Livv
Décisions

ADLC, 6 mai 2013, n° 13-D-10

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à une demande de mesures conservatoires présentée par les Messageries lyonnaises de presse (MLP)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de M. Antoine Errera, l'intervention de Mme Carole Champalaune, rapporteure générale adjointe, par Mme Claire Favre, vice-présidente, présidente de séance, M. Emmanuel Combe, vice-président, , M. Jean-Bertrand Drummen, membre.

ADLC n° 13-D-10

6 mai 2013

L'Autorité de la concurrence (commission permanente),

Vu la lettre, enregistrée le 11 décembre 2012 sous les numéros 12/0109 F et 12/0110 M, par laquelle les Messageries lyonnaises de presse (MLP) ont saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par le groupe Presstalis et le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) et ont sollicité, en outre, le prononcé de mesures conservatoires ; Vu les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce modifié ; Vu les décisions 13-DSA-69 du 20 février 2013, 13-DSA-84 du 7 mars 2013, 13-DSA-92 du 13 mars 2013, 13-DSA-101 du 19 mars 2013, 13-DSA-106 du 22 mars 2013 ; Vu les observations de la société MLP, de la société Presstalis et du CSMP ; Vu l'avis de l'ARDP du 15 février 2013 ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe, le commissaire du Gouvernement et les représentants des sociétés Presstalis et MLP et du CSMP entendus lors de la séance du 27 mars 2013 ;

Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LA SAISINE

1. Par lettre enregistrée le 11 décembre 2012, sous les numéros 12/0109 F et 12/0110 M, les Messageries lyonnaises de presse (MLP) ont saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par Presstalis et le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) dans le secteur de la distribution de la presse.

2. Dans leur saisine, les MLP dénoncent des pratiques qui seraient constitutives d'un abus de position dominante de la part de Presstalis, à savoir (1) l'influence prépondérante de Presstalis au sein du CSMP, qui se serait traduite par l'adoption de décisions relatives aux modalités d'encadrement des transferts de titres entre messageries (1) et à la mise en place d'un système de péréquation inter-coopératives (2) dans l'intérêt exclusif de Presstalis au détriment des MLP, (2) une politique de dénigrement qui serait mise en œuvre par Presstalis à l'encontre des MLP, (3) une stratégie d'intimidation judiciaire menée par Presstalis à l'encontre des éditeurs souhaitant rejoindre les MLP et (4) des pratiques tarifaires discriminatoires relatives aux produits hors presse.

3. Les MLP dénoncent également des comportements qui seraient constitutifs d'une entente et dont le CSMP serait le support.

4. Accessoirement à la saisine au fond, les MLP ont sollicité, sur le fondement de l'article L. 464-1 du Code de commerce, le prononcé de mesures conservatoires tendant à faire cesser les pratiques dénoncées.

B. LE SECTEUR D'ACTIVITÉ : LA DISTRIBUTION DE LA PRESSE

5. La distribution de la presse peut être effectuée par deux canaux : la vente par abonnement (distribution postale ou portage), et la vente au numéro. Est seule concernée dans le cadre de la présente saisine la vente au numéro.

6. La loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, dite loi Bichet, définit les modalités de cette distribution. Elle confère à tout éditeur la liberté d'assurer lui-même la distribution de ses publications. Lorsqu'un éditeur décide de se grouper avec d'autres éditeurs, le groupage et la distribution de leurs journaux et publications sont assurés par des sociétés coopératives de messageries de presse. Celles-ci peuvent effectuer le groupage et la distribution des titres de leurs adhérents par leurs propres moyens, ou bien confier l'exécution de ces opérations matérielles à des entreprises commerciales, en s'assurant une participation majoritaire dans la direction desdites entreprises, de nature à garantir l'impartialité de cette gestion et la surveillance de leur comptabilité.

7. La distribution de la presse nationale au numéro comporte trois niveaux :

- niveau 1 : les sociétés coopératives et les sociétés commerciales de messageries de presse

- niveau 2 : les dépositaires de presse (grossistes)

- niveau 3 : les diffuseurs de presse (détaillants - marchands de journaux)

<Emplacement schéma 1>

C. LES ENTREPRISES

8. Il existe trois coopératives actives en matière de distribution de la presse : la Coopérative des quotidiens, la Coopérative des magazines, qui détiennent à elles deux la société Presstalis, et les Messageries lyonnaises de presse (MLP).

9. La société commerciale Presstalis, détenue à 75 % par la Coopérative des magazines et à 25 % par la Coopérative des quotidiens, assure seule la distribution des titres de la presse quotidienne nationale (PQN). Elle distribue également 64 % des magazines. Elle met en circulation plus de 3 700 titres en France et à l'étranger. Les deux coopératives regroupent 504 éditeurs au 1er octobre 2012. En 2011, Presstalis a réalisé un chiffre d'affaires de l'ordre de 178 millions d'euros.

10. Presstalis assure en outre le contrôle d'une part importante du niveau 2 du réseau de distribution, à travers les 18 agences de la SAD (3), la SPPS (4) et les 25 dépôts gérés par SOPROCOM (société sur laquelle Presstalis exerce un contrôle de fait (5)).

11. Enfin, Presstalis est présente au niveau 3, via sa filiale la Seddif (concept Maison de la Presse et concept Mag presse).

12. Les MLP assurent, quant à elles, la distribution de 36 % des magazines. Elles mettent en circulation plus de 3 300 titres et regroupaient 600 éditeurs/sociétaires en 2012. En 2011, les MLP ont réalisé un chiffre d'affaires de 68 millions d'euros.

D. LA RÉGULATION BICÉPHALE INTRODUITE PAR LA LOI DU 20 JUILLET 2011

13. Des modifications substantielles ont été apportées à la loi du 2 avril 1947 par la loi n° 2011-852 du 20 juillet 2011 relative à la régulation du système de distribution de la presse. Ces modifications concernent principalement la composition et les attributions du CSMP, dont le rôle et les fonctions sont analysés ci-après, les modalités de règlement des différends susceptibles de survenir entre opérateurs ainsi que le régime contentieux des décisions prises dans le cadre d'une régulation bicéphale, compte tenu de la création de l'Autorité de régulation de la presse (ARDP).

14. Désormais, deux instances sont chargées d'intervenir au titre de la régulation du secteur : le CSMP, dont la composition est modifiée et les pouvoirs renforcés, et l'ARDP. Aux termes du troisième alinéa de l'article 17 de la loi précitée, " Le Conseil supérieur des messageries de presse et l'Autorité de régulation de la distribution de la presse veillent, dans leur champ de compétences, au respect de la concurrence et des principes de liberté et d'impartialité de la distribution ". À ce titre, l'application des principes du droit de la concurrence entre pleinement dans les prérogatives du CSMP et de l'ARDP.

1. LE CSMP MODIFIÉ

15. Aux termes de l'article 17 de la loi Bichet modifiée, le CSMP " assure le bon fonctionnement du système coopératif de distribution de la presse et de son réseau ".

16. La composition du CSMP est modifiée afin d'en faire une instance composée de professionnels de la distribution de la presse, laquelle se voit conférer le statut de personne morale de droit privé. L'assemblée générale du CSMP comprend désormais 20 membres - et non plus 27 comme précédemment - nommés par arrêté du ministre chargé de la communication, dont, notamment, neuf représentants des éditeurs sur proposition des organisations professionnelles les plus représentatives, trois représentants des sociétés coopératives de messageries de presse, deux représentants des entreprises commerciales et des messageries de presse concourant aux opérations matérielles de distribution de la presse, deux représentants des dépositaires et deux des diffuseurs. À l'exception de la présence d'un commissaire du Gouvernement, la représentation de l'État est supprimée, comme celle des entreprises de transport.

17. Les pouvoirs du CSMP sont élargis. Le CSMP prend, par application de l'article 18-6 de la loi Bichet modifiée, les mesures nécessaires pour garantir, en particulier, une distribution optimale de la presse d'information politique et générale, et fixe les règles d'organisation et les missions des dépositaires et des diffuseurs correspondant aux niveaux 2 et 3 du réseau, dans le cadre d'un schéma directeur annuel. Le CSMP assure également le contrôle comptable des sociétés coopératives de messageries de presse. Le CSMP se voit enfin confier un rôle de médiation dans la résolution des différends susceptibles de survenir entre les opérateurs du secteur de la distribution de la presse. L'article 18-11 de la loi Bichet modifiée dispose en effet que : " Tout différend relatif au fonctionnement des sociétés coopératives et commerciales de messageries de presse, à l'organisation et au fonctionnement du réseau de distribution de la presse et à l'exécution des contrats des agents de la vente de presse est soumis par l'une des parties, avant tout recours contentieux, à une procédure de conciliation transparente, impartiale et contradictoire devant le Conseil supérieur des messageries de presse, selon des modalités prévues par son règlement intérieur ".

18. S'agissant de cette procédure de règlement des différends, son périmètre est très large. Il ressort expressément des travaux parlementaires que l'intention du législateur était de faire en sorte que cette procédure puisse concerner l'ensemble des différends naissant à tous les niveaux de la chaîne de distribution de la presse (6), l'un des principaux objectifs poursuivis étant de limiter le nombre de contentieux impliquant des acteurs du système de distribution de la presse devant les tribunaux ou devant l'Autorité de la concurrence.

19. Le caractère exécutoire des décisions de portée générale du CSMP suppose l'intervention de l'ARDP dans des conditions qui seront exposées ci-après. Le cinquième alinéa de l'article 18-13 de la loi Bichet modifiée dispose que : " Les décisions de portée générale rendues exécutoires par l'Autorité de régulation de la distribution de la presse peuvent faire l'objet d'un recours devant la cour d'appel de Paris ".

20. Par ailleurs, le sixième alinéa du même article dispose que : " Les décisions à caractère individuel prises par le Conseil supérieur des messageries de presse peuvent faire l'objet d'un recours, en fonction de leur objet, soit devant le tribunal de grande instance, soit devant le tribunal de commerce territorialement compétents ".

2. L'ARDP

21. L'ARDP a été créée par l'article 4 de la loi du 20 juillet 2011, ajoutant un article 18-1 à la loi Bichet modifiée. Elle comprend trois membres, nommés par arrêté du ministre chargé de la communication : un membre du Conseil d'État, un magistrat de la Cour de cassation et un magistrat de la Cour des comptes.

22. Sa compétence, définie par l'article 17 de la loi Bichet modifiée, est double. En premier lieu, l'article 18-12-I de la loi lui confère un pouvoir de règlement des différends pour lesquels la procédure de conciliation devant le CSMP prévue par l'article 18-11 et exposée supra aurait échoué.

23. En second lieu, aux termes de l'article 18-13 de la loi, l'ARDP rend exécutoires, en tout ou partie, les décisions de portée générale prises par le CSMP. L'intervention de l'ARDP est donc indispensable pour conférer aux décisions de portée générale du CSMP un caractère exécutoire, que ce soit de façon explicite (par une délibération) ou de façon tacite (par le silence conservé par l'ARDP durant les six semaines suivant la réception de la décision, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 18-13 de la loi Bichet modifiée).

24. Les décisions rendues exécutoires s'imposent à tous les acteurs du système de la distribution. Le président du CSMP ou celui de l'ARDP peuvent saisir le juge afin de mettre fin à tout manquement constaté aux obligations résultant de ces décisions.

25. Le décret n° 2012-373 du 16 mars 2012, pris pour l'application des articles 18-12 et 18-13 de la loi Bichet modifiée, a précisé les modalités de règlement des différends par l'ARDP, ainsi que les conditions d'exercice des recours devant les juridictions compétentes.

E. LES MARCHES PERTINENTS

1. LE MARCHÉ DE LA DISTRIBUTION DE LA PRESSE AU NUMÉRO

26. Le Conseil, puis l'Autorité, ont considéré à plusieurs reprises que le marché de la distribution de la presse au numéro constituait un marché distinct de celui de la vente par abonnement (voir notamment les décisions n° 03-D-09, n° 06-D-16, n° 07-D-23 et n° 12-D-16) et qu'il existait un marché de la distribution de la presse au numéro par les messageries de presse (niveau 1). Presstalis et les MLP sont les deux messageries qui opèrent sur ce marché.

