Cass. com., 28 mai 2013, n° 12-16.879
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Nettec (SARL), Castor nettoyage entretien (SAS)
Défendeur :
Thuault, Moura (Consorts), Gaelric (SAS), MPN (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
Mme Tréard
Avocat général :
M. Mollard
Avocats :
SCP Lyon-Caen, Thiriez, SCP Gatineau, Fattaccini, SCP Piwnica, Molinié
LA COUR : - Joint le pourvoi n° V 12-16.879 et le pourvoi n° D 12-26.317 qui attaquent le même arrêt ; - Statuant tant sur les pourvois principaux formés par les sociétés Nettec et Castor nettoyage entretien que sur le pourvoi incident relevé par M. Thuault et la société Gaelric ;
Sur la recevabilité du pourvoi principal n° V 12-16.879, relevée d'office, après avertissement délivré aux parties : - Vu l'article 613 du Code de procédure civile ; - Attendu qu'il résulte de ce texte que le délai de pourvoi en cassation ne court à l'égard des décisions rendues par défaut, même pour les parties qui ont comparu devant les juges du fond, qu'à compter du jour où l'opposition n'est plus recevable ;
Attendu que les sociétés Nettec et Castor nettoyage entretien se sont pourvues en cassation le 3 avril 2012 contre un arrêt rendu par défaut, signifié à la partie défaillante le 1er août 2012 ; que le délai d'opposition n'avait pas couru à la date de ce pourvoi ; d'où il suit que le pourvoi principal est irrecevable ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par protocole d'accord du 14 avril 2005, M. Thuault, dirigeant de la société Gaelric, se portant fort pour tous les actionnaires ou associés, a cédé à la société Castor nettoyage entretien (la société Castor) les parts ou actions représentant le capital des sociétés Prest entretien, Bens et Jem ; que ce protocole stipulait notamment une obligation de non-concurrence à la charge des cédants ; que parallèlement, la société Nettec, locataire-gérant de la société Castor, a conclu avec la société Gaelric un contrat d'assistance concernant les trois mêmes sociétés ; que M. Manuel Moura, qui détenait une action de la société Prest entretien et une action de la société Bens et avait été successivement salarié des sociétés Prest entretien et Gaelric, a été embauché par la société Castor à laquelle il a cédé l'une de ses actions, l'autre étant cédée au dirigeant de cette société ; qu'il a ultérieurement démissionné de ses fonctions pour entrer au service de la société MPN, constituée par ses deux fils dont M. Philippe Moura ; que la société Nettec ayant cessé de payer les prestations d'assistance, la société Gaelric l'a fait assigner en paiement ; que la société Castor, invoquant le non-respect de l'obligation de non-concurrence stipulée au protocole de cession, a fait assigner en réparation M. Thuault, tant pour lui-même qu'en sa qualité de porte-fort de M. Manuel Moura, ainsi que les sociétés Gaelric et MPN et MM. Manuel et Philippe Moura ; que les deux procédures ont été jointes ;
Sur le second moyen du pourvoi n° D 12-26.317 : - Attendu que les sociétés Castor et Nettec font grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de dommages-intérêts de la société Castor à l'égard de M. Manuel Moura et de la société MPN et de l'avoir condamnée à payer des dommages-intérêts à la société MPN, alors, selon le moyen, que la cour d'appel qui constate que M. Manuel Moura, cédant d'actions de la société Prest Entretien, a repris, pour le compte de la société MPN nouvellement créée, au moins dix marchés dont cette dernière était titulaire avant la cession, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que la société MPN avait succédé à la société Nettec sur plusieurs chantiers, l'arrêt constate qu'une relation de confiance s'est nouée au fil du temps entre certains clients et M. Moura et que les pièces produites démontrent que la société Nettec en a perdu d'autres en raison de leur mécontentement ; qu'en l'état de ces constatations, faisant ressortir que l'existence de manœuvres déloyales ou de dénigrement visant à détourner la clientèle de la société Nettec n'était pas démontrée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident n° V 12-16.689 : - Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° D 12-26.317 : - Vu l'article 1120 du Code civil ; - Attendu que pour rejeter la demande d'indemnité fondée sur l'engagement de porte-fort de M. Thuault prévu au protocole d'accord du 14 avril 2005 comprenant une obligation de non-concurrence, l'arrêt, après avoir relevé qu'il n'est pas établi que M. Manuel Moura a effectivement ratifié le protocole de cession, retient que dès lors que l'ensemble des actions ont été cédées conformément au protocole et que la société Castor a accepté de poursuivre des relations contractuelles avec M. Manuel Moura, sans prévoir de clause de non-concurrence dans son contrat de travail, cette société ne peut reprocher à M. Thuault en qualité de porte-fort de M. Moura de n'avoir pas exécuté ses obligations concernant un engagement de non-concurrence qui, tel qu'énoncé dans le protocole était illicite et donc nul, ne pouvant priver celui-ci d'une contrepartie financière en sa qualité de salarié ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la promesse de porte-fort est un engagement personnel autonome dont le porte-fort ne se trouve déchargé qu'à la suite de la ratification par le tiers, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le premier moyen du même pourvoi, pris en sa troisième branche : - Vu l'article 1134 du Code civil ; - Attendu que la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant, sans équivoque, la volonté de renoncer ;
Attendu que pour statuer comme il fait l'arrêt retient encore que la société Castor qui a accepté de poursuivre des relations contractuelles avec M. Manuel Moura, devenu son salarié, dans le cadre d'un contrat de travail ne comportant aucune clause de non-concurrence, ne peut reprocher au porte-fort l'inexécution d'un engagement de non concurrence auquel la société Castor a renoncé lors de l'embauche ;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que la reprise du contrat de travail de M. Manuel Moura était prévue dans le protocole d'accord de cession et que la société Castor l'avait ainsi exécuté, ce qui rendait équivoque la circonstance que la société Castor avait poursuivi ses relations avec M. Moura sans assortir celles-ci d'une clause de non-concurrence, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : Déclare le pourvoi principal n° V 12-16.879 irrecevable ; Déclare le pourvoi incident n° V 12-16.879 non admis ; Et sur le pourvoi n° D 12-16.317 ; Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Castor de sa demande à l'encontre de M. Thuault en qualité de porte-fort de M. Manuel Moura, l'arrêt rendu le 5 janvier 2012, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.