Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 16 mai 2013, n° 2012-01227

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Kontiki (SAS)

Défendeur :

Autorité de la concurrence, Ministre de l'Economie, des Finances et du Commerce extérieur

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Remenieras

Conseillers :

Mmes Beaudonnet, Leroy

Avocats :

Mes Bouzidi-Fabre, Henry, Dechelette-Roy

CA Paris n° 2012-01227

16 mai 2013

Le ministre de l'Economie a, le 7 avril 2008, saisi le Conseil de la concurrence (devenu l'Autorité de la concurrence, et ci-après l'Autorité ou l'ADLC) de pratiques mises en œuvre par la société Kontiki SAS et ses distributeurs dans le secteur de la distribution des gadgets et articles de fantaisie.

A cette saisine, était annexé un rapport administratif d'enquête des services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) relevant des éléments caractérisant, selon eux, une entente verticale sur les prix de revente des produits Diddl entre la société Kontiki SAS et ses distributeurs.

Créé en Allemagne en 1990, le personnage Diddl représente une souris à grandes pattes apposée sur des cartes postales. La gamme des produits à l'effigie de Diddl a été déclinée en une trentaine d'autres figurines sur différents supports au rythme moyen de trois cents nouvelles références par an. Elle s'est progressivement enrichie de peluches, blocs notes, cahiers, verres, cartables ou vêtements.

La licence des personnages Diddl est détenue par la société allemande Depesche qui fait fabriquer l'ensemble des produits à l'effigie de Diddl vendus en Europe, produits qui ont connu durant la seconde moitié des années 2000, un grand succès auprès des enfants et pré-adolescents.

L'entreprise Kontiki SAS (ci-après Kontiki) est le distributeur exclusif des produits Diddl sur le territoire français. Son chiffre d'affaires sur ces produits a représenté entre 97 et 100 % de son chiffre d'affaires total pendant les années 2003 à 2007. En forte croissance jusqu'en 2005 (plus de 66 millions euros en 2005), ce chiffre d'affaires a ensuite diminué pour se réduire à 28,5 millions euros en 2008 puis à 12,3 millions euros en 2011.

Les produits Diddl, au début vendus en France dans des magasins vendant des cartes postales, ont progressivement été offerts à la vente dans des boutiques cadeaux, des grands magasins et des magasins de jouets soit, en 2007, près de 1 700 points de vente visités, par zones géographiques, par les commerciaux de la société Kontiki.

Par courrier du 31 mai 2010, la rapporteure générale de l'Autorité a notifié à la société Kontiki le grief "de s'être entendue de 2003 à 2007 avec l'ensemble de ses distributeurs pour fixer un prix de revente au consommateur des articles Diddl..., pratique contraire aux articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 paragraphe 1 TFUE".

Par décision n° 11-D-19 du 15 décembre 2011 (ci-après la Décision), l'Autorité de la concurrence a considéré "établi que la société Kontiki SAS a enfreint les dispositions de l'article 101 TFUE et de l'article L. 420-1 du Code de commerce en mettant en œuvre avec ses distributeurs une pratique anticoncurrentielle visant à fixer les prix de revente aux consommateurs des articles Diddl, du 1er janvier 2003 à la mi-mars 2007" et lui a infligé une sanction de 1,34 million d'euros.

LA COUR

Vu le recours en annulation et/ou réformation formé le 20 janvier 2012 par la société Kontiki SAS de la décision n° 11-D-19 du 15 décembre 2011 de l'Autorité de la concurrence (la Décision) ;

Vu le mémoire récapitulatif déposé par cette société le 31 octobre 2012, après un mémoire du 17 février 2012, demandant à la cour de :

- dire et juger qu'elle n'a pas enfreint les dispositions des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce en ce qu'elle n'a pas mis en œuvre avec ses distributeurs une pratique anticoncurrentielle visant à fixer les prix de revente aux consommateurs des articles Diddl du 1er janvier 2003 à mi-mars 2007 et par conséquent annuler et réformer la Décision ;

- à titre subsidiaire, si la cour devait considérer l'entente établir, réformer la Décision sur le montant de l'amende et réduire de manière substantielle le montant de l'amende prononcée par l'Autorité ;

