CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 23 mai 2013, n° 12-01166
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Green Sofa Dunkerque (SAS), Vandycke (ès qual.), Delezenne (ès qual.), Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie
Défendeur :
Ikéa Supply AG (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mmes Pomonti, Michel-Amsellem
Avocats :
Mes Olivier, Berteaux, Fromantin, Dolfi
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
La société Green Sofa Dunkerque (la société GSD) a pour activité la fabrication de sièges et canapés.
Elle était, jusqu'en 2011 dénommée société Parisot Dunkerque et, jusqu'à la modification de son actionnariat intervenue au même moment, elle faisait partie du groupe de sociétés Parisot, l'un des leaders français de la fabrication de meubles. Ce groupe exploitait différentes unités de production, dont les sites de Dunkerque, dans le Nord et Berteaucourt dans la Somme.
La société Ikéa Supply AG (la société Isag ou la société Ikéa) est une société de droit suisse qui est regroupée avec d'autres au sein du groupe de sociétés Ikéa. Son activité est d'assurer l'approvisionnement des magasins du groupe de distribution Ikéa en meubles.
Les deux sociétés entretiennent des relations commerciales suivies depuis 1993, ce qui n'est pas contesté.
A partir de 1997, le site de Dunkerque de la société GSD a été entièrement dédié au client Ikéa en vue d'optimiser les coûts de structure. Le site de Berteaucourt continuait de son coté à produire les sièges et canapés pour les autres distributeurs de meubles. En 2007, ce dernier a été vendu par le groupe Parisot.
La société GSD fabriquait plusieurs familles de produits pour Ikéa, vendus sous les dénominations Tullsta, Hagalund, Karlstad et Ektorp. La famille de produits Ektorp représentait, à elle seule, plus de 50 % du chiffre d'affaires réalisé entre les parties.
En 2008, à la suite de problèmes de qualité, la société Ikéa a suspendu à deux reprises les commandes et livraisons de la qualité Ektorp (en avril 2008 pour 3 semaines et ensuite du 20 octobre au 22 décembre 2008).
Par courrier du 5 janvier 2009, la société Ikéa a lancé un appel d'offres auprès de ses fournisseurs actuels et potentiels afin de sélectionner les meilleurs offrants capables de produire la gamme des canapés et fauteuils. La société GSD a présenté des offres.
Dans le même temps, la société Ikéa a fait savoir à la société GSD que, compte tenu de la crise et de la baisse des ventes de canapés dans ses magasins, ses achats auprès d'elle allaient diminuer pour atteindre environ 13 millions d'euros pour la période du 1er septembre 2009 au 31 août 2010. Après différents échanges par lesquels M. Parisot a fait part des difficultés que cette baisse engendrerait pour le site de Dunkerque, un protocole d'accord a été conclu entre les parties, le 13 juillet 2009, au terme duquel la société Ikéa a versé à la société GSD une indemnité de 580 000 euros.
A l'issue de l'appel d'offres, la société GSD a été retenue pour des volumes inférieurs à ceux qu'elle escomptait et un chiffre d'affaires prévisionnel de 10 543 000 euros de commandes lui a été alloué.
Après différents échanges, la société Ikéa a consenti le 9 décembre 2009 à ne pas appliquer le résultat de l'appel d'offres immédiatement et à ce que la société GSD continue à la livrer aux mêmes conditions de prix et pour les mêmes volumes jusqu'à la fin du mois d'août 2010, date à laquelle elles reprendraient leurs négociations.
Par courrier du 31 mai 2010, M. Parisot s'est inquiété du manque de visibilité sur les montants de l'activité de l'usine pour la fin de l'année 2010 et de l'année 2011. A la suite d'une réunion tenue le 29 juin 2010, un accord a été conclu le 24 août 2010 prévoyant la fin de la collaboration entre les parties le 31 décembre 2012, moyennant un engagement d'approvisionnement en diminution progressive.
Par lettre du 20 mai 2011, la société GSD a fait part à la société Isag qu'elle constatait une baisse importante de sa marge sur coûts variables (4 % comparée à 16 % en moyenne sur les années précédentes) entrainant un résultat négatif évalué à 1 547 000 euros pour 2011 et lui a demandé une augmentation de ses prix de vente de 17 % avec effet rétroactif au 1er janvier 2011. Par courriel du 24 mai 2011, la société Isag a rejeté cette demande mais a indiqué demeurer ouverte pour discuter d'ajustements éventuels basés sur les coûts des matières premières et non sur les pertes générales de l'entreprise.
Par courrier du 9 juin 2011, M. Abitbol, désigné par le Président du Tribunal de commerce de Dunkerque, mandataire ad'hoc avec la mission d'assister la société GSD dans la conduite de négociations avec Ikéa, aux fins de parvenir à un accord commercial qui assurerait l'avenir de la société, a renouvelé cette demande en l'augmentant à 21,5 %. Il a reçu la même réponse de la part de la société Ikéa.
