Cass. crim., 10 avril 2013, n° 12-83.041
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Nocquet
Rapporteur :
Mme de la Lance
Avocat général :
Mme Valdès Boulouque
Avocats :
SCP Delaporte, Briard, Trichet, SCP Baraduc, Duhamel
LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par la société X, la société Y, contre l'ordonnance du premier président de la Cour d'appel de Paris, en date du 27 mars 2012, qui, sur renvPMBO Corporateoi après cassation, (Crim. 4 mai 2011 - pourvoi n° 10-81.750), a autorisé des opérations de visite et saisie de documents en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles ; - Vu les mémoires en demande et en défense produits ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 450-3, L. 450-4 du Code de commerce, 6 § 1er, 8 et 13 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme, 593 du Code de procédure pénale, 44 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 modifié par le décret n° 2005-1668 du 27 décembre 2005 applicable en l'espèce ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Nanterre du 30 juin 2006 en ce qu'elle avait autorisé les opérations de visite et de saisie tant à l'encontre de la société Y qu'à l'encontre de la société X ;
"aux motifs propres que " par ordonnance du 30 juin 2006, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Nanterre a autorisé en application de l'article L. 450-4 du Code de commerce des opérations de visite et de saisie dans les locaux des entreprises Y et X (...) ; que par procès-verbal du 28 février 2006, produit au débat pièce n° 4 le Conseil de la concurrence a reçu une demande d'une société présente dans le secteur des produits d'hygiène et de soin du corps sollicitant l'application d'une mesure de clémence sur le fondement de l'article L. 464-2 du Code de commerce ; que cette demande a été faite par l'intermédiaire des conseils de cette société ; qu'il ne s'agit donc pas d'une déclaration anonyme comme l'a fort justement retenu le juge des libertés et de la détention ; qu'il est précisé dans ce procès-verbal que la société demanderesse de clémence souhaite apporter des informations contribuant à établir l'existence en France de pratiques potentiellement prohibées par les articles L. 420-1 du Code de commerce et 81-1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, par les sociétés A, B du groupe 1, C, D, E, Y ; que, par décision rendue le 19 juin 2006, le Conseil de la concurrence a fait droit à cette demande et s'est saisi d'office le 20 juin 2006 de l'examen des pratiques dans le secteur des produits d'hygiène et de soin du corps ; que, dans sa note du 23 juin 2006 adressée au directeur général'de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, le rapporteur général de la concurrence a précisé que " les pratiques en cause seraient constituées par des réunions, des échanges d'informations confidentielles entre concurrents et des accords sur leurs politiques de prix vis-à-vis des clients de la grande distribution, au moins pour ce qui concerne les marges arrières ; que le cartel en question constituerait une pratique continue depuis au moins trois ans " (pièce n° 1) ; que les participants à ces réunions auraient également échangé des informations portant sur les forces de vente, la logistique et l'outsourcing ; que le procès-verbal du 28 février 2006 dénonce des faits ayant débuté en 2003 ; que la société à l'origine de ce procès-verbal fait état de réunions régulières, dénommées Team Personal Care Products (PCP), auxquelles aurait participé la société Y et ayant un but anticoncurrentiel ; que notamment étaient abordés, lors de ces réunions, les tarifs pratiqués, les fourchettes d'augmentation des tarifs, les dates d'envoi des tarifs, les dates d'application, les dates et méthodes de lissage, les acceptations ou difficultés d'application des hausses de tarif avec telle ou telle enseigne, les contreparties demandées par les distributeurs pour compenser la hausse de tarifs, les effectifs et structures de vente des participants ou des enseignes, les questions plus générales sur le comportement des distributeurs avec les différents fournisseurs, les perspectives d'évolution du marché, les échanges sur les chiffres d'affaires et par enseigne ; qu'il découle des pièces qu'au cours de ces réunions, les participants pouvaient se communiquer les nouveaux tarifs, les conditions générales de ventes, les effectifs en matière commerciale, ainsi que tous éléments sur les chiffres réalisés par produits auprès des