CA Aix-en-Provence, 2e ch., 30 mai 2013, n° 11-18998

EXPOSÉ DE L'AFFAIRE

Suivant contrat de représentation du 25 janvier 2005, la société Beugnot Thierion aux droits de laquelle se trouve la société Beugnot 55, a embauché M. Delchaux en qualité de voyageur de commerce représentant placier multicartes.

Ce contrat précisait que la société Beugnot Thierion apporte à M. Delchaux la clientèle qu'elle vient de racheter à son précédent employeur la société RDM afin que celui-ci puisse commercialiser les produits de la société Beugnot et qu'en conséquence en cas de rupture de contrat M. Delchaux ne pourrait prétendre à une indemnité de clientèle sur la somme de 125 808 euros apportée par la société Beugnot.

Le 6 juillet 2005 a été constitué la société CD Représentation dans laquelle M. Delchaux était porteur de parts à hauteur de 55 %.

Le 6 mars 2009, la société Beugnot 55 a informé M. Delchaux qu'elle souhaitait rompre sa collaboration et la date de rupture a été fixée au 30 novembre 2009 d'un commun accord entre les parties.

Dans cette lettre de rupture du 24 novembre 2009, la société Beugnot 55 faisait part de son accord sur la proposition orale de rachat de la carte Beugnot 55 par la société CD Représentation.

La société Beugnot 55 voulant appliquer le contrat souscrit par M. Delchaux lequel, selon elle avait été repris par la société CD Représentation, estimait être créancière de la somme de 20 332 euros.

La société CD Représentation au visa de l'article 134-12 du Code de commerce réclamait le paiement de deux années commission sur la moyenne des trois dernières années soit la somme de 51 647,47 euros.

La société Beugnot 55 compte tenu de la créance respective des parties a réglé la somme de 30 000 euros.

La société CD Représentation acceptait le règlement de cette somme en indiquant qu'il s'agissait d'un acompte et demandait le paiement d'une somme de 21 647,47 euros correspondant à un complément d'indemnité conformément à l'article L. 134-12 du Code de commerce.

Par acte d'huissier du 16 mars 2001, la société CD Représentation a fait assigner la société Beugnot 55 devant le Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence pour avoir paiement de la somme de 18 550,47 euros au titre de complément d'indemnité d'éviction et 3 000 euros pour exécution déloyale du contrat d'agent commercial.

Par jugement du 10 octobre 2011, le tribunal, rejetant l'exception d'incompétence soulevée par la société Beugnot 55, a fixé l'indemnité d'éviction due à la société CD Représentation à la somme de 51 647,47 euros, a limité le préavis consenti à cette société à une période de trois mois et réduit son indemnité à la somme de 20 645,28 euros, a limité l'indemnité nette à payer par la société Beugnot 55 à la somme de 31 002,19 euros et a condamné la société CD Représentation compte tenu des paiements effectués à payer à la société Beugnot 55 la somme de 1 894,80 euros.

La société CD Représentation a relevé appel de cette décision et soutient :

- la compétence territoriale du Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence ;

- que sa demande de complément d'indemnité d'un montant de 18 750,47 euros est fondée au regard de l'article L. 134-12 du Code de commerce puisqu'il convient de prendre en compte tous les éléments de la rémunération de l'agent pendant l'exécution du contrat sans qu'il y ait lieu de distinguer si elle provient de clients préexistants à celui-ci ;

- que si le délai de préavis est de trois mois, les parties peuvent convenir d'un délai plus long et qu'en conséquence aucune réduction de l'indemnité d'éviction ne peut être retenue ;

- qu'elle conclut à l'infirmation du jugement et réclame le paiement d'une somme de 18 750,47 euros au titre de complément d'indemnité d'éviction, 3 000 euros pour exécution déloyale du contrat d'agent commercial et résistance abusive dans le versement du solde l'indemnité d'éviction et 4 000 euros en application de l'articles 700 du Code de procédure civile.

La société Beugnot 55 rétorque :

- que la société CD Représentation a repris et continué le contrat initialement signé par M. Delchaux qui refuse d'exécuter certaines clauses et qu'il convient de prendre en compte la somme de 22 332 euros prévue au contrat initialement passé ;

- que la rupture du contrat devait intervenir au mois de juin 2009 et que c'est à la demande de M. Delchaux que les relations entre les parties ont cessé le 30 novembre 2009 ce qui lui a permis d'obtenir un complément de commission de 20 645,28 euros ;

- qu'en fixant l'indemnité compensatrice de la société CD Représentation, il a été fait une exacte application des dispositions de l'article L. 134-12 du Code de commerce ;

- qu'elle sollicite la confirmation du jugement et le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

LA COUR renvoie, pour l'exposé complet des moyens prétentions des parties, à leurs écritures précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les parties ne contestent pas que le contrat initialement passé entre la société Beugnot et M. Delchaux a été repris par la société CD Représentation dans laquelle M. Delchaux était salarié et porteur majoritaire de parts.

Ce contrat du 25 janvier 2005, précisait que la société Beugnot Thierion apporte à M. Delchaux la clientèle qu'elle vient de racheter à son précédent employeur la société RDM afin que celui-ci puisse commercialiser les produits de la société Beugnot et qu'en conséquence en cas de rupture de contrat M. Delchaux ne pourrait prétendre à une indemnité de clientèle sur la somme de 125 808 euros apportée par la société Beugnot.

Toutefois, il convient de relever qu'aucun contrat écrit n'a été conclu entre la société Beugnot 55 et la société CD Représentation, qu'en conséquence la clause précitée est inopposable à cette société, et qu'en toute hypothèse, l'article L. 134-12 du Code de commerce qui est une disposition d'ordre public, interdit de fixer une indemnité inférieure à ce que l'agent commercial pourrait prétendre.

La clause précitée contenue dans le contrat passé entre les parties le 25 janvier 2005 est donc inapplicable.

En conséquence, l'indemnité de cessation de contrat est fixée à la somme de 51 647,47 euros d'ailleurs arrêtée d'un commun accord par les parties, sans qu'il y ait lieu d'opérer une quelconque déduction.

Du fait d'un règlement effectué par la société Beugnot 55 d'un montant de 32 297 euros, cette société est condamnée à payer à la société CD Représentation la somme complémentaire de 18 750,47 euros.

La société Beugnot 55 demande le remboursement des commissions versées postérieurement au troisième mois de préavis d'un montant de 20 645,28 euros.

Par courrier du 9 mars 2009, la société Beugnot 55 a accepté que les relations d'affaires cessent au 30 novembre 2009, qui est la date à prendre en considération pour la rupture du contrat étant en outre rappelé que l'article L. 134-7 du Code de commerce précise que pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence commerciale l'agent a droit à commission lorsque l'opération est due à son activité.

Aucune somme ne peut donc être déduite de l'indemnité revenant à la société CD Représentation.

Le jugement est infirmé en toutes ses dispositions.

La société CD Représentation qui ne justifie pas d'un quelconque préjudice lié à l'attitude alléguée de la société Beugnot 55, est déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

La société Beugnot 55, dont les demandes sont rejetées, est condamnée à payer à la société CD Représentation une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement attaqué, Statuant à nouveau, Condamne la société Beugnot 55, payer à la société CD Représentation la somme de 18 750,47 euros outre une indemnité de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, La condamne aux dépens de première instance et d'appel recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.