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Décisions

Cass. com., 14 mai 2013, n° 12-19.351

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Gemo Intérim 3 (SAS)

Défendeur :

SDL Intérim (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Rapporteur :

Mme Mouillard

Avocat général :

M. Mollard

Avocats :

SCP Baraduc, Duhamel, SCP Piwnica, Molinié

Lyon, du 24 févr. 2012

24 février 2012

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 24 février 2012), que la société SDL Interim, société de travail intérimaire, employait M. Michalon, commercial, et Mme Meilland, secrétaire, qui ont tous deux démissionné en août 2010 et ont ensuite été embauchés par une société concurrente, la société Gemo Interim 3 ; que, faisant valoir que ces salariés étaient tenus par une clause de non-concurrence et invoquant un détournement de clientèle, la société SDL Interim a fait assigner la société Gemo Interim 3 en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale ;

Attendu que la société Gemo Interim 3 fait grief à l'arrêt de sa condamnation alors, selon le moyen : 1°) qu'une action fondée sur la complicité dans la violation d'une clause de non-concurrence, qui relève de la compétence de la juridiction commerciale, suppose que soit tranchée la question préalable de la violation de cette clause par le salarié, laquelle relève de la compétence exclusive de la juridiction prud'homale ; qu'il appartient à l'ancien employeur, qui prétend agir en concurrence déloyale contre le nouvel employeur de son ancien salarié, de faire préalablement constater la violation de la clause de non-concurrence par son salarié ; qu'en retenant néanmoins la responsabilité de la société Gémo Intérim 3 au titre d'une complicité de la violation des clauses de non-concurrence stipulées aux contrats de travail entre la société SDL Intérim et M. Michalon et Mme Meilland, au motif inopérant qu'il n'était pas démontré qu'une action ait été introduite devant le conseil de prud'hommes quant à la violation de la clause, tandis que cette action incombait à SDL Intérim, la cour d'appel a violé les articles L. 1411-1 et L. 1411-4 du Code du travail, ensemble l'article 49 du Code de procédure civile ; 2°) que l'aveu judiciaire ne peut porter que sur un point de fait ; que l'employeur d'un salarié tenu, à l'égard de son précédent employeur, par une clause de non-concurrence, ne peut reconnaître que la clause a vocation à s'appliquer, ce qui suppose une appréciation juridique de la validité de la clause ; que pour retenir la responsabilité de la société Gemo Intérim 3, la cour d'appel a considéré que la société Gemo Intérim 3 avait reconnu que cette clause de non-concurrence avait vocation à s'appliquer ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1356 du Code civil ; 3°) que la responsabilité de l'employeur d'un salarié tenu par une clause de non-concurrence liant ce dernier à un précédent employeur ne peut être engagée qu'à charge pour le juge de vérifier la licéité de la clause de non-concurrence ; qu'il appartient ainsi au juge de vérifier que la clause de non-concurrence est indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace et qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié ; que la société Gemo Intérim 3 faisait valoir que la licéité des clauses de non-concurrence stipulées dans les contrats de M. Michalon et de Mme Meillaud n'avait pas été vérifiée par la juridiction prud'homale ; qu'il appartenait ainsi à la cour d'appel, au besoin d'office, de vérifier la validité des clauses litigieuses au regard des critères précités ; qu'en s'abstenant d'effectuer cette vérification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1165 et 1382 du Code civil ; 4°) que pour juger que la société Gemo Intérim 3 avait commis une faute en embauchant Mme Meilland en violation de la clause de non-concurrence liant cette dernière à la société SDL Intérim, la cour d'appel a considéré, par motifs propres et adoptés, qu'au regard de l'activité de secrétariat confiée à l'intéressée qui dans ce type d'activité implique des relations avec la clientèle, l'existence d'une clause de non-concurrence était justifiée et que cette clause stipulait elle-même qu'elle était indispensable ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier que la clause litigieuse était, au-delà de l'affirmation qu'elle comportait, indispensable aux intérêts légitimes de la société SDL Intérim, qu'elle était limitée dans le temps et dans l'espace, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1165 et 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel, qui était saisie d'un litige opposant deux sociétés commerciales, l'une recherchant la responsabilité de l'autre pour complicité de violations de clauses de non-concurrence, et la juridiction prud'homale n'étant pas saisie par les parties au contrat de travail, a énoncé à bon droit que l'absence de décision de cette juridiction sur la validité ou la nullité de ces clauses et sur la violation par les salariés concernés de leur obligation de non-concurrence n'empêche pas la juridiction commerciale de trancher cette question lors de l'instance opposant les employeurs successifs ;

Attendu, en deuxième lieu, que la société Gemo Interim 3 ayant indiqué dans ses écritures qu'elle avait confié à M. Michalon un poste hors du territoire protégé, la cour d'appel a pu en déduire que cette société reconnaissait que la clause de non-concurrence avait vocation à s'appliquer ;

Attendu, en troisième lieu, que, devant la cour d'appel, la société Gemo Interim 3 ne discutait pas la validité de la clause de non-concurrence concernant M. Michalon et, s'agissant de Mme Meilland, se bornait à faire valoir que cette dernière, en qualité de "simple secrétaire" chargée de tâches administratives, ne pouvait se voir imposer une telle restriction à sa liberté de travailler, sans prétendre que la clause n'aurait pas été indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise, ni qu'elle n'aurait pas été limitée dans le temps et dans l'espace ; qu'elle ne peut donc reprocher à la cour d'appel de ne pas avoir effectué des recherches qui ne lui étaient pas demandées ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.