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Décisions

ADLC, 10 mai 2013, n° 13-DCC-57

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif par la société Franprix Leader Price Holding (groupe Casino) de la société NFL Distribution SAS

ADLC n° 13-DCC-57

10 mai 2013

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 12 mars 2013, relatif à la prise de contrôle exclusif par la société Franprix Leader Price Holding (groupe Casino) de la société NFL Distribution SAS, formalisée par un protocole d'accord conclu entre les parties le 1er février 2013 ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ; Vu les engagements présentés le 15 avril 2013 et modifiés en dernier lieu le 2 mai 2013 par la partie notifiante ; Vu les éléments complémentaires transmis par les parties au cours de l'instruction ; Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. La société Franprix Leader Price Holding (ci-après " FPLPH ") est une filiale du groupe Casino Guichard Perrachon dont le principal objet est la prise de participation dans des sociétés exploitant des magasins sous les enseignes Franprix et Leader Price. Le groupe Casino, troisième acteur français de la distribution à dominante alimentaire, gère un parc de plus de 10 000 magasins (hypermarchés, supermarchés, magasins de proximité, magasins discompteurs) sous enseignes Franprix et Leader Price. De plus, le groupe Casino, qui détient également 50 % du groupe Monoprix, a notifié à l'Autorité de la concurrence le projet d'acquisition du contrôle exclusif de ce groupe. Il est enfin présent dans le secteur de la distribution sur internet de produits non alimentaires avec l'enseigne Cdiscount. Le groupe Casino est contrôlé directement et indirectement par le groupe Euris, lui-même contrôlé par Monsieur Jean-Charles Naouri.

2. NFL Distribution est une société par actions simplifiée dont l'intégralité du capital et des droits de vote est détenue par Norma SARL, filiale du groupe Norma, disposant de 1 400 magasins en Allemagne, en France, en Autriche et en République tchèque. Norma SARL exploite en France 114 magasins à dominante alimentaire sous enseigne Norma.

3. Préalablement à l'opération, Norma SARL doit apporter à la société NFL Distribution l'intégralité du capital et des droits de vote de 38 magasins situés dans le sud-est de la France. Aux termes du protocole d'accord conclu entre FPLPH et NFL Distribution SAS le 1er février 2013, Norma SARL cédera l'intégralité des actions et des droits de vote de la société NFL Distribution à FPLPH au plus tard le 31 mai 2013. Les points de vente concernés, antérieurement exploités sous enseigne Norma, seront exploités sous les enseignes Leader Price, Franprix et Casino Proximité.

4. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de la société NFL Distribution SAS par FPLPH, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.

5. Les entreprises concernées exploitent plusieurs magasins de commerce de détail et réalisent ensemble un chiffre d'affaires total sur le plan mondial de plus de 75 millions d'euros (groupe Casino : 34,3 milliards d'euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2011 ; la cible : 93,2 millions d'euros pour le même exercice). Elles réalisent en France, dans le secteur du commerce de détail, un chiffre d'affaires supérieur à 15 millions d'euros (groupe Casino : 18,7 milliards d'euros pour l'exercice clos au 31 décembre 2011 ; la cible : 93,2 millions d'euros). Compte tenu de ces chiffres d'affaires, l'opération ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au II de l'article L. 430-2 du Code de commerce sont franchis. Cette opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatives à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

6. Selon la pratique constante des autorités nationale et communautaire de la concurrence (1), deux catégories de marchés peuvent être délimitées dans le secteur de la distribution à dominante alimentaire. Il s'agit, d'une part, des marchés " aval ", de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs pour la vente de biens de consommation et, d'autre part, des marchés " amont " de l'approvisionnement des entreprises de commerce de détail en biens de consommation courante, de dimension nationale.

A. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION

1. LES MARCHÉS DE SERVICE

7. En ce qui concerne la vente au détail des biens de consommation courante, les autorités de concurrence, tant communautaires que nationales (2), ont distingué six catégories de commerce en utilisant plusieurs critères, notamment la taille des magasins, leurs techniques de vente, leur accessibilité, la nature du service rendu et l'ampleur des gammes de produits proposés : (i) les hypermarchés, (ii) les supermarchés, (iii) le commerce spécialisé, (iv) le petit commerce de détail, (v) les maxi discompteurs, (vi) la vente par correspondance.

