ADLC, 4 avril 2013, n° 13-DCC-44
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
Décision
Relative à la création d'une entreprise commune par les sociétés SNN et Recycling Invest
L'Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations le 27 novembre 2012 et déclaré complet le 27 février 2013 relatif à la création d'une entreprise commune entre les sociétés SNN et Recycling Invest, formalisée par une lettre d'intention en date du 8 avril 2010 et des statuts en date du 4 octobre 2010 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ;
Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l'opération
1. SNN est une filiale à 100 % de Sita France, elle-même filiale à 100 % de Suez Environnement dont le capital est détenu à hauteur de 35,41 % par GDF Suez. En vertu d'un pacte d'actionnaires conclu pour cinq ans avec les principaux actionnaires de Suez Environnement, GDF Suez exerce le contrôle de Suez Environnement. Sita France et ses filiales (ci-après " Sita France ") interviennent sur toute la chaine du recyclage des déchets : collecte, tri, traitement, valorisation matière ou énergétique, stockage, prestations d'assainissement et de maintenance industrielle, commercialisation des matières recyclées. Sita France gère en France 93 centres de tri/valorisation de déchets, 97 centres de stockages de déchets, 37 unités d'incinération, 62 plates-formes de compostage et 120 centres de transfert (ordures ménagères et déchets banals d'entreprise) répartis sur l'ensemble du territoire.
2. Recycling Invest est la holding du groupe Passenaud, groupe familial actif dans le domaine de la gestion des déchets. Le groupe dispose de huit sites d'exploitation situés en Pays de Loire, Normandie, Bretagne et dans le Centre. Ces sites sont des centres de récupération de déchets (déchets industriels banals déjà triés, ferrailles, déchets spécifiques) et trois d'entre eux ont une activité de traitement/recyclage de déchets.
3. L'opération notifiée consiste en la création de Valor Pole 72 par SNN et Recycling Invest formalisée par une lettre d'intention en date du 8 avril 2010 et des statuts en date du 4 octobre 2010. Valor Pole 72 est une société par actions simplifiée détenue à parité par SNN et Recycling Invest (1). Les activités de Valor Pole 72 consisteront principalement à exploiter une déchetterie industrielle ainsi qu'un centre de tri et de valorisation de déchets. A cette fin, des investissements importants ont été effectués, notamment (i) des investissements immobiliers consistant dans la déconstruction et la dépollution d'un site d'une surface de 13 hectares au Mans, la construction d'un bâtiment de 5 000 m2 et l'aménagement des constructions existantes et (ii) des investissements dans une technologie de pointe pour un tri mécanique optimisé. Valor Pole 72 a obtenu le 1er octobre 2012 l'autorisation d'exploiter au Mans ses installations de collecte, de tri, de traitement, de transit et stockage de déchets (2). De plus, il est prévu que les sociétés SNN et Recycling Invest transfèrent à Valor Pole 72 les marchés obtenus suite aux appels d'offres lancés par la collectivité du Mans Métropole et 8 autres collectivités et groupement de collectivités de la région (3).
4. Il ressort de ces éléments que Valor Pole 72 disposera de toutes les ressources nécessaires pour opérer de façon indépendante sur un marché. L'opération notifiée se traduit donc par la création d'une entreprise commune ayant vocation à accomplir de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome, et constitue à ce titre une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.
5. Les entreprises concernées ont réalisé ensemble un chiffre d'affaires hors taxes consolidé sur le plan mondial de plus de 150 millions d'euros (GDF Suez : 90,7 milliards d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2011 ; Recycling Invest : 89,8 millions d'euros pour l'exercice clos le 31 mai 2011). Chacune de ces entreprises a réalisé, en France, un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros au cours de l'année civile 2011 (4) (GDF Suez : 31,1 milliards d'euros pour l'exercice clos le 31 décembre 2011 ; Recycling Invest : 82,9 millions d'euros pour l'exercice clos le 31 mai 2011). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
6. Les parties sont simultanément présentes dans le secteur de la gestion des déchets qui regroupe les activités de collecte, de transport, d'élimination et de valorisation (valorisation énergétique et valorisation matière) des déchets.
