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Décisions

CA Bordeaux, 1re ch. civ. A, 14 mai 2013, n° 11-07294

BORDEAUX

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Pawliczek

Défendeur :

Défi Houillères de Cruéjouls (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Roussel

Conseillers :

MM. Sabron, Lippmann

Avocats :

SCP Taillard & Janoueix, Mes Combeaud, Lourme, Defaux

TI Bordeaux, du 3 oct. 2011

3 octobre 2011

Les données du litige

M. Jean-Pierre Pawliczek a conclu le 29 juin 1992 avec la SARL Burguiere Verdeille " Houillères de Cruéjouls " un contrat d'agent commercial par lequel celle-ci lui donnait mandat de négocier dans les départements de la Gironde, des Landes, des Pyrénées Atlantiques, du Lot et Garonne, de la Charente et de la Charente Maritime la vente de colorants pour le ciment.

Sa rémunération était fixée à 5 % du montant des factures hors taxes de toutes les commandes directes et indirectes.

Les commissions devaient être réglées mensuellement avec le relevé comptable correspondant.

Il était stipulé que ce contrat qui était conclu pour une durée déterminée d'un an serait tacitement reconduit pour une durée indéterminée.

Il pouvait être résilié par l'une ou l'autre des parties moyennant un préavis de trois mois par lettre recommandée.

Le contrat stipulait enfin que l'indemnité de rupture serait réglée au comptant le jour où la rupture deviendrait effective.

Un avenant du 1er janvier 1994 a élargi la gamme des produits et ajouté le département de la Dordogne à la zone de prospection.

Le 30 novembre 2011, la société mandante a adressé à M. Pawliczek un courrier recommandé dans lequel elle exposait qu'à l'occasion de la fusion des sociétés Défi et Houillères de Cruéjouls, elle souhaitait réorganiser son service commercial.

Elle ajoutait qu'elle lui transmettait un accord de fin d'agence commerciale qui " régulariserait la situation".

Pour " finaliser l'arrêt de (leur) collaboration ", la société proposait à son agent de lui verser une indemnité forfaitaire de 500 euro qu'elle réglerait dès réception de l'accord de ce dernier.

A ce courrier était annexé un projet d'accord de fin d'agence commerciale, à retourner après signature, fixant la date d'effet de l'accord au 1er janvier 2010.

Par lettre recommandée en date du 31 décembre 2009, M. Pawliczek a rappelé que la résiliation du contrat d'agence ouvrait droit pour l'agent au paiement d'une indemnité compensatrice correspondant, selon l'usage, à deux années de commissions calculées sur la moyenne brute des trois dernières années, soit, au regard des commissions générées par les ventes réalisées en 2007, 2008 et 2009, une somme de l'ordre de 3 919,51 euro.

Il contestait par ailleurs une disposition lui interdisant de prospecter dans un secteur qu'il exploitait en vertu d'autres mandats.

La société Défi Houillères de Cruéjouls n'ayant pas répondu à ce courrier, M. Pawliczek l'a relancée par lettre recommandée du 4 janvier 2010.

Par lettre du 10 février 2010, ladite société a alors avisé M. Pawliczek que ce que, la proposition d'accord de fin de contrat qu'elle lui avait adressée le 30 novembre 2009 ne lui convenant pas, elle ne lui donnait pas suite.

Des instructions lui étaient fournies dans la perspective de la poursuite de leurs relations.

M. Pawliczek qui avait cessé de travailler pour le compte de la société Défi Houillères de Cruéjouls depuis le 1er janvier 2010 a par acte du 30 juin 2010 fait assigner cette dernière devant le Tribunal d'instance de Bordeaux en paiement de la somme de 3 968,41 euro qu'il estimait lui être due à titre d'indemnité compensatrice en application des dispositions de l'article de l'article L. 134-12 du Code de commerce.

Le tribunal a par jugement du 3 octobre 2011 débouté M. Pawliczek de sa demande en relevant, comme le soutenait la société Défi Houillères de Cruéjouls, qu'ayant refusé de poursuivre sa mission alors que cette dernière n'avait pas donné suite à sa proposition d'accord de fin de contrat, la rupture lui était imputable.

Il a été alloué à la société Défi Houillères de Cruéjouls une indemnité de 900 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

M. Pawliczek a relevé appel de ce jugement par déclaration déposée au greffe de la cour le 2 décembre 2011.

Il relève que son désaccord ne portait que sur le montant de l'indemnité de rupture qui n'était pas acceptable au regard de la durée de son mandat, que, la société Défi Houillères de Cruéjouls ayant pris le parti de recourir à des agents salariés, on ne pouvait pas lui imposer de poursuive une activité qui cessait d'être rentable et que le premier juge a fait une erreur d'appréciation en lui imputant la responsabilité de la rupture qui incombait en réalité à la société.

M. Pawliczek qui se réfère à l'usage et à la jurisprudence dans la mesure où l'article L. 134-12 du Code de commerce ne définit pas le calcul de l'indemnité compensatrice, demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner la société Défi Houillères de Cruéjouls à lui payer la somme de 3 968,41 euro avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation et capitalisation de ces intérêts dans les conditions prévues à l'article 1154 du Code civil.