8. Les hypermarchés sont usuellement définis comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente égale ou supérieure à 2 500 m², et les supermarchés comme des magasins à dominante alimentaire d'une surface de vente inférieure à 2 500 m² et supérieure à 400 m².

9. En l'espèce, les 38 points de vente exploités sous enseigne Norma ainsi que les quatre projets de magasins concernés sont des magasins à dominante alimentaire d'une superficie comprise entre 400 et 2 500 m².

2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE

10. Il ressort de la pratique décisionnelle (3) que les conditions de la concurrence s'apprécient sur deux zones différentes selon la taille des magasins :

- un marché où se rencontrent la demande de consommateurs et l'offre des supermarchés et formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes de temps de déplacement en voiture. Ces dernières formes de commerce peuvent comprendre, outre les supermarchés, les hypermarchés situés à proximité des consommateurs et les magasins discompteurs ;

- un second marché où se rencontrent la demande des consommateurs d'une zone et l'offre des hypermarchés auxquels ils ont accès en moins de 30 minutes de déplacement en voiture et qui sont, de leur point de vue, substituables entre eux.

11. Cependant, l'attractivité de magasins de même format peut varier selon la densité et la qualité de l'équipement commercial d'une zone. Les caractéristiques socio-économiques de la zone concernée (densité de la population, activité économique, géographie, état du réseau routier) peuvent également conduire à affiner, au cas d'espèce, les délimitations usuelles présentées ci-dessus.

12. Au cas d'espèce, comme les magasins exploités par les parties entrent dans la catégorie des supermarchés, une zone de chalandise de 15 minutes a été retenue autour des magasins concernés.

B. MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT

13. En ce qui concerne les marchés de l'approvisionnement, la Commission européenne a retenu l'existence de marchés de dimension nationale par grands groupes de produits, délimitation suivie par les autorités nationales (4).

14. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente opération.

III. Analyse concurrentielle

A. LES MARCHES AVAL DE LA DISTRIBUTION DE DETAIL A DOMINANTE ALIMENTAIRE

15. Quarante-deux zones de chalandises sont concernées par l'opération, correspondant aux 38 magasins cibles et quatre projets d'ouverture de magasins. Dans 31 zones, la nouvelle entité représentera moins de 35 % des surfaces de vente. La partie notifiante a fourni une analyse détaillée pour les onze zones dans lesquelles la nouvelle entité disposera de plus de 35 % des surfaces de vente à l'issue de l'opération, à savoir deux zones à Marseille (13), ainsi que des zones situées à Montpellier et Saint-Gély-du-Fesc dans le département de l'Hérault (34), à Montmorot (39), Charlieu, Le Chambon-Feugerolle et Saint-Etienne dans le département de la Loire (42), à Cran-Gevrier en Haute-Savoie (74), à Saint Raphaël et à Sainte-Maxime dans le département du Var (83).

Ville / Casino (dont Monoprix (5)) / Norma / Total

Marseille - Chemin de la Valbarelle / [40-50] % / [0-5] % / [40-50] %

Marseille - Avenue Frédéric Mistral / [40-50] % / [0-5] % / [40-50] %

Montpellier / [30-40] % / [0-5] % / [30-40] %

Saint-Gely-du-Fesc / [40-50] % / [0-5] % / [40-50] %

Montmorot / [30-40] % / [0-5] % / [30-40] %

Charlieu / [20-30] % / [10-20] % / [40-50] %

Le Chambon Feugerolle / [30-40] % / [0-5] % / [30-40] %

Saint-Etienne / [30-40] % / [0-5] % / [30-40] %

Cran Gevrier / [30-40] % / [0-5] % / [30-40] %

Saint-Raphaël / [40-50] % / [0-5] % / [40-50] %

Sainte-Maxime / [40-50] % / [0-5] % / [40-50] %

16. Dans les zones de Montmorot, Le Chambon Feugerolle, Saint-Etienne et Cran Gevrier, les éléments au dossier montrent que l'entité issue de la concentration fera face à un nombre significatif de groupes de distribution alimentaires concurrents (entre 5 et 9 selon les zones). Dans chacune de ces zones, ces concurrents exploitent la grande majorité des points de vente alimentaire, assurant aux consommateurs un grand nombre de choix alternatifs. De ce fait, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence dans ces zones.

17. L'analyse ci-dessous porte donc sur les zones restantes, soit trois zones situées à Marseille et à Montpellier (1) et les zones de Saint-Gely-du-Fesc, Charlieu, Saint-Raphaël et Sainte-Maxime (2).