Vu les observations de l'ADLC déposées le 25 septembre 2012, tendant au rejet du recours ;

Vu les observations du ministre de l'Economie déposées le 25 septembre 2012, tendant au rejet du recours ;

Vu les observations du Ministère public, mises à disposition des parties avant l'audience, tendant au rejet du recours ;

Ayant entendu à l'audience publique du 17 janvier 2013, en leurs observations orales, les conseils de la requérante qui ont été mis en mesure de répliquer et qui ont eu la parole en dernier, ainsi que le représentant de l'Autorité de la concurrence, celui du ministre chargé de l'Economie et le Ministère Public ;

Sur ce

Sur l'applicabilité du droit de l'Union

Considérant que la société Kontiki conteste l'application en l'espèce du droit de l'Union en invoquant l'absence d'affectation du commerce intracommunautaire ; qu'elle fait valoir qu'il ne peut être conclu à "une pratique mise en œuvre sur le territoire national" car l'enquête n'a porté que sur des départements concentrés sur quatre régions françaises ; qu'en outre, alors que l'application du droit de l'Union suppose que soient réunies les trois conditions cumulatives énoncées dans les "lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité" (Communication de la Commission 2004-C 101-07, JOUE du 27 avril 2004), les éléments d'appréciation retenus par l'Autorité relèvent de constructions théoriques non corroborées par l'enquête ; qu'en effet, l'offre et la demande sont locales, rien ne permet d'établir que des concurrents ont été évincés et que l'entrée d'opérateurs provenant d'autres Etats membres a été rendue plus difficile ;

Mais considérant que c'est par d'exacts motifs que la cour adopte que la Décision (n° 91 à 97) a écarté l'argumentation que la requérante reprend devant la cour ;

Qu'il suffit de rappeler qu'il ressort des termes mêmes de l'article 101 du TFUE que le droit de l'Union est applicable à des pratiques d'entente même si celles-ci sont uniquement "susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres", sans que soit exigée la constatation d'un effet réalisé sur le commerce intracommunautaire ;

Que la Décision ayant exactement établi que les pratiques en cause sont susceptibles d'affecter sensiblement les échanges entre Etats membres, ces pratiques doivent être examinées, non seulement au regard de l'article L. 420-1 du Code de commerce, mais aussi au regard de l'article 101 du TFUE ; que le moyen doit être écarté ;

Sur l'entente reprochée

Considérant que la société Kontiki soutient ne pas avoir imposé les prix de revente des produits Diddl à ses distributeurs ;

Qu'elle expose, en premier lieu, que, contrairement à ce que retient la Décision, l'objet de la Charte Diddl n'est pas anticoncurrentiel ; que, pour contester la Décision - qui retient que la preuve du consentement des parties à une entente ayant un objet anticoncurrentiel résulte de l'existence de la Charte Diddl et des accords commerciaux signés par les parties, éclairés par le contexte dans lequel ces documents sont intervenus et montrant que les prix qualifiés de "conseillés" ou de "maximum" par Kontiki ont été entendus, de part et d'autre, comme des prix de revente imposés par Kontiki à ses distributeurs - , la requérante fait valoir que la Décision ne pouvait se fonder sur la seule Charte Diddl, et notamment son article 10, qui ne caractérise pas une pratique de prix imposés ; qu'en effet :

- la diffusion de cette Charte doit être relativisée dans la mesure où cette Charte n'était pas proposée aux succursales des chaînes nationales ("les grandes enseignes" représentant plus de 40 % du chiffre d'affaires de Kontiki) et n'était pas signée systématiquement par les revendeurs indépendants ("les détaillants") ;

- les accords commerciaux invoqués par l'Autorité comme ayant été conclus avec des chaînes nationales de distribution n'ont été proposés qu'à certains franchisés de deux enseignes et uniquement à compter de 2006 ;

- l'article 10 de la Charte Diddl est limité au référencement sur Internet qui n'a pas été souhaité par de nombreux revendeurs Kontiki ;