Parallèlement, par courrier du 17 août 2011, la société GSD a sollicité du pôle C de la direction régionale des entreprises de la concurrence, du travail et de l'emploi (la DIRRECTE) du Nord Pas-de-Calais, une enquête sur les agissements de la société Ikéa.
Le 6 septembre 2011, la société GSD a fait assigner la société Ikéa en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales, ainsi que pour lui avoir imposé un déséquilibre significatif dans leur relation commerciale. Le ministre chargé de l'Economie est intervenu à la procédure pour demander la condamnation de la société Ikéa, d'une part, pour rupture brutale de la relation commerciale établie avec la société GSD, d'autre part, pour lui avoir imposé un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, au paiement d'une amende civile de 100 000 euros
Par jugement en date du 12 janvier 2012, le Tribunal de commerce de Lille a :
- reçu l'intervention du ministre chargé de l'Economie,
- débouté la société GSD et M. le ministre de l'Economie de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
- condamné la société GSD et M. le ministre de l'Economie à verser chacun la somme de 7 500 à la société Isag sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
- condamné la société GSD aux entiers dépens.
Par jugement du 20 mars 2012, le Tribunal de commerce de Dunkerque a placé la société GSD en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire par jugement du 23 novembre 2012. Les organes de la procédure collective sont intervenus à l'instance.
Vu l'appel interjeté le 19 janvier 2012 par la société GSD contre cette décision.
Vu les dernières conclusions signifiées le 21 janvier 2013 par la société GSD par lesquelles il est demandé à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le Tribunal de commerce de Lille le 12 janvier 2012,
- condamner la société Isag à verser à Maître Delezenne, mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société GSD, la somme de 8 798 000 à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce pour rupture brutale et partielle par la société Isag de sa relation commerciale établie avec la société GSD,
- condamner la société Isag à verser à Maître Delezenne, mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société GSD, la somme de 3 465 000 à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce du fait du déséquilibre significatif imposé par la société Isag à la société GSD au sens de ce texte,
- débouter la société Isag de toutes ses prétentions, fins et conclusions,
- condamner la société Isag à verser à Maître Delezenne, mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société GSD, la somme de 50 000 au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société GSD soutient que la société Ikéa a commis une faute en rompant brutalement leur relation commerciale établie depuis 1993. Elle expose que la rupture brutale s'est manifestée par plusieurs comportements de la société Ikéa, principalement la chute brutale des commandes au début de l'année 2009 qui a continué au premier semestre 2010 et perduré jusqu'en 2011, le protocole d'accord du 13 juillet 2009 qui tend à ramener le volume d'approvisionnement à un volume très inférieur aux années précédentes, les résultats de l'appel d'offres puis la renonciation par la société Ikéa à s'en prévaloir.
Elle fait valoir que la baisse de volume des commandes constitue une véritable rupture partielle qui a été mise en œuvre pendant le délai de préavis accordé. Elle soutient à ce sujet qu'aucun accord de désengagement progressif n'a été conclu entre les parties et que la procédure d'appel d'offres en elle-même, ainsi que l'accord du 13 juillet 2009, ne peuvent valablement être considérés comme des accords emportant désengagement progressif. Enfin, elle estime que jusqu'à la signature de l'accord du 24 août 2010, marquant finalement la volonté de la société Ikéa de ne plus poursuivre leurs relations, celle-ci a adopté une attitude équivoque sur ses intentions de rupture.
Elle oppose que les causes invoquées par la société Ikéa pour justifier la baisse des commandes sont fallacieuses et soutient, notamment, que les problèmes de qualité sont survenus antérieurement à la chute des volumes et n'ont concerné qu'une faible part du chiffre d'affaires. Elle ajoute que la crise économique n'a eu qu'un faible impact sur les ventes de canapés et de fauteuils en France et qu'en réalité, la baisse des volumes de commande est la contrepartie d'un transfert de production au profit d'entreprises "low cost" et notamment d'un concurrent portugais.
La société GSD soutient que si sa dépendance économique n'est pas le fait de la société Ikéa mais résulte d'une volonté commune des deux parties, elle est néanmoins une cause aggravante de responsabilité.
Enfin, elle expose que depuis le mois de janvier 2011, elle subit une baisse fulgurante de sa marge sur coûts variables et que cette baisse est directement imputable à l'augmentation du prix des matières premières, ainsi qu'aux coûts de fabrication du nouveau modèle de canapés Ektorp qui ne sont pas répercutés sur le prix de vente des produits. Selon elle, le phénomène s'est aggravé par la réduction des volumes imposés par la société Ikéa qui ne lui permet plus de couvrir ses coûts fixes.