1. L'ANALYSE DES EFFETS DE L'OPÉRATION DANS LES GRANDES VILLES DE PROVINCE

18. En ce qui concerne les grandes villes de province (6), l'analyse concurrentielle est menée sur les zones de chalandise d'un rayon de 15 minutes en voiture telles que définies ci-dessus mais tient également compte du fait que les consommateurs y sont susceptibles de parcourir des distances moins importantes pour effectuer leurs courses alimentaires. La présence d'une offre alternative à plus grande proximité des points de vente cibles est donc vérifiée.

a) Marseille

Sur la zone de chalandise autour du magasin situé au 34, chemin de la Valbarelle

19. Sur la zone de chalandises de 15 minutes définie autour du supermarché situé 34, chemin de Valbarelle à Marseille (d'une superficie de 762 m²), le groupe Casino possède, à la veille de l'opération, 32 magasins d'une surface de vente totale de 49 060 m², soit une part de marché de [40-50] % (en tenant compte des magasins Monoprix). A l'issue de l'opération, la part de marché des parties en surface de vente alimentaire sera portée à [40-50] %, la part du magasin cible étant limitée à [0-5] %.

20. 45 magasins concurrents sont présents sur cette zone et les parties seront notamment confrontées à la concurrence des groupes Auchan ([10-20] %), Carrefour ([5-10] %), Dia ([5-10] %), Intermarché ([5-10] %), Système U ([5-10] %), Lidl ([0-5] %) et Leclerc ([0-5] %), soit sept groupes concurrents au total. Quatre de ces groupes disposent de points de vente importants localisés à moins de 5 minutes du point de vente cible. Tel est en particulier le cas d'ITM, qui dispose d'un point de vente de 2 830 m² situés à 3 minutes du magasin cible et d'Auchan, qui exploite un hypermarché de 13 450 m², dont 6 725 m² de surface alimentaire (neuf fois la surface du supermarché cible), situé à moins de 5 minutes de magasin cible.

21. Il ressort de ces éléments que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur la zone de chalandises du point de vente situé 34, chemin de la Valbarelle à Marseille.

Sur la zone de chalandise autour du magasin situé au 2, avenue Frédéric Mistral

22. Sur la zone de chalandises de 15 minutes définie autour du supermarché situé 2, avenue Frédéric Mistral à Marseille (d'une superficie de 729 m²), le groupe Casino possède, à la veille de l'opération, 22 magasins d'une surface de vente de 40 627 m², soit une part de marché de [40-50] % (en tenant compte des magasins Monoprix). A l'issue de l'opération, la part de marché des parties en surface de vente alimentaire sera portée à [40-50] %, l'apport du magasin cible étant limité à [0-5] %.

23. 47 magasins concurrents sont présents sur cette zone et les parties seront notamment confrontées à la concurrence des groupes Auchan ([10-20] %), Carrefour ([10-20] %), Dia ([10-20] %), Intermarché ([5-10] %), Aldi ([5-10] %), Lidl ([5-10] %) et Système U ([0-5] %), soit sept groupes au total. En particulier, Carrefour exploite un hypermarché de 12 171 m², dont 4 800 m² de surface alimentaire (plus de 6 fois la taille du point de vente cible), situé à 8 minutes en voiture du magasin cible.

24. Il ressort de ces éléments que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence dans la zone de chalandise du point de vente situé 2, avenue Frédéric Mistral à Marseille.

b) Montpellier

25. Sur la zone de chalandises de 15 minutes définie autour du supermarché situé à Montpellier, le groupe Casino possède 16 magasins d'une surface de vente de 23 123 m², soit une part de marché de [30-40] % (en tenant compte des magasins Monoprix). A l'issue de l'opération, la part de marché des parties sera limitée à [30-40] %, le magasin cible ne représentant que [0-5] % des surfaces de vente alimentaires de la zone.

26. 31 magasins concurrents sont présents sur cette zone et les parties resteront notamment confrontées à la concurrence des groupes Carrefour ([20-30] %), Intermarché ([10-20] %), Auchan ([0-5] %), Dia ([0-5] %), Lidl ([5-10] %), Aldi ([0-5] %) et Système U ([0-5] %).

