CA Paris, Pôle 5 ch. 7, 28 mai 2013, n° 2012-08492
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Jean Boisante Conseil (SARL)
Défendeur :
BNP Paribas Asset Management (SAS), BNP Paribas (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Remenieras
Conseillers :
Mmes Beaudonnet, Leroy
Avocats :
SCP Autier, Selarl Guizard, Associés, Mes Bourayne, Sitruk, Icard
Vu le jugement prononcé le 3 mai 2012 par le Tribunal de commerce de Paris qui, après avoir constaté l'absence de rupture fautive de la part de la société BNP Paribas l'a condamnée à payer à la société Jean Boisante Conseil :
* la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du manque de transparence de la société BNP Paribas qui a mis la société Jean Boisante Conseil dans l'impossibilité d'anticiper une suppression de ses revenus,
* et celle de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, et débouté les parties de leurs autres demandes ;
Vu l'appel de ce jugement, déclaré le 7 mai 2012 par la société Jean Boisante et ses dernières conclusions signifiées le 31 août 2012, aux termes desquelles elle prie la cour, au visa des articles 1134, 1147, 1149, 1165, 1170 et 1174 du Code civil :
- de réformer le jugement déféré en ce qu'il a limité le montant des condamnations prononcées à l'encontre de la société BNP Paribas venue aux droits de la société Fortis Gestion Privée à la somme de 10 000 euros,
et statuant à nouveau,
- de condamner solidairement la société BNP et la société BNP PAM, ou l'une à défaut de l'autre, à lui payer :
* la somme de 526 130 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi en raison de la rupture abusive et brutale de la relation d'affaires,
* celle de 250 000 euros au titre de la commission d'apporteur d'affaires lui restant due, avec intérêts légaux à compter du 2 février 2010, date de la mise en demeure, et anatocisme conformément à l'article 1154 du Code civil,
* celle de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions d'appel incident signifiées le 29 août 2012 par la société BNP Paribas qui prie la cour :
- de réformer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Jean Boisante Conseil la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- de condamner la société Jean Boisante Conseil à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, celle de 15 000 euros HT au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions de la société BNP Paribas Asset Management (ci-après BNP PAM), signifiées le 28 août 2012, aux fins de confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société Jean Boisante Conseil de toutes ses demandes présentées contre elle, d'infirmation en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle, et de condamnation de la société Jean Boisante Conseil à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 20 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Sur ce,
LA COUR se réfère pour un plus ample informé des faits et des moyens et prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
Il suffit de rappeler :
- qu'aux termes de contrats de démarchage financier à durée indéterminée conclus les 19 avril et 6 juillet 1993, la société Focale Finance a confié à la société Jean Boisante Conseil, qui a pour activité le conseil en placements financiers, et qui possédait une clientèle d'investisseurs, le soin de commercialiser un certain nombre de produits financiers,
- que depuis 2005, et aux termes de plusieurs avenants, d'une durée de deux ans chacun, le mandat de démarchage financier, conclu avec la société Jean Boisante Conseil, a été renouvelé avec la société Meespierson Fortis Patrimoine devenue Fortis Gestion Privée,
- que dans le cadre du mandat de démarchage financier, a été constitué un fonds commun de placement, ci-après "le FCP", reconduit en 2007 sous le nom de "HLM 2014" et dont l'échéance a été fixée au 28 novembre 2014,
- que la gestion financière du FCP a été assurée successivement par la société Focale Finance et la société Générale de Belgique puis, au terme d'un contrat de commercialisation du Fonds, conclu avec la société Fortis Gestion Privée le 23 avril 2003, par la société Fortis Investment Management France devenue la société BNP PAM,
- que selon transmission universelle de patrimoine du 16 septembre 2010, la société BNP Paribas est venue aux droits de la société Fortis Gestion Privée,
- que la rémunération de la société Jean Boisante Conseil était assurée par le versement de commissions par la société Fortis Gestion Privée, correspondant à une rétrocession en pourcentage des frais de gestion prélevés par le FCP et assis sur le montant des capitaux gérés,
- que prenant motif du trop faible niveau d'encours constaté pour le FCP, la société Fortis Gestion Privée, a notifié à la société Jean Boisante Conseil, le 2 décembre 2009, la suspension des rétrocessions jusqu'au moment où le seuil minimum de 10 millions d'euros serait atteint,
- que par lettre recommandée du 2 février 2010, la société Jean Boisante Conseil lui a répondu qu'elle prenait acte de la résiliation des relations contractuelles, et réclamait une indemnisation à hauteur des commissions à recevoir jusqu'au 28 novembre 2014,
- que dans ce même courrier, la société JCB réclamait paiement de la somme de 250 000 euros au titre de sa commission d'apporteur d'affaires, pour avoir été évincée après avoir introduit Fortis auprès du directeur financier de la société CGLLS, gestionnaire d'organisme HLM, pour l'avoir conseillée dans le cadre de l'appel d'offres lancée par CGLLS, et lui avoir permis de remporter le marché durant l'été 2009.