27. La concurrence entre les messageries s'exerce sur le seul niveau 1. En effet, ainsi que l'Autorité a déjà eu l'occasion de le relever, il n'existe pas de concurrence au niveau 2, dès lors que chaque dépositaire est en monopole dans sa zone (7).

28. Dans la décision n° 12-D-16, l'Autorité a retenu que Presstalis disposait d'une part de marché de 75 % sur le marché de la distribution de la presse au numéro. Presstalis est donc susceptible de détenir une position dominante sur le marché considéré (8).

2. LE MARCHÉ DE LA DISTRIBUTION DES PRODUITS HORS PRESSE

29. Dans sa décision n° 06-MC-01, le Conseil de la concurrence n'a pas exclu qu'il puisse exister, parallèlement au marché de la distribution de la presse au numéro, un marché de la distribution des produits hors presse (9).

30. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la définition adoptée par le CSMP, que cette catégorie regroupe quatre ensembles de produits :

- encyclopédies (" nomenclaturées " EY) ;

- produits multimédia : DVD, CD (" nomenclaturés " PM) ;

- assimilé librairie : ouvrages thématiques, catalogues, etc (" nomenclaturé " AL) ;

- produits para-papeterie : albums de coloriage, affiches, posters, vignettes, pochettes (" nomenclaturés " PP).

31. Si l'existence d'un marché distinct ne peut être exclue, ce marché présente un caractère de connexité par rapport au marché de la distribution de la presse au numéro. En effet, la majeure partie de la distribution de produits hors presse est effectuée par les messageries de presse, dans le cadre de contrats de groupage.

32. Dans les avis n° 12-A-24 et n° 12-A-25 (10), l'Autorité avait retenu que Presstalis distribuait 62 % des références hors presse, les MLP assurant la distribution du solde (38 %).

33. Toutefois, il résulte de l'instruction que des modifications significatives des parts de marché ont été observées en 2012. Les données relatives aux trois premiers trimestres de l'année 2012 font apparaître une inversion des parts de marché, celle des MLP s'établissant, pour chacun des trois trimestres considérés, à un niveau compris entre 60 et 70 % (11).

34. Ces éléments sont de nature à caractériser une forte volatilité des parts de marché. .

35. Au vu de ces évolutions, il ne peut donc plus être considéré que Presstalis détiendrait également une position dominante sur un éventuel marché de la distribution des produits hors presse.

F. LES PRATIQUES DÉNONCÉES

36. Les MLP dénoncent une stratégie d'éviction généralisée de la part de Presstalis, dont l'objectif serait d'entraîner leur sortie du marché, au niveau 1 du réseau de distribution.

1. L'INFLUENCE DONT DISPOSERAIT PRESSTALIS AU SEIN DU CSMP

37. La saisine mentionne un " abus de majorité " mis en œuvre par Presstalis au sein du CSMP. Les MLP considèrent en effet que, du fait de sa composition même, le CSMP ne pourrait être regardé comme une instance neutre, dans la mesure où la présence, dans ses différents organes, de professionnels liés à Presstalis aboutirait à l'édiction de décisions systématiquement favorables à cette société.

38. En particulier, les MLP estiment que les représentants des deux coopératives liées à Presstalis disposeraient systématiquement d'une majorité lors du vote des décisions, ce qui leur permettrait de promouvoir leurs propres intérêts.

39. Sont en particulier énumérées la décision n°2011-03 (y compris en ce qu'elle imposait un gel des transferts, disposition qui n'a pas été rendue exécutoire et est donc restée lettre morte), la décision " préavis " citée sous note 1 et la décision " péréquation " citée sous note 2, au titre des principales décisions qui auraient été promues par Presstalis pour défendre ses intérêts propres.

2. LES MODALITÉS D'ENCADREMENT DES DÉLAIS DES TRANSFERT DE TITRES ENTRE MESSAGERIES

a) Sur la mesure de suspension provisoire de transfert de titres entre messageries

40. Les MLP font valoir qu'une tentative aurait été effectuée par le CSMP en vue de geler le transfert de titres d'une messagerie à l'autre. Il ressort des pièces du dossier que, par décision n° 2011-03 du 22 décembre 2011 précitée, le CSMP a entendu suspendre provisoirement le transfert de titres entre sociétés coopératives de messageries de presse jusqu'au 30 septembre 2012 au plus tard.

41. Toutefois, cette décision n'est devenue que partiellement exécutoire dans la mesure où le 10 janvier 2012, l'ARDP a refusé d'en rendre exécutoire la partie relative à la suspension provisoire du transfert de titres, au motif que cette interdiction des transferts apportait des restrictions graves à la liberté contractuelle de l'ensemble des éditeurs de presse ainsi qu'à la liberté du commerce et de l'industrie, qu'elle était ainsi disproportionnée et qu'elle avait, au surplus, été prise sur la base d'une procédure irrégulière (12).

42. Les MLP prétendent cependant que cette décision, même si elle n'a pas été rendue exécutoire, aurait abouti à persuader certains éditeurs qu'il était interdit de transférer des titres d'une messagerie à l'autre. Elles analysent cet épisode comme l'expression d'un abus de position dominante, en ce que les décisions du CSMP seraient en réalité prises au profit de Presstalis.

b) Sur la modulation des délais de transfert de titres entre messageries

43. Le CSMP a adopté, le 21 février 2012, la décision " préavis ", fixant la durée de préavis à respecter par les éditeurs retirant la distribution d'un titre de presse à une messagerie de presse ou se retirant d'une société coopérative de messageries de presse dont ils sont associés (13).

44. Cette décision a été rendue exécutoire par l'ARDP (délibération n° 2012-03 du 16 mars 2012). Elle était motivée par le souci de prendre davantage en compte, dans la détermination des délais de préavis à respecter par les éditeurs, l'ancienneté des relations commerciales et le volume annuel des titres distribués. .

45. Cette décision augmente les délais de préavis pour le passage d'une messagerie à une autre. Les nouveaux délais varient en fonction de l'ancienneté au sein de la messagerie d'origine et de l'importance du tirage de la publication ; ils peuvent aller jusqu'à douze mois. Quelle que soit l'ancienneté des relations commerciales entre l'éditeur et la messagerie de presse qu'il s'apprête à quitter, la durée minimum du préavis ne peut être inférieure à trois mois.

46. Cette décision a fait l'objet, le 13 avril 2012, d'un recours devant la cour d'appel de Paris, actuellement pendant. Dans le cadre de ce recours, les MLP ont articulé un moyen tiré de ce que la décision serait contraire aux dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce, et que sa nullité devra être constatée par application de l'article L. 420-3 de ce Code. Les MLP évoquent également, dans leur mémoire déposé le 27 avril 2012 (14), l'éventualité que la cour d'appel sollicite, en application de l'article L. 462-3 du Code de commerce, l'avis de l'Autorité de la concurrence.

47. Dans leurs conclusions en réplique et récapitulatives, déposées devant la Cour le 19 février 2013, les MLP développent le moyen tiré de la méconnaissance du droit de la concurrence, leur argumentation dénonçant à la fois une entente anticoncurrentielle mise en œuvre au sein du CSMP ainsi qu'un abus de position dominante commis par Presstalis au sein du CSMP (15). Sont également invoquées des pratiques de dénigrement (16) et de recours abusif et dilatoire aux tribunaux (17).

48. La société saisissante appréhende l'adoption de la décision " préavis " comme une pratique par laquelle une entreprise en position dominante impose des conditions commerciales dans le seul but de préserver sa position sur le marché. Elle soutient que, depuis l'adoption de cette décision, le flux des transferts de titres de Presstalis vers les MLP se serait tari. Elle assimile l'allongement des délais de préavis à une forme d'exclusivité de fait au profit de Presstalis, entraînant des effets de verrouillage.

49. Les MLP estiment également que la prise en compte du critère de l'ancienneté des relations commerciales pour le calcul du délai de préavis n'est pas pertinente et ne se justifierait pas.

50. Elles considèrent en conséquence que Presstalis a abusé de sa position dominante sur le marché de la distribution de la presse vendue au numéro en imposant, au sein du CSMP, la prise de la décision " préavis ".

3. LE MÉCANISME DE PÉRÉQUATION INTER-COOPÉRATIVES POUR LE FINANCEMENT DE LA DISTRIBUTION DE LA PRESSE QUOTIDIENNE D'INFORMATION POLITIQUE ET GÉNÉRALE

a) La décision frappée de recours

51. La décision " péréquation " a été rendue exécutoire par délibération de l'ARDP n° 2012-07 du 3 octobre 2012, à l'exception du point 18, qui a fait l'objet d'une demande d'avis à l'Autorité de la concurrence de la part de l'ARDP le 5 octobre 2012. L'Autorité de la concurrence a rendu son avis le 21 décembre 2012 (18).

52. La péréquation portant sur les surcoûts spécifiques instaurée par le CSMP et rendue exécutoire par l'ARDP vise à faire supporter aux éditeurs de la presse magazine certaines charges liées à la distribution des quotidiens, compte tenu des avantages que cette distribution procure aux magazines.

53. Les MLP ont également introduit, le 31 octobre 2012, un recours contre cette décision devant la cour d'appel de Paris, lequel est actuellement pendant. Les MLP estiment que le CSMP n'est pas compétent pour instaurer un mécanisme de péréquation financière et que ce mécanisme constituerait une forme de taxation.

54. Par une ordonnance rendue le 19 février 2013 (19), la cour d'appel a rejeté la demande de sursis à exécution formée le 26 novembre 2012 par les MLP contre la décision précitée. Elle a jugé que l'examen de la situation financière des MLP ne pouvait conduire à conclure que l'application de la décision du CSMP aurait des conséquences excessives de nature à justifier le prononcé d'un sursis. La Cour a notamment relevé que, si le résultat financier des MLP s'élevait à 5,9 millions d'euros de pertes à la fin 2011, contre 2,7 millions d'euros de pertes en 2010, le chiffre d'affaires avait cependant augmenté de 10,6 %, de même que le résultat d'exploitation, qui s'élevait à 3,4 millions d'euros en 2011 contre 0,7 million d'euros en 2010. La Cour a enfin noté l'existence d'un résultat exceptionnel sous la forme d'un bénéfice de 6,1 millions d'euros fin 2011.

55. Dans le cadre du recours au fond, les MLP demandent l'annulation de la décision " péréquation ", en tant qu'elle serait privée de base légale. Au-delà de la contestation de l'application du principe de péréquation, sont contestées les modalités selon lesquelles le mécanisme de péréquation a été défini.

b) Les arguments soulevés dans la présente saisine à l'encontre de la décision " péréquation "

56. Parallèlement au recours pendant devant la cour d'appel qui vient d'être mentionné, les MLP développent dans la présente saisine une argumentation à l'encontre de la décision " péréquation ".

57. La société saisissante estime sur ce point que les modalités de calcul de cette péréquation sont contraires aux principes communément admis en la matière. Elle considère que la méthodologie retenue dans la décision du CSMP rendue exécutoire par l'ARDP serait inappropriée, en ce qu'elle aboutirait à une surcompensation au bénéfice de Presstalis.

58. Elle considère également que le mécanisme de péréquation ne se justifie pas, dès lors qu'aucune obligation de service public ne pèserait sur Presstalis. Elle expose les raisons pour lesquelles le périmètre des coûts pris en compte serait en outre excessivement large.

59. Comme elle le fait dans le recours formé à l'encontre de la décision " préavis ", elle soutient que ces pratiques sont contraires au droit de la concurrence et prohibées par les dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce.

4. LES PRATIQUES DE DÉNIGREMENT ET D'ABUS DU DROIT D'AGIR EN JUSTICE

60. La société saisissante considère que Presstalis s'est employée à la dénigrer, afin d'exercer des pressions sur les éditeurs ayant envisagé de lui transférer certains des titres qu'ils éditent.