27. Il ressort de ces éléments que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur la zone située à Montpellier.

2. L'ANALYSE DES EFFETS DE L'OPÉRATION DANS LES PETITES VILLES DE PROVINCE

a) Saint-Gely-du-Fesc

28. Sur le marché comprenant les supermarchés et les formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes en voiture du supermarché de Saint-Gely-du-Fesc, le groupe Casino rassemblera après l'opération le magasin cible à l'enseigne Norma (780 m² de surface de vente), cinq supermarchés Casino (d'une surface totale de 6 460 m²) et un hypermarché Casino (3 756 m²). A l'issue de l'opération, la part de marché des parties en surface de vente alimentaire sera de [40-50] %, l'acquisition de Norma représentant un incrément limité de part de marché de [0-5] %.

29. Casino sera confronté sur cette zone à la concurrence d'un hypermarché (5 595 m²) et d'un supermarché Carrefour (650 m²), représentant ensemble [20-30] % des surfaces de la zone, de deux supermarchés Intermarché de 2 100 m² et de 1 426 m² de surface de vente ([10-20] %), d'un supermarché Leclerc ([5-10] %), d'un supermarché Dia de 875 m² ([0-5] %) et d'un supermarché Lidl de 450 m² ([0-5] %), soit cinq enseignes concurrentes au total.

30. Il ressort de ces éléments que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur la zone de Saint-Gély-du-Fesc.

b) Saint-Raphaël

31. Sur le marché comprenant les supermarchés et les formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes en voiture du supermarché de Saint-Raphaël, le groupe Casino rassemblera après l'opération le magasin cible à l'enseigne Norma (559 m² de surface de vente), sept supermarchés Casino (d'une surface totale de 8 377 m²), un hypermarché Casino (5 571 m²) ainsi qu'un supermarché Monoprix (565 m²). La part de marché de Casino sera de [40-50] % à l'issue de l'opération, le magasin cible ne représentant que [0-5] % des surfaces de vente de la zone de chalandise.

32. Casino restera confronté sur cette zone à la concurrence de cinq groupes, à savoir un hypermarché Carrefour (4 675 m², soit [10-20] % des surfaces de la zone), deux supermarchés Intermarché de 1 508 m² et de 1 750 m² de surface de vente ([10-20] %), un supermarché Leclerc (2 922 m², soit [5-10] % des surfaces), deux supermarchés Lidl de 900 m² et 1 437 m² ([5-10] %), et trois supermarchés Dia (768 m², 932 m² et de 1 000 m², soit [5-10] % de la zone).

33. Il ressort de ces éléments que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur la zone de Saint-Raphaël.

c) Sainte-Maxime

34. Sur le marché comprenant les supermarchés et les formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes en voiture du supermarché de Sainte-Maxime, le groupe Casino rassemblera après l'opération le magasin cible à l'enseigne Norma (299 m² de surface de vente), un hypermarché Géant Casino (4 712 % m²), un supermarché Casino (1 024 %) et deux petits commerce de détail (Spar de 130 et Petit Casino de 171 m²), soit une part de marché totale de [40-50] %, dont [0-5] % pour le magasin cible.

35. La nouvelle entité restera confrontée à la concurrence de trois groupes, à savoir deux supermarchés Carrefour (1 725 m² et 2 405 m²) représentant [30-40] % des surfaces de la zone, deux supermarchés Dia (730 m² et 1 024 m², soit [10-20] % des surfaces) et un supermarché Lidl de 483 m² ([0-5] %).

36. Il ressort de ces éléments que l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur la zone de Sainte-Maxime.

d) Charlieu

37. Sur le marché comprenant les supermarchés et les formes de commerce équivalentes situés à moins de 15 minutes en voiture du supermarché de Charlieu, le groupe Casino rassemblera après l'opération le magasin cible à l'enseigne Norma (750 m² de surface de vente) et un supermarché Casino (1 312 m²). La part de marché de Casino sur cette zone représentera donc de [40-50] % des surfaces, dont [10-20] % pour le point de vente cible.

38. Casino sera confronté sur cette zone à la concurrence de deux supermarchés Intermarché. Ces magasins, d'une surface respective de 600 m² et 2 000 m² représentent [50-60] % des surfaces de la zone.

39. Dans cette zone, l'opération entraîne le passage de trois à deux opérateurs. Elle conduit donc à aggraver fortement la concentration du marché, avec une addition de parts de marché en faveur du groupe Casino de [10-20] % et une variation d'IHH de 739, très supérieur au seuil de 250, habituellement retenu pour déceler la probabilité d'effets horizontaux sur les marché très concentrés (7).