- la diffusion du document "Devenez partenaire Internet" faisant état de "prix publics conseillés maximums" a été occultée par la Décision bien qu'il s'agisse d'un document largement diffusé, signé par des détaillants auditionnés et se référant au non-dépassement de ces prix ;

Qu'elle soutient, en second lieu, que "dès lors, en l'absence d'objet anticoncurrentiel des documents contractuels signés par la société Kontiki avec ses distributeurs, l'Autorité, pour entrer en voie de condamnation se devait de démontrer l'existence du faisceau d'indices" et ajoute qu'en tout état de cause, la Charte n'étant pas systématiquement signée par les revendeurs, l'Autorité ne pouvait conclure à l'existence d'une "pratique généralisée" sans recourir à la méthode du faisceau d'indices, ce qui aurait dû la conduire à conclure que les trois critères (évocation, surveillance et application des prix) nécessaires pour démontrer l'existence d'une concertation visant à limiter la concurrence par les prix ne sont pas réunis ;

Considérant qu'il convient, à titre liminaire, de rappeler :

- d'une part, que les articles 101, paragraphe 1, du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce prohibent notamment les ententes entre fournisseurs et distributeurs ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de fausser ou de restreindre la fixation des prix aux consommateurs par le libre jeu de la concurrence ; que l'objet et l'effet anticoncurrentiel sont des conditions alternatives pour apprécier si une pratique relève de ces dispositions, étant précisé qu'il n'est pas nécessaire d'examiner les effets d'une pratique concertée dès lors que son objet anticoncurrentiel est établi ; qu'une pratique concertée a un objet anticoncurrentiel lorsque, en raison de sa teneur et de sa finalité et compte tenu du contexte juridique et économique dans lequel elle s'insère, elle est concrètement apte à empêcher, à fausser ou à restreindre la concurrence au sein du marché commun ;

Qu'en outre, les pratiques de prix de vente imposés sont considérées par le règlement (UE) n° 330-2010 de la Commission du 20 avril 2010 comme des "restrictions caractérisées" et que, dès lors, un accord ou une pratique concertée ayant directement ou indirectement pour objet l'établissement d'un prix de vente fixe ou minimal que l'acheteur est tenu de respecter, est présumé restreindre la concurrence ; que sur ce point la Décision (n° 113) rappelle utilement, à titre de guide d'analyse, le point 48 des lignes directrices n° 2010-C 130-01 de la Commission du 19 mai 2010 citant des exemples d'imposition d'un prix de vente par des moyens indirects ;

- d'autre part, que la preuve d'une entente verticale requiert la démonstration de l'accord de volontés des parties à l'entente exprimant leur volonté commune de se comporter sur le marché de manière déterminée ; qu'aux termes de la jurisprudence rappelée par la Décision (n° 106 et suivants) : la preuve d'un tel accord "doit reposer sur la constatation directe ou indirecte de l'élément subjectif qui caractérise la notion même d'accord, c'est-à-dire d'une concordance de volontés entre opérateurs économiques sur la mise en pratique d'une politique, de la recherche d'un objectif ou de l'adoption d'un comportement déterminé sur le marché, abstraction faite de la manière dont est exprimée la volonté des parties de se comporter sur le marché conformément aux termes dudit accord" ; qu'en outre, la preuve d'un accord peut être constituée par des preuves directes (tel qu'un écrit) ou indirectes (tel qu'un comportement) et qu'en présence de preuves documentaires ou contractuelles, il n'est pas besoin de recourir, au surplus, à l'étude de preuve de nature comportementale ;

Considérant, en l'espèce, que, contrairement à ce que soutient la requérante, pour retenir l'existence d'un accord de volontés entre la société Kontiki et ses distributeurs pour considérer les prix de vente des produits Diddl aux consommateurs qualifiés par la société Kontiki de "prix publics conseillés" ou de "prix maximum" comme des prix fixes imposés, la Décision (n° 114 à 117) s'est fondée non seulement sur la Charte Diddl, mais encore sur un ensemble d'autres documents et accords commerciaux (Cf Décision n° 12 à 40) dont la compréhension par les parties est éclairée par des éléments précisant le contexte dans lequel ils sont intervenus et tirés notamment de déclarations de distributeurs et du comportement sur le marché des parties à l'accord qui ont respecté ou fait respecter les prix communiqués par la société Kontiki (Cf Décision n° 44 à 49, n° 74 à 89) ;

