CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 16 mai 2013, n° 12-16960
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Developpement Seguy (SARL), HFS (SAS), Seguy (Consorts)
Défendeur :
Finck, Solyrod (SARL), Chavanne de Dalmassy (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mmes Pomonti, Michel-Amsellem
Avocats :
Mes Baechlin, Delmonte, Ayache, Pillot, Martin
Faits et procédure
Le 5 mars 1993 M. Philippe Seguy et Mme Karine Seguy, qui sont frère et sœur, ont déposé la marque Pétrin Ribeirou, laquelle a été renouvelée le 17 juin 2003. Ils en ont concédé la licence d'exploitation à la société Holding financière Seguy (la société HFS), laquelle en a consenti une sous-licence à la société Développement Agranate Seguy (la société DAS), devenue la société DS.
Le 25 août 1998, la société DAS a conclu avec M. Finck, agissant en qualité d'associé de la société Solyrod, en cours de formation, un contrat de sous-sous-licence (contrat de sous-licence) d'exploitation portant, notamment, sur la transmission d'un savoir-faire concernant la fabrication artisanale de produits de boulangerie et sur le droit d'utilisation de la marque Pétrin Ribeirou,
La société Solyrod a été constituée entre M. Finck, la société DS et M. Agranate.
La société Solyrod et M Finck estimant que le savoir-faire transmis ne présentait aucune originalité, ont, le 6 mars 2006, fait assigner les sociétés DS et HFS afin, notamment, que la nullité du contrat de sous-licence et subsidiairement sa résolution, soit prononcée, qu'ils soient indemnisés de leur préjudice et que soit prononcée l'exclusion de la société DS du capital de la société Solyrod.
Cette dernière a été placée en redressement judiciaire par jugement du 3 octobre 2007, M. Baronnie et M. Chavane de Dalmassy ont été désignés administrateur et mandataire judiciaire et sont intervenus à la procédure.
Mme Seguy et MM. Philippe et Jean-Pierre Seguy, ce dernier étant l'animateur du réseau de franchise Pétrin Ribeirou (les consorts Seguy), sont intervenus volontairement à l'instance.
Par un jugement en date du 25 novembre 2006, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de commerce de Créteil a :
- débouté les sociétés Développement Agranate Seguy DAS et HFS de leur fin de non-recevoir,
- dit les sociétés Développement Agranate Seguy DAS et HFS mal fondées en leur fin de non-recevoir sur le fondement de l'article 1304 du Code civil et les en a débouté,
- dit les parties demanderesses mal fondées en leur demande de nullité de la convention de sous-licence pour dol et les en déboute,
- dit la convention de sous-licence dépourvue de cause, en a prononcé la résolution, et condamné solidairement les sociétés Développement Agranate Seguy DAS et HFS à payer à la société Solyrod la somme de 167 263,53 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2006,
- condamné solidairement la société Développement Agranate Seguy DAS et la société HFS à payer à la société Solyrod la somme de 8 934,12 ,
- débouté Monsieur Rodolphe Finck, la société Solyrod, Me Baronnie ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Solyrod et Me Chavane, ès qualités de mandataire judiciaire de la société Solyrod, de leur demande d'exclusion de la société Développement Agranate Seguy DAS du capital de la société Solyrod,
- dit qu'il n'y a lieu à prononcer la dissolution de la société Solyrod et a débouté les sociétés Développement Agranate Seguy DAS et HFS de leurs demandes à ce titre,
- débouté les sociétés Développement Agranate Seguy DAS et HFS de leur demande reconventionnelle de condamner la société Solyrod à leur payer la somme de 103 811,38 euros,
- dit les sociétés Développement Agranate Seguy DAS et HFS mal fondées en leur demande de dommages-intérêts et les en a débouté,
- condamné solidairement les sociétés Développement Agranate Seguy DAS et HFS à payer à Monsieur Rodolphe Finck, la société Solyrod, Me Baronnie, ès qualités, et Me Chavane, ès qualités, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, débouté Monsieur Rodolphe Finck, la société Solyrod, Me Baronnie, ès qualités, et Me Chavane, ès qualités, du surplus de leur demande et a débouté les sociétés Développement Agranate Seguy DAS et HFS de leur demande formée de ce chef.
Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 9 février 2011 qui a :
- dit recevable l'intervention volontaire à l'instance des consorts Seguy,
- confirmé le jugement sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de nullité du contrat de sous-licence et rejeté la demande d' "expulsion " en qualité d'associé, de la société DS,
- prononcé la nullité dudit contrat pour défaut de cause, au lieu de sa résolution,
- autorisé la société Solyrod à procéder à la réduction de son capital par rachat ou annulation des parts de la Société Développement Seguy, nonobstant toute opposition de celle-ci, en lui payant le prix déterminé de gré à gré ou à dire d'expert,
- débouté les parties du surplus de leurs prétentions respectives.
