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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch. civ., 17 mai 2013, n° 11-07146

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Garden Ice (SA)

Défendeur :

Adélaïde Café (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme O'yl

Conseillers :

MM. Bancal, Franco

Avocats :

SCP Le Barazer, d'Amiens, SCP Cabinet Lexia, Mes Dumas, Nalet, Fournier

T. com. Périgueux, du 17 oct. 2011

17 octobre 2011

Par acte sous seing privé en date du 18 juin 2008, et avenant du même jour, la SA Garden Ice, propriétaire de la marque Garden Ice Café, a conclu avec la société Adélaïde Café un contrat de franchise pour une durée de dix ans et aux termes duquel elle consentait l'exclusivité des droits concédés propres à la franchise pour une zone géographique de 6 km à vol d'oiseau depuis le point de vente de Versailles situé 22 avenue de l'Europe 78000 Versailles.

Le franchiseur a en outre mis à disposition de la société Adélaïde Café le droit d'utiliser à titre d'enseigne le nom Garden Ice Café, ainsi que tous les slogans, dessins et modèles, élément publicitaire, formule, logos et autres signes distinctifs qui y sont attachés.

Estimant que le franchisé ne respectait pas ses obligations contractuelles, notamment en ce qui concerne les normes architecturales, les aménagements intérieurs, les outils de communication propres à l'enseigne, et les menus mis à disposition des clients, la SA Garden Ice lui a vainement adressé des mises en demeure en 2009 et 2010.

Après échec d'une tentative de médiation prévue par l'article 14 du contrat, la SA Garden Ice a fait assigner la SARL Adélaïde Café devant le Tribunal de commerce de Périgueux afin d'obtenir la résiliation du contrat à ses torts et griefs, ainsi que sa condamnation au paiement de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 17 octobre 2011, cette juridiction a :

- donné acte à la SA Garden Ice et à la SARL Adélaïde Café de ce qu'elles s'accordent à demander au tribunal de prononcer la résiliation du contrat de franchise souscrit le 18 juin 2008,

- prononcé la résiliation dudit contrat à la date du 30 juin 2011,

- condamné la SARL Adélaïde Café à verser à la SA Garden Ice la redevance mensuelle contractuelle jusqu'au 30 juin 2011, outre intérêts au taux légal,

- débouté la SA Garden Ice de sa demande d'indemnité de résiliation,

- enjoint à la SARL Adélaïde Café à ne plus utiliser aucun élément relatif à la franchise Garden Ice Café,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

- condamné la SARL Adélaïde Café à verser à la SA Garden Ice la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la SARL Adélaïde Café aux entiers dépens.

La société Garden Ice a relevé appel de cette décision le 24 novembre 2011.

Dans ses dernières conclusions signifiées et déposées au greffe de la juridiction le 21 mars 2013, la SA Garden Ice demande à la cour :

* de la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

* d'infirmer le jugement rendu le 17 octobre 2011 par le Tribunal de commerce de Périgueux,

* de prononcer la résiliation du contrat de franchise aux torts de la SARL Adélaïde Café à effet du 31 octobre 2011,

* d'enjoindre à la SARL Adélaïde Café et à M. Jean-Pierre Gauthier ès qualité de gérant de cesser l'utilisation du logo et de l'enseigne Garden Ice Café ainsi que celle de tout autre signe distinctif de la franchise Garden Ice Café sous astreinte de 500 € par jour à compter de la signification de l'arrêt,

* de condamner la SARL Adélaïde Café à lui payer les redevances du contrat de franchise jusqu'à la date de résiliation effective au 31 octobre 2011, augmentées des intérêts au taux légal,

* de condamner la SARL Adélaïde Café à lui payer la somme de 20 000 € à titre d'indemnité de réparation du préjudice commercial global,

* de débouter la SARL Adélaïde Café de ses demandes incidentes,

* de la condamner à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions signifiées et déposées au greffe le 20 mars 2013, la SARL Adélaïde Café demande à la cour :

* de confirmer dans son intégralité le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Périgueux le 17 octobre 2011,

y ajoutant

- de condamner la société Garden Ice à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 mars 2013.

