CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 31 mai 2013, n° 11-03569
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Osmose (SARL)
Défendeur :
Mixicom (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chandelon
Conseillers :
Mmes Saint-Schroeder, Lion
Avocats :
Mes Marty, Galland, Lavillaine, Chaigneau
La société Osmose est une régie publicitaire.
Elle s'est vue confier par la société Mixicom, éditeur de magazines culturels gratuits et de supports Internet, la commercialisation d'espaces publicitaires sur ses réalisations.
Exposant que des relations commerciales, ininterrompues entre les parties depuis l'année 2004, auraient été brutalement rompues en fin d'année 2008, la société Osmose a engagé la présente procédure par exploit du 7 février 2006.
Par jugement du 30 septembre 2010, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a condamné la société Mixicom au paiement de la somme principale de 3 013,92 et la société Osmose à une indemnité de 3 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration du 24 février 2011, la société Osmose a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 1er avril 2011, la société Osmose demande à la cour de :
- infirmer le jugement sauf du chef de la condamnation prononcée,
- condamner la société Mixicom à lui verser :
* 59 682,80 au titre de l'indemnité de préavis,
* 59 682,80 au titre de l'indemnité de clientèle,
* 84 424,60 de dommages-intérêts,
* 3 000 en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 1er juin 2011 la société Mixicom demande à la cour de :
- confirmer le jugement,
- condamner la société Osmose au paiement de 10 000 de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 5 000 sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Cela étant exposé,
LA COUR,
Considérant qu'aux termes de l'article L. 442-6 du Code de commerce, engage sa responsabilité, l'auteur d'une rupture brutale d'une relation commerciale établie ;
Considérant qu'en l'espèce, la société Osmose démontre l'existence d'un courant d'affaires régulier avec la société Mixicom depuis l'année 2004 ;
Qu'elle produit ainsi des factures correspondant aux annonces parues dans chaque guide trimestriel des espaces culturels Leclerc à compter du mois de mai 2004 et jusqu'au mois de décembre 2007 ;
Qu'elle justifie encore avoir, à compter du mois d'août 2007, vendu des espaces dans le magazine Virgin et les deux sites Internet "films actu" et "jeux actu" pour un montant annuel de 149 207 en 2008 ;
Considérant que l'existence d'une relation commerciale au sens du texte précité est bien établie, peu important l'absence de tout contrat écrit ;
Mais considérant que pour obtenir l'indemnisation du préjudice née de cette rupture, la partie qui s'en prétend victime doit encore démontrer qu'elle est imputable à son partenaire ;
Considérant qu'en l'espèce, pour conclure à l'existence d'une rupture brutale au mois de décembre 2008, la société Osmose se borne à produire un courriel de M. Boyer, dirigeant de la société Mixicom, en date du 16 septembre précédent, lequel se déclare choqué par le contenu d'un écrit électronique du même jour émanant de M. Poncelet, dirigeant de la société Osmose ;
Que manifestant sa colère et contestant les observations mensongères et erronées adressées à un de ses salariés, M. Boyer s'interroge sur la finalité de la démarche de son interlocuteur qu'il estime contraire aux conditions de collaboration évoquées pour conclure en ces termes :
"Compte tenu de ton attitude, nous t'indiquons que nous interdisons à la société Osmose de proposer toute commercialisation d'espaces de publicité de nos supports à compter de ce jour.
Si la société Osmose entend revenir à de meilleurs sentiments, nous serons disposés à discuter des bases d'une nouvelle collaboration entre nos deux sociétés" ;
Considérant, outre que la société Osmose ne produit pas le courriel ayant entraîné cette réponse, elle ne justifie pas davantage l'avoir interprétée comme une résiliation des relations qu'elle situe d'ailleurs en décembre 2008 ;
Qu'il est constant qu'après le 16 septembre, elle a poursuivi ses démarches auprès des annonceurs (8 octobre 2008 avec la société Univers Poche), passé des commandes pour les parutions du magazine Virgin en décembre (clients Delcourt et USCV) et facturé ses diligences en novembre et décembre ;
Considérant ainsi que le courriel du 16 septembre 2008 ne peut être interprété comme une volonté de rupture de la part de la société Mixicom et qu'aucun autre élément ne justifie la décision qui lui est prêtée ;
Considérant au contraire qu'après avoir rédigé, en mars 2008, à la demande de sa partenaire, deux projets de contrat de régie, l'un pour le magazine Virgin, le second pour les sites Internet prévoyant, chacun, un taux captif de 30 %, la société Osmose écrivait, après avoir décrit ses difficultés à rentabiliser le contrat sur les sites web, son intention de majorer sa commission à compter du 1er septembre 2008, précisant qu'il s'agissait d'une hausse incontournable (courriel du 22 août 2008) ;
Que le 27 août, elle indiquait ainsi que ses taux captifs passaient :
- pour le site films actu à 35 %,
- pour le magazine Virgin à 40 % ;
Considérant que la société Mixicom précisant qu'elle n'a jamais accepté ces tarifs, il apparaît que la rupture est née de ce refus de sorte que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que les conditions d'application de l'article L. 442-6 du Code de commerce n'étaient pas remplies et débouté la société Osmose de sa demande d'indemnité de préavis ;
Considérant que la société Osmose ayant pris l'initiative de la cessation des relations ne peut davantage prétendre au paiement d'une indemnité de clientèle ou à des dommages-intérêts ;
Considérant enfin que c'est encore à bon droit que les premiers juges ont condamné la société Mixicom au paiement de la facture du 29 décembre 2008, que l'intimée ne conteste pas, sans justifier de son règlement ;
Considérant qu'au regard de l'existence de cette dette, c'est à tort que les premiers juges ont condamné la société Osmose aux dépens et au paiement d'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et que le jugement sera réformé de ce chef ;
Considérant, sur la demande reconventionnelle que la procédure engagée par la société Osmose ne résulte pas d'une faute grossière faisant dégénérer en abus son droit d'ester en justice ;
Que la société Mixicom sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages intérêts ;
Que l'équité commande de l'indemniser à hauteur de 2 000 des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'elle a condamné la société Osmose aux dépens et au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne la société Osmose à payer à la société Mixicom une somme de 2 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ; Rejette les autres demandes ; Condamne la société Osmose aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.