Il sollicite une indemnité de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Défi Houillères de Cruéjouls a conclu à la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que la résiliation du contrat était le fait de M. Pawliczek qui avait cessé toute activité au titre de son mandat bien qu'il n'ait pas été donné suite à la proposition de fin de contrat qu'elle lui avait adressée par courrier du 30 novembre 2009.

Elle relève qu'aux termes de l'article L. 134-13 du Code de commerce, l'indemnité compensatrice n'est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ou résulte de l'initiative de celui-ci.

La société intimée demande à la cour de condamner M. Pawliczek à lui payer des dommages-intérêts de 1 000 euro pour appel abusif et une indemnité 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les motifs de la décision

Dans la lettre recommandée qu'elle a adressée à son agent commercial le 30 novembre 2009, la société Défi Houillères de Cruéjouls exposait qu'elle souhaitait réorganiser son service commercial et transmettait à M. Pawliczek un projet d'accord de fin d'agence commerciale qui " régulariserait la situation ".

Elle proposait, pour finaliser l'arrêt de la collaboration une indemnité forfaitaire de 500 euro, dérisoire au regard de la durée du mandat de M. Pawliczek qui avait travaillé pour son compte pendant dix-sept ans.

Elle n'a jamais fourni d'explication sur ce montant, pourtant discriminatoire au regard de l'accord qui avait été donné à un autre agent, congédié à la même date et pour le même motif, pour que le montant de son indemnité soit fixé à 2 608,92 euro.

M. Pawliczek ne pouvait pas accepter la proposition qui lui était faite concernant la fixation d'une indemnité due en vertu de dispositions légales impératives.

L'appelant a considéré à juste titre que la lettre du 30 novembre 2009 résiliait son mandat et c'est pour cette raison qu'il a cessé son activité à compter du mois de janvier 2010, date prévue par l'accord de fin d'agence dont il a accepté le principe dans sa réponse du 31 décembre 2009.

On ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir repris son activité après que la société Défi Houillères de Cruéjouls lui ait répondu qu'elle ne donnerait pas suite à sa proposition d'accord de fin de contrat, ce pour deux raisons.

En premier lieu, cette réponse a été formulée tardivement, le 10 février 2010, alors que l'agent avait interrompu son activité depuis un mois et n'avait pas reçu de réponse concernant la négation de son droit au paiement d'une indemnité compensatrice correspondant à son ancienneté et à son activité.

En second lieu, la réorganisation des services commerciaux de sa mandante était susceptible de modifier de manière défavorable pour lui, à l'avenir, les conditions d'exercice de son mandat d'agent.

En lui proposant de signer un accord de fin d'agence commerciale justifié par la réorganisation de son service commercial dans lequel, sans explication, elle fixait le montant de l'indemnité compensatrice à un montant dérisoire qu'elle savait qu'il n'accepterait pas, la société intimée qui a répondu tardivement aux objections légitimes de son agent a manqué à l'obligation de bonne foi dans l'exécution des conventions.

Sa mauvaise foi ne lui permet pas de se prévaloir du refus de M. Pawliczek de reprendre l'exercice de son mandat bien qu'elle lui ait fait part de sa décision de ne pas donner suite à sa proposition de fin de contrat, formulée tardivement et alors que la réorganisation de son service commercial modifiait de manière défavorable la situation de ses agents commerciaux.

La cessation du contrat de M. Pawliczek qui n'est justifiée par aucune faute grave de ce dernier résulte de l'initiative de la société mandante et non de celle de l'agent contrairement à ce qu'a retenu le premier juge.

L'appelant est en droit, par conséquent, de réclamer l'indemnité compensatrice prévue par les dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce qui sont d'ordre public.

Cette indemnité, en considération de la durée du mandat, doit être déterminée selon la méthode retenue par l'usage et par la jurisprudence des tribunaux, c'est-à-dire sur la base de deux années de commissions calculées sur la moyenne brute des trois dernières années.

La société Défi Houillères de Cruéjouls qui ne produit aucune pièce susceptible de contredire les chiffres communiqués par l'appelant concernant le total des commissions générées par son activité au cours des années 2007, 2008 et 2009 n'a jamais contesté ces chiffres qui figuraient déjà dans la lettre envoyée par celui-ci le 31 décembre 2009.

Il y a lieu de condamner la société intimée à payer à M. Pawliczek la somme de 3 968,41 euro à titre d'indemnité compensatrice, ce avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2010, date de l'assignation.

Ces intérêts porteront eux-mêmes des intérêts dès lors qu'ils seront dus pour une année entière, comme il est dit à l'article 1154 du Code civil dont M. Pawliczek a demandé l'application dans l'assignation sus visée.

Enfin, l'appelant est en droit de réclamer sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile une indemnité qui sera fixée à 2 000 euro compte tenu de ce que des frais ont déjà été exposés devant le premier juge qui a rejeté sa demande.

Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau. Dit que la cessation du contrat d'agent commercial de M. Pawliczek est le fait de la société mandante. Condamne la société Défi Houillères de Cruéjouls à payer à M. Jean Pierre Pawliczek la somme de 3 968,41 à titre d'indemnité compensatrice, ce avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2010, date de l'assignation. Dit qu'à compter de cette date, les intérêts dus pour une année entière produiront eux-mêmes des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil. Condamne la société Défi Houillères de Cruéjouls à payer à M. Pawliczek une indemnité de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. La condamne aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP Patricia Combeaud, avocat au barreau de Bordeaux, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.