enseignes, ce qui leur permettait d'évaluer leur situation par rapport à celles de leurs concurrents ; que le rapporteur général de la concurrence conclut que, au vu de ces informations, les éléments de preuve recherchés " porteront notamment sur l'origine du ou des cartels, sur les conditions de fonctionnement du ou des cartels, sur la nature des informations échangées (par exemple : informations sur les stocks, sur les capacités, sur les parts de marché, sur les prix pratiqués, sur les quantités vendues), les remises accordées, les problèmes commerciaux rencontrés par les fournisseurs avec les clients, les conditions et tendances du marché, les demandes de clients portant sur des augmentations de marges arrières, destinées à compenser les obligations mises à leur charge par l'accord Sarkozy, des montants maximums de marges arrières à consentir aux clients de la grande distribution, les méthodes d'échanges d'informations (fréquence et lieux de réunions, représentants habituels des entreprises lors des réunions, initiative de ces réunions, etc), la conclusion d'accords sur des montants maximums de marges arrières à consentir aux clients de la grande distribution, la mise en œuvre de ces décisions et la surveillance de leur exécution, la part prise dans l'entente par chacune des sociétés, les effets sur les prix effectivement pratiqués par les membres de l'entente, les éventuelles réactions ou prestations des clients, les conditions dans lesquelles le commerce intracommunautaire est susceptible d'être affecté par les pratiques en cause " ; qu'aux termes de l'article L. 420-1 du Code de commerce " sont prohibées lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concernées, conventions, ententes expresses ou tacite ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à : 1°) limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises, 2°) faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse, 3°) limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique, 4°) répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement " ; qu'en cas d'entente complexe l'accord résulte de la preuve de réunions ayant un objet anticoncurrentiel, la responsabilité d'une entreprise pouvant être retenue si elle a participé à ces réunions quelle que soit l'intensité de sa participation ; que la preuve apportée tout à fait licitement par la société demanderesse de clémence à la réalité de ces réunions et à la description de leur objet constitue un indice suffisant pour emporter la conviction du juge sur la présomption de pratiques anticoncurrentielles de la part de la société Y, étant constant d'une part, que la société Y est un acteur économique actif exerçant sur le marché considéré, d'autre part, que les pratiques évoquées tendent à faire échec à la fixation des prix par le libre jeu du marché et visent à répartir les marchés ; qu'aux termes de l'article L. 450-4 du Code de commerce, " le juge doit vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée ; que cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession du demandeur de nature à justifier la visite ; lorsque la visite vise à permettre la constatation d'infractions aux dispositions du livre IV du présent code en train de se commettre, la demande d'autorisation peut ne comporter que des indices permettant de présumer en l'espèce l'existence des pratiques dont la preuve est recherchée " ; que les réunions invoquées, en ce qu'elles portent sur la fixation des prix et sur la répartition du marché, présument donc une intention de la société Y à participer à une action concertée en vue de limiter l'accès à la libre concurrence comme l'a exactement caractérisé le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Nanterre lequel ne pouvait se fonder que sur des présomptions, les juges du fond étant seuls compétents pour qualifier les pratiques anticoncurrentielles au vu des dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ; qu'il ne peut être sérieusement soutenu que l'Autorité de la concurrence ne justifie pas que les pratiques se poursuivaient à la date à laquelle elle a saisi le juge des libertés et de la détention, d'une part, le but de la saisie étant justement de vérifier les conditions et la réalité de l'importance de l'entente, d'autre part les agissements ayant perduré après le 3 février 2006, date des premières investigations réalisées dans le secteur parallèle des produits d'entretien, enfin les actes invoqués par la société demanderesse de clémence n'étant pas