7. La pratique décisionnelle, tant européenne que nationale, considère que le secteur de la gestion des déchets comprend deux étapes : la collecte et le traitement, le traitement consistant soit dans l'élimination du déchet, soit dans sa valorisation (5). La pratique décisionnelle a également distingué une activité spécifique de tri qui s'exerce, soit au niveau de la collecte, soit au niveau du traitement des déchets.
A. LES MARCHÉS DE LA COLLECTE DES DÉCHETS
1. MARCHÉS DE SERVICES
8. La pratique décisionnelle considère qu'il existe autant de marchés de services que de grands types de déchets : les déchets dangereux ou déchets industriels spéciaux, les déchets non dangereux ou déchets banals et les déchets spécifiques (6).
9. Les déchets dangereux sont des déchets contenant, en quantité variable, des éléments toxiques ou dangereux, de nature organique (solvants, hydrocarbures) ou minérale (acides, bains de traitement de surface, sables de fonderie, boues d'hydroxydes métalliques). En droit national, les déchets sont considérés comme dangereux s'ils présentent une ou plusieurs des propriétés énumérées à l'annexe I du décret du 18 avril 2002 relatif à la classification des déchets : explosifs, comburants, inflammables, irritants, nocifs, toxiques, cancérogènes, corrosifs, infectieux, toxiques pour la reproduction, mutagènes, écotoxiques. La pratique décisionnelle nationale et communautaire considère que la collecte de ces déchets est susceptible de former un marché distinct, dans la mesure où cette prestation doit être effectuée par des sociétés spécialisées, depuis leur lieu de production jusqu'à leur site d'élimination ou de valorisation. En effet, les déchets dangereux ne peuvent pas être déposés dans des installations de traitement ou de transit recevant d'autres catégories de déchets.
10. Les déchets non dangereux comprennent les déchets ménagers et assimilés (DMA) et les déchets banals d'entreprise (DBE). La pratique décisionnelle a considéré que la collecte de ces deux types de déchets constituait deux marchés de services distincts, dans la mesure où l'offre et la demande sont différentes pour ces deux activités : en matière de collecte des DMA, la demande est constituée par les collectivités qui ont décidé de déléguer la gestion du service alors que l'offre est constituée par les entreprises qui soumissionnent pour le prendre en charge ; en matière de collecte des DBE, la demande est constituée par les producteurs de déchets alors que l'offre est constituée par les entreprises et les collectivités qui sont en concurrence pour les collecter. De plus, les contraintes organisationnelles de la collecte des DBE, telles que les heures de passage ou la fréquence des tournées, sont souvent moins fortes que pour la collecte des DMA.
11. La pratique décisionnelle a de plus indiqué que la collecte des DBE comprend plusieurs types de collecte : collecte en mélange, collecte sélective, collecte mono-matériau (chutes de métal, de bois, plastiques). La question d'une possible sous-segmentation du marché de la collecte des DBE par types de collecte peut rester ouverte, dans la mesure où quelle que soit la délimitation retenue, les conclusions de l'analyse resteront inchangées.
12. Les déchets spécifiques sont des déchets qui font l'objet de réglementations spéciales tels que les D3E (7), les véhicules hors d'usage (" VHU "), ou l'amiante. La pratique décisionnelle nationale a envisagé l'existence d'un marché pertinent distinct pour chaque catégorie de déchet spécifique compte tenu des fortes différences de caractéristiques physiques de ces déchets.
2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
13. S'agissant du marché de la collecte de déchets dangereux, la pratique décisionnelle a retenu une dimension géographique nationale, dans la mesure où la collecte des déchets dangereux s'effectue souvent après une sélection, au niveau national, de prestataires par les entreprises détentrices de ces déchets.