61. Les MLP évoquent également des actions judiciaires dont elles considèrent qu'elles revêtent un caractère abusif. Elle en veut pour exemple l'épisode lié à la tentative du groupe Mondadori de transférer plusieurs de ses titres aux MLP, survenue en décembre 2011, laquelle a donné lieu à une action en justice de Presstalis.

5. LA DISCRIMINATION TARIFAIRE

62. Les modalités de rémunération des dépositaires par les messageries de presse se caractérisent par le versement d'une commission résultant de l'application d'un pourcentage sur le prix de vente facial des titres (c'est-à-dire le chiffre d'affaires dit en " montant fort ") des éditeurs membres d'une coopérative.

63. La société saisissante fait valoir que certains dépositaires accepteraient que Presstalis leur verse une commission dont le taux serait inférieur à celui qui est appliqué aux MLP, ce qui aurait pour effet de faire payer les MLP plus cher que ce qui est facturé à Presstalis pour une prestation que les MLP considèrent comme identique. Presstalis bénéficierait donc ainsi d'un taux préférentiel sans raison objective. Cette pratique est dénoncée tant vis-à-vis des dépositaires indépendants que des dépôts de la société SAD et de la société SOPROCOM contrôlées par Presstalis.

64. Par ailleurs, elle soutient qu'à partir de 2010, une contribution provisoire et exceptionnelle relative aux frais de transport du niveau 2 d'un montant de 1% (dite le point Mettling) a été mise en place sur recommandation notamment du CSMP et prolongée depuis, avec un niveau ayant connu des variations mais qui était, à la fin de 2012, de 0,8 % du chiffre d'affaires en montant fort.

65. Ce complément de rémunération était, selon les MLP, en principe applicable à l'ensemble des produits distribués par les messageries, y compris les produits hors presse.

66. La société saisissante soutient que Presstalis n'aurait pas appliqué le complément de rémunération aux produits hors presse. Par cette mesure, Presstalis aurait donc moins rémunéré les dépositaires, et il en aurait résulté un manque à gagner pour ces derniers.

67. Afin de ne pas subir de désavantage concurrentiel, les MLP affirment avoir dû pratiquer la même politique.

68. Les MLP indiquent que les dépôts SAD et SOPROCOM les auraient menacées de suspendre la distribution de leurs produits hors presse, à titre de représailles si elles persistaient dans leur intention de suspendre la mise en œuvre du complément de rémunération en question.

II. Discussion

69. L'Autorité de la concurrence peut, à la demande du ministre chargé de l'économie, des personnes mentionnées au dernier alinéa de l'article L. 462-1 du Code de commerce ou des entreprises, et après avoir entendu les parties en cause et le commissaire du Gouvernement, prendre les mesures conservatoires qui lui sont demandées ou celles qui lui apparaissent nécessaires. Ces mesures ne peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante.

70. Elle peut aussi déclarer la saisine irrecevable par décision motivée lorsqu'elle estime que les faits invoqués n'entrent pas dans le champ de sa compétence ou encore la rejeter, faute d'éléments suffisamment probants.

71. L'article L. 462-8 du Code de commerce dispose en effet en son premier alinéa que : " L'Autorité de la concurrence peut déclarer, par décision motivée, la saisine irrecevable pour défaut d'intérêt ou de qualité à agir de l'auteur de celle-ci, ou si les faits sont prescrits au sens de l'article L. 462-7, ou si elle estime que les faits invoqués n'entrent pas dans le champ de sa compétence. Elle peut aussi rejeter la saisine par décision motivée lorsqu'elle estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants (...) ".

A. SUR L'APPLICATION DU DROIT DE L'UNION

72. Dans ses lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité CE (JOUE 2004, C 101, p. 81), la Commission européenne rappelle que ces articles, devenus les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), s'appliquent aux accords horizontaux et verticaux et aux pratiques abusives d'entreprises qui sont " susceptibles d'affecter le commerce entre États membres ", et ce " de façon sensible ".

73. Il résulte de la jurisprudence communautaire que, pour être susceptibles d'affecter le commerce entre États membres, une décision, un accord ou une pratique doivent, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'ils puissent exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre États membres. Il faut, en outre, que cette influence ne soit pas insignifiante.

74. Trois éléments permettent d'établir que des pratiques sont susceptibles d'affecter sensiblement le commerce intracommunautaire : l'existence d'échanges entre États membres portant sur les services faisant l'objet de la pratique (premier point), l'existence de pratiques susceptibles d'affecter ces échanges (deuxième point) et le caractère sensible de cette possible affectation (troisième point).

1. SUR L'EXISTENCE D'ÉCHANGES ENTRE ÉTATS MEMBRES PORTANT SUR LES SERVICES FAISANT L'OBJET DE LA PRATIQUE

75. Presstalis exerce une importante activité d'exportation et d'importation, portant sur des centaines de titres et des dizaines de destinations desservies. Ainsi, au titre de son activité d'exportation, Presstalis a assuré en 2011 la distribution de plus de 50 millions d'exemplaires vendus, pour 176 millions d'euros de vente en " montant fort " (20).

76. Il en va de même des MLP, qui assurent une activité d'exportation vers plus de cent pays. .

77. Il peut donc être présumé que l'existence d'échanges entre États membres portant sur les services faisant l'objet des pratiques en litige est établie.

2. SUR L'AFFECTATION DU COMMERCE ENTRE ÉTATS MEMBRES

78. Les pratiques alléguées de dénigrement, d'intimidation judiciaire et de discrimination tarifaire concernent l'organisation de la distribution de la presse au numéro sur l'ensemble du territoire français. Comme il a été dit plus haut, Presstalis détient une position dominante sur le marché de la distribution de la presse au numéro, qui est un marché de dimension nationale.

79. Les abus de position dominante commis sur le territoire d'un seul État membre sont susceptibles, dans certains cas, d'affecter le commerce intracommunautaire. Les lignes directrices de la Commission précitées exposent ainsi que " lorsqu'une entreprise, qui occupe une position dominante couvrant l'ensemble d'un État membre met en œuvre une entrave abusive à l'entrée, le commerce entre États membres peut normalement être affecté. En général, ce comportement abusif rendra plus difficile aux concurrents d'autres États membres la pénétration sur le marché, auquel cas les courants d'échanges sont susceptibles d'être affectés " (point 93).

80. Dans le cas d'espèce, les pratiques dénoncées couvrent l'ensemble du territoire français, partie substantielle du marché communautaire.

81. Il peut donc être présumé que le commerce entre États membres est susceptible d'être affecté.

3. SUR LE CARACTÈRE SENSIBLE DE L'AFFECTATION DU COMMERCE ENTRE ÉTATS MEMBRES

82. S'agissant du caractère sensible de l'affectation des échanges entre États membres, la Commission précise, au point 96 des lignes directrices précitées, que " toute pratique abusive qui rend plus difficile l'entrée sur le marché national doit donc être considérée comme affectant sensiblement le commerce ".

83. En l'espèce, vis-à-vis d'éditeurs d'autres États membres qui envisageraient d'entrer sur le marché français et de conclure des contrats de groupage et de distribution avec l'une ou l'autre des messageries de presse présentes, les pratiques alléguées sont en principe susceptibles de dissuader de nouvelles entrées.

84. Or, les éditeurs d'autres États membres sont, au même titre que tout éditeur de presse français, des entreprises susceptibles de créer une société de messageries de presse ou de participer au contrôle d'une société de messageries de presse concurrente.

85. De plus, la Commission considère également que " le comportement abusif [...] risque d'affecter le commerce entre États membres si l'entreprise visée exporte vers ou importe depuis d'autres États membres " (point 94), ce qui est bien le cas des MLP.

86. Il ne peut donc être exclu que les pratiques examinées, si elles étaient avérées, seraient susceptibles d'affecter sensiblement le commerce entre États membres et d'être qualifiées au regard des articles 101 ou 102 TFUE.

B. SUR LA COMPÉTENCE DE L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

87. Seront successivement examinés, ci-après : (1) l'articulation générale des compétences entre les juridictions et l'Autorité de la concurrence, (2) l'activité normative du CSMP, (3) le régime contentieux des décisions du CSMP, (4) l'absence d'applicabilité du droit de la concurrence à cette activité normative, (5) le respect des principes du droit de la concurrence par le CSMP et (6) le champ de saisine directe de l'Autorité de la concurrence dans le secteur de la distribution de la presse.

1. L'ARTICULATION DES COMPÉTENCES ENTRE LES JURIDICTIONS D'UNE PART, ET L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE D'AUTRE PART

88. L'Autorité de la concurrence, autorité administrative indépendante, exerce dans l'intérêt général une mission répressive portant sur les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, et peut prononcer, sous le contrôle de la cour d'appel de Paris, des sanctions pécuniaires lorsqu'elle constate des pratiques ayant pour objet ou pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence.

89. Ainsi que la cour d'appel de Paris l'a rappelé par un arrêt du 19 janvier 2010, rendu dans le cadre du recours formé à l'encontre de la décision n° 09-D-07 de l'Autorité, cette compétence spéciale est indépendante de la compétence reconnue, selon le cas, aux juridictions judiciaires de droit commun ou aux juridictions administratives, qui seules ont le pouvoir d'annuler le contrat ou l'acte constitutif d'une pratique anticoncurrentielle et d'allouer, le cas échéant, des dommages et intérêts en réparation de préjudices résultant de ces pratiques.

90. Concernant l'interaction entre les décisions rendues par le juge judiciaire et celles rendues par l'Autorité de la concurrence, il a déjà été précisé qu'une décision rendue dans un litige opposant des particuliers est sans effet sur les décisions que l'Autorité de la concurrence, investie du pouvoir de sanctionner les pratiques anticoncurrentielles dans une perspective de préservation de l'ordre public économique, est amenée à rendre dans l'exercice des fonctions qui lui sont dévolues (09-D-07, point 103).

91. L'équilibre existant correspond à une complémentarité de compétences, réparties entre des juridictions ou des institutions dont l'action ne poursuit pas la même finalité.

92. Ce régime général de compétence coexiste, le cas échéant, avec des régimes spéciaux. En l'espèce, les pratiques dénoncées concernent un secteur économique faisant l'objet d'une régulation spécifique édictée par la loi, qui aménage en particulier des voies de recours contre les décisions des organismes régulateurs et des voies de règlement des différends entre les opérateurs économiques de ce secteur, en désignant les juridictions compétentes.

2. LE CSMP EXERCE UNE ACTIVITÉ NORMATIVE

93. Les travaux parlementaires font apparaître que le législateur a entendu doter le CSMP de pouvoirs normatifs et qu'il était anticipé que ces décisions représentent l'essentiel de son activité (21).

94. Il a ainsi été indiqué que " le CSMP demeurera une instance d'autorégulation du système de distribution de la presse, chargée d'une double prérogative de production normative et de règlement des différends, et l'ARDP n'interviendra qu'a posteriori pour rendre exécutoires ses décisions, exerçant un pouvoir réglementaire qui ne peut être délégué qu'à une autorité indépendante ". (22). La fonction de production normative du CSMP est particulièrement mise en exergue : " Le CSMP [...] a vocation à constituer l'organisme principal de production normative en matière de régulation de la distribution " (23).

95. Le caractère normatif de cette activité ressort également clairement des termes de l'article 18-6 de la loi Bichet modifiée, qui énumère les modalités selon lesquelles le CSMP accomplit les missions qui lui sont confiées. .

96. Peuvent en particulier être cités, à cet égard, la détermination des " conditions " et des " moyens propres à garantir la distribution optimale de la presse d'information politique et générale ", la fixation des " conditions d'assortiment des titres et de plafonnement des quantités servis aux points de vente " (24), la définition des " conditions d'une distribution directe par le réseau des dépositaires centraux de presse sans adhésion à une société coopérative de messageries de presse " (25), le pouvoir de fixer " le schéma directeur, les règles d'organisation et les missions du réseau des dépositaires centraux de presse et des diffuseurs de presse " (26), et la fixation des " conditions de rémunération des agents de la vente de presse " (27).