Vu les dernières conclusions signifiées le 12 février 2013 par la société Ikéa par lesquelles il est demandé à la cour de :
- confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Lille du 12 janvier 2012 en toutes ses dispositions,
- condamner toute partie défaillante à verser à la société Isag la somme de 15 000 chacun sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'appel.
La société Ikéa soutient que les baisses des volumes observées ne sont pas constitutives d'une rupture partielle brutale. Elle explique que les diminutions des exercices 2008/2009 et 2009/2010 sont des répercussions de la crise économique, ainsi que des importants problèmes de qualité. Elle précise que les baisses des exercices 2010/2011 et 2011/2012 sont des baisses progressives concertées et que l'appel d'offres n'a eu aucune conséquence sur les exercices 2008/2009 et 2009/2010. Selon elle, les relations commerciales n'ont pas été affectées par l'appel d'offres jusqu'au mois d'août 2010 et la seule concomitance des diminutions de volumes observées avec le lancement de l'appel à concurrence ne suffit pas à rapporter la preuve de la mise en œuvre d'un désengagement.
Elle fait encore valoir que le lancement de l'appel d'offres de 2009 vaut notification d'un préavis de rupture totale des relations qui a abouti, le 31 décembre 2012, à l'arrêt total de la relation commerciale. Enfin, elle ajoute que la dépendance économique de la société GSD à son égard ne lui est pas imputable mais résulte entièrement de décisions prises soit par la société elle-même, soit par le groupe Parisot.
S'agissant du déséquilibre significatif, elle rappelle que les juridictions n'ont pas compétence pour contrôler les prix fixés dans un contrat et que, par conséquent, les demandes de la société GSD et du ministre de l'Economie qui tendent à une révision judiciaire du prix sont mal fondées. Elle ajoute que la société GSD a librement négocié les prix des modèles Ektorp et que celle-ci n'explicite nullement les augmentations de matières premières dont elle s'est prévalue.
Vu les dernières conclusions signifiées le 11 décembre 2012 par le ministre de l'Economie et des Finances par lesquelles il est demandé à la cour de:
- infirmer le jugement prononcé par le Tribunal de commerce de Lille le 12 janvier 2012,
- constater la recevabilité des conclusions déposées et des demandes formulées par le ministre,
- constater que la rupture brutale des relations commerciales mise en œuvre par la société Isag vis-à-vis de la société GSD est fautive au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce,
- dire et juger que le fait d'imposer à la société GSD les conditions commerciales qu'elle proposait dans le cadre de l'appel d'offres initié en 2009 sur les fauteuils et canapés "Ektorp NNN", alors que de telles conditions commerciales ne sont plus en phase avec la situation économique et financière de la société GSD, constitue un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au détriment de cette-dernière,
- dire et juger que les pratiques susvisées constituent un trouble à l'ordre public économique,
- prononcer une amende civile d'un montant de 100 000 .
Le ministre chargé de l'Economie soutient que la société Ikéa a violé les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, car les conditions dans lesquelles le préavis a été mis en œuvre concrètement ne pouvaient pas permettre à la société GSD de pallier la perte de son unique client. Il précise qu'il est manifeste que le préavis accordé par la société Ikéa n'a pas été exécuté dans les mêmes conditions que celles qui existaient antérieurement à l'annonce de la rupture et que, par conséquent, la société GSD n'a pas bénéficié d'un préavis d'une durée de 48 mois, ni d'un préavis conforme à ce que le législateur a prévu en édictant les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce.
Par ailleurs, le ministre fait valoir qu'un déséquilibre significatif entre les parties est établi puisque, la société Ikéa a imposé à la société GSD de prendre pour base de prix ceux qu'elle avait énoncés en 2009 dans sa réponse à l'appel d'offres sans prendre ensuite en considération l'évolution du coût des matières premières et les modifications de la situation de la société GSD qui ne lui permettaient plus de couvrir ses coûts fixes. Il souligne à ce sujet que la société Ikéa a exploité la situation de dépendance économique de la société GSD dans les négociations sur les prix et illustre cette affirmation en indiquant que la société GSD a dû supporter l'augmentation de l'emballage des produits dont la modification lui été imposée par la société Ikéa et qu'elle a dû la financer sous la forme d'une avance à sa cliente. Le ministre de l'Economie indique encore que s'il y a eu une négociation sur le prix de vente de trois références du modèle Ektorp, la société Ikéa a demandé à la société GSD de prendre comme base de référence les prix déposés lors de l'appel d'offres, soit un an plus tôt, et de façon totalement déconnectée du nouveau contexte dans lequel cette société devait évoluer, ce qui a nécessairement introduit un déséquilibre significatif au détriment de la société GSD.