C'est dans ces conditions qu'estimant d'une part, que la société BNP Paribas et la société BNP PAM ont manqué à leurs obligations contractuelles et rompu abusivement une relation d'affaires établie, et d'autre part, qu'elles l'ont évincée du mandat de gestion de trésorerie remporté par la société BNP PAM, la société Jean Boisante Conseil les a assignées en indemnisation devant le Tribunal de commerce de Paris qui a rendu le jugement déféré.
LA COUR,
Sur la suspension du paiement des commissions et la responsabilité encourue par la société BNP Paribas :
Considérant que la société Jean Boisante Conseil reproche à la société Fortis Gestion Privée (BNP Paribas) d'avoir cessé brutalement et sans motif légitime, malgré une relation d'affaires de plus de 15 ans, de lui verser ses commissions en prenant motif de ce qu'elle-même n'obtenait plus de commissions de la société gestionnaire du FCP HLM 14, en raison du faible niveau d'encours atteint par le Fonds ; qu'elle fait valoir que, sauf à méconnaître les dispositions de l'article 1165 du Code civil, la société Fortis Gestion Privée ne pouvait alléguer ses propres accords avec la société Fortis Investment Management France (BNP PAM) ; qu'en outre, l'interprétation faite par la société BNP Paribas de l'article 4 § 6 du mandat, pour répercuter les conséquences de ses accords de rétrocessions avec la société BNP PAM, est erronée et déloyale ; qu'elle conduit à admettre que la société BNP Paribas décide unilatéralement de sa rémunération au mépris des engagements souscrits, et présente un caractère purement potestatif ;
Qu'elle ajoute que les graves manquements de la société BNP Paribas à ses obligations contractuelles essentielles, rendant impossibles la poursuite de leur relation d'affaires caractérisent une résiliation fautive et brutale dont elle doit répondre en application des articles 1134 et 1147 du Code civil ;
Considérant qu'en réplique, la société BNP Paribas soutient avoir agi conformément à la clause du mandat la liant à la société Jean Boisante Conseil qui distingue le calcul de la commission d'une part, et le droit à paiement de celle-ci, d'autre part, lequel est subordonné à l'encaissement préalable des commissions par le mandant (BNP Paribas) auprès de la société de gestion du FCP, à l'époque la société Fortis Investment Management France ; que cette condition n'étant pas remplie en l'espèce, elle a sursis temporairement au paiement des commissions, en attendant de recevoir les fonds, de cette dernière ; que la suspension ainsi décidée ne peut s'analyser, comme le prétend la société Jean Boisante Conseil, en une rupture de la relation d'affaires liant les parties ; qu'elle s'est contentée d'appliquer la clause non équivoque du mandat ;
Considérant que s'opposant à l'intégralité des demandes, elle fait valoir que bien que les parties aient convenu de poursuivre leur relation d'affaires, la société Jean Boisante Conseil, n'a procédé à aucune diligence dans sa mission de démarchage, après le 16 décembre 2009, et a pris l'initiative de la rupture le 2 février 2010, de manière précipitée, et opportuniste ;
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que la société Jean Boisante Conseil et la société Meespierson Fortis Patrimoine devenue Fortis Gestion Privée et aujourd'hui BNP Paribas, ont été successivement liées par des contrats de démarchage financier au terme d'un premier mandat conclu le 20 juin 2005, pour une durée de deux ans, expressément renouvelé pour deux ans, conformément à l'article L. 341-4 du Code monétaire et financier ; selon avenants des 15 avril 2007 et 20 mars 2009, le dernier expirant le 28 février 2011 ;
Considérant que le mandat de démarchage financier liant la société Jean Boisante Conseil et la société BNP Paribas -dont les clauses mentionnées aux points 4 et 11 sont inchangées aux termes des avenants successivement intervenus - prévoit que la rémunération du mandataire est fixée en pourcentage sur les encours du FCP ( point 11 "conditions financières" et annexe1) ; qu'il est justifié de ce que, par une lettre ayant valeur d'avenant du 28 mars 2006, les parties ont décidé de fixer les rétrocessions à revenir à la société Jean Boisante Conseil selon le barème progressif suivant (pièce 11 de l'appelante) :
- 0,35 % sur les encours du FCP de 0 à 15 millions d'euros,
- 0,40 % sur les encours du FCP de 15 à 20 millions d'euros