14. S'agissant du marché de la collecte de DMA et de DBE, la pratique décisionnelle européenne retient une dimension géographique nationale compte tenu des procédures d'appel d'offres auxquelles recourent les collectivités locales ou les entreprises productrices de déchets. S'agissant du marché des DBE la pratique décisionnelle nationale considère qu'il peut revêtir une dimension infranationale correspondant aux zones de collecte qui incluent au minimum un département et les départements limitrophes car les PME peuvent être incitées à choisir un prestataire au niveau local.
15. S'agissant du marché de la collecte des déchets spécifiques et plus précisément de la collecte des D3E, la pratique décisionnelle nationale a considéré qu'une délimitation géographique plus fine que nationale ne pouvait être écarté et à procédé à une analyse au niveau départemental. La question de la délimitation précise des marchés géographiques de la collecte des D3E a cependant été laissée ouverte.
16. Il n'est pas nécessaire de remettre en cause ces délimitations à l'occasion de la présente opération.
B. LES MARCHÉS DU TRAITEMENT
17. La pratique décisionnelle considère que l'activité de traitement recouvre deux prestations distinctes, les déchets pouvant en effet être soit éliminés, soit valorisés. Le choix entre ces deux traitements dépend de la réglementation propre à chaque type de déchet ou, lorsqu'elle n'existe pas, des installations disponibles au regard de la valeur marchande du déchet. En effet, un déchet ne sera valorisé que si les conditions économiques de sa valorisation sont plus avantageuses que le coût total de son transport et de son élimination.
1. MARCHÉS DE SERVICES
18. Les déchets dangereux sont éliminés par regroupement, incinération (pour les déchets dangereux d'origine organique), détoxication (pour les déchets dangereux d'origine minérale), ou enfouissement. La pratique décisionnelle a considéré que chacun de ces modes d'élimination des déchets constituait un marché de service distinct.
19. Le traitement des déchets non dangereux consiste soit à les incinérer soit à les mettre en décharge (enfouissement). La pratique décisionnelle a envisagé l'existence de deux marchés distincts correspondant à la mise en décharge et à l'enfouissement. Elle a en revanche considéré qu'il n'était pas pertinent de segmenter le marché du traitement des déchets non-dangereux selon leur type (DMA/DBE). Elle a également envisagé l'existence d'un troisième marché pertinent concernant l'activité de tri de ces déchets. Enfin, elle a évoqué la possibilité que les déchets fermentescibles ménagers (déchets verts et autres déchets organiques), qui sont les seuls déchets à être admis dans les unités de compostage, constituent un marché de services distincts.
20. Le traitement des déchets spécifiques pourrait éventuellement, selon la pratique décisionnelle nationale, être segmenté en trois marchés distincts : le traitement des D3E, le traitement de l'amiante et le traitement des déchets d'activité de soin. Une sous-segmentation du marché du traitement des D3E en fonction de leurs caractéristiques physiques pourrait également être envisagée sans que cette question ait été tranchée.
21. La valorisation des déchets consiste dans le traitement des déchets dans le but de les revendre à des industries consommatrices de déchets recyclés (valorisation matière) ou de produire de l'énergie (valorisation énergétique). La pratique décisionnelle a segmenté ce marché en autant de marchés que de types de matières à valoriser : ferraille, verre, papiers-cartons, plastiques, bois, déchets de chantier, boues d'épuration.
22. Il n'y a pas lieu de remettre en cause ces délimitations à l'occasion de la présente opération.
2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
23. S'agissant des marchés du traitement des déchets dangereux, la pratique décisionnelle a considéré qu'ils revêtaient une dimension géographique nationale s'agissant de la détoxication, plutôt communautaire que nationale s'agissant de l'enfouissement et de l'incinération et nationale voire régionale s'agissant du regroupement.