3. LE RÉGIME CONTENTIEUX DES DÉCISIONS DE PORTÉE GÉNÉRALE DU CSMP .

97. Le contentieux des décisions de portée générale que prend le CSMP et qui sont rendues exécutoires par l'ARDP devait, aux termes du quatrième alinéa de l'article 18-12 de la proposition de loi ayant abouti à l'adoption de la loi du 20 juillet 2011, relever du juge administratif. Cet alinéa disposait ainsi que : " Les recours contre les décisions de portée générale rendues exécutoires par l'Autorité de régulation de la distribution de la presse sont formés devant le Conseil d'État dans les conditions prévues par le Code de justice administrative " (28).

98. Pour des raisons de bonne administration de la justice, le législateur a, en définitive, entendu unifier le contentieux des décisions du CSMP auprès du juge judiciaire, afin d'éviter les inconvénients susceptibles de découler d'une dispersion des contentieux auprès de l'ordre administratif d'une part, et de l'ordre judiciaire d'autre part, compte tenu de l'existence d'un droit de recours devant les juridictions judiciaires contre les décisions individuelles prises par le CSMP, sur le fondement du 6ème alinéa de l'article 18-13 de la loi Bichet modifiée.

99. Le Conseil constitutionnel a en effet reconnu, dans sa jurisprudence, que " lorsque l'application d'une législation ou d'une réglementation spécifique pourrait engendrer des contestations contentieuses diverses qui se répartiraient, selon les règles habituelles de compétence, entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire, il est loisible au législateur, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'unifier les règles de compétence au sein de l'ordre juridictionnel principalement intéressé. Une telle unification peut être opérée tant en fonction de l'autorité dont les décisions sont contestées, qu'au regard de la matière concernée. Cet aménagement précis et limité des règles de compétence juridictionnelle peut être justifié par les nécessités d'une bonne administration de la justice " (29).

100. Les dispositions de l'article 18-13, cinquième alinéa, de la loi Bichet modifiée donnent donc compétence à la cour d'appel de Paris pour connaître des décisions de portée générale du CSMP rendues exécutoires par l'ARDP.

4. L'ABSENCE D'APPLICABILITÉ DU DROIT DE LA CONCURRENCE A L'ACTIVITÉ DU CSMP

a) Le CSMP n'exerce pas d'activité économique

101. L'article L. 410-1 du Code de commerce dispose que " Les règles définies au présent livre s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public ".

102. Les dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce sont applicables aux seules activités de production, de distribution ou de services, au sens des dispositions de l'article L. 410-1 précité. Le droit de la concurrence s'applique ainsi aux seuls acteurs économiques intervenant sur un marché (voir, en ce sens, par exemple, l'arrêt de la Cour de cassation du 15 janvier 2002, Société Les Meilleures Éditions, rejetant le pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 février 2000, Syndicat général du livre et de la communication écrite).

103. De même, en droit de l'Union les articles 101 et 102 du TFUE ne s'appliquent qu'aux pratiques des entreprises, c'est-à-dire aux pratiques des entités exerçant une activité économique, indépendamment de leur statut juridique et de leur mode de financement, l'activité économique étant définie comme toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné. Comme l'a rappelé la Cour de justice : " dans le contexte du droit de la concurrence, la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (voir arrêt du 12 septembre 2000, Pavlov e.a., C-180/98 à C-184/98, Rec. p. I-6451, point 74) et (...) constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné (arrêt Pavlov e.a., précité, point 75) " (30).

104. Les pratiques dénoncées en l'espèce ne peuvent être rattachées à l'exercice, par le CSMP, d'une activité économique au sens du droit de l'Union, applicable en l'espèce.

105. En effet, dans la mesure où il exerce exclusivement, conformément à la mission d'intérêt général dont il est chargé en vertu des dispositions législatives précitées, une activité de régulation et d'organisation du secteur de la distribution de la presse, le CSMP ne peut donc pas être considéré comme intervenant sur un quelconque marché, que ce soit comme offreur ou comme demandeur de biens ou services, et donc comme exerçant une activité économique. Son activité, telle que définie par la loi, consiste à édicter des décisions dont l'objet est d'encadrer le fonctionnement du secteur de la distribution de la presse, notamment en imposant des obligations à portée générale aux opérateurs, sous le contrôle de la cour d'appel de Paris.

b) Les spécificités de la régulation bicéphale du secteur sont sans incidence sur le caractère normatif de l'activité du CSMP

106. Comme il a été dit plus haut, l'intervention de l'ARDP peut conférer aux décisions de portée générale du CSMP un caractère exécutoire ou non, que ce soit de façon explicite (par une délibération) ou de façon tacite (par le silence conservé par l'ARDP durant les six semaines suivant la réception de la décision, conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 18-13 de la loi Bichet modifiée).

107. Dès lors que le législateur a entendu mettre en place un schéma de régulation bicéphale pour le secteur de la distribution de la presse, l'activité normative des deux entités concernées doit être appréhendée de façon globale, c'est-à-dire en tant que produit de l'activité conjointe et combinée du CSMP et de l'ARDP, et non de façon " individualisée ", en appréhendant isolément l'activité de chacune de ces entités.

108. L'activité normative du CSMP doit donc s'apprécier au regard de l'intervention subséquente de l'ARDP.

109. Par ailleurs, contrairement à ce que prétendent les MLP, l'exercice même d'une activité normative n'implique pas nécessairement que l'entité en cause soit dotée d'un pouvoir d'exécution d'office, voire d'exécution forcée, des décisions qu'elle prend. Il ne saurait en effet être opéré une confusion entre le caractère unilatéral d'un acte d'une part, et la capacité de l'organisme qui le prend à enjoindre un opérateur de se conformer à ses obligations, ou à en assurer l'exécution forcée, d'autre part.

110. En effet, la capacité à édicter une décision de façon unilatérale est dissociable des modalités auxquelles il est recouru afin d'en faire assurer l'exécution en cas de manquement d'un opérateur à ses obligations.

111. Il se déduit de cette analyse que :

- le fait que les décisions de portée générale du CSMP soient rendues exécutoires par l'ARDP signifie que c'est l'intervention de l'ARDP, soit par une délibération, soit par une abstention, qui permet à ces décisions d'entrer en vigueur sans qu'il soit nécessaire, pour le CSMP, de faire constater par un juge son droit d'édicter des décisions, puisque les obligations résultant de ses décisions naissent de leur validation par l'ARDP ; la décision étant alors exécutoire, il n'est donc pas nécessaire de demander à un juge de lui reconnaître ce caractère ;

- la circonstance que les décisions de portée générale du CSMP soient rendues exécutoires par l'ARDP ne signifie pas qu'elles pourront être exécutées d'office ; le caractère exécutoire d'un acte, entendu au sens strict (entrée en vigueur de l'acte), se distingue de la capacité de l'entité qui l'édicte à en faire assurer l'exécution d'office ;

- n'étant pas investis par le législateur du pouvoir d'assurer l'exécution d'office des décisions de portée générale du CSMP rendues exécutoires par l'ARDP, le CSMP et l'ARDP peuvent, aux termes de l'article 18-14 de la loi Bichet modifiée, se tourner, afin de contraindre les opérateurs à respecter les décisions, vers le premier président de la cour d'appel de Paris statuant par voie de référé ; dans ce cadre, il peut éventuellement être procédé à l'exécution forcée des décisions en cause ;

- le fait que le CSMP ne détienne pas ce pouvoir d'exécution d'office n'emporte aucune conséquence quant à la nature normative de son activité.

112. Il résulte de ce qui précède que les décisions de portée générale prises par la CSMP dans le cadre des compétences que lui confie le législateur, qui ne se rattachent à aucune activité économique au sens des articles 101 et 102 du TFUE et L. 410-1 du Code de commerce, ne peuvent être appréhendées par l'Autorité de la concurrence.

5. LE RESPECT DES PRINCIPES DU DROIT DE LA CONCURRENCE PAR LE CSMP

113. Les MLP considèrent qu'elles ne contestent pas directement les décisions du CSMP devant l'Autorité de la concurrence, et ne les remettent en cause dans le cadre de leur saisine que dans la mesure où ces décisions seraient l'expression d'une entente entre Presstalis et le CSMP. Par ailleurs, parallèlement, les MLP développent pleinement les moyens tirés du non-respect du droit de la concurrence dans les recours portés devant la cour d'appel contre les décisions du CSMP.

114. Le CSMP considère, quant à lui, qu'il ne revient qu'à la cour d'appel de Paris de se prononcer sur la conformité des décisions du CSMP à l'ensemble des règles applicables, dont le droit de la concurrence. (31) Presstalis partage cette appréciation. Le CSMP constate que le comportement même des MLP conduit à conclure qu'elles reconnaissent cette compétence, puisque le moyen tiré du non-respect des droits de la concurrence est soulevé par elles devant la cour d'appel.

115. Il résulte de ce qui a été dit plus haut que le CSMP est un organisme de droit privé investi par le législateur d'une fonction normative exerçant, au titre d'une mission d'intérêt général, une activité de régulation du secteur de la distribution de la presse.

116. Le droit de la concurrence est opposable au CSMP, sous le contrôle du juge compétent, c'est-à-dire que dans le cadre du contentieux de l'annulation et de la réformation des décisions prises par le CSMP, le juge compétent est susceptible d'examiner la conformité de ces décisions au droit de la concurrence.

117. Il a d'ailleurs été expressément prévu par le législateur que le CSMP et l'ARDP veillent, dans le cadre de leurs missions respectives, au respect du droit de la concurrence. En effet, ainsi qu'il l'a été exposé ci-dessus, le troisième alinéa de l'article 17 de la loi Bichet modifiée dispose que : " Le Conseil supérieur des messageries de presse et l'Autorité de régulation de la distribution de la presse veillent, dans leur champ de compétences, au respect de la concurrence et des principes de liberté et d'impartialité de la distribution ".

118. D'ailleurs, les conclusions en réplique et récapitulatives des MLP déposées devant la cour d'appel dans le cadre du recours formé contre la décision " préavis " indiquent justement que : " Dès lors que le droit de la concurrence est applicable à la Décision, il est évident que votre Cour est compétente pour le mettre en œuvre, et ce même si le CSMP et l'ARDP devaient, par extraordinaire, être considérés comme étant investis d'une mission de service public et exerçant des prérogatives de puissance publique. En effet, et comme cela a été rappelé, ce serait dans ce cas le juge administratif qui serait compétent pour appliquer les règles du droit de la concurrence. Or la Loi Bichet a instauré un régime dérogatoire, qui soumet les décisions du CSMP, rendues exécutoires par l'ARDP, à la compétence de votre Cour. Dès lors, votre Cour est compétente pour appliquer le droit de la concurrence au même titre que le serait le juge administratif " (32).

119. Les juridictions de l'ordre judiciaire compétentes pour connaître des recours contre les décisions du CSMP contrôleront donc la conformité de ces décisions aux principes du droit de la concurrence, comme le fait le juge administratif s'agissant du contrôle de légalité des actes administratifs depuis l'incorporation du droit de la concurrence dans le bloc de légalité dont il fait application. (33).

6. LA SAISINE DE L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE PAR L'ARDP

120. Les MLP considèrent que l'existence d'une procédure de règlement des différends ne fait pas obstacle à ce qu'elles saisissent par ailleurs l'Autorité de pratiques mises en œuvre dans le secteur, même si ces pratiques ont déjà fait l'objet d'une conciliation dans le cadre de la procédure de règlement des différends.

121. Le CSMP et Presstalis rappellent, quant à eux, que les pratiques alléguées en l'espèce (discrimination tarifaire concernant les produits hors presse) ont déjà fait l'objet d'une procédure de règlement de différends, qui a abouti à une conciliation homologuée par l'ARDP, et que l'Autorité de la concurrence n'est pas un juge d'appel des accords trouvés à l'issue des procédures de règlement des différends (étant par ailleurs rappelé que les décisions de l'ARDP homologuant une conciliation peuvent être attaquées devant la cour d'appel, aux termes de l'article 18-12 II de la loi Bichet modifiée).