MOTIFS DE LA DECISION :

1- L'appel a été formé dans des conditions de régularité non discutées et sera donc déclaré recevable.

2- Sur la résiliation du contrat de franchise :

Dans ses courriers recommandés adressés le 8 septembre 2009, le 10 octobre 2009, le 28 janvier 2010, le 7 août 2010 et le 25 février 2011, le franchiseur reprochait à la société Adélaïde Café de manquer à ses obligations de franchisé sur les points principaux suivants :

* non-respect du cahier des charges architecturales et graphiques (l'enseigne extérieure, et la verrière intérieure ne correspondaient pas à la reproduction des logos ; et les luminaires, mobilier et agencement intérieur créés par Adélaïde Café ne correspondaient pas à ceux définis dans le cahier des charges),

* non-respect de l'obligation de formation initiale théorique et pratique permettant d'acquérir les techniques de vente, d'animation, d'offres commerciales, de gestion et management,

* non-respect du cahier des charges d'exploitation, en ce qui concerne notamment la gamme de produits offerts à la clientèle (les cartes de menus comportent des produits non conformes à l'offre Garden Ice tels que hamburger ou tartines),

* non-respect de l'obligation d'approvisionnement auprès de fournisseurs et marque référencés dans le réseau (Glaces pôle Sud et compagnie des desserts, jus de fruits Pampryl et Pomona),

* absence d'utilisation des outils de communication propres à l'enseigne,

* refus de communiquer les chiffres d'affaire mensuels et les tableaux de bord normalisés,

* impression et diffusion sans l'accord du franchiseur de supports publicitaires comportant le logo Garden Ice Café (carte de visite, pochette serviette, carte de restauration),

* utilisation sans autorisation d'un site Internet comportant la marque Garden Ice (www.gardenicecafe-versailles),

* refus de laisser accéder l'animateur du réseau à la totalité de l'établissement ainsi qu'à la totalité des documents permettant la réalisation des audits.

La société Adélaïde Café n'a nullement contesté la matérialité de ces manquements aux obligations nées du contrat de franchise et par courrier en date du 12 avril 2010, M. Gauthier, gérant de la SARL Adélaïde Café, faisait part de son acceptation de la résiliation, en précisant qu'il avait mis son établissement en vente.

En tant que de besoin, le procès-verbal de constat de huissier du 22 octobre 2010 confirme que la carte des menus n'est pas conforme à la carte normalement présentée par les franchisés Garden Ice, tant en ce qui concerne la présentation graphique que les denrées ou boissons proposées à la consommation.

Les violations des obligations essentielles du contrat de franchise sont avérées et ne sont pas constitutives d'une atteinte portée à la liberté du franchisé.

Au demeurant, le principe de la résiliation du contrat n'est pas contesté puisque la SARL Adélaïde Café conclut à la confirmation du jugement.

Le franchiseur a entendu se prévaloir de l'article 12 du contrat de franchise, au terme duquel :

"le présent contrat pourra également prendre fin par suite d'une résiliation par anticipation en cas de non-exécution de ses engagements par l'une ou l'autre des parties, et notamment :

en cas de violation par l'une des parties de l'une quelconque des clauses du présent contrat, celui-ci pourra être résilié moyennant un préavis de un mois, si dans les 30 jours suivant l'envoi à la partie défaillante d'une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception la partie défaillante n'a pas pris les mesures qui s'imposent pour remédier à son manquement".

Elle a en effet adressé le 25 février 2011 au franchisé une lettre recommandée avec avis de réception, rappelant les précédentes mises en demeure demeurées sans effet, les manquements constatés par huissier le 22 octobre 2010, et son intention de résilier le contrat au 1er avril 2011 sur le fondement des dispositions de l'article 14 du contrat de franchise.

Dans ses conclusions devant le Tribunal de commerce de Périgueux, le franchiseur a accepté de différer la date d'effet de cette résiliation en demandant à la juridiction de fixer celle-ci au 30 juin 2011.

Il n'existe aucun motif pour reporter désormais au 30 octobre 2011 la date de résiliation du contrat ; et l'intimée ne peut utilement se prévaloir de faits postérieurs au jugement de première instance pour modifier ses prétentions.