24. S'agissant des marchés du traitement des déchets non dangereux, la pratique décisionnelle a considéré qu'ils revêtaient une dimension géographique régionale ou départementale. Elle a ainsi relevé que l'application du principe de proximité imposait l'enfouissement dans le département d'origine sous peine de taxes très élevées. Elle a également constaté l'existence de cadres juridiques différents selon les départements, notamment avec les plans départementaux d'élimination des déchets ménagers. Mais elle a aussi considéré qu'il était possible de retenir une délimitation géographique consistant en des zones de 200 km de rayon. La question de la délimitation géographique exacte de ce marché (le département ou l'aire d'un rayon de 200 kilomètres) a été laissée ouverte.
25. S'agissant des marchés du traitement des déchets spécifiques, la pratique décisionnelle a considéré s'agissant des D3E que la dimension géographique du marché correspondrait vraisemblablement à une aire d'un rayon compris entre 100 et 400 kilomètres environ autour des centres de traitement mais a laissé la délimitation géographique exacte du marché ouverte.
26. S'agissant des marchés de la valorisation des déchets, la pratique décisionnelle a considéré qu'ils revêtaient une dimension nationale. En effet, certains matériaux peuvent avoir une valeur économique suffisamment élevée pour que les coûts de transport, même importants, puissent être amortis. De plus, sur ces marchés, les opérateurs, de taille nationale, sont actifs sur l'ensemble du territoire : tant du côté de l'offre que de la demande, les conditions de concurrence peuvent être considérées comme homogènes en France.
III. Analyse concurrentielle
27. Les activités de Valor Pole 72 consisteront à (i) réceptionner les déchets qui lui seront apportés sur le site du Mans, (ii) procéder au tri des déchets banals (DBE et DMA), (iii) procéder aux démantèlements de déchets spécifiques (D3E), (iv) procéder à une valorisation des papiers/cartons, bois, plastiques en créant des matières premières secondaires (MPS) utilisables par l'industrie et (v) conditionner et transférer vers d'autres installations les déchets non valorisables ou qu'elle n'a pas la capacité de valoriser elle-même (DID, déchets métalliques, verre, déchets ultimes).
28. Valor Pole 72 sera en conséquence présente sur les six marchés suivants : (i) le marché du tri des déchets banals de dimension départementale, (ii) le marché de la collecte et du traitement des chutes de ferrailles dont la dimension correspond à une zone de 200 km autour du site du Mans (ou au département), (iii) le marché du traitement des D3E dont la dimension correspond au département de la Sarthe et à ses départements limitrophes (ou à une zone de 100 à 400 km autour du site), (iv) le marché de la valorisation des papiers-cartons de dimension nationale, (v) le marché de la valorisation des plastiques de dimension nationale et (vi) le marché de la valorisation du bois de dimension nationale.
29. La présente opération est susceptible d'entraîner trois types d'effets sur la concurrence : effets horizontaux, effets verticaux et risque de coordination entre les sociétés mères de l'entreprise commune.
A. ANALYSE DES EFFETS HORIZONTAUX
30. Valor Pole 72 et ses sociétés mères Sita France et Recycling Invest seront simultanément présentes sur le marché de la collecte et du traitement des chutes de ferraille, sur le marché de la valorisation des papiers-cartons et sur le marché de la valorisation des plastiques.
1. LE MARCHÉ DE LA COLLECTE ET DU TRAITEMENT DES CHUTES DE FERRAILLE
31. Valor Pole 72 collectera et traitera environ [...] tonnes de chutes de ferrailles dont [...] tonnes étaient collectées et traitées, préalablement à l'opération, par Sita France.
32. Les parties estiment la taille du marché de la collecte et du traitement des chutes de ferrailles en France à environ 17 millions de tonnes. Sita France et Recycling Invest ont collecté et traité en 2011 respectivement [...] de tonnes et [...] de tonnes de chutes de ferraille.