- 0,42 % sur les encours du FCP au-dessus de 20 millions d'euros
qu'aux termes de l'article 4 intitulé "Obligation du mandant", du mandat de démarchage celui-ci s'engage (§ 6) :
"dans l'exécution des accords conclus avec les différents organismes producteurs, à représenter et défendre fidèlement les droits à commissionnement, mais sans pour autant garantir leur exécution ponctuelle ou même leur bonne fin, le paiement de tout commissionnement au Mandataire étant subordonné à son encaissement préalable par le Mandant auprès de l'organisme gestionnaire de chacun des produits couverts par le présent contrat"
Considérant qu'il est constant que par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 décembre 2009, la société Fortis Gestion Privée a informé la société Jean Boisante Conseil qu'elle ne lui verserait "plus de commission à compter du quatrième trimestre 2009 inclus, compte tenu du faible niveau d'encours atteint par le FCP" ; qu'elle était "dans l'obligation de surseoir dès le 4e trimestre 2009 au paiement des commissions de gestion" ; qu'elle précisait reprendre ce paiement " si le seuil minimum de 10 M d'encours moyen trimestriel était atteint " ;
Considérant que pour s'opposer au versement de la commission à la société Jean Boisante Conseil, la société BNP Paribas se prévaut de ce qu'elle-même n'a reçu préalablement de la part de la société Fortis Investment Management France, aucune commission, puisque le seuil de 10 millions d'euros, convenu aux termes des accords la liant à cette dernière n'avait pas été atteint ;
Considérant qu'en effet, la rémunération de Fortis Gestion Privée (alors dénommée la société Meespierson Fortis Patrimoine), en sa qualité d'apporteur d'affaires, était prévue dans le contrat de commercialisation conclu le 23 avril 2003 (et son annexe 1), conclu avec la société Fortis Investment Management France (BNP PAM) gestionnaire des parts ou actions des OPCVM, en considération des seuils atteints par le FCP, alignés pour les deux premiers seuils sur ceux convenus avec la société Jean Boisante Conseil ;
que cependant en vertu d'un avenant du 7 février 2007 au contrat de commercialisation, les seuils ont été augmentés ainsi qu'il suit (aucune commission n'étant due sous le seuil de 10 millions d'euros) :
- 0,50 % entre 10 et 15 millions d'euros d'encours
- 0,55 % à partir de 15 millions d'encours
- 0,58 % si supérieur à 20 millions d'encours
Mais considérant que la société Jean Boisante Conseil lui oppose à juste titre qu'en application de l'effet relatif des contrats issu de l'article 1165 du Code civil, elle n'est pas fondée à alléguer l'avenant du 7 février 2007 à effet au 1er octobre 2006, qui a modifié les seuils de perception des commissions, avenant auquel la société Jean Boisante Conseil n'était pas partie, et dont il n'est pas contesté par la société BNP Paribas qu'il n'a pas été porté à sa connaissance ;
que la société BNP Paribas ne peut utilement invoquer à cet égard, les stipulations de l'article 4 § 6 du mandat de démarchage selon lesquelles, le paiement de tout commissionnement au Mandataire est subordonné à son encaissement préalable par le Mandant auprès de l'organisme gestionnaire de chacun des produits couverts par le présent contrat ;
Considérant en effet que cette clause ne peut s'interpréter que dans le cadre des accords passés entre la société BNP Paribas et la société Jean Boisante Conseil ; que les conditions d'exécution du contrat de commercialisation conclu entre la société BNP Paribas et la société Fortis Investment Management France, modifiées sans recueillir l'approbation de la société Jean Boisante Conseil, lui sont inopposables ;
Que pour ces motifs, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens développés par la société Jean Boisante Conseil, la société Fortis Gestion Privée n'était pas fondée à invoquer que le seuil de 10 millions d'euros d'encours n'était pas atteint, pour suspendre le paiement des commissions ; qu'en agissant ainsi, elle a manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de la société Jean Boisante Conseil ;
Considérant en outre que :
- informée le 2 décembre 2009 de la décision de la société Fortis Gestion Privée de suspendre le paiement des commissions, la société Jean Boisante Conseil manifestait son étonnement, par courrier en réponse du 9 décembre, et lui demandait de revoir sa position, en précisant que les nombreux porteurs de parts étaient désireux de continuer avec le fonds HLM,