122. Dans le cadre d'une procédure de règlement des différends qui viendrait à être portée devant l'ARDP, l'Autorité de la concurrence peut être saisie par cette dernière.

123. L'article 18-11 de la loi Bichet modifiée dispose en effet que " Tout différend relatif au fonctionnement des sociétés coopératives et commerciales de messageries de presse, à l'organisation et au fonctionnement du réseau de distribution de la presse et à l'exécution des contrats des agents de la vente de presse est soumis par l'une des parties, avant tout recours contentieux, à une procédure de conciliation transparente, impartiale et contradictoire devant le Conseil supérieur des messageries de presse, selon des modalités prévues par son règlement intérieur ".

124. L'article 18-12-II de la loi Bichet modifiée dispose en outre que : " Lorsque les faits à l'origine du différend sont susceptibles de constituer des pratiques anticoncurrentielles au sens du titre II du livre IV du Code de commerce, le délai prévu au deuxième alinéa du I du présent article est suspendu jusqu'à ce que l'Autorité de la concurrence, saisie par l'Autorité de régulation de la distribution de la presse, se soit prononcée sur sa compétence. Lorsque l'Autorité de la concurrence s'estime compétente, l'Autorité de régulation de la distribution de la presse est dessaisie ".

125. Ces dispositions ménagent donc une possibilité d'attribution de compétence à l'Autorité de la concurrence lorsque les faits à l'origine d'un différend entre opérateurs porté devant l'ARDP peuvent être qualifiés au titre du droit de la concurrence.

126. Le caractère obligatoire du recours à cette procédure de règlement des différends (34) signifie qu'il ne peut être procédé à un recours contentieux, devant quelque organisme ou juridiction que ce soit (35), avant d'avoir porté la procédure devant le CSMP au titre du règlement des différends. L'Autorité de la concurrence ne peut donc plus être saisie de pratiques entrant dans le champ de la procédure de règlement des différends et qui auraient fait l'objet d'une procédure de conciliation à ce titre (36).

127. Il s'ensuit que l'article 18-11 s'oppose à ce qu'un opérateur saisisse directement l'Autorité de la concurrence de pratiques relevant du champ de la procédure de règlement des différends et au titre desquelles il aurait entamé une procédure de conciliation devant le CSMP. Cette procédure aménage en effet un canal spécifique de saisine de l'Autorité de la concurrence dès lors que les faits à l'origine du litige procèderaient, au terme d'un premier examen mené par l'ARDP, de la mise en œuvre de pratiques anticoncurrentielles. Pour autant, et sous cette réserve, l'Autorité conserve sa compétence pour connaître de pratiques anticoncurrentielles qui seraient mises en œuvre dans le secteur de la distribution de la presse, comme il sera exposé ci-après.

7. LE CHAMP DE SAISINE DIRECTE DE L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

128. La saisine directe de l'Autorité de la concurrence par des opérateurs du secteur de la distribution de la presse reste possible, mais de façon plus limitée que dans le cadre antérieur à la loi du 20 juillet 2011.

129. La loi Bichet modifiée reconnaît en effet l'existence de cette faculté de saisine directe. Le second alinéa de l'article 18-8 de la loi dispose ainsi que : " L'Autorité de la concurrence communique à l'Autorité de régulation de la distribution de la presse, pour avis, toute saisine entrant dans le champ des compétences de celle-ci ".

130. Toutefois, ainsi qu'il a été dit plus haut, de telles saisines ont vocation à avoir un caractère désormais limité, et ne pourraient être portées directement devant l'Autorité de la concurrence que si elles avaient trait à des pratiques non soumises à la procédure obligatoire de règlement des différends dont le champ est défini à l'article 18-11.

131. En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que les juridictions judiciaires saisies de litiges portant sur le secteur de la distribution de la presse conservent la faculté qui leur est offerte par l'article L. 462-3 du Code de commerce de demander à l'Autorité de la concurrence son avis sur des pratiques dont les juridictions estimeraient qu'elles seraient potentiellement anticoncurrentielles, et sur lesquelles elles souhaiteraient être éclairées par un avis de l'Autorité.

132. Au vu de ces éléments, il convient désormais de déterminer si les pratiques invoquées dans la saisine des MLP relèvent effectivement du champ de compétence que conserve l'Autorité de la concurrence, dans le cadre de l'économie du mécanisme de régulation sectorielle résultant de la loi Bichet modifiée.

C. SUR L'APPLICATION DES RÈGLES DE COMPÉTENCE À LA SAISINE

1. LES PRATIQUES ALLÉGUÉES QUI AURAIENT ÉTÉ MISES EN OEUVRE PAR PRESSTALIS AU SEIN DU CSMP

a) Les critiques formulées par les MLP visent le processus décisionnel du CSMP

133. Les critiques soulevées par les MLP à l'encontre de " l'abus de majorité " qui aurait été mis en œuvre par Presstalis au sein du CSMP se réfèrent en réalité d'une part à la composition du CSMP, et, d'autre part, aux modalités d'élaboration des décisions de cet organisme.

134. La composition du CSMP résulte de la lettre même de la loi (37). Dans le cadre de leur audition, les représentants des MLP ont déclaré : " Concernant le comportement que nous qualifions d'abus de majorité mis en œuvre par Presstalis au sein du CSMP, nous considérons que la composition du CSMP, telle qu'elle résulte de la loi, ne l'oblige pas à prendre des décisions défavorables aux MLP. Le système est fondamentalement biaisé, mais cela résulte du comportement des acteurs représentés au sein du CSMP au regard de la " double appartenance " qui est la leur et qui fait qu'ils ne peuvent que venir au soutien des intérêts particuliers de Presstalis " (38).

135. Cette déclaration doit être comprise comme signifiant que les MLP ne remettent pas tant en cause la loi elle-même (en ce qu'elle fixe la composition du CSMP), que le comportement des membres de l'assemblée générale de cet organisme. Les MLP dissocient donc ces deux éléments.

136. En mentionnant, au point 229 de leur saisine, " les pratiques ayant donné lieu à ces décisions ", les MLP doivent être regardées comme visant le processus décisionnel ayant conduit à l'édiction des décisions du CSMP.

137. La même analyse a été développée par les représentants des MLP au cours de leur audition. En réponse à la question " Les développements de la saisine sur l' " abus de majorité " que commettrait Presstalis au sein du CSMP reviennent à mettre en cause le processus décisionnel aboutissant à l'élaboration de ces décisions. En quoi le processus décisionnel, entendu comme recouvrant les délibérations et les différentes mesures préparatoires adoptées, est-il dissociable de la décision elle-même ? ", les représentants des MLP ont répondu : " En revanche, ne peuvent faire l'objet de tels recours l'ensemble des pratiques mises en œuvre en amont de ces décisions, telles que, par exemple, les modalités de fonctionnement du bureau du CSMP, qui prépare les projets qui seront ensuite votés en assemblée générale " (39).

138. La saisine mentionne ainsi les votes des différents représentants des coopératives liées à Presstalis au sein de l'organe délibérant du CSMP. Ces votes font partie du processus qui mène à l'édiction de la décision. Ils constituent le coeur même du processus décisionnel.

b) Le processus décisionnel du CSMP n'est pas détachable des décisions elles-mêmes

139. Les pratiques alléguées liées aux modalités d'élaboration des décisions du CSMP ne peuvent être dissociées du processus qui aboutit à l'édiction des décisions de portée générale mentionnées dans la saisine, c'est-à-dire d'actes relevant de l'activité normative du CSMP.

140. Sur ce point, la pratique décisionnelle a déjà eu l'occasion de préciser que : " Le Conseil de la concurrence n'est, en effet, pas compétent pour apprécier la légalité d'une décision administrative traduisant l'exercice de prérogatives de puissance publique, et notamment pour vérifier la régularité des actes ou procédures préparatoires à l'adoption de cette décision. En l'espèce, si le décret proposé par l'INAO était adopté, il appartiendrait le cas échéant au Conseil d'État, saisi d'un recours dirigé contre ce décret, d'apprécier la légalité des restrictions de concurrence qu'il pourrait comporter et de vérifier si la procédure suivie par les auteurs du décret a été régulière " (40).

141. De même, dans le cadre d'une saisine concernant un éditeur qui avait demandé à la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) son inscription au registre, et qui soutenait que les entreprises de presse représentées au sein de la CPPAP se seraient entendues afin que la commission lui refuse l'inscription qui lui aurait permis de bénéficier d'un ensemble d'aides. (41), le Conseil de la concurrence a estimé que la société saisissante " ne dénon[çait] toutefois aucun acte ou comportement de ces entreprises qui serait détachable de la délibération à laquelle ont participé les membres représentant la profession au sein de la CPPAP ". Il a rappelé par ailleurs que les décisions de cette commission étaient prises, en l'espèce, dans le cadre d'une mission de service public et que seul le juge administratif était compétent pour connaître de recours contre ces décisions. La saisine a par conséquent été rejetée comme irrecevable.

142. En effet, et abstraction faite de la circonstance que dans les deux précédents précités, le juge administratif était compétent, les mesures préparatoires menant à l'édiction d'une décision ne sont pas séparables de la décision à laquelle elles ont abouti. Elles sont considérées comme constituant des éléments de la procédure d'élaboration de l'acte, et qui n'ont d'autre effet juridique que de rendre possible l'édiction de cette décision.

143. Une telle démarche de mise en cause des actes préparatoires revient à contester les décisions du CSMP elles-mêmes, alors que celles-ci ne s'inscrivent pas, comme il a été dit plus haut, dans le cadre d'une activité économique, ce qui les fait donc échapper au contrôle de l'Autorité de la concurrence.

144. Dans le cas d'espèce, ne sont en outre pas établies, ni même alléguées, des pratiques occultes qui auraient pris place en marge du processus d'élaboration des décisions du CSMP. De telles pratiques continueraient, quant à elles, de relever de la compétence de l'Autorité de la concurrence, ainsi qu'il a été rappelé dans la décision n° 07-D-10 précitée : " Mais cette compétence ne fait certainement pas obstacle à ce que le Conseil de la concurrence examine si, à l'abri ou à l'occasion des discussions qui ont eu lieu entre professionnels lors de la préparation du texte, et plus particulièrement des étapes au cours desquelles ces derniers ont été conduits à proposer aux pouvoirs publics une modification des règles de production du comté, les entreprises membres du comité interprofessionnel ont, par le moyen d'une entente qui serait prohibée à la fois par l'article 81 CE et l'article L. 420-1 du Code de commerce, poursuivi un plan anticoncurrentiel destiné, par exemple, à évincer du marché tel ou tel type de producteur concurrent " (42).

145. Il résulte de ce qui précède que les différents éléments invoqués au titre de " l'abus de majorité " commis au sein du CSMP échappent à la compétence de l'Autorité, en tant qu'ils sont indissociables du processus décisionnel aboutissant à l'édiction de mesures normatives.

2. LES MODALITÉS D'ENCADREMENT DES DÉLAIS DE TRANSFERT DE TITRES ENTRE MESSAGERIES

a) Sur la mesure de suspension provisoire des transferts de titres entre messageries

146. Ainsi qu'il a été dit plus haut, la partie de la décision n° 2011-03 du CSMP portant sur le gel des transferts de titres n'a pas été rendue exécutoire par l'ARDP.

147. Si la société saisissante soutient que cette mesure, qui n'a donc pas reçu de commencement d'exécution, a néanmoins eu un effet indirect en aboutissant à persuader les éditeurs qu'il était interdit de transférer des titres d'une messagerie à l'autre, elle n'apporte pas, à l'appui de cette allégation, d'éléments suffisamment probants de l'existence d'un lien de causalité entre cet épisode et d'éventuelles décisions d'éditeurs de ne pas procéder à des transferts de titres.

