motifs exposés au IIIe et VIe parties,

- de dire que la société Sony n'a pas respecté la transaction signée le 24 septembre 1984 pour les motifs exposés aux présentes conclusions Ve partie et que cela a causé à Monsieur Jean Chapelle, un préjudice évalué à 1 million de francs pour les motifs exposés aux Ve et VIe parties,

- de dire que la société Sony a créé un préjudice à la SA Jean Chapelle en ne respectant pas la transaction, et prendre acte que la SA Jean Chapelle en demandera réparation dans le cadre d'une autre instance,

- de constater que les autres griefs de Monsieur Jean Chapelle développés dans son assignation et numérotés par Sony sous les numéros 5, 6, 7, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15 sont bien fondés pour les motifs exposés à la IVe Partie, et dire qu'ils ont causé un préjudice qui a été évalué avec celui relevant des discriminations, pour les motifs exposés aux IVe et VIe parties,

- de constater que les pratiques illicites ont provoqué des pertes de chances consistant en une perte de valeur du fonds de commerce qui peut être évalué à un minimum de 10 millions de francs pour les motifs exposés à la VIe partie,

- de constater que de janvier 1984 au 31 mars 1987, Monsieur Jean Chapelle bénéficiait au titre de ses bénéfices industriels et commerciaux de commerçant en nom propre, de l'exemption de l'impôt sur le bénéfice et sur le revenu, au titre du régime de la création d'entreprise nouvelle,

- de constater que les revenus non perçus à cette époque du fait des agissements de la société Sony, et qui sont payés au titre de la réparation du préjudice sont imposables actuellement au taux d'imposition normaux de l'impôt sur le revenu, le régime de la création d'entreprise s'étant achevé fin 1988,

- de constater que les revenus non perçus qui s'élèvent à 8,96 millions de francs exempts d'impôts, correspondent à 18,91 millions de revenus perçus en 1992 avec imposition sur le revenu, soit une incidence de 10 millions pour réparer le préjudice causé par la perte de chances provoquée par Sony,

- de constater que les sommes qui auraient dû être perçues depuis 1984 auraient produit des intérêts que l'on peut fixer au taux moyen de 10 % sur les sommes de 0, 38 million de francs depuis 1984, de 3, 70 millions de francs depuis 1985, de 3, 65 millions de francs depuis 1986, et 1, 23 million de francs depuis 1987,

- de condamner en conséquence la société Sony France à payer à Monsieur Jean Chapelle les sommes suivantes en réparation des divers préjudices qu'elle lui a causés :

* 3,614 millions de francs pour les refus de vente, 0, 538 million de francs pour le non-classement de 10 % + 10 %, 4,81 millions de francs pour les discriminations, 1 million de francs pour le non-respect de la transaction, 10 millions de francs pour la perte de valeur du fonds de commerce et préjudices divers, et 10 millions de francs pour l'incidence fiscale des modifications du régime fiscal de Monsieur Jean Chapelle depuis la date des faits,

- de condamner la société Sony France à payer les intérêts de retard au taux annulé de 10 % sur les sommes de 0,38 million de francs depuis 1984, de 370 million de francs depuis 1985, de 3,65 million de francs depuis 1986, et 1,23 million de francs depuis 1987,

- de dire que l'annulation des conditions de ventes de Sony a pour conséquence que les produits vendus par Sony doivent être payés par Jean Chapelle à leur valeur réelle sans bénéfice par Sony,

- de condamner Sony à rembourser à Jean Chapelle la différence existant entre le prix facturé et le prix d'achat des produits livrés à Jean Chapelle,

- de condamner la société Sony à payer à Monsieur Jean Chapelle la somme de 100 000 francs, et à la société Jean Chapelle la somme de 10 000 francs, en application de l'article 700 du NCPC.