Vu l'arrêt du 3 mai 2012, rendu par la Chambre commerciale financière et économique de la Cour de cassation (pourvoi n° J 11-14.289) qui a, notamment, retenu que la cour d'appel a privé sa décision de base légale en ne recherchant pas si le savoir-faire transmis ne comportait pas un ensemble de techniques, informations et services qui permettait à la société Solyrod, dépourvue de toute formation ou expérience dans le domaine de la boulangerie, de prendre en main un tel commerce en mettant en œuvre des procédés qu'elle n'aurait pu découvrir qu'à la suite de recherches personnelles longues et couteuses, et a, en conséquence :
- cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de sous-licence conclu le 25 août 1998, condamné les sociétés Développement Seguy et HSF à payer à la société Solyrod les sommes de 167 263,53 euros et 8 934,12 euros et en ce qu'il a autorisé la société Solyrod à procéder à la réduction de son capital par rachat ou annulation des parts de la société Développement Seguy, nonobstant toute opposition de celle-ci, en lui payant le prix déterminé de gré à gré ou à dire d'expert, l'arrêt rendu le 9 février 2011, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ;
- remis, en conséquence sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Vu la déclaration de saisine après renvoi devant la Cour d'appel de Paris en date du 3 septembre 2012 par les sociétés DS et HFS, Mme Seguy, MM. Philippe et Jean-Pierre Seguy contre cette décision ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 27 février 2013 par les sociétés DS et HFS qui demandent à la cour de :
- déclarer les sociétés HFS et DS recevables et fondées en leur appel,
A titre liminaire,
- constater que les intimés ont répliqué la veille de la clôture aux dernières conclusions des appelants,
- constater que les pièces soit disant nouvelles étaient d'ores et déjà connues,
- dire et juger les principes du contradictoire et de loyauté respectés,
En conséquence,
- rejeter la demande d'irrecevabilité sollicitée par les intimés,
A titre principal,
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Créteil en date du 25 novembre 2008 en ce qu'il a dit les parties demanderesses mal fondées en leur demande en nullité de la convention de sous-licence pour dol et les en déboute,
- le réformer pour le surplus et, statuant à nouveau,
- constater le parfait respect par le franchiseur de son obligation précontractuelle,
- constater que M. Finck s'est donc engagé en connaissance de cause,
- constater que le système de la franchise participative Pétrin Ribeirou est exempt de vices,
- constater que M. Finck a reçu une formation théorique en gestion et pratique d'accès aux méthodes spécifiques de fabrication et de vente des pains et autres produits dérivés propres à l'enseigne Pétrin Ribeirou,
- constater que M. Finck a travaillé pour le compte de la société DS sur la période de 1998 à 2000, et qu'il a ainsi pu disposer d'une information précise et concrète sur l'activité du franchiseur, sur le fonctionnement du contrat de sous-licence, sur le franchiseur lui-même, et sur les perspectives de rentabilité d'un commerce de cette nature exploité dans un tel cadre juridique,
- constater que M. Finck a élaboré son compte d'exploitation prévisionnel sous sa seule responsabilité,
- constater que la société Solyrod a bien exploité la marque Pétrin Ribeirou,
- constater que le savoir-faire se définit dans le règlement européen 772-2004 du 27/04/04 comme un ensemble d'informations pratiques non brevetées, résultant de l'expérience et testées qui est un secret, substantiel et identifié,
- constater que le savoir-faire Pétrin Ribeirou répond en tous points aux critères posés par la réglementation européenne,
- constater que la société Solyrod a réalisé des chiffres d'affaires hors norme par rapport à ceux de la concurrence du secteur, preuve si besoin en était que l'exploitation du savoir-faire Pétrin Ribeirou a procuré à la société Solyrod un avantage concurrentiel décisif,
- constater que la substantialité du savoir-faire Pétrin Ribeirou a été validée à plusieurs reprises par la jurisprudence, y compris par la Cour de cassation,
- constater que le franchiseur a fourni à la société Solyrod par contrat de sous-licence un ensemble de savoir-faire, de prestations d'assistance technique et commerciale qui a permis à M. Finck, dépourvu de toute formation en matière de panification et de commercialisation du pain et produits dérivés d'exploiter un fonds de commerce de boulangerie,
- constater que l'échec du modèle économique concédé à la SARL Solyrod est lié à la mauvaise gestion de M. Finck,
- constater l'utilisation frauduleuse du savoir-faire Pétrin Ribeirou postérieurement à la résiliation du contrat,
- constater en outre que M. Finck a défendu le savoir-faire Pétrin Ribeirou dans le cadre de l'association de défense des franchisés de l'enseigne Pétrin Ribeirou, au sein de laquelle il a occupé les fonctions de trésorier puis d'administrateur, avant de le dénigrer,
- constater qu'en conséquence, les intimés étaient parfaitement informés des tenants et des aboutissants du jugement de Marseille rendu le 22/01/01,