par nature des actes instantanés mais s'étalant dans le temps ; qu'au vu du très bref laps de temps, quatre mois, qui a séparé la date à laquelle le procès-verbal de réception a été établi et celle à laquelle la requête aux fins de saisie a été présentée au juge, il est constant que les indices de présomption de pratiques anticoncurrentielles dans le secteur des produits d'hygiène et de soin du corps de la part de la société Y subsistaient ; qu'au vu de l'entente présumée, l'Autorité de la concurrence ne pouvait pas espérer une collaboration active de la société Y, dont les actes, s'ils s'avéraient réels, ne pouvaient prendre la forme que de documents confidentiels que seuls des opérations de saisie pouvaient mettre à jour ; que l'ordonnance du 30 juin 2006, en ce qu'elle a autorisé les saisies au sein de la société Y, n'a pu ainsi porter atteinte aux exigences de proportionnalité visées à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales " ;
"et aux motifs adoptés que " à cette requête sont annexés les documents suivants 1°) la demande d'enquête du rapporteur général du Conseil de la concurrence susvisée accompagnée de la note des rapporteurs et de ses annexes ; 2°) la note du directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes en date du 27 juin 2006, 3°) des fiches d'identité et extraits provenant de serveurs Internet concernant les sociétés A, D, Groupe C, E, F, B, 1, G, H, I, Y, X et deux rapports relatifs aux localisations des sociétés F/E et Y/X ; que les informations communiquées à nous par l'Administration à l'appui de sa requête ont été remises par le demandeur de clémence au rapporteur du Conseil de la concurrence ; que les pièces présentées à l'appui de la requête ont une origine apparemment licite et qu'elles peuvent être utilisées pour la motivation de la présente ordonnance puisqu'elles émanent de la consultation de banques de données électroniques accessibles au public, mais également de l'exercice par la DGCCRF de la possibilité d'échanger des informations entre autorités de la concurrence et de se voir communiquer les informations ou les documents que le Conseil de la concurrence détient ou qu'il recueille ; qu'à la suite d'un premier avis de clémence dans le secteur des produits d'entretien et des insecticides ménagers, une société a sollicité le Conseil de la concurrence afin de bénéficier d'une nouvelle mesure de clémence dans le secteur des produits d'hygiène et du soin du corps et que le Conseil a adopté conformément aux dispositions de l'article L. 464-2 IV un avis de clémence non public concernant cette société et ce secteur ; que la société qui a obtenu le bénéfice d'une mesure de clémence conditionnelle sur le fondement de l'article précité du Code de commerce a souhaité conserver l'anonymat afin d'éviter des mesures de représailles ; que lors du dépôt de la requête, le procès-verbal de réception du Conseil de la concurrence, qui justifie que le demandeur de clémence ou ses conseils ont été reçus par le Conseil de la concurrence, nous a été présentés et nous avons pu le consulter ; que ce document a pour seul intérêt de mentionner le nom du demandeur de clémence ; que ce dernier s'est par ailleurs engagé à faire des recherches documentaires afin d'étayer ses déclarations et de répondre à son obligation de collaboration loyale et totale ; que la demande d'enquête précitée du rapporteur général accompagnée de la note des rapporteurs au Conseil de la concurrence reprenant les déclarations des conseils du demandeur de clémence contient la dénonciation de pratiques prohibées (annexe à la requête n° 1) exercées à l'encontre de la grande distribution par les fournisseurs de produits d'hygiène et de soins du corps ; que ces pratiques illicites mises en œuvre par les fournisseurs de produits d'hygiène et de soins du corps relèveraient de deux catégories : d'une part, des réunions régulières au cours desquelles les fournisseurs se seraient échangés des informations confidentielles et/ou auraient conclu des accords anticoncurrentiels vis-à-vis de la grande distribution, d'autre part, des échanges d'informations envoyées par courrier ou courriel ; que ces pratiques, qui auraient débuté en 2001, se seraient au moins poursuivies jusqu'au 3 février 2006, date à laquelle la DGCCRF a procédé à des visites et saisies sur le fondement de l'article L. 450-4 du Code de commerce dans le secteur des produits d'entretien et des insecticides ménagers par autorisation du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Nanterre