33. Sur la zone de 200 km autour du site du Mans, elles estiment que le volume total des chutes de ferraille collectées et traitées par l'ensemble des opérateurs présents de la zone est de 3-3,5 millions de tonnes. Sur ce marché local, Sita France a traité [...] de tonnes en 2011, ce qui représente une part de marché de [0-5] % et Recycling Invest a traité [...] de tonnes en 2011, ce qui représente une part de marché de [5-10] %. Avec un volume traité de [...] tonnes de chutes de ferraille, Valor Pole 72 détiendra de son côté une part de marché inférieure à [0-5] %. L'incrément de part de marché qu'apportera Valor Pole 72 à chacune de ses sociétés mères est donc marginal.
34. De nombreux concurrents seront actifs sur la zone de 200 km autour du site du Mans dont les plus importants sont Guy Dauphin Environnement, Le Feuvrier, Bruno Martin, Romi Recyclage et Delaire Recyclage.
2. LE MARCHÉ DE LA VALORISATION DES PAPIERS CARTONS
35. Valor Pole 72 traitera environ [...] tonnes de papiers cartons dont [...] tonnes étaient traitées, préalablement à l'opération, par Sita France.
36. Les parties estiment la taille du marché de la valorisation des papiers-cartons en France à environ 6,5 millions de tonnes. Sita France a traité [...] de tonnes en 2011, ce qui représente une part de marché de [10-20] % et Recycling Invest a traité [...] tonnes en 2011, ce qui représente une part de marché de [0-5] %. Avec un volume traité de [...] tonnes de papiers cartons, Valor Pole 72 détiendra de son côté une part de marché de [0-5] %. L'incrément de part de marché qu'apportera Valor Pole 72 à chacune de ses sociétés mères est donc marginal.
3. LE MARCHÉ DE LA VALORISATION DES PLASTIQUES
37. Valor Pole 72 traitera environ [...] tonnes de plastiques dont [...] tonnes étaient traitées, préalablement à l'opération, par Sita France.
38. Les parties estiment la taille du marché de la valorisation des plastiques en France à environ 400 000 tonnes. Sita France a traité [...] tonnes en 2011, ce qui représente une part de marché de [10-20] %. En excluant les contrats transférés à Valor Pole 72, les volumes traités par Sita France sont de [...] tonnes, soit une part de marché de [10-20] %. Recycling Invest a traité [...] tonnes de plastiques en 2011 ce qui représente une part de marché de [0-5] %. Avec un volume traité d'environ [...] tonnes de plastiques, Valor Pole 72 détiendra de son côté une part de marché de [0-5] %. L'incrément de part de marché qu'apportera Valor Pole 72 à chacune de ses sociétés mères est donc marginal.
39. Il résulte de ce qui précède que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets horizontaux.
B. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX
40. Une concentration verticale peut restreindre la concurrence en rendant plus difficile l'accès aux marchés sur lesquels la nouvelle entité sera active, voire en évinçant potentiellement les concurrents ou en les pénalisant par une augmentation de leurs coûts. Ce verrouillage peut viser les marchés aval, lorsque l'entreprise intégrée refuse de vendre un intrant à ses concurrents en aval ou les marchés amont lorsque la branche aval de l'entreprise intégrée refuse d'acheter les produits des fabricants actifs en amont et réduit ainsi leurs débouchés commerciaux. Cependant, la pratique décisionnelle des autorités de concurrence écarte en principe les risques de verrouillage lorsque la part de l'entreprise issue de l'opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %.
41. En l'espèce, Valor Pole 72 s'approvisionnera, d'une part, auprès de ses sociétés mères sur les marchés amont de la collecte des déchets, d'autre part, lui vendra des prestations sur certains marchés aval du traitement des déchets.
42. Sur les marchés amont de la collecte, les apports qu'effectueront Sita France et Recycling Invest à Valor Pole 72 seront limités en volume :
- concernant les DBE, les apports des sociétés mères seront les suivants : [...] tonnes par Recycling Invest et [...] tonnes par Sita France. Valor Pole 72 traitera [...] tonnes par an en vitesse de croisière. Les apports des sociétés mères représenteront donc environ [...] % des volumes de DBE traités ;
- concernant les DMA, les apports des sociétés mères seront les suivants : [...] tonnes par Sita France. Valor Pole 72 traitera [...] tonnes par an en vitesse de croisière. Les apports des sociétés mères représenteront donc environ [...] % des volumes de DMA traités.