- constater que les intimés ont donc agi en justice à l'encontre de leur franchiseur en toute mauvaise foi,
- dire et juger que les demandes tirées du vice du consentement et de l'absence d'objet et de cause sont infondées,
- dire et juger que le savoir-faire Pétrin Ribeirou concédé répond en tous points aux critères posés par la réglementation européenne,
- dire et juger que le savoir-faire Pétrin Ribeirou a été utile et profitable à la société Solyrod, et est donc substantiel,
- dire et juger que le franchiseur a rempli son obligation de mise à disposition de la marque Pétrin Ribeirou, de transmission d'un savoir-faire véritable et d'assistance technique, commerciale et financière,
- dire et juger que les contreparties promises par la société DS aux termes du contrat du 25/08/98 ont bien été fournies,
En conséquence,
- déclarer pleinement valable le contrat de sous-licence signé le 25/08/98, et en conséquence, rejeter la demande présentée par les intimés de le déclarer nul,
- prendre acte que les intimés renoncent à solliciter la demande d'exclusion de la société DS du capital de la société Solyrod,
- débouter les intimés de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
- décharger les sociétés HFS et DS de l'ensemble des condamnations mises à leur charge solidairement en principal, intérêts, frais et accessoires, après avoir s'il échet, ordonner la compensation,
En tout état de cause sur les conséquences financières d'une annulation du contrat,
- ordonner la déduction de la valeur des prestations fournies selon les termes du contrat à la société Solyrod, des restitutions, pour un montant minimum de 167 253 correspondant au paiement du droit d'entrée, de la formation et des redevances,
A titre reconventionnel,
- constater la créance de la société DS au titre des redevances impayées au jour de la résiliation du contrat pour un montant de 109 322,33 TTC, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et faire fixer son montant au passif de la procédure collective de la SARL Solyrod,
- constater la créance de la société DS au titre des redevances impayées pour exploitation abusive de la convention de sous-licence de marque et de savoir-faire Pétrin Ribeirou postérieurement à sa résiliation pour un montant de 164 425,75 TTC, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et faire fixer son montant au passif de la procédure collective de la SARL Solyrod,
- condamner solidairement les intimés au paiement d'une somme de 10 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les sociétés DS et HFS soutiennent que les secrets de fabrication du Pétrin Ribeirou concernent des procédés originaux de fabrication des pains mis aux points par M. Philippe Seguy et Mme Karine Seguy, inconnus de leurs concurrents. Pour donner une réalité économique et juridique à ce savoir-faire, ils l'ont formalisé par adjonction à des connaissances techniques sur divers supports. Cet ensemble technique ajouté à des méthodes de commercialisation et adossé à la marque constitue le savoir-faire Pétrin Ribeirou, concédé à la société Solyrod par le contrat de licence du 25 août 1998. Ils font valoir que le savoir-faire comporte de réelles spécificités en dépit du fait que certaines de ses composantes n'étaient pas inconnues. En conséquence, le consentement des intimés n'a pas été trompé lors de la signature du contrat.
Elles soutiennent aussi que la convention de sous-licence a une cause réelle qui consiste dans la transmission à M. Finck et à la société Solyrod d'un savoir-faire secret, substantiel et identifié. Elles précisent que la substantialité du savoir-faire Pétrin Ribeirou a été validée à plusieurs reprises par la jurisprudence et que les procédés de panification spécifiques à l'enseigne Pétrin Ribeirou étaient ignorés de la société Solyrod et de M. Finck, lequel n'aurait pas pu aisément les découvrir par lui-même. Elles ajoutent que le concept de boulangerie à l'enseigne Pétrin Ribeirou a été exploité par la société Solyrod jusqu'au 9 novembre 2006, date du non-renouvellement du contrat et a constitué un apport utile pour la société au vu des résultats hors normes en termes de chiffre d'affaires réalisés par l'entreprise de 2002 à 2009. Elles précisent qu'en outre le savoir-faire était secret.
Elles exposent que le compte d'exploitation prévisionnel a été établi en fonction des données communiquées par M. Finck, et sous sa seule responsabilité. Le déséquilibre financier de la société Solyrod lui est entièrement imputable, puisqu'en sa qualité de franchisé, il était un commerçant indépendant, responsable en tant que tel de sa gestion. Elles précisent qu'elles ont assuré leur mission d'assistance du franchisé et qu'elles ont respecté l'obligation précontractuelle du concédant telle que prévue par l'article L. 330-3 du Code de commerce.
Concernant les conséquences de l'annulation du contrat, elles font valoir que la société Solyrod ne peut obtenir un remboursement intégral puisqu'elle a exploité la marque jusqu'à la résiliation du contrat et a bien reçu l'intégralité des prestations promises selon les termes du contrat. Par conséquent, l'annulation de la convention de sous-licence ne saurait avoir pour effet un remboursement du droit d'entrée et des redevances payées.