des 31 janvier 2006 et 2 février 2006 ; qu'il n'est pas exclu que ces agissements perdurent dans le secteur des produits d'hygiène et du soin du corps nonobstant les investigations déjà réalisées dans le secteur des produits d'entretien et des insecticides ménagers ; que deux types de réunion entre fournisseurs existeraient : en premier lieu, les réunions appelées " les amis " par le demandeur de clémence auxquelles participaient régulièrement les responsables des ventes des sociétés J, A, D, K, L, M, N, C et O (1 seule participation pour ces deux dernières) ; qu'à partir de janvier 2006 s'ajoutent les sociétés 1 et A' ; que jusqu'au 1er janvier 2006 les responsables des produits d'entretien et insecticides et les responsables des produits d'hygiène et de soins du corps assistaient aux mêmes réunions ; que compte tenu de la disparité des marchés concernés, les responsables commerciaux des produits d'hygiène et de soins du corps ont décidé de consacrer de manière spécifique des réunions " les amis " à ceux-ci à partir de la réunion du 26 janvier 2006 ; qu'à la date précitée, le groupe 1 a participé pour la première fois à une réunion ; men second lieu, le demandeur de clémence fait également état de réunions régulières, intitulées " Team PCP " (PCP : Personnal Care Products "), ayant débuté le 21 octobre 2003 au cours desquelles les directeurs des ventes des sociétés A', A, D, I, E, C (groupe I), B (1) et Y se seraient rencontrés ; que la liste des participants à ces réunions, d'un niveau hiérarchique supérieur à celui des réunions " les amis ", remise par le demandeur de clémence, apporte des précisions supplémentaires ; qu'ainsi, les entreprises C, I, B, 1, Y' et Y ne participaient régulièrement qu'aux réunions relatives aux produits d'hygiène et de soins du corps ; que par courrier ou courriel et/ou lors de ces deux types de réunion, le demandeur de clémence précise que les participants pouvaient s'adresser notamment les nouveaux tarifs, les conditions générales de vente (CGV), les effectifs en matière commerciale, les éléments logistiques et d'" outsourcing " ainsi que les chiffres d'affaires réalisés par produits auprès des enseignes ; que ces informations relatives aux chiffres d'affaires permettaient aux directeurs des vente d'évaluer leur situation par rapport à celle de leurs concurrents ; qu'il ressort des notes prises au cours de ces réunions que des sociétés d'un même groupe étaient amenées à se représenter ; qu'il en serait ainsi pour D et Y', C et I, mais également pour les sociétés du groupe 1 (B et 1), que le demandeur de clémence établit que lors de ces réunions, le même sujet était abordé à des niveaux de responsabilités différents, à savoir : 1. La politique des pouvoirs publics : la circulaire Dutreil n° 1, la loi PME du 2 août 2005, et surtout la négociation, la mise en place et les conséquences pratiques de " l'accord Sarkozy " du 17 juin 2004 ; 2. L'état d'avancement des négociations commerciales : marges arrières, informations sur la dérive de la marge arrière, demandes des distributeurs, montant de dérive accordée ou envisagée pour chacune des entreprises présentes, dérive exigée sans contrepartie, accord signé/non-signé, nombre d'accords, exigences des distributeurs, menaces de deférencement, déférencement effectif boycott des produits, promotions, acceptation des CGV, coopération commerciale ; 3. Evolution du chiffre d'affaires total et par enseigne, réalisé pour chaque fournisseur, le demandeur de clémence précisant que " il pouvait arriver que l'un des participants n'ait pas ses chiffres d'affaires avec lui pendant la réunion. Ils se les adressaient alors par e-mail sur leur messagerie personnelle ou par courrier ", 4. Tarifs : fourchettes d'augmentation des tarifs, date d'envoi des tarifs, date d'application, date et méthode de lissage, acceptation ou difficultés d'application des hausses de tarifs avec telle ou telle enseigne, contreparties demandées par les distributeurs pour compenser la hausse de tarifs ; 5. Effectifs et structure de vente des participants ou des enseignes ; 6. Questions plus générales sur le comportement des distributeurs avec les différents fournisseurs et perspectives d'évolution du marché ; que ces échanges d'informations et conclusions d'accords anticoncurrentiels s'effectueraient notamment à l'occasion de réunions tenues : 1. pour les réunions " les amis " : au restaurant Royal Villiers, place de la Porte Champerret, Paris 17e, au bistrot