148. Il ressort des pièces du dossier que les transferts de titres de Presstalis vers les MLP se sont poursuivis au cours de l'année 2012, environ 60 titres étant concernés (43). Si les MLP soutiennent que le chiffre d'affaires engendré par ces titres transférés est faible, il n'en demeure pas moins que les transferts restent bien effectifs, contrairement à ce que les MLP affirment. La question de savoir si ces transferts représentent un chiffre d'affaires important relève d'une problématique distincte et qui est sans incidence en l'espèce.

149. En tout état de cause, à supposer même que cet épisode ait eu l'effet concret que la société saisissante lui prête, ce qui n'est, en l'état de l'instruction, pas établi, il ne s'agirait pas d'une pratique imputable à Presstalis, mais au CSMP en tant qu'organisme ayant pris dans le cadre de son activité normative la décision incriminée, même si elle n'est pas devenue exécutoire.

150. Cette pratique alléguée ne relève donc pas de la compétence de l'Autorité.

b) Sur la modulation des délais de transfert de titres entre messageries

151. Les MLP font grief à Presstalis d'appliquer, dans les contrats de groupage qu'elle conclut, les dispositions de la décision " préavis " du CSMP.

152. Or, ainsi que les MLP le reconnaissent elles-mêmes dans leur saisine, " les délais de préavis ainsi définis s'imposent désormais à tous les acteurs du marché " (44). Il faut donc comprendre la saisine comme reprochant à Presstalis d'appliquer une décision du CSMP rendue exécutoire par l'ARDP.

153. Ainsi qu'il a été rappelé plus haut, aux termes des dispositions de l'article 18-14 de la loi Bichet modifiée : " En cas de manquement constaté aux obligations résultant des décisions visées à l'article 18-13, le président de l'Autorité de régulation de la distribution de la presse ou le président du Conseil supérieur des messageries de presse peut saisir le juge afin qu'il soit ordonné à la personne qui en est responsable de se conformer à ses obligations, de mettre fin aux manquements et d'en supprimer les effets. / La demande est portée devant le premier président de la cour d'appel de Paris qui statue en référé et dont la décision est immédiatement exécutoire. Il peut prendre, même d'office, toute mesure conservatoire et prononcer une astreinte pour s'assurer de l'exécution de son ordonnance. "

154. Un opérateur se soustrayant aux obligations qui pèsent sur lui, telles qu'elles résultent des décisions de portée générale du CSMP rendues exécutoires par l'ARDP, s'expose donc à faire l'objet d'une procédure judiciaire, susceptible de se traduire par le prononcé d'astreintes à son encontre.

155. En l'espèce, les allégations des MLP ont en réalité pour objet de remettre en cause les dispositions de la décision " préavis " du CSMP, laquelle, en ce qu'elle se rattache à l'exercice d'une activité normative, échappe à la compétence de l'Autorité.

3. LE MÉCANISME DE PÉRÉQUATION INTER-COOPÉRATIVES POUR LE FINANCEMENT DE LA DISTRIBUTION DE LA PRESSE QUOTIDIENNE D'INFORMATION POLITIQUE ET GÉNÉRALE

156. Ainsi qu'il a été dit plus haut, la décision " péréquation " a été rendue exécutoire par délibération de l'ARDP n° 2012-07 du 3 octobre 2012, à l'exception de son point 18 qui était relatif à l'inclusion dans l'assiette des charges donnant lieu à péréquation des surcoûts dits " historiques ".

157. Dans sa délibération, l'ARDP a estimé qu'il s'agissait d'une décision de portée générale de nature à assurer le bon fonctionnement du système coopératif de distribution de la presse et de son réseau ainsi que le respect des principes de solidarité coopérative et des équilibres économiques du système collectif de distribution de la presse.

158. Dans la mesure où il s'agit d'une décision de portée générale du CSMP rendue exécutoire par l'ARDP, la cour d'appel de Paris est seule compétente pour connaître de recours contre cette décision, y compris en ce que serait éventuellement soulevée la non-conformité de cette décision au regard du droit de la concurrence.

159. L'argumentation développée par la société saisissante revient en réalité à mettre directement en cause la légalité de cette décision, notamment au regard du droit de la concurrence. Or, la société saisissante a, comme il a été rappelé, introduit un recours contre cette décision devant la cour d'appel de Paris, conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l'article 18-13 de la loi précitée.

160. La démarche de la société saisissante revient donc à saisir concomitamment et concurremment d'une part la juridiction compétente, à savoir la cour d'appel de Paris, et d'autre part l'Autorité de la concurrence d'une même question, à savoir la conformité au droit de la concurrence de la décision " péréquation ".

161. Dans leur mémoire produit le 13 novembre 2012 devant la Cour, les MLP ont expressément formé un moyen tiré de caractère anticoncurrentiel de cette décision, le mémoire renvoyant à la saisine portée devant l'Autorité de la concurrence (45).

162. Il convient à cet égard de rappeler que, dans l'avis n° 12-A-25 du 21 décembre 2012 relatif à la prise en compte des surcoûts dits historiques dans le système de péréquation entre coopératives de messageries de presse, l'Autorité a estimé que : " La péréquation sur les surcoûts spécifiques instaurée par le CSMP et rendue exécutoire par l'ARDP vise à faire supporter aux éditeurs de la presse magazine certaines charges liées à la distribution des quotidiens compte tenu des avantages que cette distribution procure aux magazines, ainsi qu'il a été décrit ci-dessus. Sans préjuger des suites qui seront données à l'affaire pendante devant la cour d'appel de Paris, l'Autorité peut se prononcer sur l'éventuel caractère anticoncurrentiel du système de péréquation mis en place par le CSMP et rendu exécutoire par l'ARDP " (46).

163. À cet égard, la circonstance que l'Autorité ait, dans le cadre de cette demande d'avis, indiqué qu'elle pouvait " se prononcer sur l'éventuel caractère anticoncurrentiel du système de péréquation " ne permet nullement de soutenir que l'Autorité serait également compétente dans un cadre contentieux. En effet, l'Autorité est compétente pour émettre un avis sur toute question générale de concurrence, ce qu'elle a précisément fait dans l'avis précité.

164. Il résulte de ce qui précède que l'Autorité de la concurrence n'est pas compétente pour connaître d'allégations l'amenant à devoir porter une appréciation sur la conformité au droit de la concurrence de la décision " péréquation " rendue exécutoire par l'ARDP, l'activité normative du CSMP ne relevant pas d'une activité économique dont l'Autorité serait compétente pour connaître.

D. SUR LES AUTRES PRATIQUES DÉNONCÉES ET RELEVANT DE LA COMPETENCE DE L'AUTORITÉ

165. Parmi les pratiques alléguées par la société saisissante, qui résultent du comportement autonome de la société Presstalis, certaines relèvent de la compétence que conserve l'Autorité et sont donc susceptibles d'être qualifiées par cette dernière au regard des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce et, le cas échéant, 101 et 102 du TFUE.

1. LES PRATIQUES DE DÉNIGREMENT

a) La pratique décisionnelle

166. Ainsi que l'a rappelé l'Autorité dans la décision n° 09-D-14 du 25 mars 2009 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la fourniture de l'électricité, confirmée par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 23 mars 2010 : " Pour qu'un dénigrement puisse être qualifié d'abus de position dominante, il convient que soit établi un lien entre la domination de l'entreprise et la pratique de dénigrement " (points 57 et 58 de la décision ; voir, dans le même sens, la décision de l'Autorité de la concurrence n° 10-D-16 du 17 mai 2010 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Sanofi-Aventis France).

167. Pour apprécier l'existence d'un comportement de dénigrement, l'Autorité s'attache notamment à vérifier si le discours tenu par l'acteur dominant relève de constatations objectives ou s'il procède d'assertions non vérifiées (voir par exemple, les décisions n° 07-D-33 du 15 octobre 2007 relative à des pratiques mises en œuvre par la société France Télécom dans le secteur de l'accès à Internet à haut débit, point 81, et n° 07-MC-06 du 11 décembre 2007 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société Arrow Génériques, point 102, confirmée par la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 5 février 2008, Société Schering Plough, et par la Cour de cassation dans un arrêt du 13 janvier 2009).

b) Appréciation en l'espèce

168. La société saisissante invoque une pratique de dénigrement émanant de Presstalis. La saisine rapporte des propos émanant soit de dirigeants de Presstalis, soit d'éditeurs. La forme coopérative implique que les éditeurs membres de sociétés coopératives d'éditeurs sont donc en même temps les actionnaires de Presstalis et ses clients.

169. Toutefois, certains des propos rapportés dans la saisine n'émanent ni de dirigeants de Presstalis, ni d'éditeurs actionnaires de Presstalis. C'est ainsi le cas des propos du président du CSMP, qui n'entre dans aucune de ces deux catégories.

170. Les déclarations n'émanant ni de dirigeants de Presstalis, ni d'éditeurs actionnaires de Presstalis, n'entrent pas dans le champ des pratiques dont l'Autorité de la concurrence peut connaître, puisqu'elles n'émanent pas de l'entreprise en situation dominante sur le marché considéré.

171. La société saisissante dénonce par ailleurs les propos tenus à son encontre par Presstalis au cours des années 2011 et 2012, qu'elle qualifie de dénigrants à son égard. À l'appui de leurs allégations, les MLP ont produit divers documents.

172. Les MLP citent ainsi un courrier en date du 19 janvier 2012 (47), envoyé par Presstalis à un éditeur semblant avoir envisagé de transférer ses titres. Ce courrier de la directrice générale de Presstalis ne cite pas nommément les MLP et appelle l'attention de l'éditeur sur l'appréciation que porte Presstalis sur la situation que connaît le secteur de la distribution de la presse et sur l'importance de Presstalis attache à ce que cet éditeur reste client de la société. Ce courrier ne comporte donc aucun propos dénigrant à l'encontre des MLP.

173. Les MLP citent également le compte rendu de l'audition des dirigeants de Presstalis devant la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale le 25 juillet 2012 (48). Les MLP invoquent les propos tenus par les dirigeants de Presstalis à leur encontre :

- " Le fait que les MLP se soient érigées, à partir des années 1990, en concurrent des NMPP est une des sources de nos difficultés ". (49) ;

- " la situation est devenue compliquée depuis qu'une démarche de concurrence a été adoptée " (50) ;

- " les MLP ont commencé à se livrer à une concurrence très agressive " (51) ;

- " Depuis 2010 notamment, où nous étions dans une situation très fragile, cette concurrence est devenue féroce. Elle s'est encore exacerbée en 2011 et Presstalis a été totalement déstabilisée par le départ de nombreux titres " (52) ;

174. Ces propos décrivent une situation de concurrence, qui se traduit objectivement par des pertes de parts de marché dont les dirigeants de Presstalis estiment qu'elles mettent leur entreprise en difficulté. Ces propos renvoient par ailleurs à la réalité du fonctionnement concurrentiel du marché. S'ils reflètent une appréciation critique du positionnement commercial des MLP et de leur stratégie, ces propos n'excèdent nullement les limites de ce qui est communément admis comme relevant de l'expression portée par des dirigeants d'entreprise sur leurs concurrents.

175. Concernant les propos tenus par les actionnaires de Presstalis, il est fait état de déclarations de M. Marc X..., membre de la coopérative de distribution des quotidiens et membre du conseil d'administration de Presstalis en tant représentant de cette coopérative : " si les transferts se poursuivent, c'est tout le système de distribution de la presse qui va à sa perte à court terme " (53), et rapportées par le journal Le Monde (54).

176. De tels propos reflètent l'appréciation d'un éditeur quant aux conséquences possibles d'une poursuite des transferts de titres. Ils ne font pas directement référence aux MLP et ne comportent pas de caractère dénigrant vis-à-vis de cette entreprise.

177. Les éléments produits au soutien de la dénonciation de la mise en œuvre d'une pratique de dénigrement par la société Presstalis n'apparaissent donc pas suffisamment probants.