Vu les dernières conclusions signifiées le 20 février 2013 par Mme Seguy, ainsi que MM. Philippe et Jean-Pierre Seguy qui demandent à la cour de :
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Créteil en date du 25 novembre 2008 en ce qu'il a dit les parties demanderesses mal fondées en leur demande en nullité de la convention de sous-licence pour dol et les en déboute,
- le reformer pour le surplus et, statuant à nouveau,
- dire et juger que Philippe et Karine Seguy justifient de leur droit de propriété sur les marques Pétrin Ribeirou et d'avoir mis au point un savoir-faire dans le domaine de la boulangerie portant sur des techniques boulangères connues, adaptées et associées de façon originale pour permettre leur transmission à des non professionnels de la boulangerie, associées à des méthodes commerciales spécifiques, l'ensemble constituant le savoir-faire global Pétrin Ribeirou, décrit dans le cahier des charges du même nom ;
- dire et juger que Philippe et Karine Seguy possèdent un savoir-faire testé et éprouvé dans des boulangeries pilotes avant sa commercialisation aux tiers ;
- dire et juger que le succès commercial des boulangeries pilotes a validé l'efficacité du savoir-faire Pétrin Ribeirou transmis ;
- dire et juger que le savoir-faire du métier de boulanger de la famille Seguy n'est pas la copie du brevet déposé en 1986 par M. Jean-Pierre Seguy ;
- dire et juger que le consentement des intimés n'a pas pu être vicié lors de la conclusion du contrat du 25 août 1998, en l'absence de prétendus mensonges tenant à l'existence d'un secret de panification inconnu de la concurrence ;
- dire et juger que le savoir-faire Pétrin Ribeirou a bien été communiqué à la société Solyrod ;
- dire et juger l'existence de la cause au jour de la signature du contrat de sous-licence dès lors que les apports promis par la société DS ont été apportés ;
En conséquence,
- déclarer de plus fort pleinement valable le contrat de sous-licence et en conséquence, rejeter la demande présentée par les intimés de le déclarer nul ;
- décharger les sociétés HFS et DS de l'ensemble des condamnations mises à leur charge solidairement en principal, intérêts, frais et accessoires, après avoir s'il échet ordonner la compensation,
- débouter les intimés de leurs demandes fins et conclusions ;
A titre reconventionnel
- constater la créance de la société DS au titre des redevances impayées au jour de la résiliation du contrat pour un montant de 109 322,33 TTC, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et faire fixer son montant au passif de la procédure collective de la SARL Solyrod,
- constater la créance de la société DS au titre des redevances impayées pour exploitation abusive de la convention de sous-licence de marque et de savoir-faire Pétrin Ribeirou postérieurement à sa résiliation pour un montant de 164 425,75 TTC, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation, et faire fixer son montant au passif de la procédure collective de la SARL Solyrod,
- condamner solidairement les intimés au paiement d'une somme de 10 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
M. et Mme Seguy soutiennent qu'ils justifient leur droit de propriété sur les marques Pétrin Ribeirou et avoir mis au point un savoir-faire dans le domaine de la boulangerie portant sur des techniques boulangères connues adaptées et associées de façon originale pour permettre leur transmission à des non professionnels de la boulangerie, associées à des méthodes commerciales spécifiques, l'ensemble constituant le savoir-faire global Pétrin Ribeirou, décrit dans le cahier des charges du même nom. Ils précisent qu'ils possèdent un savoir-faire testé et éprouvé dans des boulangeries pilotes avant sa commercialisation aux tiers et que le succès commercial des boulangeries pilotes a validé l'efficacité du savoir-faire Pétrin Ribeirou. Ils font par ailleurs valoir que le savoir-faire du métier de boulanger de la famille Seguy n'est pas la copie du brevet déposé en 1986 par M. Jean-Pierre Seguy et qu'en conséquence, le consentement des intimés n'a pas pu être vicié lors de la conclusion du contrat du 25 août 1998.
Vu les dernières conclusions signifiées le 27 février 2013, par la société SMJ et M. Finck qui demandent à la cour de :
- constater que les sociétés DS, HFS et les consorts Seguy ont violé le principe de la loyauté des débats et entravé les droits de la défense de la société Solyrod et de M. Finck,
En conséquence,
- déclarer irrecevables les conclusions et pièces signifiées le 18 février 2013 par les sociétés DS et HFS,
- déclarer irrecevables les conclusions et pièces signifiées le 20 février 2013 par les consorts Seguy,
Sur le fond,
- dire et juger que le consentement de M. Finck et de la société Solyrod a été surpris par dol,
- dire et juger l'inexistence du savoir-faire et partant, l'absence de cause à l'engagement de la société Solyrod et de M. Finck,
- dire et juger que le consentement de M. Finck et de la société Solyrod a été trompé par suite d'une violation des dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce,
En conséquence,
- prononcer la nullité de la convention de sous-licence pour dol aux torts exclusifs de la société DS,
- condamner solidairement les sociétés DS et HFS à rembourser à la société Solyrod la somme de 167 263,53 TTC au titre des droits et redevances indûment perçus, outre intérêt au taux légal depuis la date de l'assignation soit le 6 mars 2006,
- les condamner solidairement à lui payer la somme de 8 934,12 en remboursement des frais de fourniture et de pose de l'enseigne, outre intérêt au taux légal depuis la date de l'assignation soit le 6 mars 2006,
- déclarer irrecevables et en tous cas mal fondées toutes demandes, fins et conclusions des sociétés DS, HFS et des consorts Seguy ; les en débouter,
- condamner solidairement les sociétés DS, HFS et les consorts Seguy à payer à la société Solyrod la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner solidairement les sociétés DS, HFS et les consorts Seguy à payer à M. Finck la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société SMJ intervenant ès-qualités et M. Finck demandent, à titre liminaire, que les conclusions déposées par les sociétés DS et HFS et par les consorts Seguy soient écartées des débats ainsi que les pièces communiquées, puisque ces conclusions et ces pièces ont été signifiées dans un délai très proche de l'ordonnance de clôture, dont la date avait déjà été repoussée à leur demande. Ils soutiennent à ce sujet que le délai qui séparait le moment de la réception des conclusions et pièces de la date de la clôture de la procédure ne leur permettait pas d'assurer leur défense.
Sur le fond, les intimés soutiennent que le contrat est entaché d'un dol commis lors de sa conclusion, puisque la société DS a obtenu leur consentement sur la base d'allégations mensongères tenant à l'existence d'un secret de panification inconnu de la concurrence, lequel a déterminé M. Finck et la société Solyrod à contracter. Ils précisent que le procédé de panification vendu a non seulement reçu une publicité par l'effet d'un dépôt de brevet, tombé par la suite en déchéance, mais que ce procédé est connu et largement répandu chez les professionnels.