Grenat à Levallois, au Jean-Baptiste Clément à Boulogne, au Sud Boulevard Gouvion Saint Cyr à Paris et au Media's Bar à Paris, 2. pour les réunions " Team PCP " : les réunions se seraient tenues le plus souvent au restaurant de la Maison des Arts et Métiers, avenue d'Iéna à Paris ; qu'à titre d'illustration, des copies de factures de restaurant où ont eu lieu ces réunions sont jointes à la note du rapporteur ; que lesdites réunions auraient eu lieu aux dates suivantes : 1. Pour les réunions " les amis " : en 2004 : le 7 avril, le 13 mai, le 21 septembre, le 27 octobre, le 4 novembre, le 3 décembre et le 8 décembre ; en 2005 : le 7 janvier, le 14 janvier, le 17 février, le 17 mars, le 14 avril, le 12 mai, le 20 mai, le 7 juin, le 6 juillet, le 8 juillet, le 21 juillet, le 10 août, le 31 août, le 20 septembre, le 4 octobre, le 11 octobre, le 27 octobre, le 30 novembre, le 9 décembre et le 7 décembre ; en 2006 : le 19 janvier et le 26 janvier ; 2. Pour les réunions " Team PCP " en 2003 : le 21 octobre et le 2 décembre ; en 2004 : le 24 mars, le 4 mai, le 1er juillet, le 30 août, le 5 octobre, le 9 novembre et le 7 décembre ; en 2005 : le 19 janvier, le 14 février, le 4 mars, le 9 mars, le 11 avril, le 17 mai, le 15 juin, le 6 septembre, le 6 octobre, le 9 novembre, et le 6 ou 7 au 8 décembre ; en 2006 : durant la première quinzaine de janvier ; que les premières mesures d'enquêtes, suite aux opérations de visite et de saisie du 3 février 2006 dans le secteur des produits d'entretien et des insecticides ménagers, semblent montrer que 2 et 3 pourraient avoir outrepassé leur rôle d'expertise également dans le secteur des produits d'hygiène et de soins du corps, en donnant la possibilité aux entreprises fournissant la grande distribution d'échanger des informations confidentielles leur permettant d'avoir une connaissance globale de l'état des discussions entre distributeurs et fournisseurs et d'adapter en conséquence leur politique commerciale ; que 2 a mis en place un premier système consistant en un échange par courriers électroniques d'informations confidentielles de type question/réponse ainsi qu'un second, de vote par boîtier électronique lors de séances avec affichage de réponses de manière anonyme sur un écran ; que la société 3 propose à ses clients un système similaire au moyen d'une hot line permettant des échanges d'informations confidentielles par courriers électroniques ; que celui-là permet à des adhérents de poser des questions aux autres adhérents qui y répondent de manière quasi-systématique ; que 3 se charge ensuite de faire la synthèse des réponses en dissimulant le nom des sociétés participantes ; que la mise à disposition de tels systèmes d'informations confidentielles paraît créer une transparence totale entre les fournisseurs dans leur connaissance des marchés et qu'ainsi l'incertitude nécessaire à l'expression de la concurrence en est très largement amoindrie ; que nous pouvons ainsi présumer l'existence de pratiques prohibées par les articles L. 420-1 du Code de commerce et 81-1 du traité instituant la Communauté européenne ; que les agissements décrits ci-dessus peuvent s'analyser comme contraires aux dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81-1 du traité instituant la Communauté européenne ; que l'article L. 450-4, alinéa 2, du Code de commerce dispose que " lorsque la visite vise à permettre la constatation d'infractions aux dispositions du livre IV du présent code en train de se commettre, la demande d'autorisation peut ne comporter que les indices permettant de présumer, en l'espèce, l'existence des pratiques dont la preuve est recherchée " ; qu'ainsi la portée d'une présomption est suffisante au regard des qualifications prévues aux articles L. 420-1 du Code de commerce et 81-1 du traité instituant la Communauté européenne ; que la recherche de la preuve de ces pratiques nous apparaît justifiée ; que, par ailleurs, l'utilisation des pouvoirs définis à l'article L. 450-3 du Code de commerce ne paraît pas suffisante pour permettre à l'Administration de corroborer ses soupçons ; qu'en effet, les accords et/ou pratiques dénoncés sont établis suivant des modalités secrètes, et les documents nécessaires à la preuve desdites pratiques et/ou accords sont vraisemblablement conservés dans des lieux et sous une forme qui facilite leur dissimulation ou leur destruction en cas de vérification ; que le recours aux pouvoirs de l'article L. 450-4 du Code de commerce constitue donc le seul moyen