- le 16 décembre, la société Fortis Gestion Privée confirmait à M. Boisante, les termes de son courrier compte tenu des encours du Fonds, en lui souhaitant que ses clients concrétisent de nouveaux versements,
- le 2 février 2010, la société Jean Boisante Conseil adressait à la société Fortis Gestion Privée une lettre recommandée, pour lui faire part de ce qu'elle considérait que son attitude était inacceptable et injustifiée au regard de l'accord pris le 28 mars 2006, sur les conditions des rétrocessions ; qu'elle précisait que la persistance de Fortis à maintenir sa position la contraignait à prendre acte de la résiliation de fait et aux torts de Fortis de leur relation contractuelle, et justifiait l'indemnisation de son préjudice due à sa cessation d'activité, qu'elle évaluait au minimum, au montant des commissions dues jusqu'à la date d'échéance du Fonds soit novembre 2014, soit 218 865 euros ;
Considérant qu'au vu de ces développements, et de la teneur des courriers de la société Fortis Gestion Privée, qui a persisté dans son attitude, malgré les contestations élevées par la société Jean Boisante Conseil, et bien qu'elle soutienne qu'elle n'avait nullement l'intention de résilier le contrat avec la société Jean Boisante Conseil, il doit être considéré que la rupture des relations contractuelles est intervenue aux torts de la société BNP Paribas, qui a cessé sans motif légitime, d'exécuter ses obligations, en violation de l'article 1134 du Code civil qui impose aux cocontractants d'exécuter de bonne foi les conventions qui les lient ;
Que la société Jean Boisante Conseil doit être indemnisée de son préjudice en lien avec la rupture fautive imputable à la société Fortis Gestion Privée ; que le jugement sera donc infirmé sur ce point ;
Sur la réparation du préjudice :
- Sur la perte des gains escomptés :
Considérant que pour réclamer à titre de dommages et intérêts la somme de 226 130 euros la société Jean Boisante Conseil se fonde essentiellement sur l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ; qu'invoquant les conséquences de la rupture brutale des relations commerciales, aux torts de la société BNP Paribas, elle demande à être indemnisée de la perte des gains escomptés pour la période du 4e trimestre 2009 au 28 novembre 2014, date d'échéance du FCP (226 130 euros), en faisant observer que son mandat a été renouvelé depuis 1993, et qu'il importe peu dès lors, que chacun des mandats ait été conclu pour deux ans, comme l'invoque la société BNP Paribas ; qu'à supposer que son mandat, qui expirait en 2011 n'ait pas été renouvelé, la société BNP Paribas aurait dû en application de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce, respecter un délai de préavis qu'elle évalue à 36 mois, compte tenu de la durée de la relation commerciale ; qu'elle rappelle que le chiffre d'affaires qu'elle réalisait avec Fortis Gestion Privée (43 767 euros par an en moyenne durant les trois dernières années) représentait 90 % de son chiffre d'affaires total ;
Considérant que l'article L. 442-6 I 5° dispose : "Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels" ;
Considérant que contrairement à ce que soutient la société BNP Paribas, ni le fait que les mandats successifs aient été consentis pour une durée déterminée de deux ans, ni le fait qu'ils soient régis par les dispositions du Code monétaire et financier, n'excluent l'application de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ; qu'il suffit que la relation d'affaires soit ancienne et stable, et présente une certaine intensité pour que le partenaire évincé puisse bénéficier de l'application de ces dispositions ;
Considérant par ailleurs que la société Fortis Gestion Privée soutient vainement que la société Jean Boisante Conseil ayant pris l'initiative de la rupture, ce texte n'a pas vocation à s'appliquer ; qu'en effet, la modification des conditions essentielles du contrat par la société Fortis Gestion Privée, est à l'origine de la résiliation du contrat, actée par la société Jean Boisante Conseil ; qu'eu égard aux circonstances de l'affaire, ci-dessus rappelées, il doit être retenu que la société Jean Boisante Conseil n'a pas pu se préparer à la fin des relations commerciales, établies de longue date avec sa partenaire et les sociétés aux droits de laquelle elle intervient ; qu'il s'ensuit que la rupture intervenue doit être qualifiée non seulement d'abusive, mais également de brutale au sens de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce ;