La société Sony France demande de dire Monsieur Jean Chapelle et la société Jean Chapelle irrecevables et en tout cas mal fondés en leur appel principal et les en débouter,

- de confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Nanterre du 18 janvier 1994 en ce :

* qu'il a déclaré la société Jean Chapelle irrecevable à intervenir dans la présente affaire, faute d'intérêt à agir,

* qu'il a rejeté la demande de Monsieur Jean Chapelle tendant à voir annuler et déclarer inopposables les conditions générales de vente de la société Sony France et sa demande de remboursement de la différence entre le prix facturé et le prix d'achat des produits livrés,

* qu'il a constaté que la preuve des refus de vente n'était pas établie et rejeté, en conséquence, la demande d'indemnisation de Monsieur Jean Chapelle de ce chef,

* qu'il a dit n'y avoir lieu à indemnisation de Monsieur Jean Chapelle pour non-respect de la transaction, au besoin par substitution ou complément de motifs,

* qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation de Monsieur Jean Chapelle pour perte de valeur de son fonds de commerce et incidence fiscale, ainsi que sa demande d'intérêt de 10 % sur le manque à gagner subi chaque année,

Et, faisant droit à l'appel incident de la société Sony France de :

- constater que la compétence du tribunal de commerce était limitée aux conséquences civiles de la décision du Conseil de la concurrence dans le cadre de l'article 1382 du Code civil, à l'exclusion de tout réexamen des faits de l'espèce au regard de l'ordonnance du 1er décembre 1986,

- constater que le Conseil de la concurrence n'a retenu à la charge de la société Sony France aucune pratique discriminatoire pour la période octobre 1984/mars 1987,

- d'infirmer en conséquence, le jugement du tribunal en ce qu'il a cru pouvoir condamner la société Sony France pour pratiques discriminatoires.

Très subsidiairement,

- de dire n'y avoir lieu à indemnisation de Monsieur Jean Chapelle, en l'absence de preuve de discriminations, de désavantage dans la concurrence et de préjudice.

Encore plus subsidiairement,

- de ramener le montant de la condamnation à dommages et intérêts à un montant purement symbolique en apport avec l'activité économique réelle de Monsieur Jean Chapelle et en tenant compte de sa part de responsabilité dans la détérioration des relations commerciales entre les parties,

- de dire que la transaction signée le 21 septembre 1984 entre la société Sony France et Monsieur Jean Chapelle a été résiliée aux torts exclusifs de Monsieur Jean Chapelle

- d'infirmer en conséquence, le même jugement, en ce qu'il a dit, en droit, la transaction valable jusqu'au 9 mai 1989, et en fait, résiliée aux torts des deux parties,

- de dire qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Sony France les frais irrépétibles qu'elle a dû engager dans la présente instance,

en conséquence,

- de condamner Monsieur Jean Chapelle à régler à la société Sony France la somme de 100 000 F par application de l'article 700 du NCPC.

Le 15 novembre 1995, Monsieur Chapelle et la société Jean Chapelle demandent :

- acte du retrait des deux griefs relatifs à la cessation des visites de représentants ou de personnels de Sony (6e grief) et à la non-invitation aux voyages ou séminaires de revendeurs (10e grief),

- d'ordonner le retrait de l'arrêt du 28 janvier 1987 (pièce n° 14) et de toute référence à une condamnation relative à l'incident du 6 juin 1995.

Le 20 novembre 1995, Monsieur Jean Chapelle et la SA Jean Chapelle demandent :

- de déclarer irrecevables les conclusions et pièces de Sony ;

subsidiairement,

- de rejeter ses demandes.

Le 25 décembre 1995, la société Sony France demande de débouter les appelants.

Le 8 janvier 1996, la SA Chapelle et Monsieur Jean Chapelle demandent :

Vu notamment les accords de coopération vidéo 8 de 1985 et 1986,

- de rejeter les moyens de la société Sony France

Le 8 janvier 1996, elle conclut à nouveau pour demander de rejeter des débats les conclusions de la société Sony France en date de 26 décembre 1996 et les pièces suivantes :

* document n° 29,

* document n° 20,

* arrêt de la Cour d'appel de Paris.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 janvier 1996.

La société Sony France demande :

Vu les articles 16 et 783 du NCPC.

- de déclare irrecevables comme tardives les deux jeux de conclusions signifiées par Monsieur Jean Chapelle et la SA Chapelle le 8 janvier 1996 ainsi que les pièces du même jour ; de les rejeter des débats.