43. Ces apports se feront au prix du marché. Le reste des apports proviendra des collectivités locales ou des artisans/commerçants déposant directement leurs déchets sur site.
44. Les parties soulignent que ces apports ne sont pas des intrants stratégiques pour les concurrents de Valor Pole 72 qui ont la possibilité de s'approvisionner en déchets par de nombreux biais.
45. De plus, les parts de marchés cumulées des parties sur les marchés amont de la collecte et aval du traitement des déchets sont limitées et en tout état de cause inférieures à 25 %, ce qui limite l'incitation ou la possibilité de Valor Pole 72 de verrouiller l'accès de ses concurrents aux intrants.
46. Sur les marchés aval du traitement des déchets, Valor Pole 72 approvisionnera ses sociétés mères pour des volumes peu significatifs :
- Valor Pole 72 fournira à Sita France [...] tonnes de plastiques et déchets industriels dangereux ou déchets ultimes ;
- Valor Pole 72 fournira à Recycling Invest [...] tonnes de déchets métalliques.
47. Ces approvisionnements s'effectueront au prix du marché. Compte tenu de l'activité de Sita France et Recycling Invest, ces volumes sont peu significatifs. Recycling Invest traite en effet un volume de [...] tonnes de déchets métalliques par an.
48. De plus, les parts de marchés cumulées des parties sur les marchés amont de la collecte et aval du traitement des déchets sont inférieures à 25 %, ce qui limite également l'incitation ou la possibilité de Valor Pole 72 de verrouiller les débouchés de ses concurrents sur les marchés aval du traitement des déchets.
49. Il résulte de ce qui précède que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets verticaux.
C. ANALYSE DU RISQUE DE COORDINATION ENTRE LES SOCIÉTÉS MÈRES
50. La création d'une entreprise commune est également susceptible d'inciter les maisons mères à coordonner leurs activités sur les marchés sur lesquels elles restent simultanément présentes. Un tel risque est probable lorsque les trois conditions cumulatives suivantes sont réunies : le risque de coordination doit avoir un lien de causalité direct avec la création de l'entreprise commune, la coordination doit être suffisamment vraisemblable et la coordination doit avoir un effet sensible sur la concurrence.
51. En l'espèce, les activités de Recycling Invest dans le domaine de la gestion des déchets sont limitées en termes de services et en termes de couverture du territoire (six départements) alors que Sita France intervient sur toute la chaine du recyclage, sur quasiment tous types de déchets et est présente sur l'ensemble du territoire national. Ces deux groupes ne sont donc symétriques ni en termes de taille, ni de couverture géographique ou de services qu'ils proposent. Une coordination entre elles apparaît donc peu vraisemblable.
52. De plus, l'activité de l'entreprise commune ne présente pas un caractère stratégique pour les marchés sur lesquels les sociétés mères sont présentes, compte tenu de son caractère limité en termes de types de produits, de couverture géographique, et de volumes traités. Le site du Mans ne représente ainsi pour Sita France qu'un nouveau site parmi les très nombreux sites que le groupe exploite en France et ne revêt pas un caractère essentiel : Sita France apportera à Valor Pole 72 des déchets qui étaient auparavant apportés à d'autres centres et qui pourraient continuer à être apportés à ces autres centres et récupérera de Valor Pole 72 des plastiques, DID et déchets ultimes dont les volumes sont non significatifs pour Sita France. Il en est de même pour Recycling Invest, qui récupérera notamment des déchets métalliques dont les volumes ne sont pas significatifs pour le groupe. Les activités de l'entreprise commune ne sont donc pas de nature à favoriser une coordination des comportements des maisons-mères.