La société SMJ et M. Finck considèrent par ailleurs que le savoir-faire, objet du contrat de sous-licence, n'a aucune substantialité et ne revêt aucune originalité puisque le concept ne se distingue en rien des règles de l'art que tout professionnel doit connaître. Par conséquent, il doit être considéré comme inexistant, de telle sorte que la convention de sous-licence est nulle pour être dépourvue tout à la fois de cause et d'objet.
Ils rappellent que la nullité d'un contrat irrégulièrement formé a pour conséquence de remettre les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant sa conclusion et soutiennent que les sociétés DS et HFS sont tenues à une obligation de restitution.
Ils font valoir qu'avant sa signature, les sociétés DS et HFS ont multiplié les présentations avantageuses du contrat qu'elles proposaient, en mentant, notamment, sur la rentabilité financière du montage. Ce comportement constitue, selon eux, une violation des dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce qui impose au franchiseur une obligation de loyauté en exécution de laquelle il doit informer pleinement le candidat à la franchise et ne pas se livrer à une présentation trompeuse des informations.
LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
Motifs
Sur les conclusions signifiées le 18 février 2013 par les sociétés DS et HFS et le 20 février 2013 par les consorts Seguy
À la suite de l'arrêt rendu par la Cour de cassation, l'affaire a été réinscrite au rôle de la cour d'appel par les sociétés HFS, DS, et les consorts Seguy, le 9 octobre 2012.
À la demande des sociétés HFS et DS, la date de l'ordonnance de clôture qui devait intervenir le 7 février 2013 a été repoussée au 21, puis au 28 février 2013.
Le 18 février, les sociétés HFS et DS ont déposé de nouvelles conclusions et communiqué 65 pièces nouvelles. Les consorts Seguy qui, jusqu'alors, avaient conclu avec les sociétés HFS et DS ont fait signifier des conclusions propres le 20 février. La date de l'ordonnance de clôture a été repoussée d'une semaine pour permettre à la société SMJ ès-qualités et M. Finck de prendre connaissance des nouvelles conclusions et pièces, et conclure à nouveau. Ceux-ci ont alors fait signifier leurs dernières conclusions récapitulatives le 27 février 2013. Ainsi, le délai nouvellement fixé a permis à la société SMJ ès-qualités et M. Finck de répondre aux conclusions des sociétés HFS et DS et des consorts Seguy. Il y a lieu de relever, de plus, que si les conclusions contestées présentent certes une argumentation différente, celle-ci ne fait que suivre la problématique juridique posée par l'arrêt de cassation intervenu, que la société SMJ ès-qualités et M. Finck connaissent depuis que cet arrêt est rendu et à laquelle ils ont pu se préparer. Les pièces déposées, certes nombreuses, sont toutefois dans leurs ensemble des pièces dont la société SMJ ès-qualités et M. Finck ne pouvaient qu'avoir connaissance et qui ne nécessitent pas un examen particulièrement approfondi ou un délai prolongé pour construire un argumentaire de défense. En conséquence, les droits de la défense de la société SMJ ès-qualités et de M. Finck n'ont pas été lésés et il n'y a pas lieu d'écarter les conclusions et les pièces incriminées des débats.
Sur l'existence d'un dol
La société SMJ, ès-qualités, et M. Finck soutiennent, qu'au-delà de la seule question du savoir-faire, les sociétés HFS et DS, promoteurs du réseau, ont insisté sur l'existence d'un secret de fabrication résidant dans un procédé de panification révolutionnaire inconnu de la concurrence. Ce secret de panification est, selon eux, entré dans le champ contractuel et aurait déterminé M. Finck et la société Solyrod à contracter, il aurait été l'élément essentiel et déterminant du contrat. Or, ce secret de panification se trouvait dans le domaine public, il était en tout état de cause banal et il aurait été abusé de leur crédulité.
M. Finck ne conteste pas, qu'ainsi que le rappellent les sociétés HFS et DS, il exerçait, avant de conclure le contrat de sous-licence, la profession de " district manager " d'une enseigne sous laquelle étaient distribuées des pièces automobiles. Son curriculum vitae permet de constater qu'il était, au sein de cette enseigne, chargé de la promotion des ventes et de l'animation de trois réseaux de distribution et qu'il gérait un budget publi-promotionnel. Ses études avaient été centrées sur l'économie, le commerce et le marketing.
Le contrat de sous-licence énonce en préambule que Mme Seguy et M. Seguy " maitrisent un procédé de fabrication de pain qu'ils ont conçu et développé eux-mêmes et dont ils assurent l'exploitation. Ils disposent également d'une forte expérience, tant dans le domaine industriel, dans la technique considérés, que dans le domaine commercial ". Il ajoute qu'ils sont propriétaires de la marque française " Le Pétrin Ribeirou " déposée auprès de l'INPI et qu'ils ont souhaité faire fabriquer et faire commercialiser par l'intermédiaire d'un ou plusieurs sous-licenciés, dans des points de vente implantés en France, utilisant les mêmes procédés de fabrication des produits de boulangerie, sous une enseigne commune " le Pétrin Ribeirou ". Le préambule précise que Mme et M. Seguy ont consenti une licence non exclusive du savoir-faire et une licence exclusive de la marque à la société HFS, laquelle a consenti une sous-licence à la société DAS, qui accorde au franchisé une " sous-sous-licence ", d'une part, du savoir-faire, d'autre part, de la marque " le Pétrin Ribeirou ".