40. La partie notifiante soutient cependant que " seuls 4 points de vente sont présents sur la zone de 0-15 minutes, de sorte de que de nouveaux entrants peuvent facilement s'implanter ", ce qui pourrait modifier la position de Casino " à tout moment " compte tenu de l'absence de barrières réglementaires à l'ouverture de points de vente d'une surface inférieure à 1 000 m². Elle n'apporte cependant aucun élément relatif à l'existence d'un projet d'ouverture ou de nature à illustrer l'attractivité, pour de nouvelles implantations, de cette zone qui regroupe environ 3 680 habitants (8).

41. La partie notifiante soutient de surcroît qu'il convient de tenir compte de la pression concurrentielle exercée dans la zone de chalandise par des hypermarchés situés à moins de 30 minutes du magasin cible. On dénombre en effet trois hypermarchés concurrents, sous enseignes Carrefour, Leclerc et Système U, situés dans des communes aux alentours de la ville de Roanne. Le plus proche du magasin cible est un hypermarché exploité sous enseigne Carrefour, situé à Mably, à environ 25 minutes du magasin cible. A cet égard, la partie notifiante fait valoir dans une zone rurale, l'hypermarché le plus proche est de nature à exercer une forte attractivité sur les populations concernées.

42. Néanmoins, le temps de trajet nécessaire pour atteindre l'hypermarché Carrefour de Mably depuis le magasin cible est très supérieur à 15 minutes de déplacement en voiture, limite retenue par la pratique décisionnelle pour évaluer les effets d'opérations de concentration relatives à des supermarchés. Aucun élément au dossier, notamment relatif aux caractéristiques socio-économiques de la zone concernée et des points de vente en cause, n'est de nature à modifier ce constat en l'espèce. En particulier, la partie notifiante n'apporte aucun élément montrant qu'en dépit de son éloignement, l'hypermarché Carrefour de Mably pourrait être utilisé par les consommateurs de la zone de Charlieu comme un magasin de proximité substituable au magasin cible, dans lequel des achats de faible montant peuvent être effectués fréquemment.

43. Enfin, la partie notifiante fait valoir que les magasins du groupe Casino feront face à la concurrence des marchés alimentaires de Charlieu, qui se tiennent les mercredi et samedi. Cependant, la pression concurrentielle des marchés restera limitée tant en termes de temporalité, puisqu'ils n'offrent pas aux consommateurs une offre permanente au même titre qu'un supermarché, qu'en termes d'assortiment, puisque leur offre, centrée sur les produits frais, ne recoupe que très partiellement celle d'un supermarché.

44. L'opération, qui se traduit par la création d'un duopole sur la zone, le nombre d'enseignes exploitant un supermarché passant de trois à deux, porte donc atteinte à la situation de la concurrence sur la zone de Charlieu.

45. Pour y remédier, la partie notifiante a proposé de céder à un concurrent le supermarché sous enseigne Norma situé à Charlieu (42) d'une surface alimentaire et totale de 750 m². Cet engagement permettra de rétablir les conditions de concurrence préexistant à l'opération, en maintenant la présence de trois enseignes concurrentes sur la zone de 15 minutes autour du magasin cible situé à Charlieu.

46. En conséquence, sous réserve de l'engagement proposé, l'opération n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur la zone de Charlieu.

B. LES MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT

47. En ce qui concerne les marchés amont de l'approvisionnement, l'opération, même si elle concerne 38 magasins déjà ouverts et exploités en France, représentent, en 2011, environ [...] d'euros de chiffres d'affaires à l'achat, soit moins de [0-5] % du chiffre d'affaires réalisé par le groupe Casino en France. L'acquisition du groupe Norma n'est donc pas susceptible de renforcer significativement la puissance d'achat du groupe Casino, tous produits confondus comme par grands groupes de produits.

48. L'opération n'est donc pas susceptible de renforcer la puissance d'achat du groupe Casino sur les marchés amont de l'approvisionnement, quelle que soit la segmentation de marché retenue.

IV. Engagements proposés

49. Afin de lever les doutes sérieux quant aux effets de l'opération sur la concurrence sur les marchés aval du commerce de détail à dominante alimentaire dans la zone de Charlieu, la partie notifiante a déposé le 15 avril 2013 une proposition d'engagements qui a été modifiée en dernier lieu le 2 mai 2013. Le texte de ces engagements, joint en annexe, fait partie intégrante de la présente décision.