Au regard de ces éléments, le ministre de l'Economie soutient que le non-respect par la société Ikéa des dispositions de l'article L. 442-6, I, 2° et 5° du Code de commerce a eu pour effet de déstabiliser la société GSD ce qui a eu nécessairement des conséquences sur son activité et sa restructuration sociale, causant ainsi un trouble à l'ordre public économique.
LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Sur l'existence d'une rupture brutale
La société GSD indique dans ses conclusions qu'elle ne conteste pas le droit de la société Ikéa de rompre leur relation commerciale, ni que l'appel d'offres puisse être le point de départ du délai de préavis, ni même la durée de ce préavis, mais le fait que la société Ikéa ait diminué les commandes de façon importante pendant cette période, ce qui revient à lui avoir imposé une rupture brutale l'empêchant de disposer des moyens de se reconvertir. Ce reproche est aussi formulé par le ministre de l'Economie.
À l'appui de sa demande, elle fait valoir que les commandes de la société Ikéa ont été de 21,4 millions d'euros pour la période expirant au 31 août 2008, de 16,7 millions d'euros pour la période expirant au 31 août 2009 et de 13,5 millions d'euros pour la période expirant au 31 août 2010.
Il convient à ce stade de préciser que les années fiscales de la société Ikéa commencent le 1er septembre et s'achèvent le 31 août de chaque année. C'est donc sur cette base que sont présentés les éléments chiffrés du présent litige, l'acronyme FY signifiant "fiscal year" soit "année fiscale".
Si un partenaire économique peut rompre une relation commerciale établie en respectant un délai de préavis raisonnable fixé au regard de la durée de la relation commerciale et des usages de la profession, les échanges pendant la durée du préavis doivent demeurer équivalents à ce qu'ils ont été avant qu'il ne commence, afin que l'entreprise qui subit la rupture puisse avoir les moyens d'envisager sa restructuration ou chercher d'autres partenaires. Sans exiger que les relations commerciales se poursuivent de façon totalement identique en termes de volume, l'auteur de la rupture doit donc, sauf circonstances particulières qui lui soient extérieures, assurer la réalité du préavis en poursuivant ses commandes en volume équivalent.
En l'espèce, l'historique des volumes confiés par la société Ikéa à la société GSD ont été les suivants :
FY 2006 / 01 septembre 2005 au 31 août 2006 / 22,2 M
FY 2007 / 01 septembre 2006 au 31 août 2007 / 24 M
FY 2008 / 01 septembre 2007 au 31 août 2008 / 21,5 M
FY 2009 / 01 septembre 2008 au 31 août 2009 / 16 704 165 (- 22,2 %)
FY 2010 / 01 septembre 2009 au 31 août 2010 / 13 582 785 (- 18,7 %)
FY 2011 / 01 septembre 2010 au 31 août 2011 / 10 476 073 (- 22,9 %)
La société Ikéa justifie la baisse des volumes de l'exercice 2008/2009 (FY 2009) par la crise économique et d'importants problèmes de qualité.
S'agissant de la baisse des volumes de ventes de canapés et de sièges due à la crise, qui, selon elle, se serait répétée en 2009/2010, elle n'apporte toutefois aucune preuve de son affirmation en dehors d'un courriel d'une personne appartenant à l'entreprise qui ne précise pas que les pourcentages mentionnés concerneraient les sièges et canapés et d'un tableau, établi par elle-même, qui n'apporte non plus aucun renseignement fiable. Sur ce point, l'article produit par la société GSD indiquant qu'au premier semestre 2009 les "canapés fauteuils, tables et armoires sont (...) dans le rouge" n'apporte aucun renseignement chiffré ni de façon générale, ni sur la situation de la société Ikéa. En outre, celle-ci ne conteste pas que son chiffre d'affaires global en France ait progressé pendant cette période de 7 % et qu'elle prévoyait de progresser encore en 2009/2010, alors même que le marché de l'ameublement devait, dans son ensemble, reculer de 5 %, ainsi que l'annonçait le site l'Expansion.com le 24 septembre 2009. En tout état de cause, quand bien même la crise économique aurait-elle pu avoir pour conséquence d'amoindrir les ventes de canapés et de fauteuils, ce qui n'est pas démontré en l'espèce, elle ne saurait justifier les baisses de volumes de 22,2 % et de 18,7 % entre 2008 et 2010, la société Ikéa reconnaissant elle-même, mais toujours sans le démontrer, qu'elle aurait diminué ses commandes de 6,5 % auprès de l'ensemble de ses fournisseurs européens.