Considérant, s'agissant de la Charte Diddl évoquée par la requérante, que cette Charte définit les engagements respectifs de la société Kontiki et des revendeurs indépendants de produits Diddl ; qu'il résulte de la combinaison des articles 6 et 10 de la version de cette Charte diffusée par la requérante entre 2003 et début 2007 que le référencement des distributeurs sur le site Internet "Diddl.fr" était subordonné au respect effectif par ceux-ci des "prix publics conseillés" ; qu'en outre, parallèlement à cette Charte conclue avec les distributeurs indépendants, la société Kontiki a conclu avec deux chaînes nationales de distribution (King Jouet et Picwic) des accords commerciaux comportant les mêmes dispositions ; qu'ainsi que le relève la Décision, le fait de conditionner le référencement des revendeurs sur Internet au respect par ces derniers des prix communiqués confère aux accords signés un objet anticoncurrentiel ;

Qu'il est inopérant à cet égard pour la requérante d'invoquer le fait qu'en pratique, certains clients de la société Kontiki n'étaient pas intéressés par un tel référencement de leur point de vente sur le site Internet alors que la Charte était signée par la majorité des revendeurs indépendants, de même que les accords commerciaux similaires par deux chaînes de distribution nationales et que, signataires ou non de ces documents, les distributeurs ont, de manière significative, appliqué les prix communiqués par la société Kontiki qu'ils considéraient comme des prix imposés ; qu'en outre, plusieurs détaillants, signataires ou non de la Charte, ont déclaré respecter les prix "conseillés" par crainte de ne plus apparaître comme revendeur sur le site Internet (ainsi par exemple la Carterie dans l'Yonne) ;

Considérant que c'est également en vain que la requérante entend "relativiser" la diffusion de la Charte Diddl ; qu'en effet, il ressort de l'enquête que la Charte a été largement diffusée et signée par les distributeurs indépendants à partir de 2003 ; qu'en outre, indépendamment de cette Charte, les prix mentionnés comme "conseillés" ou "maximum" par la société Kontiki étaient communiqués à tous les distributeurs sur d'autres documents et notamment sur les bons de commande et les bons de livraisons ; que l'enquête a montré que ces prix étaient compris par les distributeurs comme des prix planchers, parfois pré-étiquetés par Kontiki sur les produits Diddl livrés aux détaillants, et appliqués dans près de 9 cas sur 10 et ce, dans des points de vente de toute nature (revendeurs indépendants, franchisés, membres d'un réseau intégré), signataires ou non de la Charte ou des accords commerciaux ; qu'au surplus, certains revendeurs ont fait état de surveillance par Kontiki et par les autres distributeurs des prix de revente pratiqués et de pressions exercées par les représentants de la société Kontiki lorsqu'ils s'écartaient à la baisse des prix communiqués (Cf Décision n° 51 à 73 et 78 à 89) ;

Considérant, enfin, que c'est à tort que la requérante soutient que la diffusion du document "Devenez partenaire Internet" faisant état de "prix publics conseillés maximums" a été occultée par la Décision ; que la cour se réfère sur ce point à la Décision (n° 25 à 27 et 118) dont les motifs ne sont pas utilement contredits ;

Considérant, en second lieu, que dès lors que la Décision établit à suffisance l'accord de la société Kontiki et de ses distributeurs pour considérer comme des prix imposés les prix mentionnés comme "conseillés" ou "maximum" dans les documents contractuels, la requérante n'est pas fondée, s'agissant d'une pratique de prix de vente imposés, à soutenir que ces documents, et en particulier la Charte Diddl discutée, n'avaient pas d'objet anticoncurrentiel ; que la société Kontiki ne peut, en outre, tirer argument du fait que cette Charte n'était pas signée par l'ensemble des distributeurs pour reprocher à l'Autorité de ne pas avoir eu recours à la méthode dite du "faisceau d'indices" ; que la preuve d'un accord ayant un objet anticoncurrentiel résultant directement de documents contractuels tels que compris tant par la société Kontiki que par ses distributeurs, les arguments invoqués par la requérante pour soutenir que les trois indices d'une entente sur les prix ne sont pas réunis sont inopérants ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à juste titre que la Décision retient que la société Kontiki a enfreint les dispositions des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce en mettant en œuvre avec ses distributeurs une pratique anticoncurrentielle visant à fixer les prix de revente aux consommateurs des articles Diddl du 1er janvier 2003 à mi-mars 2007 ;