Les conditions de la sous-licence détaillent le périmètre de celle-ci en quatre points " le savoir-faire qui comprend un secret de fabrique " et qui est ensuite désigné comme un savoir-faire technique et commercial, " une assistance technique " prévue pendant toute la durée du contrat pour couvrir les besoins du sous-licencié, " un stage pratique " dans un magasin pilote, pour former le licencié aux techniques de fabrication et de vente et, enfin, " la marque le Pétrin Ribeirou ". Par la suite, les stipulations énoncées sous le titre " l'objet du contrat " mentionnent le " savoir-faire " et " la marque ".
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que le contrat de sous-licence portait, d'une part, sur la transmission d'un savoir-faire concernant tant la fabrication du pain, que la façon de le commercialiser dans des magasins présentant une certaine unité avec des méthodes de commercialisation identiques, d'autre part, sur la marque " Pétrin Ribeirou ". Cette analyse est confortée par la lecture des documents précontractuels produits par la société SMJ ès-qualités et M. Finck, lesquels indiquent certes que le procédé est " une méthode révolutionnaire ", mais insistent davantage sur les gains que permettent d'espérer le procédé, au travers une économie de main d'œuvre et de travail sur la production, mais aussi le mode de commercialisation qui laisse envisager un chiffre d'affaires de trois millions de francs par magasin, bien qu'ils soient exploités par des franchisés qui ne sont " pas du métier " et doit leur permettre un retour très rapide sur l'investissement ainsi que de rentabiliser au mieux le capital de départ. Il est ainsi annoncé sous le titre " Enrichir votre patrimoine. Acquérir une excellente situation sociale ", une " formation au savoir-faire comprenant : administration, gestion, comptabilité etc. " et vanté la possibilité de réaliser une " marge brute de près de 80 % ", ainsi qu' " une économie de charges très importante " et un chiffre d'affaires moyen de trois millions de francs.
En conséquence, et contrairement à ce que soutiennent M. Finck et la société SMJ, ès-qualités, le contrat et les documents précontractuels n'offraient pas au licencié la seule connaissance d'un secret de fabrication du pain, mais aussi et de façon indissociable l'acquisition d'un ensemble constitué de la connaissance du procédé de fabrication, du droit d'exploiter la marque, de la mise en œuvre d'une méthode de travail et de commercialisation, ainsi que d'une formation et d'une assistance, le tout permettant à une personne, qui n'avait aucune connaissance en boulangerie, de faire fabriquer du pain, de connaître des recettes de fabrication et d'exploiter une boulangerie.
Par ailleurs, la société SMJ ès-qualités et M. Finck ne démontrent pas que, dans ce contexte, ce soit seulement la volonté d'accéder à un secret de fabrication du pain qui les ait convaincus de contracter. Ils ne démontrent pas non plus que, quoiqu'il en soit de la réalité du caractère secret du procédé de fabrication du pain qui sera examiné dans les développements qui suivent, l'ensemble ainsi offert aux candidats licenciés reposerait sur des promesses mensongères ou trompeuses qui les auraient conduit à contracter.
Par conséquent, il n'est pas démontré que les sociétés HFS et DS ou les consorts Seguy auraient mis en œuvre des manœuvres dolosives pour conduire la société Solyrod ou M. Finck à conclure le contrat de sous-licence dont ils demandent aujourd'hui l'annulation. Cette demande doit donc être rejetée.
Sur l'absence de cause du contrat
Les parties s'opposent sur la réalité du caractère secret du procédé de panification auquel le contrat de sous-licence donnait accès.
Les jurisprudences européenne et nationale, reprises par le règlement CE n° 2790-1999 de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées définissent les "savoir-faire" comme un ensemble secret, substantiel et identifié d'informations pratiques non brevetées, résultant de l'expérience du fournisseur et testées par celui-ci. Dans ce contexte, l'adjectif "secret" signifie que le savoir-faire, dans son ensemble ou dans la configuration et l'assemblage précis de ses composants, n'est pas généralement connu ou facilement accessible. L'adjectif "substantiel" signifie que le savoir-faire doit inclure des informations indispensables pour l'acheteur aux fins de l'utilisation, de la vente ou de la revente des biens ou des services contractuels, et "identifié" signifie que le savoir-faire doit être décrit d'une façon suffisamment complète pour permettre de vérifier qu'il remplit les conditions de secret et de substantialité.
L'adjectif secret ne signifie pas que le franchiseur doive proposer un savoir-faire ignoré jusqu'alors et impossible à connaître en dehors de l'accès à la franchise, mais que l'objet de la franchise permette au franchisé d'accéder à un domaine dont l'accès lui aurait réclamé des recherches ou des études personnelles longues et coûteuses tant en termes monétaire que de temps.