Pour ce qui concerne les problèmes de qualité, il ressort des pièces du dossier que s'ils ont été réels et ne sont d'ailleurs pas contestés par la société GSD, ils ont concerné un seul produit, pendant une période limitée en 2008 et après avoir été résolus, ne se sont pas renouvelés. Par ailleurs, la société Ikéa ne conteste pas qu'ils ont concerné 1,15 % du chiffre d'affaires réalisé par la société GSD avec elle. Dès lors, ces problèmes ne sauraient justifier à eux seuls, ni même cumulés avec les effets de la crise économique, la baisse de volume de 22,2 % de l'année fiscale 2008/2009.
La société Ikéa explique la baisse des volumes de l'exercice 2009/2010 (FY 2009) par les mêmes raisons que celles précédemment évoquées et par les accords qui ont été passés entre elle et la société GSD les 13 juillet 2009 et 24 août 2010.
Le premier de ces accords énonce que "(...) les volumes actuels de vente et d'achat sont inférieurs [aux] volumes initialement prévus" et que "Afin de remédier aux coûts supplémentaires engendrés pour Parisot du fait que les volumes de vente et d'achat ont été inférieurs à ce qui était prévu (1), Ikéa Supply AG s'engage comme acte de bonne volonté, à payer une somme forfaitaire de 580 000 euros dans le délai de trente jours à compter de la réception de la facture dudit montant. Les parties se déclarent totalement satisfaites du présent accord transactionnel, aucune des parties n'a, concernant des volumes d'achat et de vente, plus aucune réclamation à formuler à l'encontre de l'autre partie, et il est entendu que le paiement n'inclut aucune indemnisation pour d'éventuels problèmes futurs". La mention "(1)" renvoie à une note de bas de page manuscrite selon laquelle "pour précision : "les (...) volumes d'achat de vente ont été inférieurs à ce qui était prévu ..." et le remède convenu se rapportent à la période s'achevant le 31 août 2010". Il résulte clairement de ces termes et sans qu'importent les termes des courriers précédents de M. Parisot, dirigeant de la société GSD, que le versement de la somme de 580 000 euros correspond à une indemnisation de la société GSD pour la perte que devait représenter pour elle la diminution des commandes pour la période du 1er septembre 2009 au 31 août 2010. Dès lors, cet accord ne constitue nullement une approbation de cette société d'une diminution progressive des commandes et ne peut être invoquée comme signifiant une acceptation d'un désengagement progressif des commandes de la société Ikéa.
Le second accord daté du 24 août 2010 énonce :
"Le vendeur et Ikéa ont accepté que le contrat d'approvisionnement n° 00801538 soit résilié avec effet au 31 décembre 2012 (...), date à laquelle les deux parties seront libérées de toutes obligations au titre du contrat d'approvisionnement. Le vendeur reconnaît qu'il a été informé par Ikéa que la relation passée entre les parties s'achèvera à compter du 31 décembre 2012 et le vendeur considère qu'une telle information lui a été suffisamment communiquée à l'avance.
1.2 L'objet de cet accord est d'organiser la relation entre Ikéa et le vendeur au cours de la période allant du 1er septembre 2010 au 31 décembre 2012.
(...)
2.1 Ikéa accepte de s'approvisionner auprès du vendeur (...) selon une valeur contractuelle telle que définie dans le contrat d'approvisionnement ou au moins jusqu'à un montant et durant les périodes visées ci-dessous (...)
Année / Montant convenu
FY 2011 [1.09.10 au 31.09.11] / 11 million
FY 2012 [1.09.11 au 31.09.12] / 9 million
FY 2013 : from Sept.1, 2012 to Dec. 31 2012 / 4,5 million (...)".
L'accord se termine par la mention suivante "5.2 (...) Le vendeur déclare être pleinement rempli dans tous ses droits relativement au contrat d'approvisionnement n° 00801538. En conséquence, le vendeur renonce irrévocablement à toute réclamation, droit ou action quel qu'en soit leur nature ou les motifs qui serait la conséquence de la résiliation du contrat d'approvisionnement et plus généralement de la résiliation de la relation commerciale avec Ikéa (...)".
Si cette convention concrétise bien un accord passé entre les sociétés Ikéa et GDS pour un dénouement progressif de la relation commerciale existant entre elles, elle ne saurait néanmoins empêcher le contrôle juridictionnel du respect de la réalité du préavis au travers des volumes d'échanges pendant sa durée. Raisonner autrement reviendrait, en effet, à accepter des dérogations conventionnelles à l'article L. 442-6, I, 5°, ce qui n'est pas possible s'agissant d'une disposition d'ordre public économique.