Le 5 février 1996, Monsieur Jean Chapelle et la société Concurrence :

Vu la lettre du secrétaire général de la société Sony France du 15 novembre 1995,

Vu l'évocation tardive au 26 décembre 1995 de nouvelles pièces numéros 24 à 28,

Vu la non-communication d'une sentence arbitrale et d'un rapport d'expertise de plusieurs centaines de pages concernant une autre société non dans la cause,

- de dire non fondée la demande de rejet des débats de la société Sony France signifiée le 16 janvier 1996,

- de rejeter des débats les documents Sony visés par le bordereau du 26 décembre 1995 sous les numéros 27 et 28 ;

subsidiairement, si par impossible la cour croyait devoir faire droit à la demande de rejet des débats formée par Sony France le 16 janvier 1996, il conviendrait en conséquence de déclarer irrecevables les conclusions signifiées et les pièces communiquées par la société Sony France le 26 décembre 1995, postérieurement au délai d'injonction, la concluante n'ayant pas eu le temps matériel d'y répondre avant la clôture du 9 janvier 1996,

DISCUSSION

Considérant que la cour, sans se laisser entraîner dans des méandres procéduraux surannés, constate que l'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 janvier 1996, que les avoués des parties avaient été contradictoirement avisés que la clôture, initialement prévue pour le 21 novembre 1995, serait rendue le 9 janvier 1996 ; que les pièces et conclusions versées aux débats le 8 janvier 1996 par les appelants l'ont été trop tard pour que l'intimé puisse y répondre ; qu'il y a donc lieu de rejeter des débats les pièces et conclusions postérieures au 9 janvier 1996 ;

Considérant que les conclusions de la société Sony France en date du 26 décembre 1995 sont par contre recevables, les appelants ayant eu le loisir d'y répondre ; qu'il en est de même des pièces du même jour ;

Considérant que la société Sony France a accepté de retirer de ses communications de pièces l'arrêt du 28 janvier 1987, et les paragraphes de ses écritures qui s'y réfèrent ;

Considérant que la société Sony France demande de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'intervention de la SA Chapelle n'était pas recevable faute d'intérêts à agir ;

Considérant que la transaction dont Monsieur Chapelle demande de constater la validité et de rejeter la demande de résiliation a été conclue entre Monsieur Jean Chapelle et la société Sony France ; qu'elle n'a reçu application qu'entre ces deux parties, car la SA Chapelle n'existait pas encore ; que le préjudice invoqué est celui de Monsieur Jean Chapelle et non de la SA qui a acquis son fonds de commerce le 9 mai 1989 ;

Considérant qu'il n'est nullement établi que la SA Jean Chapelle aurait également acquis les droits et actions en cours de Monsieur Jean Chapelle ; que c'est à bon droit que le tribunal a dit irrecevable l'intervention de la SA Jean Chapelle ;

Considérant que l'appel de la SA Chapelle est par voie de conséquence irrecevable ;

Considérant que les parties sont d'accord pour considérer que la transaction qu'elles ont signée le 21 septembre 1984 était valable, qu'elles s'opposent sur la date et sur les causes de la résiliation et contestent l'une et l'autre la décision des premiers juges ;

Considérant qu'il est établi par le tableau des commandes de Monsieur Chapelle à la société Sony France que le premier a cessé toute relation commerciale avec la seconde en avril 1987 ; qu'à partir de cette date, plus aucune commande n'a été passée ; que la transaction n'a dès lors plus eu aucune portée ;

Considérant qu'il est incontestable que l'application des ristournes les plus favorables à Monsieur Jean Chapelle était subordonnée à la fourniture par celui-ci à ses clients d'un minimum de services ; que ses ristournes n'étaient en effet accordées par la société Sony France qu'aux distributeurs effectuant un service après-vente convenable, ce qui n'était pas le cas ; qu'en tout état de cause, l'accord transactionnel ne portait que sur une ristourne de 5 % + 5 % et non sur la ristourne complémentaire de 9,1% ;

Considérant que l'accord transactionnel a été non seulement rompu de fait en avril 1987, mais résilié aux torts de Monsieur Chapelle ; qu'il apparaît en effet, que la poursuite des relations était subordonnée au respect de l'article 2 de l'accord, et de la déclaration d'intention : coopération dans le respect de la loi ; qu'en l'espèce, Monsieur Chapelle ne conteste pas, puisqu'il communique lui-même une pièce qui en fait état, qu'en juin 1985 il a refusé de recevoir le directeur de la société Sony France ; que les relations ont été en permanence hostiles, qu'il n'a pas cessé de faire des reproches à la société Sony France, de déposer des plaintes à son encontre et d'engager des actions de diverses natures ; qu'il ne saurait donc se prévaloir d'une coopération normale et continue ;

Considérant que le jugement sera émendé en ce qu'il a dit que en conséquence la transaction était résiliée aux torts des deux parties ; et a dit que Monsieur Chapelle devait bénéficier de la ristourne 10 % + 10 % sur la période du 9 septembre 1985 au 18 novembre 1986 ;

