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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. B, 23 mars 2010, n° 09-05237

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

ABE (SARL)

Défendeur :

Levanneur, CPAM Des Pyrénées-Orientales

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Desaint-Denis

Conseillers :

MM. Blanc-Sylvestre, Andrieux

Avoués :

SCP Salvignol - Guilhem, SCP Auche-Hedou, Me Rouquette

Avocats :

SCP De Torres - Py - Molina - Bosc-Bertou, Mes Tobailem, Cohen

TGI Perpignan, du 8 avr. 2008

8 avril 2008

Faits et procédure

Par acte en date du 20 décembre 2005, Monsieur Christian Levanneur a fait assigner la société ABE et la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Pyrénées Orientales devant le Tribunal de grande instance de Perpignan aux fins d'obtenir réparation d'un préjudice subi, à savoir des brûlures au second degré, suite à une séance d'UV effectuées à l'institut Epil Center appartenant à cette société.

Il sollicitait, sur le fondement de l'article 1147 du Code civil, la reconnaissance de la responsabilité contractuelle de la société Epil Center pour manquement à une obligation de sécurité, exposant à cet effet qu'il a été brûlé sur tout le corps au second degré, le 3 décembre 2003, lors d'une séance d'UV à l'Institut Epil Center; que ces brûlures l'ont conduit à rester alité pendant plus d'un mois et à se déplacer, par la suite, avec une canne et que par ordonnance de référé en date du 27 mai 2004, un médecin expert a été désigné ; qu'il a conclu à une incapacité temporaire partielle de 50 % sur la période du 15 février au 30 avril 2004, un taux d'incapacité permanente partielle de 5 %, un préjudice esthétique léger à modéré de 2,5/7, un préjudice d'agrément important lié à la fragilité et à l'intolérance solaire imposant définitivement l'utilisation de crèmes hydratantes et écrans solaires ainsi que le port de bas de contention contre les sensations de jambes lourdes.

Par jugement en date du 8 avril 2008, le Tribunal de grande instance de Perpignan a :

Vu l'article 1147 du Code civil,

Vu l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale,

Vu le rapport d'expertise en date du 17/03/2005,

Vu le relevé définitif des prestations sociales du 05/04/2005,

Déclaré la société ABE responsable des dommages subis par monsieur Levanneur pour manquement à son obligation de sécurité de résultat.

Fixé le préjudice de monsieur Levanneur non soumis au recours des organismes de sécurité sociale à la somme de 32 577,17 euros.

Condamné la société ABE à payer à monsieur Levanneur la somme de 32 577,17 euros.

Fixé le préjudice de Monsieur Levanneur soumis au recours des organismes de sécurité sociale à la somme 8 431,02 euros.

Condamné la société ABE à payer à la Caisse Primaire d'Assurances Maladie Des Pyrénées Orientales la somme 8 431,02 euros.

Déclaré le présent jugement commun à la Caisse Primaire d'Assurances Maladie Des Pyrénées Orientales.

Dit que les sommes allouées à la Caisse Primaire d'Assurances Maladie Des Pyrénées Orientales porteront intérêts au taux légal à dater du jour de la demande soit le 24 janvier 2006.

Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

Condamné la société ABE à payer à monsieur Levanneur la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamné la société ABE à payer à la CPAM des Pyrénées Orientales la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamné la société ABE aux entiers dépens et autorisé leur recouvrement direct conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Débouté les parties du surplus de leur demande.

Par acte en date du 30 avril 2008, la société ABE a interjeté appel de cette décision ; l'affaire a fait l'objet d'un retrait du rôle le 3 mars 2009.

Dans ses dernières conclusions en date du 22 août 2008, la société ABE demande à la cour de :

Vu le rapport d'expertise déposé par le Professeur Braye ;

Vu l'article 1147 et l'absence de toute preuve par Monsieur Levanneur d'un manquement de la SARL ABE susceptible d'être à l'origine de son état ;

Vu l'absence de tout lien de causalité direct et certain ;

Débouter Monsieur Levanneur de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

Le condamner au paiement d'une somme de 2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du N.C.P.C ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Salvignol -Guilhem conformément aux termes de l'article 699 du C.P.C.