On observera que pour les exercices 2011 et 2012, soit du 1er septembre 2010 au 31 septembre 2012, le montant des commandes aura été de 20 millions d'euros (1 millions + 9 millions), soit en moyenne 10 millions par an, ce qui, rapporté au total des commandes pour l'exercice 2008 de 21,5 millions, représente une baisse de plus de la moitié en deux ans. Si l'on reprend les données communiquées par la société Ikéa au ministre de l'Economie et reprises dans le tableau figurant en page 18 de ses conclusions, la baisse aura été dans les faits de 22 % de 2009 par rapport à 2008 puis encore de 37,3 % pour les années fiscales de 2010 à 2011. Cette baisse s'élève à plus de 43 % si on la calcule au regard des années civiles 2010 et 2011. Par conséquent, la société Ikéa ne saurait soutenir que la baisse des volumes n'a été ni significative ni brutale. Elle ne saurait non plus tirer une quelconque démonstration de ce que la société GSD a refusé de prendre en charge la fabrication d'une commande supplémentaire en mai 2012, puisque depuis 2009 celle-ci se trouvait dans l'obligation de réduire ses capacités de production. Par ailleurs, la société Ikéa était le seul client de la société GSD, laquelle se trouvait donc dans une situation d'indéniable dépendance vis-à-vis d'elle et n'avait aucun moyen de discuter réellement la baisse des volumes qui lui était imposée par sa partenaire, sans qu'importe à ce stade, la question de connaître la part de responsabilité de chacune dans cette situation. Dans ces circonstances, l'accord du 24 août 2010 intervenu entre elles ne peut constituer un désengagement progressif pour permettre à la société GSD de se reconvertir et qui serait la mise en œuvre d'un préavis conforme à ce que le législateur a prévu en instaurant l'article L. 442-6, I, 5°).
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que la société Ikéa qui a diminué de façon importante les volumes de commandes auprès de la société GSD durant la durée de préavis qui s'est écoulé entre le 5 janvier 2009 et le 31 décembre 2012 est responsable d'une rupture brutale des relations commerciales, dont elle doit réparation.
Sur le préjudice
La question de savoir si la société GSD se trouvait ou non en situation de dépendance économique vis-à-vis de la société Ikéa, qui est un élément d'appréciation de l'étendue de son préjudice, doit donc être tranchée préalablement à l'évaluation de ce dernier. On rappellera que cette situation se définit par l'impossibilité, pour une entreprise, de disposer d'une solution techniquement et économiquement équivalente aux relations contractuelles qu'elle a nouées avec un partenaire. Néanmoins, encore faut-il que la situation de dépendance ne procède pas d'un choix délibéré de la société qui invoque cette position. Or, ainsi que l'a relevé le tribunal, la décision de consacrer entièrement l'activité de la société GSD à la production de meubles pour la seule clientèle de la société Ikéa a été prise à l'intérieur du groupe de sociétés Parisot et il n'est pas établi que la société Ikéa ait formulé une quelconque demande à ce sujet, ni même qu'il ait été indispensable pour la société GSD de procéder de cette façon. Dès lors, les conséquences de cette situation sur le préjudice causé par la rupture brutale ne sauraient peser à charge sur la société Ikéa et la société GSD ne saurait invoquer la situation de dépendance de fait dans laquelle elle se trouvait comme élément d'appréciation de son préjudice.
Si l'on considère que le 5 janvier 2009, date d'envoi de l'invitation à se porter candidat à l'appel d'offres organisé par la société Ikéa, constitue le point de départ du préavis, ce qu'ainsi qu'il a été relevé précédemment, la société GSD ne conteste pas, les relations entre les parties ont duré 17 ans.
Compte tenu de cette durée de relation, du secteur concerné et des difficultés rencontrées dans ce secteur de façon générale, ainsi qu'il a été mentionné ci-dessus, le préavis aurait dû être d'une durée de 15 mois. De plus, la relation commerciale portant sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée de préavis doit être doublée en application des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5°). Il s'ensuit que la société Ikéa devait respecter un préavis de 30 mois envers la société GSD, c'est-à-dire que le préavis aurait dû se dérouler entre le 5 janvier 2009 et le 5 juillet 2011.
Si le 5 janvier 2009, date d'envoi de l'appel à candidatures, constitue le point de départ du préavis, il résulte de l'accord du 24 août 2010 que les relations des parties devaient s'achever le 31 décembre 2012. Dès lors, le préavis a, dans les faits, duré 48 mois. Cependant, la société Ikéa n'a pas exécuté ce préavis dans des conditions équivalentes de volume d'affaires et elle doit indemniser la société GSD de la perte de marge brute que ses manquements à ses obligations sur ce point ont causé entre le 5 janvier 2009 et le 5 juillet 2011, date d'échéance du préavis fixé par la cour.
