Cass. com., 14 mai 2013, n° 11-26.631
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Blue Sky Management (SARL)
Défendeur :
Lavorazione Articoli Plastici (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
Mme Laporte
Avocat général :
M. Mollard
Avocats :
SCP Boré, Salve de Bruneton, Me Foussard
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 5 juillet 2011), rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 9 septembre 2010, pourvoi n° 09-70.087), que la société Lavorazione Articoli Plastici de droit italien (la société LAP), a conclu en 1994 avec M. de Crayencour, qui exerce son activité en Belgique, un contrat d'agent commercial à titre exclusif pour la distribution en Europe des jouets qu'elle fabrique ; que celui-ci s'est substitué en 1997 la société International Toys Agencies de droit belge (la société ITA) qui a exécuté ce contrat jusqu'à ce que la société LAP en conclût un autre en 2001 avec la société Blue Sky Management de droit luxembourgeois (la société BSM) dont le fils de M. de Crayencour est le gérant ; que la société LAP ayant mis fin à leurs relations en 2008, la société BSM l'a assignée devant le Tribunal de commerce de Beauvais en paiement d'une indemnité de rupture et en réparation du préjudice résultant de la non-participation de celle-là à un salon du jouet ; que la société LAP a soulevé l'incompétence territoriale de ce tribunal au profit des juridictions belges ou luxembourgeoises ; que le tribunal s'étant déclaré incompétent, la société BSM a formé un contredit ;
Attendu que la société BSM fait grief à l'arrêt de dire recevable mais mal fondé son contredit, alors, selon le moyen : 1°) que l'agent commercial peut attraire son mandant devant les juridictions du lieu de la fourniture de services, qui est celui de la fourniture principale de ses services, tel qu'il découle des stipulations du contrat ainsi que, à défaut de telles stipulations, de l'exécution effective de ce contrat et, en cas d'impossibilité de le déterminer sur cette base, celui où l'agent est domicilié ; que la localisation du lieu de l'exécution effective du contrat peut être déduite du seul critère de la part importante du chiffre d'affaires réalisée par l'agent commercial dans un Etat, ce critère mettant en évidence que l'essentiel de ses prestations est effectivement exécuté dans cet Etat ; qu'en jugeant néanmoins, pour écarter la compétence de la juridiction française, que le seul critère du chiffre d'affaires le plus élevé réalisé en France par la société BSM ne pouvait déterminer la compétence d'une juridiction de l'Etat français, la cour d'appel a violé l'article 5-1 du règlement communautaire n° 44-2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles I) ; 2°) qu'en toute hypothèse, l'agent commercial peut attraire son mandant devant les juridictions du lieu de la fourniture de services, qui est celui de la fourniture principale de ses services, tel qu'il découle des stipulations du contrat ainsi que, à défaut de telles stipulations, de l'exécution effective de ce contrat et, en cas d'impossibilité de le déterminer sur cette base, celui où l'agent est domicilié ; qu'en se bornant à relever que le critère du chiffre d'affaires le plus élevé réalisé en France ne pouvait à lui seul déterminer la compétence d'une juridiction de l'Etat français et en refusant de le prendre en compte, serait-ce parmi d'autres éléments, pour ne tenir compte que de celui du domicile de l'agent commercial ayant précédé la société BSM, de l'absence de visites personnelles de ce premier agent à l'un des clients français, la société BSSL anciennement Bourrelier, établie dans le ressort du Tribunal de commerce de Beauvais, ainsi que de la nationalité luxembourgeoise de la société BSM, sans caractériser l'impossibilité de déterminer le lieu où la société BSM fournissait principalement ses services au regard d'autres critères qui lui seraient propres, la cour d'appel a violé l'article 5-1 du règlement communautaire n° 44-2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles I) ; 3°) qu'en toute hypothèse, l'agent commercial peut attraire son mandant devant les juridictions du lieu de la fourniture de services, qui est celui de la fourniture principale de ses services, tel qu'il découle des stipulations du contrat ainsi que, à défaut de telles stipulations, de l'exécution effective de ce contrat et, en cas d'impossibilité de le déterminer sur cette base, celui où l'agent est domicilié ; qu'en déclarant la juridiction française incompétente sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, s'il ne devait pas être tenu compte de ce que l'agent commercial n'avait aucun client au Luxembourg et qu'en revanche vingt-six de ses soixante-dix clients européens étaient français, ce qui faisait de la nationalité française la première nationalité représentée parmi ses clients, de sorte qu'une part importante de son chiffre d'affaires était réalisé en France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 5-1 du règlement communautaire n° 44-2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles I) ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé que le contrat ne contenait pas de stipulations déterminant le lieu de la fourniture principale des services de la société BSM, l'arrêt retient, d'un côté, que les activités d'agent exclusif ont été effectivement exercées tant par M. de Crayencour que par la société ITA de manière prépondérante en Belgique, tandis que la société BSM, dont le siège est au Luxembourg, a exercé pour l'essentiel son activité en Belgique et au Luxembourg, et relève, d'un autre côté, que le client français établi dans le ressort du Tribunal de Beauvais n'avait jamais été démarché en France par l'agent; qu'ayant ainsi fait ressortir que le lieu de la fourniture principale de services de la société BSM telle qu'elle découlait de l'exécution effective du contrat, comme du lieu où celle-ci était domiciliée, ne pouvait être localisé en France, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a dit que le Tribunal de Beauvais était incompétent pour connaître des demandes de la société BSM et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.