50. Les engagements proposés par la partie notifiante consistent en la cession, à un repreneur viable et indépendant, du point de vente sous enseigne Norma d'une surface de 750 m², situé 7, rue Dorian à Charlieu (42).

51. De plus la partie notifiante s'interdit, pendant une durée de 10 ans à compter de la présente décision, d'acquérir une influence directe ou indirecte sur le magasin cédé.

52. La partie notifiante s'engage également à nommer un mandataire indépendant qui aura pour mission de s'assurer de l'exécution satisfaisante par FPLPH et le groupe Casino de leurs obligations. Si elle ne trouve pas d'acquéreur pour le supermarché de Charlieu à l'issue d'une période de [...] mois à compter de la date d'adoption de la décision, un mandataire sera chargé de trouver un acquéreur au magasin et de négocier avec lui, pour le compte de la partie notifiante, les conditions de la cession.

53. L'acquéreur devra être indépendant de la partie notifiante et sans aucun lien avec elle. Il devra posséder les ressources financières et les compétences pour pouvoir préserver et développer de manière viable la capacité des activités cédées à animer la concurrence sur les marchés concernés.

54. Cet engagement conduit à éliminer le chevauchement d'activité qui résulterait de l'opération notifiée dans la zone de Charlieu, à limiter la part de marché du groupe Casino à [20-30] % et à maintenir la concurrence de trois enseignes sur la zone pertinente, soit une situation identique à celle qui précédait l'opération. Il permet donc de remédier aux risques d'atteinte à la concurrence identifiés.

55. En conséquence, l'Autorité considère que les engagements proposés par la partie notifiante sont suffisants pour éliminer tous doutes sérieux quant aux effets de l'opération sur la concurrence.

DECIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 13-033 est autorisée sous réserve du respect des engagements décrits ci-dessus et annexés à la présente décision.

Notes :

1 Voir notamment les décisions de la Commission M.496 Intermarché/Spar du 30 juin 1997, M.991 Promodès/Casino du 30 octobre 1997, M.1684 Carrefour/Promodès du 25 janvier 2000 et M.2115 Carrefour/GB du 28 septembre 2000, l'arrêté ministériel du 5 juillet 2000 dans l'opération Carrefour/Promodès et les avis du Conseil de la concurrence 97-A-14 du 1er juillet 1997, dans l'affaire Carrefour/Cora, 98-A-06 du 5 mai 1998, dans l'affaire Casino Franprix/Leader Price, et 00-A-06 du 3 mai 2000, dans l'affaire Carrefour/Promodès.

2 Voir notamment les décisions du ministre de l'Economie C.2007-172, Carrefour Plane Plamidis, du 13 février 2008 et C.2008-32, Amidis SAGC, du 9 juillet 2008 et les décisions de l'Autorité de la concurrence les décisions 09-DCC-24 du 23 juillet 2009 Floritine/CSF, 12-DCC-15 du 8 février 2012 RLPI /DBMH et 12-DCC-48 du 6 avril 2012 Sofides/ITM.

3 Voir notamment les décision de l'Autorité de la concurrence 11-DCC-04 du 28 janvier 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Mafical par la société ITM Alimentaire Région parisienne, 11-DCC-05 du 17 janvier 2011 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Distri Sud-Ouest par la société Retail Leader Price Investissement et 11-DCC-45 du 18 mars 2011 relative à la prise de contrôle exclusif du fonds de commerce de l'hypermarché Cora Desmarais par la société Sodex Desmarais.

4 Voir notamment les décisions du ministre dans le secteur, C.2005-98 Carrefour/Penny Market du 10 novembre 2005, C.2006-15 Carrefour/ Groupe Hamon du 14 avril 2006, C.2007-172 et C.2008-32 précitées ainsi que les décisions de l'Autorité de la concurrence 11-DCC-45, 11-DCC-05 et 11-DCC-04 précitées.

5 Note du Tableau Pour les besoins de l'analyse, les magasins Monoprix sont intégrés au groupe Casino.

6 Définies comme les dix villes les plus peuplées, à savoir Bordeaux, Nantes, Rennes, Lille, Strasbourg, Marseille, Toulouse, Nice, Montpellier et Lyon.

7 Voir les lignes directrices de l'Autorité de la concurrence relatives au contrôle des concentrations, § 345. En l'espèce, après la concentration l'IHH s'élèvera à 5 202.

8 Population de Charlieu, donnée Insee sur la base du recensement 2009.