Il résulte des pièces comptables produites par la société GSD et non du rapport Eight Adisory, dont la société Ikéa critique la validité des données, que la marge brute réalisée par la société GSD en 2007 et 2008, années ayant précédé la rupture, a été de 3 234 K et de 4 315 K (pce 49). La marge brute moyenne a donc été, sur la base de ces années, de 3 774 K (7 549 / 2). Les pièces comptables démontrent encore que la société GSD a réalisé une marge brute de 323 K en 2011 (pce 82), 1 856 K en 2010 et 2 607 K en 2009 (pce 53), soit un total de 4 624 K sur deux ans et demi alors que si le préavis s'était réalisé aux mêmes conditions pendant ces trois années, elle aurait réalisé 9 557,5 K (3 823 X 2,5). Son préjudice s'établit donc à la différence de ce qu'elle a réalisé par rapport à ce qu'elle aurait dû réaliser soit 4 933,5 K (9 557,5 - 4 624).
Le jugement doit donc être infirmé et la société Ikéa sera condamnée à payer à la société GSD la somme de 4 933 500 euros.
Sur le déséquilibre significatif des relations des parties
Selon l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties". Cette notion de déséquilibre significatif, inspirée du droit de la consommation, conduit à sanctionner par la responsabilité de son auteur, le fait pour un opérateur économique d'imposer à un partenaire des conditions commerciales telles que celui-ci ne reçoit qu'une contrepartie dont la valeur est disproportionnée de manière importante à ce qu'il donne. Si, ainsi que le soutient la société Ikéa, il n'appartient pas aux juridictions de fixer les prix qui sont libres et relèvent de la négociation contractuelle, celles-ci doivent néanmoins, compte tenu des termes de ce texte, examiner si les prix fixés entre des parties contractantes créent, ou ont créé, un déséquilibre entre elles et si ce déséquilibre est d'une importance suffisante pour être qualifié de significatif.
Le ministre de l'Economie soutient que le fait pour la société Ikéa d'avoir, en 2010, conduit les négociations avec la société GSD sur les prix de trois nouveaux modèles de canapés Ektorp, fixés dans un document intitulé "purchase agreements", en prenant pour base les prix déposés dans le cadre de l'appel d'offres de 2009 a créé entre elles un déséquilibre significatif. Il fait valoir que les coûts de revient à l'unité ne pouvaient en 2011 qu'augmenter, compte tenu de ce que les volumes d'achat avaient diminué et que les capacités de production n'étaient pas encore adaptées à cette nouvelle situation. Il n'est pas contesté par la société Ikéa que le "purchase agreements" conclu le 24 septembre 2010 a été négocié entre les parties sur la base des prix proposés par la société GSD en réponse à l'appel d'offres de 2009 et qui avaient été évalués par elle en septembre 2009, soit un an plus tôt.
Cependant, la société Ikéa a expliqué dans une lettre adressée le 29 septembre 2011 aux services de la direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi, que lorsque la société GSD a fixé les prix pour répondre à l'appel d'offres, elle savait déjà que les volumes commandés seraient en baisse par rapport à ceux des années précédentes. Elle a encore précisé que les prix ont aussi été négociés par rapport au montant total des volumes prévus et des prix que la société GSD avait fixés dans sa "quotation RQ2" en réponse à l'appel d'offres pour des volumes plus faibles. Il résulte d'ailleurs du tableau figurant dans les conclusions du ministre d'une part, que c'est bien l'offre de prix dans l'hypothèse d'une commande réduite qui a été prise en compte, d'autre part, que pour deux modèles sur trois, ces montants ont été augmentés pour déterminer le prix final. Si pour l'un des modèles, le prix a été fixé en baisse, celle-ci ne représente que 1,9 %. Le ministre oppose à cet égard que les prix ainsi fixés dans l'offre de la société GSD ne l'étaient qu'à la condition qu'elle obtienne la fourniture de la totalité du marché Ouest et Grande Bretagne, mais n'apporte aucun élément permettant d'étayer cette affirmation, au demeurant non reprise par la société GSD. Il ressort de l'ensemble de ces explications apportées par la société Ikéa, qui ne sont contestées de manière opérante ni par la société GSD, ni par le ministre de l'Economie, que les négociations sur les prix se sont déroulées sur la base de ce qui avait été proposé par la société GSD dans la fourchette prenant en compte la baisse des volumes commandés et que ceux-ci ont fait l'objet d'une fixation en hausse, à l'exception d'un modèle. Ces conditions de prix, qui ne sont pas particulièrement favorables à la société GSD, ne peuvent toutefois être considérées comme introduisant un déséquilibre significatif dans les relations des parties.