Considérant que Monsieur Chapelle soutient que la société Sony France a commis des refus de vente injustifiés, a empêché la passation de commandes complémentaires, a commis de très nombreuses discriminations dans l'application des conditions de vente ; qu'il produit de très nombreuses pièces dont il pense pouvoir tirer la preuve de ses arguments ;

Considérant que le Conseil de la concurrence a été saisi par Monsieur Chapelle de pratiques de la société Sony France relatives à des discriminations dont lui-même et les entreprises de son groupe auraient été victimes et de refus de vente anticoncurrentiels, qu'il a estimé que s'il y avait eu des incidents ponctuels portant sur de très faibles quantités, il n'existait pas d'état de dépendance économique des sociétés du groupe Chapelle et qu'il n'existait pas de pratiques anticoncurrentielles ;

Considérant que la Cour d'appel de Paris a rejeté le recours formé par les sociétés du groupe Chapelle ; que les relations commerciales entre le groupe et la société Sony France ont été examinées pour l'ensemble de la période visée par Monsieur Chapelle ;

Considérant qu'il est certain que Monsieur Chapelle peut engager une action en réparation de son préjudice devant la juridiction commerciale, il ne peut se fonder sur les moyens qui ont été écartés par la cour d'appel et définitivement jugés ;

Considérant que les conditions de vente de la société Sony France ont été reconnues licites par plusieurs décisions judiciaires ; que Monsieur Chapelle ne peut dorénavant en solliciter la nullité ;

Considérant que Monsieur Chapelle met l'accent sur des pratiques discriminatoires auxquelles se serait livrée la société Sony France à son égard : refus de vente, organisation de la pénurie ;

Considérant que la preuve des refus de vente n'est pas davantage rapportée devant la cour que devant le tribunal et devant le Conseil de la concurrence ; que Monsieur Chapelle se livre dans ses conclusions à des énumérations et affirmations qui n'ont aucun caractère probant ; que rien ne permet d'affirmer que la société Sony France détenait dans ses stocks les marchandises commandées par Chapelle ; étant observé que pour donner satisfaction à ce dernier, elle n'avait pas l'obligation de refuser les livraisons à ses autres distributeurs ;

Considérant que Monsieur Chapelle reproche à la société Sony France d'autres pratiques discriminatoires qui ont été analysées par le tribunal dans des motifs que la cour adopte ; qu'il n'est cependant pas possible de retenir à l'encontre de la société Sony France le refus d'appliquer une remise de 10 % + 10 % notamment en raison du fait que la société du groupe Chapelle fait que la société Semavem bénéficiait dans la même période de ladite remise ; que Monsieur Chapelle ne démontre pas qu'il a été affecté d'une manière quelconque par l'application de remises plus faibles ;

Considérant que pour obtenir réparation d'un préjudice en se fondant sur l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, il faut démontrer l'existence d'un désavantage dans la concurrence et d'un préjudice ; ce qu'en l'espèce Monsieur Chapelle ne fait pas ;

Considérant qu'il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de dommages et intérêts de Monsieur Chapelle ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Sony France la totalité des frais irrépétibles qu'elle a pu exposer ;

Par ces motifs : Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Dit irrecevables les pièces et conclusions de l'appelant du 8 janvier 1996, Dit recevables les pièces et conclusions de l'intimée du 26 décembre 1995, Constate que la société Sony a accepté de retirer des pièces communiquées l'arrêt dela Cour d'appel de Paris du 28 janvier 1987 et les paragraphes de ses écritures qui y réfèrent, Confirme le jugement du 18 janvier 1994 en ce qu'il a dit l'intervention de la SA Chapelle irrecevable, Dit l'appel de la SA Chapelle irrecevable par voie de conséquence, Emendant le jugement du 18 janvier 1994, Dit que la transaction du 21 septembre 1994 est résiliée aux torts exclusifs de Monsieur Jean Chapelle, à compter du 1er avril 1987, Dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts au profit de Monsieur Jean Chapelle, Le déboute de ses demandes, Confirme le jugement en ses autres dispositions. Condamne Monsieur Jean Chapelle à payer à la société Sony France la somme de soixante mille francs (60 000 F) sur le fondement de l'article 700 du NCPC. Déboute les parties de toutes autres demandes. Condamne Monsieur Jean Chapelle aux dépens de première instance et d'appel et accorde à Maître Bommart, avoué, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du NCPC.