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Décisions

CA Paris, Pôle 2 ch. 2, 24 mai 2013, n° 11-12825

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Oldak

Défendeur :

Club Méditerranée (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vidal

Conseillers :

Mmes Martini, Richard

Avocats :

Mes Moisan, Lemière, Bodin Casalis, Callige

TGI Paris, du 16 juin 2011

16 juin 2011

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. Thierry Oldak a acheté un séjour au village de Cancun au Mexique pour lui-même, son épouse et ses quatre enfants auprès de la société Club Méditerranée et a sollicité la nullité de la vente et le remboursement de son prix d'un montant de 33 588 euros sur le fondement des articles 1109, 1110 et 1147 du Code civil, L. 111-1, L. 113-1 du Code de la consommation et L. 211-9 et L 211-7 du Code du tourisme, soutenant que la pratique du ski nautique avait été rendue impossible par la présence de crocodiles dans le lagon.

Par jugement en date du 16 juin 2011 le Tribunal de grande instance de Paris a débouté M. Oldak de sa demande en nullité pour vice du consentement en l'absence d'erreur sur la substance, la pratique du ski nautique n'étant pas déterminante dans le choix du séjour à Cancun et sur le fondement du manquement à son devoir d'information a condamné la société Club Méditerranée à verser à M. Oldak la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts, rejetant la demande d'insertion de la mention de la présence de crocodiles dans les documents de vente de la société ainsi que celle tendant à la publication du jugement.

M. Oldak a interjeté appel de cette décision le 7 juillet 2011 et dans ses conclusions signifiées le 7 février 2012 demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu le manquement de la société Club Méditerranée à son obligation d'information et a fixé le montant de son préjudice à 4 000 euros mais de l'infirmer en ce que la décision l'a débouté de ses demandes de publication et d'insertion de l'information dans les documents de vente et de :

- dire et juger que le Club Méditerranée a méconnu ses obligations d'information et a usé de pratiques déloyales relevant de la réticence dolosive préalablement à la conclusion du forfait touristique ce qui constitue une faute précontractuelle engageant la responsabilité de la société,

- confirmer le montant de la condamnation et condamner le Club Méditerranée à insérer dans ses documents de vente l'information suivante : "la présence de crocodiles inoffensifs et d'Albert la mascotte dans la lagune",

- subsidiairement, dire que son consentement a été vicié par une erreur substantielle tenant à l'impossibilité de pratiquer le ski nautique, prononcer la nullité du contrat de séjour et condamner le Club Méditerranée à lui verser la somme de 4 000 euros,

- en toute hypothèse, ordonner la publication de la décision à intervenir aux frais du Club Med dans deux journaux quotidiens de diffusion nationale et condamner le Club Med à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens.

Il soutient à titre principal que la société Club Méditerranée a manqué à son obligation précontractuelle d'information quant à la présence de crocodiles dans le lagon alors que consciente de ce problème elle lui a présenté une décharge de responsabilité sur ce point après son arrivée au village et alors que cette obligation de renseignement est particulièrement requise des agences de voyage comme le précise l'article L. 211-9 du Code du tourisme, qu'un tel manquement par sa gravité et son caractère intentionnel peut être assimilé à un dol et même à une pratique commerciale trompeuse telle que le prévoient les articles L. 120-1 et L. 121-1 du Code de la consommation, subsidiairement et pour répondre à l'appel incident du Club Méditerranée sur la nullité du contrat de vente il relève le caractère déterminant de la pratique du ski nautique dans son choix du village de Cancun.

Il demande en toute hypothèse la publication du jugement qui a une visée réparatrice du préjudice subi et constitue une réparation en nature de celui-ci.

Dans ses conclusions signifiées le 7 décembre 2011 la société Club Méditerranée conclut au débouté des demandes de M. Oldak et forme un appel incident tendant à l'infirmation de la décision entreprise et à la condamnation de l'appelant à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens.

Elle soutient pour l'essentiel que M. Oldak était parfaitement informé des conditions de réalisation de la pratique du ski nautique à Cancun qui ne présentait aucun risque avéré pour ses clients, la décharge étant destinée uniquement à rassurer les clients d'Amérique du Nord et alors qu'aucune réclamation n'a jamais été formulée à l'exception de la procédure intentée abusivement par M. Oldak.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 111-1 du Code de la consommation et L. 211-8 et L. 211-9 du Code du tourisme l'agence de voyage doit délivrer au consommateur une information complète sur les conditions et les prestations des forfaits touristiques qu'elle propose au consommateur ;

qu'en l'espèce, le Club Méditerranée a vendu à M. Oldak un séjour au village de Cancun comprenant parmi les activités proposées la pratique du ski nautique sans l'avertir préalablement de la possible présence de crocodiles dans le lagon ;

qu'une telle omission constitue un manquement du professionnel du tourisme à son obligation d'information et ce indépendamment de la possible dangerosité qui est discutée de ces animaux s'agissant selon le Club Méditerranée d'un crocodile inoffensif, dès lors, et comme l'a justement souligné le tribunal, que la présence de crocodiles non contestée constitue une modalité d'exercice de l'activité de ski nautique ce que n'ignorait pas la société qui a proposé à M. Oldak de signer une décharge de responsabilité sur ce point ;

que cependant il n'est pas démontré par M. Oldak qu'une telle omission constitue une pratique commerciale déloyale au sens des articles L. 120-1 et L. 121-1 du Code de la consommation puisque ni l'altération substantielle du comportement économique du consommateur ni l'omission volontaire par le Club Méditerranée d'une information substantielle ne sont établies en l'espèce, M. Oldak qui au demeurant ne sollicite plus la nullité du contrat pour vice du consentement qu'à titre subsidiaire, n'ayant pas rapporté la preuve que la pratique du ski nautique ait été déterminante de son choix ni que le Club Méditerranée ait sciemment dissimulé cette information ;

Considérant que le dommage résultant pour M. Oldak et sa famille de la perte de chance de pratiquer le ski nautique dans les conditions souhaitées a été valablement réparé par l'octroi de la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts somme dont le quantum n'est plus discuté par ce dernier en cause d'appel ;

que les demandes de publication de la décision à intervenir et d'insertion dans la brochure commerciale du Club Méditerranée d'informations relatives à la présence de crocodiles dans le lagon qui n'ont pas pour objet ni pour résultat de réparer le préjudice subi par M. Oldak et entièrement indemnisé par l'allocation de dommages-intérêts à hauteur de la somme de 4 000 euros seront rejetées ;

Considérant que la société Club Méditerranée qui n'établit pas le caractère abusif de l'appel formé par M. Oldak sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que M. Oldak succombant en son appel principal et la société Club Méditerranée en son appel incident, les dépens d'appel seront partagés par moitié entre les deux parties ;

Par ces motifs : Statuant publiquement, par décision contradictoire : Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ; Fait masse des dépens d'appel qui seront partagés par moitié entre les deux parties et seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.