Il convient en conséquence de confirmer la décision entreprise, en ce qu'elle prononce la résiliation du contrat de franchise à la date du 30 juin 2011, sauf à préciser que cette résiliation intervient aux torts de la SARL Adélaïde Café.

Le jugement sera pareillement confirmé en ce qu'il condamne la SARL Adélaïde Café à verser à la société Garden Ice la redevance mensuelle contractuelle jusqu'au 30 juin 2011 outre intérêts au taux légal.

Aux termes de l'article 13.1 du contrat de franchise, la fin du contrat a pour conséquence d'obliger le franchisé à cesser immédiatement de faire référence au signe distinctif du réseau, au franchiseur ou à son ancienne appartenance au réseau Garden Ice Café, et d'une manière générale à cesser toute activité qui pourrait laisser croire qu'il exploite toujours l'établissement sous l'enseigne et le concept Garden Ice Café. Le franchisé est en outre tenu d'effectuer la dépose complète de l'enseigne en ce compris tout support, mobilier, éléments de décor intégrés ou non intégrés au local qui relève du concept architectural.

Le modèle de la marque en forme de soleil stylisé a fait l'objet d'un dépôt à l'INPI le 18 avril 2008 sous le numéro 08 / 35 71 021) et ne peut plus être utilisé par la SARL Adélaïde Café sur quelque support que ce soit, en ce compris la moquette intérieure.

Or, il est constant que cette moquette, comportant le logo de la marque, n'a toujours pas été enlevée, le franchisé invoquant la nécessité de fermer son établissement durant plusieurs jours pour arracher ce revêtement qui adhère au gros-œuvre.

La décision sera donc pareillement confirmée, en ce qu'elle enjoint à la SARL Adélaïde Café de ne plus utiliser aucun élément relatif à la franchise Garden Ice Café ; sauf à préciser que cette condamnation est assortie d'une astreinte provisoire de 100 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt.

Sur la demande d'indemnité de réparation :

Il convient en premier lieu de déclarer irrecevable la demande en ce qu'elle est dirigée à l'encontre de M. Gauthier, qui n'est pas partie à l'instance.

Le contrat ne comporte aucune indemnité de résiliation à la charge du franchisé en cas de rupture anticipée de la relation contractuelle.

Il incombait donc au franchiseur de démontrer dans le cadre de l'instance que les manquements contractuels du franchisé lui avaient causé un dommage susceptible de donner lieu à réparation par application des dispositions de l'article 1147 du Code civil.

La société Garden Ice indique, au soutien de sa demande de dommages et intérêts, qu'elle ne parvient pas à trouver un nouveau franchisé à Versailles, dès lors que tout candidat renonce à son projet compte tenu de la présence d'un concurrent utilisant sans droit les logos de la franchise.

Toutefois, force est de constater que le franchiseur ne justifie nullement de ses allégations et la réalité d'un préjudice commercial n'est pas démontrée.

Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

La décision sera également confirmée en ce qui concerne la condamnation de la SARL Adélaïde Café au paiement de la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il n'est pas inéquitable de laisser aux parties la charge des frais irréductibles exposés en cause d'appel.

La SARL Adélaïde Café sera condamnée aux dépens d'appel.

Par ces motifs : LA COUR statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort, Déclare l'appel recevable, Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal de commerce de Périgueux en date du 17 octobre 2011, sauf à préciser que la résiliation du contrat de franchise est prononcée aux torts de la SARL Adélaïde Café et qu'une astreinte provisoire de 100 € par jour de retard courra à l'encontre de la SARL Adélaïde Café à compter de la signification du présent arrêt, faute pour elle de cesser l'utilisation du logo et de l'enseigne Garden Ice Café, ainsi que celles de tout autre signe distinctif de la franchise Garden Ice Café, Y ajoutant, Déclarer irrecevable la demande formée contre M. Jean-Pierre Gauthier, Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SARL Adélaïde Café aux dépens d'appel, et autorise la SCP Le Barazer et d'Amiens à faire application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.