Considérant que le préjudice qui découle d'une rupture brutale de relations commerciales établies est constitué de la perte subie ou du gain dont la victime a été privée ; que l'indemnité qui tend à réparer ce type de préjudice correspond à la perte de marge brute sur le chiffre d'affaires qui aurait dû être perçue si un préavis conforme aux usages du commerce avait été consenti ;
Considérant que la société BNP Paribas relève que la société Jean Boisante Conseil n'avait vocation à percevoir pour le 4e trimestre 2009, qu'une somme de 4 800 euros et non de 10 900 euros comme le prétend cette dernière, puisque les encours sur la base desquels sont calculés ses commissions ont été réduits, de son fait, à un seuil de 5 500 000 euros dès le 3e trimestre 2009 (au lieu de 12 millions d'euros) ; qu'en considération de ces éléments, la somme susceptible de lui revenir jusqu'à l'expiration du mandat au 1er trimestre 2011, ne pouvait être supérieure à 28 800 euros ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande, la société Jean Boisante Conseil verse aux débats une attestation de son expert-comptable dont il ressort que la part de chiffre d'affaires provenant des commissions versées par la société Fortis Gestion Privée représentait entre 87 et 81 % du chiffre d'affaires total soit, en 2007, 2008 et sur les trois premiers trimestres de l'année 2009, respectivement : 48 111 euros, 46 288 euros et 25 538 euros ; que la société PNB Paribas ne justifie pas que l'encours servant de base de calcul aux commissions allouées ait été ramené à 5 500 000 euros comme elle le prétend ; qu'il convient de prendre en considération le chiffre d'affaires moyen réalisé sur la période précitée soit 3 634 euros par mois (119 936 euros sur 33 mois) ;
Considérant qu'en l'absence de tout document comptable (bilan, comptes de résultats), et s'agissant d'une activité de services, la marge brute sur le chiffre d'affaires sera fixée à hauteur de 80 % ;
Considérant, s'agissant de la durée de préavis, qu'au regard de son objet même - permettre de se réorganiser afin de remédier à la perte d'un courant d'affaires - de l'ancienneté non discutée (16 ans), de la relation d'affaires et sa nature, ainsi que de la part de chiffre d'affaires concerné, la cour dispose des éléments suffisants pour la fixer à 15 mois ;
qu'en définitive, il sera alloué à la société Jean Boisante Conseil, la somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef ;
- Sur la perte du fonds :
Considérant que la société Jean Boisante Conseil sollicite également une indemnisation au titre de la perte de son fonds, qu'elle évalue à 300 000 euros, à la suite de sa cessation d'activité, le 1er janvier 2010 ;
Mais considérant que rien n'empêchait la société Jean Boisante Conseil de rechercher d'autres clients et de poursuivre son activité ; que dès lors l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la rupture fautive des relations commerciales, imputable à la société Fortis Gestion Privée et la perte du fonds alléguée, dont de surcroît, il n'est justifié par aucun document probant de sa valeur à la date de la suspension des commissions, n'est pas établie par la société Jean Boisante Conseil ; que sa demande sera rejetée ;
Sur les demandes dirigées à l'encontre de la société BNP PAM au titre de la rupture abusive et brutale de la relation d'affaires :
Considérant que la société Jean Boisante Conseil n'est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de la société BNP PAM, avec laquelle elle n'a aucun lien de droit ; que pas davantage, sa responsabilité délictuelle ne peut être recherchée au titre de la rupture brutale des relations d'affaires, les conditions d'application de ce texte entre ces deux sociétés n'étant pas réunies ;
qu'enfin l'existence d'un concert frauduleux entre la société BNP Paribas et la société BNP PAM n'est pas plus justifié, de sorte que sa responsabilité ne peut davantage être recherchée pour ce motif ;
que le jugement qui a rejeté la demande de ce chef, dirigée contre la société BNP PAM sera donc confirmé ;