Sur la sanction

Considérant qu'à titre subsidiaire, la requérante demande à la cour de réduire de manière substantielle le montant de la sanction prononcée à son encontre par l'Autorité ; qu'elle fait, en premier lieu, valoir, que la gravité de la pratique qui lui est reprochée doit être relativisée en ce que, d'une part cette pratique ne peut être qualifiée de généralisée dès lors que la "Charte Diddl" n'a été diffusée qu'auprès des détaillants et que la clause litigieuse ne pouvait concerner les revendeurs non présents sur le site Internet Diddl, en ce que, d'autre part, la demande n'est pas vulnérable car ce n'est pas l'enfant, mais le parent qui réalise l'acte d'achat et le refuse s'il considère le prix trop élevé, en ce qu'enfin, elle n'a exercé ni pressions, ni menaces à l'encontre de ses revendeurs ; qu'elle invoque, en deuxième lieu, l'absence de tout dommage causé à l'économie ; qu'elle fait valoir en ce sens, d'une part, que la pratique reprochée n'a pas entraîné une hausse des prix des articles Diddl, prix qui n'ont pas baissé en 2008 lorsqu'elle a cessé de diffuser des prix maximum conseillé et prix qui comportaient, pour les détaillants, une marge similaire à celle habituellement pratiquée pour des articles analogues, étant ajouté que la demande était élastique au prix, d'autre part, que la valeur des ventes ne peut être arrêtée par référence à son chiffre d'affaires total de 2005/2006 mais doit l'être par référence au chiffre d'affaires qu'elle a réalisé avec les seuls signataires de la "Charte" présents sur Internet et ce, sur une moyenne des années en cause, enfin que le taux de 9 % retenu par la Décision est excessif eu égard non seulement au dommage indiqué comme ayant été causé à l'économie mais encore à celui appliqué dans d'autres affaires d'ententes ; qu'en dernier lieu, elle reproche à l'Autorité de ne pas avoir tenu compte à bon escient de sa situation individuelle, situation qui s'est encore dégradée depuis la Décision, étant ajouté que la perte enregistrée en 2012 du fait notamment du paiement partiel de l'amende entrave sa capacité à réaliser les investissements nécessaires à son développement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 464-2 du Code de commerce :

"Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le [livre VI du titre IV du Code de commerce]. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction" ;

Considérant, en premier lieu, sur la gravité de la pratique, qu'ainsi qu'il a été vu la "Charte" signée par les distributeurs indépendants à partir de 2003 et les accords commerciaux ont permis de sceller l'acquiescement tant des distributeurs que de certaines chaînes nationales de distribution dans des documents contraignants et les prix des articles Diddl, mentionnés sur des documents contractuels et également diffusés sur le site "Diddl.fr", ont été compris par les distributeurs, qu'ils soient indépendants ou sous enseigne et donc signataires ou non de la "Charte" comme des prix imposés ; qu'ainsi que le retient la Décision (n° 139), le fait que l'entente ait été, pour l'essentiel, assise sur des documents contractuels a facilité sa généralisation, et ce, bien que certains revendeurs appartenant à de grandes enseignes ne soient pas eux-mêmes signataires de la "Charte" et que tous les points de vente n'aient pas accordé la même importance à un référencement sur le site Internet Diddl ; que, par ailleurs, si ce sont les parents qui, le plus souvent, effectuent l'acte d'achat d'articles ou gadgets destinés à des enfants et pré-adolescents, clientèles vulnérables, le rôle de prescripteurs d'achat des enfants auprès de leurs parents ne peut être sérieusement contesté d'autant que les produits en cause, commercialisés à un prix moyen faible, ont rencontré auprès des enfants un tel succès que s'est développé un phénomène de mode qualifié de "Diddl-mania" ; qu'enfin, la Décision a pris en compte le fait que la surveillance des prix par les commerciaux de la société Kontiki n'a pas été assortie de mesures coercitives (Cf n° 117 et 141) ;