d'atteindre les objectifs recherchés, qu'en outre, les opérations de visite et de saisie sollicitées ne sont pas disproportionnées compte tenu que les intérêts des entreprises et associations concernées sont garantis, dès lors que les pouvoirs de l'Administration sont utilisés sous notre contrôle ; que les opérations de visite et de saisie dans les locaux de l'ensemble des entreprises qui ont participé à ces concertations prohibées ne nous apparaissent pas nécessaires à l'apport de la preuve des pratiques présumées ; qu'il convient en conséquence de rechercher les lieux où se trouvent plus vraisemblablement les documents nécessaires à l'apport de cette preuve ; il est vraisemblable que les documents utiles à l'apport de cette preuve se trouvent dans les locaux des entreprises Beiersdorf, A, D, B, 1, I, groupe C, I et Y qui apparaissent au coeur des pratiques relevées dans le secteur des produits d'hygiène et de soins du corps du fait de leur participation aux réunions Team PCP ; qu'il convient également de retenir la société Y' pour sa participation régulière aux seules réunions concernant les produits d'hygiène et du soin du corps ; que lors de la vérification des adresses, les seules indications figurant au siège de la société E concernait F ; que ce constat permet d'établir qu'au sein des locaux de F est hébergée la société E ; que l'extrait Internet du site des " Pages Jaunes " fait aussi apparaître à l'adresse <adresse>, la société F ; qu'il convient par conséquent de retenir cette société pour l'adresse précitée ; que le tableau, joint, en annexe 3 à la note des rapporteurs au Conseil de la concurrence, récapitule les chiffres d'affaires 2002 et 2003 du groupe 1 qui regroupe les sociétés B, G, H et 1, à la même adresse <adresse> ; que la visite des locaux de G H est donc nécessaire (...) ; que les comportements équivoques de la société 3 et de 2, notamment par leur volonté de mettre en place des systèmes d'échanges d'informations confidentielles, dans le secteur des produits d'entretien et d'insecticides ménagers niais probablement dans d'autres tels que celui des produits d'hygiène et du soin du corps, permet de la même manière de les retenir ; que, dès lors, ces locaux sont situés en des lieux différents, il est nécessaire de permettre aux enquêteurs et rapporteurs d'intervenir simultanément dans ceux-ci afin d'éviter la disparition ou la dissimulation d'éléments matériels ; que la pluralité des locaux à visiter nécessite la désignation de plusieurs enquêteurs habilités par l'arrêté du 22 janvier 1993 complété par celui du 11 mars 1993, modifié ; que la collaboration des effectifs des directions régionales d'Ile-de-France, du Nord, de Lorraine et de Rhône-Alpes, ainsi que celles des unités départementales de la Seine-et-Marne, des Hauts-de-Seine et de la Seine-Saint-Denis est nécessaire ; que les directeurs qui ont autorité sur lesdites directions régionales, occupent l'emploi de directeur régional tel que prévu par l'article jer du décret n° 2002-593 du 24 avril 2002 ; qu'ils sont, en conséquence, fonctionnaires de catégorie A et habilités à procéder aux opérations prévues à l'article L. 450-4, en application de l'article L. 450-1 du Code de commerce et de l'arrêté du 22 janvier 1993, les directeurs départementaux qui ont autorité sur les unités de la Seine-et-Marne, des Hauts-de-Seine et de la Seine-Saint-Denis sont titulaires de l'un des grades prévus à l'article 2 du décret 95-873 du 2 août 1995 modifié ; qu'ils sont, en conséquence, fonctionnaires de catégorie A et habilités à procéder aux opérations prévues à l'article L. 450-4 précité, en application de l'article L. 450-1 du Code de commerce et de l'arrêté du 22 janvier 1993 ; que certaines de ces opérations doivent avoir lieu en dehors du ressort territorial de ce tribunal ; qu'il convient de délivrer une commission rogatoire au juge des libertés et de la détention aux tribunaux de grande instance de Paris, Melun et Bobigny dans les ressorts desquels lesdites opérations auront lieu afin qu'ils puissent désigner les officiers de police judiciaire et exercer le contrôle prévu par l'article L. 450-4 du Code de commerce ; que la requête de M Marcellesi, directeur régional, chef de la DNECCRF et de M. Dahan, rapporteur général au Conseil de la concurrence, nous apparaît fondée " ;