2. LA DISCRIMINATION TARIFAIRE

a) Les faits allégués

178. Ainsi qu'il a été dit plus haut, les modalités de rémunération des dépositaires par les messageries de presse se caractérisent par le versement d'une commission résultant de l'application d'un pourcentage sur le prix de vente facial des produits (c'est-à-dire le chiffre d'affaires exprimé en montant fort) des éditeurs membres d'une coopérative.

179. La société saisissante fait valoir que certains dépositaires consentiraient à ce que Presstalis leur verse une commission dont le taux est inférieur à celui qu'appliquent les MLP, de sorte que les MLP payeraient plus cher que Presstalis une prestation en principe identique. Presstalis bénéficierait donc ainsi d'un taux préférentiel sans raison objective.

180. Presstalis, en réponse, conteste détenir une quelconque position dominante sur le marché de la distribution de la presse au numéro. À supposer qu'elle détienne une position dominante sur le niveau 1, elle considère en tout état de cause qu'il n'existe pas de concurrence sur le niveau 2, les dépositaires étant chacun en monopole dans leur zone.

181. Presstalis considère par ailleurs les allégations de discrimination tarifaire comme infondées, dans la mesure où les tarifs en question sont librement négociés tant par elle que par les MLP avec les dépositaires. Presstalis ajoute enfin que les faits sur lesquels la dénonciation repose n'existent plus depuis le 1er janvier 2013.

b) Pour la période postérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 20 juillet 2011, les pratiques alléguées entrent dans le champ de la procédure de règlement des différends

182. Il ressort de la saisine que les MLP ont saisi le CSMP des pratiques alléguées dans le cadre de la procédure de règlement des différends prévue par l'article 18-11 de la loi Bichet modifiée.

183. La saisine reprend sur ce point les mêmes termes que celle déposée devant le CSMP le 16 février 2012 dans le cadre de la procédure de règlement des différends. La saisine portée devant le CSMP insiste, en page 8 (55), sur la compétence du CSMP pour connaître de cette procédure de règlement des différends concernant les produits hors presse. La société saisissante porte donc devant l'Autorité de la concurrence un litige qu'elle a déjà porté devant le CSMP dans le cadre de la procédure de règlement des différends.

184. Ainsi qu'il a été dit plus haut, une procédure de règlement des différends engagée devant le CSMP est susceptible de connaître plusieurs issues. Un accord peut être trouvé entre les parties au stade de la procédure de conciliation et éventuellement faire l'objet d'une homologation par l'ARDP (art. 18-11, 2ème alinéa, de la loi Bichet modifiée).

185. En cas d'échec de la conciliation, le différend peut être soumis par les parties à l'ARDP ou à la juridiction compétente, le CSMP disposant lui aussi de la faculté de saisir l'ARDP à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échec de la conciliation.

186. C'est dans le cadre du traitement du différend devant l'ARDP que l'Autorité de la concurrence peut être saisie, conformément aux dispositions de l'article 18-12 II de la loi Bichet modifiée. Si l'Autorité de la concurrence s'estime compétente, l'ARDP est alors dessaisie (56).

187. Enfin, ainsi qu'il a été rappelé, la cour d'appel de Paris est compétente pour connaître des recours formés contre les décisions de l'ARDP prises dans le cadre de la procédure de règlement des différends.

188. Il résulte des dispositions précitées et du cadre de régulation spécial qu'elles instituent que l'Autorité de la concurrence n'est pas compétente pour connaître de pratiques entrant dans le champ de la procédure de règlement des différends, si elles ont déjà été soumises au CSMP dans le cadre de cette procédure. En effet, dans l'hypothèse où la conciliation devant le CSMP échouerait et où le différend serait en définitive tranché par l'ARDP, la décision de l'ARDP pourrait faire l'objet d'un recours devant la cour d'appel de Paris. Si, parallèlement, l'Autorité de la concurrence était également saisie des mêmes faits, existerait alors une situation dans le cadre de laquelle deux autorités ou juridictions seraient concomitamment saisies des mêmes faits, avec le risque de solutions divergentes, introduisant une insécurité juridique pour les parties. Une telle situation n'est pas souhaitable et n'est en tout état de cause pas permise par la loi.

189. Enfin, le fait, pour un opérateur, de porter devant l'Autorité de la concurrence des pratiques qui auraient précédemment été dénoncées dans le cadre d'une procédure de règlement des différends, procédure dont l'issue n'aurait pas donné satisfaction à l'opérateur s'estimant lésé, reviendrait à faire de l'Autorité de la concurrence une juridiction d'appel qui connaîtrait, en second rang en quelque sorte, des mêmes faits.

190. En tout état de cause et ainsi qu'il vient d'être dit, dès lors qu'une procédure de règlement des différends a été engagée, la seule manière pour l'Autorité de la concurrence d'examiner les faits à l'origine du différend réside dans la procédure par laquelle l'ARDP l'invite à retenir ou non sa compétence (art. 18-12 II). Or, au cas d'espèce, aucune saisine de l'ARDP n'est intervenue.

191. Il résulte de ce qui précède que l'Autorité n'est pas compétente pour connaître des pratiques alléguées de discrimination tarifaire qui seraient survenues postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 20 juillet 2011.

192. L'Autorité reste en revanche compétente pour connaître de celles de ces pratiques qui seraient survenues antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 20 juillet 2011.

c) Les pratiques survenues antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 20 juillet 2011

193. Le Conseil puis l'Autorité ont déjà été saisis de pratiques relevées dans le secteur de la distribution de la presse, considérées comme discriminatoires et tenant aux modalités de rémunération des dépôts.

194. Ainsi, dans la décision n° 09-D-02 du 20 janvier 2009 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par le Syndicat national des dépositaires de presse (points 79, 88 et 89), il a été retenu que les modalités de rémunération de dépositaires relevaient de la négociation commerciale entre les MLP et le SNDP, et notamment que " les MLP reconnaissent avoir entamé des négociations avec le SNDP mais n'avoir pas jusqu'à présent, envisagé imposer aux dépositaires indépendants les conditions que les dépôts accordent aux NMPP (57). Ce choix des MLP, et la distorsion de concurrence qui pourrait éventuellement en résulter sur le marché des messageries de presse, ne peut donc être imputé aux NMPP " (58).

195. L'allégation a par conséquent été rejetée comme n'étant pas étayée par suffisamment d'éléments probants. .

196. Il n'y a pas lieu, en l'espèce, de retenir une appréciation différente. En effet, ainsi que la partie saisissante en convient elle-même (59), ces modalités de rémunération procèdent d'accords négociés entre les parties. La circonstance que ces modalités de rémunération auraient, dans le passé, différé, n'est pas imputable à Presstalis. Rien n'empêche en effet les MLP, qui ont d'ailleurs indiqué avoir procédé à des modifications de ces conditions de rémunération, de déterminer des modalités similaires à celles consenties par Presstalis (60), supprimant ainsi le différentiel observé.

197. S'agissant de la différenciation tarifaire qui existerait entre les commissions versées par Presstalis aux dépôts gérés par ses filiales SAD et SOPROCOM pour la distribution des produits hors presse, et celles supportées par les MLP, en ce que ces dernières seraient plus élevées, il y a lieu d'observer que, compte tenu de la détention à 100 % par Presstalis des parts de la société SAD et du contrôle de fait de Presstalis sur la société SOPROCOM, la pratique alléguée revient à reprocher à Presstalis, qui forme avec ses filiales une unité économique, de faire payer à sa concurrente un prix plus élevé que celui qu'elle supporte elle-même pour la distribution des produits hors-presse.

198. Or, l'appréhension d'un tel comportement réside dans une éventuelle pratique de compression de marges par le biais d'un ciseau tarifaire (61), ce qui n'est pas allégué en l'espèce.

199. Surabondamment, et dès lors que les commissions contestées concernent les produits hors presse (saisine §407), sur la distribution desquels la position dominante de la société Presstalis n'est pas établie avec certitude en l'état des éléments présentés aux 29 à 35 de la présente décision, les éléments avancés ne revêtent pas un caractère suffisamment probants.

200. Enfin, si les MLP font état de ce que, par des courriers en date du 3 février 2012 (62), la SAD et la SOPROCOM auraient implicitement menacé les MLP de suspendre la distribution des produits hors presse MLP dans l'hypothèse où celles-ci cesseraient d'appliquer le complément de rémunération dit " point Mettling ", aux produits hors presse, il ressort de la saisine (§ 185 à 189) que cette question de la non-application, par la société Presstalis, du point Mettling aux produits hors presse, suivie de la décision consécutive des MLP d'en faire autant le 30 janvier 2012, a été soumise au CSMP dans le cadre de la procédure de règlement des différends. Dans ces conditions, s'appliquent à cette situation les considérations développées aux points 182 à 192 de la présente décision.

201. Il résulte de ce qui précède que la discrimination tarifaire alléguée, sous différentes formes, par les MLP n'est pas assortie d'éléments suffisamment probants pouvant permettre de considérer qu'elle constituerait un abus de position dominante.

3. LES PRATIQUES ALLÉGUÉES D'INTIMIDATION JUDICIAIRE

202. La saisine fait état d'une action judiciaire intentée le 23 décembre 2011 par Presstalis à l'encontre du groupe Mondadori, un des principaux éditeurs de magazines.

203. Presstalis indique, dans sa défense, qu'une seule action judiciaire peut effectivement être invoquée, à savoir celle concernant le groupe Mondadori. Elle considère par ailleurs que cette action qu'elle a intentée contre ce groupe ne remplit pas les conditions qui pourraient la faire regarder comme revêtant un caractère abusif.

204. Le 22 décembre 2011, le président de Mondadori France a en effet publiquement fait part de son intention de transférer trois des titres édités par son groupe vers les MLP. Saisi d'une requête de Presstalis, le président du tribunal de commerce de Nanterre a, par une ordonnance du 23 décembre 2011, enjoint aux sociétés Mondadori Magazines France et Éditions Mondadori-Axel Springer de respecter la décision du CSMP en date du 22 décembre 2011, et leur a fait interdiction de transférer leurs titres de presse distribués par Presstalis à une autre société de messagerie de presse, jusqu'à la décision de l'ARDP (63).

205. Ainsi qu'il a été dit plus haut, la partie de la décision du CSMP relative au gel des transferts de titres n'a finalement pas été rendue exécutoire par l'ARDP.

206. Les MLP voient dans cet épisode l'expression d'un abus de position dominante, à travers une stratégie d'action en justice abusive.

207. Comme le rappelle la jurisprudence communautaire (64), ce n'est qu'à titre exceptionnel que des actions en justice, qui sont l'expression d'un principe général du droit, peuvent être regardées comme constituant un abus de position dominante. Deux conditions cumulatives doivent alors être remplies : l'action doit être dépourvue de tout fondement (65) et doit être menée dans une perspective d'élimination d'un concurrent.

208. Contrairement à ce qu'affirment les MLP, la démarche de Presstalis n'était pas dépourvue de tout fondement, puisqu'elle avait pour objet d'obtenir l'adoption de mesures conservatoires dans l'attente de la délibération de l'ARDP. En effet, la nature même de la régulation bicéphale introduite par la loi du 20 juillet 2011 fait qu'il existe une période interstitielle entre le moment où le CSMP prend une décision de portée générale et le moment où l'ARDP rend cette décision exécutoire ou, au contraire, refuse de la rendre exécutoire. La conséquence de ce mécanisme est que des opérateurs concernés par une décision de portée générale du CSMP non encore rendue exécutoire par l'ARDP peuvent adopter, durant cette période interstitielle, un comportement éventuellement non conforme à cette décision tant qu'elle est dépourvue de caractère exécutoire, sans pour autant méconnaître cette décision dès lors qu'elle n'a justement pas encore de caractère exécutoire. C'est justement au regard de la spécificité de ce mécanisme que Presstalis a eu gain de cause.

209. Du fait de cette spécificité, l'action introduite par Presstalis ne peut être regardée comme dépourvue de tout fondement, dès lors qu'il pouvait exister une incertitude quant au sens de la délibération à venir de l'ARDP et donc quant à la perspective que la décision de portée générale prise par le CSMP se voie conférer un caractère exécutoire ou non.