53. En tout état de cause, comme cela est indiqué dans le tableau ci-dessous, les parts de marché cumulées de Recycling Invest et Sita France sur les marchés sur lesquels elles sont simultanément actives sont inférieures à 20 %.
Marchés / Dimension / Sita France % / Recycling Invest % / Cumul %
Marchés de la collecte
Collecte des DBE
Nationale / [5-10] % / [0-5] % / [5-10] %
Département et départements limitrophes / [10-20] % / [0-5] % / [10-20] %
Départementale / [5-10] % / [10-20] % / [10-20] %
Collecte et traitement des chutes de ferraille
Nationale / [5-10] % / [0-5] % / [10-20] %
Zone de 200 km autour du site / [0-5] % / [5-10] % / [10-20] %
Collecte des D3E
Nationale / [5-10] % / [0-5] % / [5-10] %
Régionale / [0-5] % / [0-5] % / [0-5] %
Départementale / [0-5] % / [5-10] % / [5-10] %
Marché du regroupement des déchets dangereux
Nationale / [5-10] % / [0-5] % / [5-10] %
Régionale / [5-10] % / [0-5] % / [5-10] %
Marchés du traitement
Valorisation des papiers cartons / Nationale / [10-20] % / [0-5] % / [10-20] %
Valorisation des plastiques / Nationale / [10-20] % / [0-5] % / [10-20] %
54. Compte tenu des éléments qui précèdent, l'opération ne risque de favoriser une coordination du comportement des sociétés-mères.
DECIDE
Article unique : L'opération notifiée sur le numéro 12-195 est autorisée.
Notes
1 Les statuts de Valor Pole 72 prévoient également une répartition égalitaire du pouvoir entre les deux associés. En effet, il est prévu que les fonctions de président et directeur général soient réparties entre les deux associés et exercées successivement par chacun d'entre eux. Il est également prévu que les décisions collectives soient prises à l'unanimité des associés.
2 Arrêté n°2012272-0003 du 1er octobre 2012 - Installation classée pour la protection de l'environnement. Société Valor Pole 72 - 17 avenue Pierre Piffault au Mans - Arrêté d'autorisation portant agrément pour la collecte et le transit des déchets d'emballages autres que ménagers.
3 Communautés de Communes Le Mans Métropole, Val de Sarthe, Portes du Maine, Champagne Conlinoise, Pays Malicornais, L'Antonnière, l'Oréede Bercé Belinois et du Sud Est du Pays Manceau. Ces marchés débutent entre le 1er juillet 2012 et l'année 2014. Ils porteront au total sur environ 12 000 tonnes de déchets la première année et 16 000 tonnes en rythme de croisière.
4 Id.
5 Voir notamment les décisions de la Commission européenne n° IV-M.295, Sita-RPC/SCORI, n°IV-M.916 Lyonnaise des Eaux, 5 juin 1997 et n° IV-M.1059 Suez Lyonnaise des Eaux / BFI, 19 décembre 1997 ; la décision n°C2007-168 / Lettre du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi du 23 janvier 2008, aux conseils de la société Veolia Propreté SA, relative à une concentration dans le secteur de la gestion et traitement des déchets ; la décision de l'Autorité de la concurrence n°10-DCC-114 du 10 septembre 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de la société ISS Environnement par la société Paprec France.
6 Id.
7 Les D3E sont des déchets issus des équipements fonctionnant grâce au courant électrique ou à un champ électromagnétique. La pratique décisionnelle a envisagé au sein du marché de la collecte des D3E une segmentation supplémentaire entre la collecte de D3E ménagers (principalement composés d'équipement électroménager, des équipements grand public hi-fi, vidéo, des équipements informatiques et de télécommunication, de l'outillage, des jouets et des lampes) et la collecte de D3E professionnels (tels que des vitrines froides des supermarchés, des fauteuils de dentiste, des caméras de plateaux de télévision, des distributeurs automatiques, du matériel médical, etc.).