Il résulte de plusieurs avis d'experts figurant au dossier que le procédé utilisé, n'est pas à proprement parler " secret ", puisque le mode opératoire décrit dans les documents relatifs au procédé qui est un des objets du contrat de sous-licence, serait un procédé ancien et parfaitement connu des " dizaines de milliers de professionnels du métier ". Cependant, M. Vilgrain, expert, précise que le processus décrit " présente l'originalité de l'absence de façonnage de la pâte en forme de baguette ou autre " et ajoute que " Cette méthode est plus rarement employée car les produits une fois cuits sont de formes incertaines et ne plaisent qu'à un type de clientèle ". Le directeur de l'Institut national de la boulangerie indique, pour sa part, que " Chaque point pris isolément n'est pas une innovation. Le travail de compilation qui a consisté à les réunir dans un même concept peut toutefois présenter un intérêt au regard de la demande consommateur actuelle (...) ". Il ajoute que " Ces techniques relèvent (...) du domaine public et la personne qui accepte de se former et de se documenter peut fort bien les mettre en œuvre à titre individuel sans le soutien d'une enseigne ". Or, ainsi qu'il a été relevé précédemment, le contrat de sous-licence ne concerne pas seulement le procédé de fabrication du pain, mais offre aussi de permettre à des personnes, dont la formation professionnelle n'est pas celle d'un boulanger, d'avoir accès à cette activité professionnelle, mais aussi de pouvoir connaître une technique particulière dans la façon de commercialiser les produits de boulangerie. En conséquence, quand bien même le procédé de fabrication du " contrôle de la pousse ", serait-il connu des boulangers et utilisé par certains, il n'en demeure pas moins que la sous-licence concédée par les sociétés HFS et DS, donnait à des néophytes, dans un délai réduit, accès à l'exercice d'une profession dont ils ne connaissaient rien et que, quand bien même auraient-ils pu avoir accès à ces données par des recherches et un investissement personnels, la franchise leur épargnait de procéder à la recherche et au recueil des différentes informations nécessaires par leurs propres moyens et leur permettait de maitriser rapidement, tant la technique de fabrication, qu'un mode particulier de commercialisation. Il est donc établi que, quand bien même le procédé de fabrication du pain ne serait pas " secret " pour des professionnels boulangers, il s'inscrit, en l'espèce, dans un assemblage de composants originaux et spécifiques qui étaient jusqu'alors, généralement considérés comme ne plaisant pas à la grande majorité de la clientèle et n'étaient pas facilement accessibles pour des personnes souhaitant se lancer dans une activité pour laquelle elles n'étaient pas formées.
En outre, contrairement à ce que soutiennent la société SMJ ès-qualités et M. Finck, la combinaison de l'ensemble des particularités et des services offerts dans le cadre de la franchise, concrétisent la transmission d'un savoir-faire. En effet, s'agissant de la compétence professionnelle, la licence ne prétend pas faire d'une personne non diplômée un boulanger, mais permettre de créer et gérer un fonds de commerce de boulangerie ainsi que de donner l'accès à un savoir-faire permettant de commercialiser du pain et des produits de boulangerie à des coût réduits, ce qui implique un avantage sur le marché concurrentiel. Par ailleurs, il est sans effet que d'autres franchisés aient adopté des modes de commercialisation proches ou ressemblants, ou que d'autres vendent du pain au poids, dès lors que la franchise concerne la combinaison d'un ensemble de techniques de fabrication, de modes de présentation et de commercialisation qui donnent à la franchise son caractère propre et spécifique et donc secret. S'agissant enfin de l'assistance technique, M. Finck ne conteste pas avoir bénéficié d'une formation et d'un stage organisés et payés par la société HFS, et les sociétés HFS et DS démontrent, documents à l'appui, avoir effectué de nombreuses interventions, notamment, les 22 janvier, 24 mars, 10 mai, 26 juillet, 22 septembre 2004 et les 18 janvier, 23 mars, 3 juin 14 décembre 2005, auprès de la société Solyrod aux termes desquelles des constats ont été faits quant à la fabrication du pains mais aussi quant aux modes de commercialisation et d'organisation du travail, et que ces constats ont été suivis de conseils sur tous les points relevés.
Par ailleurs, il n'est pas contesté que le contrat de sous-licence comportait les informations indispensables aux fins de l'exploitation d'une boulangerie, ce qui a d'ailleurs été effectué avec un certain succès par de nombreux franchisés, ainsi que par la société Solyrod qui a réalisé un chiffre d'affaires de 408 424 euros en 2002, de 376 440 euros en 2003 et de 436 928 euros en 2004.
Enfin, le contrat de sous-licence comportait une annexe A destinée à permettre aux licenciés de comprendre " d'une façon concise mais non exhaustive, le caractère original de la fabrication du pain, objet de la licence de savoir-faire ". Ce document explique que le savoir-faire repose sur la suppression de certaines phases traditionnellement connues dans la boulangerie et comporte un lexique général expliquant de façon détaillée les différentes phases de la fabrication du pain, la description d'une journée de travail, les principes de calcul pour la confection du levain, la liste du matériel nécessaire à l'implantation d'un " Pétrin Ribeirou ". Par ailleurs, les documents précontractuels produits aux débats expliquent le " concept ", l'état d'esprit, les magasins, les conditions d'accès à la franchise, les données chiffrées essentielles. Ces documents décrivent l'ensemble du savoir-faire d'une façon suffisamment complète pour permettre de vérifier qu'il remplit les conditions de secret et de substantialité.
Sur la violation de l'article L. 330-3 du Code de commerce
Selon les termes de l'alinéa 1er de l'article L. 330-3 du Code de commerce, " toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause ".
La société SMJ ès-qualités et M. Finck soutiennent que la documentation qui a été remise à M. Finck, représentant la société Solyrod en formation, faisait état d'une rentabilité exagérée qui a trompé son consentement et que, de plus, les sociétés HFS et DS ne lui ont pas adressé d'études de marché, et, notamment, que les documents transmis ne comportaient pas d'information sur l'état de la concurrence dans la zone où il envisageait de s'implanter.