210. Sans qu'il soit besoin d'examiner le second critère cumulatif, la notion de recours judiciaire abusif ne peut donc être invoquée en l'espèce.

211. Par ailleurs, au cours de leur audition, les représentants des MLP ont été interrogés sur les pratiques alléguées d'intimidation judiciaire dont leur saisine fait état. Ils n'ont toutefois pas été en mesure de fournir d'éléments probants à l'appui de cette prétention (66).

212. Les allégations de la partie saisissante quant à une pluralité d'actions en justice menées par Presstalis et revêtant un caractère abusif ne sont pas suffisamment étayées pour pouvoir justifier une qualification au titre du droit de la concurrence.

4. L'ENTENTE ALLÉGUÉE

213. La société saisissante soutient que le CSMP serait le support d'une entente à laquelle Presstalis serait partie prenante. L'ensemble des pratiques alléguées et décrites plus haut sont considérées, par la société saisissante, comme étant à la fois constitutives d'un abus de position dominante et d'une entente (" le CSMP est contrôlé par Presstalis ").

214. Tant Presstalis que le CSMP considèrent que les faits rapportés par les MLP à l'appui de leurs allégations relatives à une entente sont dépourvus de tout élément probant. Ils font valoir qu'il n'existe pas, au sein du CSMP, de coalition d'intérêts qui pèserait en faveur de Presstalis.

215. En réalité, les développements de la saisine consacrés à l'allégation d'entente renvoient aux critiques déjà formulées à l'encontre des décisions du CSMP relatives à la modulation des délais de transfert de titres et à la péréquation.

216. Ainsi qu'il a été dit plus haut, ces mesures sont prises par le CSMP dans le cadre de l'exercice de l'activité normative qui lui est conférée par la loi, et qui ne relève pas d'une activité économique.

217. Il en va également ainsi, notamment, des développements de la saisine relatifs à la décision portant sur la péréquation.

218. Il ne peut qu'être renvoyé à l'analyse aux termes de laquelle ces aspects échappent à la compétence de l'Autorité.

III. Conclusion

219. La majeure partie des pratiques invoquées dans la saisine ne relèvent donc pas de la compétence de l'Autorité. La saisine doit donc être déclarée irrecevable en application de l'article L. 462-8, 1er alinéa, du Code de commerce, en tant qu'elle porte sur ces pratiques.

220. Pour ceux des faits invoqués dans la saisine qui relèvent effectivement de la compétence de l'Autorité de la concurrence, ils ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants de l'existence de pratiques qui auraient pour objet ou pour effet d'entraver le libre jeu de la concurrence au sens des dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce et des articles 101 et 102 du TFUE.

221. Il convient donc de faire application des dispositions de l'article L. 462-8 du Code de commerce, de déclarer la saisine pour partie irrecevable, de la rejeter au fond pour le surplus et de rejeter, par voie de conséquence, la demande de mesures conservatoires.

DÉCISION

Article 1er : La saisine au fond enregistrée sous le numéro 12/0109 F est irrecevable en ce qu'elle concerne des faits se rapportant à des décisions du CSMP dites " préavis " et " péréquation " qui n'entrent pas dans le champ de compétence de l'Autorité de la concurrence.

Article 2 : La saisine au fond enregistrée sous le numéro 12/0109 F en ce qu'elle concerne les allégations d'entente, de dénigrement, d'abus du droit d'agir en justice, et de discrimination tarifaire est rejetée en application des dispositions du 2ème alinéa de l'article L. 462-8 du Code de commerce.

Article 3 : La demande de mesures conservatoires enregistrée sous le numéro 12/0110 M est rejetée.

Notes

1 Décision n° 2012-01 du Conseil supérieur des messageries de presse fixant la durée de préavis à respecter par les éditeurs qui retirent la distribution d'un titre de presse à une messagerie de presse ou qui se retirent d'une société coopérative de messageries de presse dont ils sont associés, en date du 21 février 2012, rendue exécutoire par la délibération de l'ARDP n° 2012-03 du 16 mars 2012. Ci-après désignée, pour la clarté de l'exposé, sous les termes de : décision " préavis ". Annexe 17 de la saisine. Cotes 953 à 958.

2 Décision n° 2011-03 relative à la mise en place d'une péréquation inter-coopératives pour le financement de la distribution de la presse quotidienne d'information politique et générale, en date du 22 décembre 2011, rendue exécutoire (à l'exception de son point II) par la délibération de l'ARDP n° 2012-01 du 10 janvier 2012. Cette décision a eu pour objet d'acter, dans son principe, l'élaboration d'un mécanisme de péréquation. Annexe 13 de la saisine. Cotes 872 à 878.

Décision n° 2012-05 du Conseil supérieur des messageries de presse portant institution d'un mécanisme de péréquation entre coopératives de messageries de presse pour le financement des surcoûts liés à la distribution de la presse quotidienne d'information politique et générale. Ci-après désignée, pour la clarté de l'exposé, sous les termes de : décision " péréquation ". Annexe 19 de la saisine. Cotes 985 à 992.

3 La SAD, créée en 1978, est une société anonyme dont le capital social est détenu à 100 % par Presstalis. Elle compte 18 agences implantées dans les grandes villes françaises.

4 Société Presse Paris Services. Elle assure la distribution des titres de Presstalis à Paris et dans certaines communes limitrophes.

5 Décision n° 09-D-02 du 20 janvier 2009 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par le Syndicat national des dépositaires de presse, point 15.

6 " Cette procédure concerne ainsi l'ensemble des différends naissant à tous les niveaux de la chaîne de distribution de la presse ". Assemblée nationale, rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles et de l'éducation sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la régulation du système de distribution de la presse, par M. Pierre-Christophe Baguet. Page 76. Annexe 6 de la saisine, cote 552.

7 Décision n° 09-D-02, point 18.

8 Décision n° 12-D-16 du 12 juillet 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de distribution de la presse, points 21, 77 et 80.

9 Décision n° 06-MC-01 du 23 février 2006 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par les sociétés les Messageries lyonnaises de presse et Agora Diffusion Presse, point 99.

10 Avis n° 12-A-24 du 21 décembre 2012 relatif au décroisement des flux dans le système de distribution de la presse magazine, point 12.

Avis n° 12-A-25 du 21 décembre 2012 relatif à la prise en compte des surcoûts dits historiques dans le système de péréquation entre coopératives de messageries de presse, points 8 et 9.

11 Cotes 3455 à 3460, 3461 à 3466 et 3554 à 3557.

12 Cotes 872 à 878.

13 Cotes 953 à 958.

14 Cote 3145. Page 73.

15 Cotes 3208 à 3234.

16 Cotes 3216 à 3220.

17 Cotes 3220 à 3221.

18 Avis n° 12-A-25 du 21 décembre 2012 relatif à la prise en compte des surcoûts dits historiques dans le système de péréquation entre coopératives de messageries de presse.

19 Cotes 2664 à 2671.

20 Source CSMP.

21 Les travaux parlementaires ont identifié deux catégories de " décisions de portée générale ", la première étant constituée par " celles qu'il [le CSMP] prend " dans le cadre de sa mission générale visant à assurer le bon fonctionnement du système coopératif de distribution de la presse et de son réseau ", ce qui fait référence à la mission générale du CSMP définie par l'article 2 de la présente proposition de loi et recouvre donc la plus grande part de l'activité du conseil supérieur ". Assemblée nationale, rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles et de l'éducation sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la régulation du système de distribution de la presse, par M. Pierre-Christophe Baguet. Page 78.

22 Assemblée nationale, rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles et de l'éducation sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la régulation du système de distribution de la presse, par M. Pierre-Christophe Baguet. Page 20. Cote 496.

23 Rapport fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur la proposition de loi de M. Jacques Legendre relative à la régulation du système de distribution de la presse, par M. David Assouline, sénateur. Page 38. Cote 645.

24 Article 18-6 2°.

25 Article 18-6 3°.

26 Article 18-6 4°.

27 Article 18-6 9°.

28 Rapport fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur la proposition de loi de M. Jacques Legendre relative à la régulation du système de distribution de la presse, par M. David Assouline, sénateur.

Voir notamment, p. 30, cote 637 : " Les décisions à caractère réglementaire du CSMP deviendraient exécutoires à défaut d'opposition de l'Autorité de la distribution de la presse dans un délai d'un mois. Le contrôle de légalité de ces décisions serait exercé par le Conseil d'État ".

Et p. 61, cote 668 : " le nouvel article 18-12 précise que les recours contre les décisions de portée générale prises par le CSMP devront être formés devant le Conseil d'État ".

29 Conseil constitutionnel, décision n° 96-378 DC, 23 juillet 1996, considérant 22. Voir également décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987, considérant 16.

30 CJUE, 25 octobre 2001, C-475/99, Ambulanz Glöckner et Landkreis Südwestpfalz, point 19. Voir également arrêt du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C-41/90, Rec. p . I-1979, point 21.

31 Observations du CSMP, p.13

32 Cote 3223.

33 Conseil d'État, Société Million et Marais, n° 169907, 3 novembre 1997.

34 " En donnant force légale à cette procédure, le présent article permet de généraliser cette procédure précontentieuse ". Assemblée nationale, rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles et de l'éducation sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la régulation du système de distribution de la presse, par M. Pierre-Christophe Baguet. Page 76. Cote 552.

35 On relève, à cet égard, que plusieurs réponses ministérielles apportées à des questions parlementaires parlent d' " actions contentieuses " et non de " recours contentieux ". Voir par exemple la réponse à la question écrite n° 111047, JOAN du 29 novembre 2011.

36 " l'Autorité de la concurrence ne peut jouer le rôle de régulateur sectoriel sur des questions soulevées de façon récurrente dans les affaires qui lui sont transmises ". Rapport fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur la proposition de loi de M. Jacques Legendre relative à la régulation du système de distribution de la presse, par M. David Assouline, sénateur. Page 24. Cote 631.

37 Article 18 de la loi Bichet modifiée.

38 Cote 2647.

39 Procès-verbal de l'audition des représentants des MLP, p. 5, cote 2648.

40 Conseil de la concurrence, décision n° 07-D-10 du 28 mars 2007 relative à une plainte à l'encontre du Comité interprofessionnel du gruyère de Comté, point 71. Mise en gras ajoutée.

41 Décision n° 06-D-14 du 7 juin 2006 relative à une saisine de la société Pool Presse. Points 14 et 15.

42 Décision n° 07-D-10, point 72.

43 Observations de Presstalis, pp. 19-20, cote 2798.

44 Point 241 de la saisine, cote 57.

45 Cote 3067.

46 Point 32.

47 Annexe 23 de la saisine, cotes 1335 et 1336.

48 Annexe 24 de la saisine, cotes 1337 à 1354.

49 Cote 1340.

50 Cote 1340.

51 Cote 1349.

52 Cote 1349.

53 Cote 1273.

54 Le Monde, 12 janvier 2012, Distribution de la presse : les éditeurs peuvent quitter Presstalis pour les MLP.

55 Cote 1363.

56 Un mécanisme similaire de dessaisissement au profit de l'Autorité de la concurrence existe également pour le CSA (article 17-1de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986).

57 Désormais Presstalis.

58 Point 88.

59 P. 40 de la saisine. Cote 44.

60 Cote 2677.

61 Voir, par exemple, la communication de la Commission relative à ses orientations sur ses priorités pour l'application de l'article 82 du traité CE (désormais art.102 TFUE) aux pratiques d'éviction abusives des entreprises dominantes, points 75 à 82 (JOUE 24.02.2009 c45/7)

62 Annexes 36 et 37 de la saisine. Cotes 1456 à 1459.

63 Annexe 14 de la saisine, cotes 879 à 892.

64 TPICE, ITT Promedia NV, T-111/96, 17 juillet 1998.

65 En ce sens qu'elle ne peut être raisonnablement considérée comme visant à faire valoir les droits de l'entreprise concernée.

66 Cote 2650. Soulignement ajouté.