"1°) alors que la déclaration du représentant de l'entreprise ou de l'organisme qui entend dénoncer des pratiques prohibées pour bénéficier d'une mesure de clémence est recueillie dans les délais les plus brefs par procès-verbal de déclaration par un enquêteur de la DGCCRF ou un rapporteur du Conseil de la concurrence ; qu'en se fondant sur les déclarations du demandeur de clémence pour autoriser les opérations de visite et de saisie à l'encontre de sociétés Y et X, sans constater, comme il y était invitée, l'existence du procès-verbal de déclaration prévu par l'article 44 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002, document sans lequel le juge autorisant les opérations de visite et saisie n'était pas en mesure de vérifier la teneur des déclarations de ce demandeur de clémence, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"2°) alors subsidiairement, que s'il n'est pas interdit au juge de faire état d'une déclaration anonyme, c'est à la condition que celle-ci soit corroborée par d'autres éléments d'information que le juge doit décrire et analyser ; qu'en se contentant d'affirmer au'" il découl[ait] des pièces qu'au cours " des réunions qui se seraient tenues entre les sociétés concurrentes, les participants pouvaient se communiquer des éléments leur permettant d'évaluer leur situation par rapport à celles de leurs concurrents, sans décrire ni analyser ces " pièces " qui auraient corroboré la déclaration anonyme dont l'Administration avait été destinataire, le premier président de la cour d'appel a violé les textes susvisés et le principe rappelé ;
"3°) alors que le juge doit caractériser les pratiques anticoncurrentielles présumées ; qu'il ne peut se contenter d'affirmer qu'il résulte des éléments soumis des présomptions de pratiques prohibées par l'article L. 420-1 du Code de commerce, sans identifier précisément ces pratiques et les mettre en rapport avec les circonstances qu'il retient ; qu'en se contentant de relever les échanges d'informations et les réunions qui se seraient tenues entre plusieurs sociétés d'un même secteur, pour affirmer qu'il y avait lieu de présumer des pratiques tendant à faire échec à la fixation des prix par le libre jeu du marché et visant à répartir ces marchés, sans mettre en rapport les informations en cause qui auraient été échangées et les pratiques présumées et ainsi préciser en quoi ces informations permettaient de présumer de telles pratiques, l'ordonnance confirmative attaquée est privée de base légale et n'est pas motivée ;
"4°) alors que la demande d'autorisation de visite et saisie peut se fonder sur des indices permettant de présumer l'existence de pratiques dont la preuve est recherchée, uniquement si la visite vise à permettre la constatation d'infractions qui seraient " en train de se commettre " ; qu'en se contentant d'affirmer que les actes invoqués comme étant constitutifs de pratiques anticoncurrentielles étaient des actes de nature à s'étaler dans le temps, pour retenir que les indices de présomptions de telles pratiques subsistaient au moment de la demande d'autorisation, tandis que les derniers faits soupçonnés étaient antérieurs de plus de quatre mois à la demande et que même des actes de nature à s'étaler dans le temps sont susceptibles de cesser à un instant donné, le premier président de la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"5°) alors que, enfin, l'atteinte par une autorité publique au droit à l'inviolabilité du domicile doit être admise de manière restreinte lorsque sa nécessité est caractérisée " de manière convaincante " ; que le caractère secret des pratiques anticoncurrentielles soupçonnées ne justifie pas d'une telle atteinte dès lors que, sans avoir recours aux opérations de visite et saisie, les agents compétents pour enquêter sur de telles pratiques peuvent " accéder à tous locaux, terrains ou moyens de transport à usage professionnel, demander la communication des livres, factures et tous autres documents professionnels et en obtenir ou prendre copie (...) (et) recueillir sur convocation ou sur place les renseignements et justifications ", sans que le secret puisse leur être opposé ; qu'en se contentant d'affirmer que le recours aux opérations de visite et saisie était justifié car l'Autorité de la concurrence ne pouvait pas espérer de collaboration active de la société Y, dont les actes, s'ils s'avéraient réels, ne pouvaient prendre la forme que de documents confidentiels que seules des opérations de saisie pouvaient mettre à jour, le premier président de la cour d'appel n'a pas caractérisé la proportionnalité de l'atteinte à l'inviolabilité du domicile des sociétés Y et X avec le but visé par les opérations ainsi autorisées" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 450-4 du Code de commerce, 6 § 1er, 8 et 13 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'ordonnance attaquée a confirmé l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Nanterre du 30 juin 2006 en ce qu'elle avait autorisé les opérations de visite et de saisie à l'encontre de la société X ;