Il convient de rappeler que la méconnaissance des dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce n'entraîne la nullité de la convention que si elle a pour effet de vicier le consentement du cocontractant créancier de l'obligation d'information. Or, la société SMJ ès-qualités et M. Finck ne contestent pas que ce dernier, diplômé d'un institut d'études économiques et commerciales avec une spécialisation de marketing, a, avant d'ouvrir son magasin, travaillé pendant deux ans pour la société DAS, auprès de laquelle il était chargé du développement de l'enseigne en région Rhône-Alpes, puis en région parisienne, ainsi que de la prospection immobilière et de la gestion des centres de profit. Dans ces circonstances, M. Finck disposait de tous les moyens lui permettant non seulement de connaître les résultats des boulangeries franchisées, mais aussi de procéder à l'étude de marché dont il dénonce l'absence et il ne peut soutenir que le défaut d'information, notamment d'étude de la concurrence existant dans le secteur géographique où il souhaitait s'implanter, aurait trompé son consentement.
Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le contrat n'était pas dépourvu de cause et qu'il n'est pas démontré que le consentement de M. Finck, représentant la société Solyrod en formation aurait été trompé. Dès lors, le jugement qui a prononcé l'annulation du jugement pour absence de cause doit être réformé.
Sur l'exclusion de la société DS du capital de la société Solyrod
La société SMJ ès-qualités et M. Finck renonçant à leur demande sur ce point, il n'y plus lieu de statuer à ce sujet.
Sur les demandes reconventionnelles des sociétés HFS et DS
Les sociétés HFS et DS demandent la constatation que les sommes suivantes sont dues par la société Solyrod et leur fixation à son passif :
- 109 322,33 euros au titre des redevances impayées au 9 novembre 2006, jour de la résiliation du contrat de franchise par la société Solyrod ;
- 164 425,75 euros au titre de redevances impayées pour exploitation abusive de la convention de sous-licence de marque et de savoir-faire Pétrin Ribeirou postérieurement à sa résiliation.
L'arrêt rendu par cette cour, le 9 janvier 2011, a jugé la demande relative à la somme de 164 425,75 euros irrecevable en raison de son caractère nouveau, en application des dispositions de l'article 564 du Code de procédure civile. Il n'a pas été cassé de ce chef par l'arrêt de cassation partielle prononcé par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 3 mai 2012 et cette décision d'irrecevabilité est donc devenue définitive. La demande de ce chef sera donc déclarée irrecevable.
La demande relative à la somme de 109 322,33 euros n'est pas contestée quant à son montant par la société SMJ ès-qualités et M. Finck qui se bornent à soutenir son rejet en raison de la nullité du contrat de franchise, laquelle a été rejetée. Le montant de cette somme au titre des redevances impayées avant la résiliation est attesté par l'expert-comptable de la société DS. Il convient donc de constater que la société Solyrod était débitrice de cette somme envers la société DS avant que soit prononcée sa mise en procédure collective et d'en ordonner la fixation à son passif.
Sur la demande de prononcer la restitution
Le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à restitution des sommes versées au titre de l'exécution du jugement et vaut mise en demeure. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la demande de restitution.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Il résulte de ce qui précède qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des sociétés HFS et DS, l'intégralité des frais exposés par eux pour faire valoir leurs droits et la société SMJ ès-qualités et M. Finck seront solidairement condamnés à leur payer la somme globale de 5 000 euros. En revanche, la demande des consorts Seguy qui n'étaient pas personnellement mis en cause dans le cadre de l'appel sera rejetée.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Déclare irrecevable la demande des sociétés HFS et DS de constater que la société Solyrod est débitrice de la somme de 425,75 euros et de faire fixer cette somme à son passif ; Dit recevables les conclusions signifiées par les sociétés HFS et DS et les consorts Seguy, respectivement les 18 et 20 février 2013 et les pièces communiquées corrélativement ; Confirme le jugement rendu entre les parties par le Tribunal de commerce de Créteil, le 25 novembre 2006, en ce qu'il a dit la société Solyrod et M. Finck mal fondés en leur demande de nullité de la convention de sous-licence pour dol et les en a déboutés; Reforme le jugement en ce qu'il a dit la convention de sous-licence dépourvue de cause en prononcé la résolution et condamné solidairement les sociétés DAS et HFS à payer à la société Solyrod la somme de 167 263,53 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 mars 2005 ainsi que la somme de 8 934,12 euros ; Statuant à nouveau, Dit que le contrat de sous-licence du 25 août 1998 n'était pas dépourvu de cause; Rejette la demande de nullité de ce contrat formée par la société SMJ ès-qualités et M. Finck ; Constate que la société Solyrod est débitrice envers la société DS de la somme de 109 322,33 euros et Ordonne la fixation de cette somme à son passif ; Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution ; Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de prononcer l'exclusion de la société DS du capital de la société Solyrod à laquelle la société SMJ ès-qualités et M. Finck ont déclaré renoncer ; Rejette les autres demandes plus amples des parties ; Condamne la société SMJ ès-qualités et M. Finck à payer aux sociétés HFS et DS la somme globale de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et rejette la demande de ce chef des consorts Seguy ; Condamne la société SMJ ès-qualités et M. Finck aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.