S'agissant du coût des matières premières, il ressort des termes d'une réunion entre les parties du 10 juillet 2012, dont le procès-verbal est signé par M. Parisot dirigeant de la société GSD, que ce dernier a admis que ses fournisseurs n'étaient pas les plus performants en termes de prix. De plus, si, à plusieurs reprises, la société GSD a demandé à la société Ikéa de modifier les prix d'achat en raison de l'augmentation du coût des matières premières, il ne résulte d'aucun élément du dossier qu'elle ait, à un quelconque moment, démontré son affirmation auprès de la société Ikéa, autrement qu'en invoquant l'augmentation de ses coûts fixes et variables au regard de son propre bilan, affirmation reprise par le ministre mais sans être davantage démontrée. Il convient à ce sujet de relever que le rapport d'audit produit par la société GSD qui indique n'avoir pris en compte que des informations financières et de gestion transmises par la société GSD, ne peut être retenu comme démontrant la mesure de l'augmentation du coût des matières premières.
Concernant, enfin, l'augmentation du prix des produits Ektorp en raison de la modification des emballages imposée par la société Ikéa, il ne peut être reproché à celle-ci d'avoir proposé à la société GSD d'autres fournisseurs de carton moins chers que ceux qui étaient les siens et d'avoir accepté une augmentation à la seule mesure des prix proposés par ces fournisseurs. Quant au fait que la société Ikéa ait, dans les premiers temps de mise en œuvre de changement d'emballage, fait supporter le surcoût à la société GSD en ne le compensant qu'ultérieurement par le biais d'une augmentation étalée dans le temps, il ne peut révéler à lui seul l'imposition d'un déséquilibre significatif.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il n'est pas démontré en l'espèce que la société Ikéa se serait rendue responsable d'avoir imposé un déséquilibre significatif à la société GDS et que le jugement doit être confirmé sur ce point.
Sur la demande de condamnation de la société Ikéa au paiement d'une amende civile
En application de l'article L. 442-6, III du Code de commerce, le ministre de l'Economie peut demander, dans le cas de la mise en œuvre d'un comportement prohibé par le I du même texte, que l'auteur soit condamné au paiement d'une amende civile.
Le ministre demande, en l'espèce, la condamnation de la société Ikéa au paiement d'une amende de 100 000 euros qui, selon ses termes, prend en considération la gravité des pratiques, le trouble occasionné à l'ordre public économique, et les conséquences des comportements reprochés à la société Ikéa sur l'activité de la société GSD. Il convient sur ce point de relever que la rupture des relations commerciales par la société Ikéa s'est déroulée dans des conditions particulièrement confuses pour la société GSD, dans la mesure où sa cliente a adopté, jusqu'en août 2010, date à laquelle l'accord de désengagement a été conclu, une attitude ambigüe ne permettant pas à son fournisseur de s'adapter à la situation qui allait entraîner ultimement sa mise en liquidation judiciaire.
Le contexte de crise financière dans une région particulièrement touchée dans lequel la rupture s'est déroulée a causé indéniablement un trouble à l'ordre public économique. Il convient, dans ces conditions, de prononcer une amende civile à l'encontre de la société Ikéa et de la fixer à 50 000 euros.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Dans la mesure où la demande fondée sur la rupture brutale, formée par la société GSD et à l'appui de laquelle est intervenu le ministre de l'Economie est accueillie par la cour, il est justifié de réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société GSD et le ministre de l'Economie à verser, chacun, à la société Ikéa la somme de 7 500 euros. Au même titre, les éléments du litige conduisent à condamner la société Ikéa à payer à la société GSD la somme de 25 000 euros. La société Ikéa devra donc restituer les sommes qui lui auront éventuellement été versées de ce chef par la société GSD et par le ministre de l'Economie.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement rendu entre les parties par le Tribunal de commerce de Lille, le 12 janvier 2012, en ce qu'il a débouté la société Green Sofa Dunkerque et le ministre de l'Economie de leurs demandes fondées sur l'article L. 442-6,I, 5°) du Code de commerce, en ce qu'il les a condamnés à verser à la société Ikéa Supply AG, chacun, la somme de 7 500 euros et en ce qu'il a condamné la société Green Sofa Dunkerque aux dépens de l'instance ; Statuant à nouveau, Dit que la société Ikéa Supply AG a rompu de manière brutale ses relations commerciales avec la société Green Sofa Dunkerque ; Dit que la durée du préavis qui aurait dû être de 15 mois doit être doublée en application des dispositions de l'article L. 442-6, I, 5°) puisque la relation commerciale portait sur la fabrication de produits de marque de distributeur ; Condamne la société Ikéa Supply AG à payer à Maître Delezenne, en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Green Sofa Dunkerque la somme de 4 933 500 euros, outre intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt ; Condamne la société Ikéa Supply AG au paiement d'une amende civile de 50 000 euros, Rejette les autres demandes plus amples ou contraires des parties ; Condamne la société Ikéa Supply AG à payer à Maître Delezenne, ès qualités, la somme de 25 000 euros ; Condamne la société Ikéa Supply AG aux dépens de première instance et d'appel.