Sur l'éviction de la société Jean Boisante Conseil du mandat de gestion de trésorerie :
Considérant que la société Jean Boisante Conseil reproche aux intimées de l'avoir évincée alors qu'il était convenu que si elles remportaient l'appel d'offres organisé pour la gestion de sa trésorerie par la société CGLLP, cliente de longue date de la société Jean Boisante Conseil, une commission d'apporteur d'affaires, lui serait rétrocédée ; que la société Jean Boisante Conseil réclame la somme de 250 000 euros (soit 50 000 euros c'est-à-dire 20 % des commissions de gestion inhérentes au mandat, sur 5 ans), en réparation du préjudice éprouvé ;
Considérant que la société BNP Paribas fait valoir que, venant aux droits de Fortis Gestion Privée, dont l'unique activité est la gestion de patrimoine, et qui est indépendante de Fortis Banque et de Fortis Investments ou BNP PAM, elle n'est en aucune manière concernée par l'appel d'offres remporté par cette dernière ;
que BNP PAM affirme pour sa part qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'elle aurait bénéficié des conseils de la société Jean Boisante Conseil ou que celle-ci l'aurait introduite auprès de la CGLLS comme elle le prétend ;
Considérant qu'il est constant qu'à la suite de l'appel d'offres organisé par la société CGLLP dans le courant de l'année 2009, la société BNP PAM est désormais la mandataire chargée de la gestion du portefeuille de la CGLLS ;
Considérant que si comme le relèvent les intimées, durant les deuxième et troisième trimestres 2009 - époque de l'appel d'offres- la société BNP PAM d'une part, et les sociétés Fortis Gestion Privée et Fortis Banque France, d'autre part, constituaient des personnes morales distinctes, il résulte des divers échanges de mails et des courriers, que comme elle le soutient, la société Jean Boisante Conseil est bien intervenue auprès de la société CGLLS ; que cependant, si la société Jean Boisante a joué un rôle et si elle a pu contribuer à ce que l'offre proposée par la société Fortis soit retenue au terme de la procédure de marché public à laquelle CGLLS était soumise, rien ne permet d'établir qu'il était convenu que la société Jean Boisante Conseil en obtiendrait une contrepartie ; que le projet de convention que cette dernière a envoyé par mail fin juillet 2009 à Fortis Investment, n'a pas été signé, et qu'il ne peut en être tiré aucune preuve de la conclusion d'un accord ;
Considérant que par suite la demande d'indemnisation formée par la société Jean Boisante ne peut être accueillie ;
Considérant que le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point ;
Sur les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant qu'il découle de ce qui précède que la société BNP Paribas n'est pas fondée à solliciter une indemnité pour procédure abusive ;
Considérant que la société BNP PAM ne démontre pas en quoi l'exercice des voies de recours par la société Jean Boisante Conseil aurait dégénéré en abus de droit ; qu'elle sera donc déboutée de sa demande ;
Considérant que la société BNP Paribas sera condamnée aux dépens et à payer à la société Jean Boisante Conseil la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
que l'équité ne commande pas l'octroi à la société BNP PAM d'une indemnité sur ce fondement ;
Par ces motifs : Confirme le jugement déféré, en ce qu'il a débouté la société Jean Boisante Conseil de ses demandes dirigées à l'encontre de la société BNP Paribas Asset Management, et condamné la société BNP Paribas à payer à la société Jean Boisante Conseil la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, L'infirme pour le surplus, Et, statuant à nouveau, Dit la rupture intervenue abusive et brutale, et imputable à Fortis Gestion Privée aux droits de laquelle intervient la société BNP Paribas ; Condamne la société BNP Paribas à payer à la société Jean Boisante Conseil la somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préavis non exécuté ; Déboute la société Jean Boisante Conseil du surplus de ses demandes ; Déboute la société BNP PAM et la société BNP Paribas de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société BNP Paribas à payer à la société Jean Boisante Conseil la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société BNP Paribas aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés par la SCP Dizier et Bourayne avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.