"aux motifs propres que la société X a été visée par les opérations de saisie, d'une part, en tant qu'occupante des locaux visités, les deux sociétés partageaient alors des locaux à la même adresse étant relevé d'ailleurs qu'à ladite adresse, seule est visible de l'extérieur la dénomination " X ", sans qu'il soit fait mention de quelque autre indication, selon le rapport de constatation établi par M. Jean-Luc Séchet - inspecteur des services déconcentrés de la direction général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes -, d'autre part en raison, non du lien capitalistique existant entre les deux sociétés, mais des liens particuliers unissant la société X et la société Y, la société X invoquant à son profit la marque " y " ; qu'il apparaît, par l'utilisation par la société X de la marque de la société Y, une imbrication commerciale de fait de ces deux sociétés ; que, dès lors, il importait pour l'Autorité de la concurrence, au vu des indices de présomptions de pratiques anticoncurrentielles portées à l'encontre de la société Y, de vérifier si la société X détenait des documents au nom de la société Y pouvant avoir un lien avec les pratiques reprochées ; que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Nanterre ne peut par voie de conséquence qu'être confirmée en ce qu'elle a autorisé les visites domiciliaires au sein de la société X ; que l'ordonnance du 30 juin 2006 doit par voie de conséquence être confirmée en ce qu'elle a ordonné des opérations de visite et de saisie domiciliaires tan(à l'encontre de la société Y qu'à l'encontre de la société X " ;
"et aux motifs éventuellement adoptés que la société X présente sur son site "y" comme l'une de ses marques ; que la société Y est une filiale de X domiciliée à la même adresse et ayant le même gérant, M. 4 ; qu'il convient de visiter les locaux de X ; que, lors de la vérification des adresses, les seules indications figurant au siège de la société Y concernaient X ; que ce constat permet d'établir qu'au sein des locaux de X est hébergée la société Y ;
"alors que les visites et saisies pratiquées dans les locaux d'une entreprise ne sont régulièrement autorisées qu'à la condition que cette entreprise soit suspectée de s'être livrée à des pratiques dont la preuve est recherchée sur la base d'indices permettant de le présumer ; que ne sont pas constitutifs de tels indices le partage de locaux avec une société soupçonnée de telles pratiques, l'utilisation apparente d'une marque appartenant à cette société ou l'existence d'un dirigeant commun dont aucun agissement personnel n'est relevé ; que, pour retenir une " imbrication commerciale " justifiant d'autoriser des visite et saisie à l'encontre de la société X, le premier président a relevé que cette société partageait les locaux de la société Y, qui avait le même gérant, que seule la dénomination de la première société était visible à l'extérieur de ces locaux et que la société X utilisait la marque " y " ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'aucune de ces circonstances, à les supposer existantes, ne permettait de présumer que cette société, à propos de laquelle aucune participation aux réunions supposées avec des sociétés concurrentes n'était relevée, s'était livrée personnellement à des pratiques anticoncurrentielles, le premier président de la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Les moyens étant réunis ; - Attendu que les énonciations de l'ordonnance attaquée mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que le premier président, qui a fondé sa décision sur le procès-verbal de réception d'une demande de clémence d'une société, et non sur une déclaration anonyme, a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont il était saisi et caractérisé, après s'être référé, en les analysant, aux éléments d'information fournis par l'Administration, l'existence de présomptions de pratiques anticoncurrentielles justifiant la mesure autorisée dans les locaux des sociétés concernées ; d'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'ordonnance est régulière en la forme ;
Rejette les pourvois.