Qu'il en résulte que la requérante n'est pas fondée à contester les conclusions de la Décision, étant observé que, tout en relevant la gravité par nature et la durée de l'entente verticale en cause, l'Autorité en a tempéré la gravité eu égard à ses modalités concrètes (Cf n° 137, 138 et 142) ;

Considérant, en deuxième lieu, que c'est par d'exacts motifs, qui ne sont pas utilement contestés et que la cour adopte (n° 143 et suivants), que la Décision conclut que la pratique mise en œuvre par Kontiki et ses distributeurs a causé à l'économie un dommage de très faible importance ; que ce n'est donc que pour répondre aux arguments repris devant la cour qu'il est observé que l'Autorité n'est pas tenue de chiffrer de manière précise le dommage à l'économie et en particulier de reconstituer le prix ou les prix qui auraient prévalu en l'absence des pratiques, que les comparaisons invoquées ne sont pas significatives s'agissant de produits dont les volumes de ventes ont été liés à un phénomène de mode et dont les prix, identiques, ont été pratiqués par des distributeurs dont les marges ne sont pas semblables et que, contrairement à ce qui est soutenu, la Décision a caractérisé la faible élasticité au prix de la demande des produits en cause pour lesquels il n'existait pas, compte tenu du phénomène de mode qu'ils ont suscité, de réels substituts ;

Considérant, par ailleurs, que la Décision ne peut être critiquée en ce qu'elle a tenu compte, afin de déterminer une sanction proportionnée tant à la gravité des faits qu'elle a établie qu'au faible dommage causé à l'économie, de la valeur des ventes de l'ensemble des produits et articles à l'effigie de Diddl, qui, ainsi qu'il a été dit, sont tous concernés par les pratiques en cause, étant rappelé que ces produits ont représenté jusqu'à 100 % du chiffre d'affaires de la société Kontiki et que le montant de la valeur des ventes du dernier exercice comptable complet de participation à l'infraction (58 millions euros pour la période du 1er juillet 2005 au 30 juin 2006) représente également la moyenne de la valeur des ventes pour les années complètes d'infraction (2004, 2005 et 2006) ; que la proportion de 9 % de la valeur des ventes de produits Diddl réalisées par la requérante lors de l'exercice 2006, retenu par la Décision pour déterminer le "montant de base" de la sanction - montant qui ne reflète pas seulement l'appréciation par l'Autorité du dommage à l'économie, mais tient aussi compte de la gravité de la pratique - n'apparaît pas excessive ; que les arguments tirés par la requérante des proportions retenues dans d'autres affaires sont inopérants, la sanction devant être déterminée dans chaque affaire en fonction des seuls critères légaux ;

Considérant, en dernier lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, l'adaptation à la baisse par la Décision du montant de base de la sanction ne démontre ni l'absence de gravité de la pratique, ni l'absence de tout dommage causé à l'économie ; qu'en diminuant à hauteur de 90 % ledit montant, l'Autorité a exactement pris en compte la situation très particulière de la société Kontiki qui, alors qu'elle réalisait durant les pratiques la quasi-intégralité de son chiffre d'affaires avec les produits en cause, a subi une contraction brutale et significative de ses ventes du fait de l'essoufflement du phénomène de mode des produits Diddl (Cf n° 165) ; que la requérante n'est pas fondée à se prévaloir d'une nouvelle détérioration de sa situation qui serait liée au paiement de la sanction prononcée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les moyens développés par la requérante ne sont pas fondés et que son recours ne peut qu'être rejeté ;

Par ces motifs : Rejette le recours formé par la société Kontiki SAS ; La condamne aux dépens ; Vu l'article R. 470-2 du Code de commerce, dit que sur les diligences du greffe de la Cour d'appel de Paris, le présent arrêt sera notifié, par lettre recommandée avec accusé de réception, à la Commission européenne, à l'Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l'Economie.