Dans ses dernières conclusions en date du 4 août 2009, Monsieur Levanneur demande à la Cour de :

Vu le jugement attaqué,

Vu le rapport d'expertise du Docteur Braye du 17 mars 2005.

Vu l'article 1134 du Code Civil,

Vu l'article 1147 du Code civil

Confirmer le dit jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité entière de la société ABE Epil Center, mais réformer en ce qui concerne les montants de l'indemnisation retenus :

En conséquence,

Retenir la responsabilité contractuelle de la société ABE, Epil Center pour manquement à l'obligation de sécurité.

Condamner la société ABE, Epil Center à payer à Monsieur Levanneur les sommes suivantes :

- au titre de l'IPP, la somme de 7 000 euro

- au titre de l'ITT, la somme de 6 000 euro

- au titre de l'ITP, la somme de 3 000 euro

- au titre du préjudice esthétique, la somme de 6 000 euro

- au titre du préjudice d'agrément, la somme de 20 000 euro

- au titre du pretium doloris, la somme de 10 000 euro

Condamner la société ABE à payer à Monsieur Levanneur la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct.

Dans ses dernières conclusions en date du 23 juillet 2009, la CPAM des Pyrénées Orientales demande à la cour de :

Vu les faits en date du 2/12/2003,

Vu le rapport d'expertise médicale établi par le Professeur Braye le 17/3/2005,

Vu les dispositions de l'article L. 376-1 du Code de la Sécurité Sociale, 1147 du Code Civil. L. 221-1 du Code de la consommation.

Vu le relevé définitif des prestations du 05/04/2005.

Confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Perpignan le 8 Avril 2008.

En conséquence,

Homologuer le rapport d'expertise établi par le Professeur Braye

Fixer la créance de la CPAM des PO et le préjudice corporel de Mr Levanneur soumis au recours de la Sécurité Sociale.

Condamner la société ABE à payer à la CPAM des PO la somme principale de 8 431,02 euros correspondant aux prestations servies son l'assuré social à la suite de l'accident précité.

Donner acte à la CPAM des PO de ce qu'elle a été réglée dudit montant le 20/5/2008.

Assortir cette condamnation de l'intérêt légal à compter de la notification de l'étal définitif de prestations calculé sur la période allant du le 24/1/2006 au 20/5/2008 soit la somme de 510,92 euros, en application des dispositions de l'article 1153 du Code Civil.

Condamner la société ABE à payer à la CPAM des PO la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La condamner aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct.

Motifs de la décision

Sur la responsabilité de la société ABE

Attendu qu'il résulte des termes du jugement critiqué, des écritures des parties et des documents produits qu'après avoir souscrit un abonnement auprès de la société ABE le 2 décembre 2003, Monsieur Levanneur s'est rendu dans les locaux de cette société le 3 décembre à 12 heures pour une séance d'ultra-violets d'environ cinq minutes qui s'est déroulée sans difficulté apparente,

Qu'il a présenté par la suite un phénomène de rougeur avec gonflement et maux de tête,

Que le 5 décembre 2003, le praticien de SOS Médecins constatait des brûlures étendues, qu'il a ensuite été fait appel aux services du Samu,

Attendu que pour mettre en œuvre la responsabilité de son cocontractant, Monsieur Levanneur invoque la notion d'obligation de sécurité de résultat,

Que la société ABE soutient que cette obligation ne peut le dispenser de rapporter la preuve d'un manquement du débiteur,

Attendu qu'en vertu du contrat, la société ABE était tenue d'une obligation de sécurité de résultat en ce qui concerne les matériels utilisés mais qu'il appartient à l'utilisateur de démontrer que le matériel utilisé est à l'origine du dommage,

Que cette obligation de sécurité, selon les termes de l'article L. 221-1 du Code de la consommation, retenus par le premier juge, lui impose un service devant, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes,

Que dans la mesure où le résultat n'est pas obtenu, l'utilisateur n'est pas tenu de rapporter la preuve d'une faute du professionnel, que ce dernier doit par contre, pour s'exonérer, rapporter la preuve qu'il a rempli son obligation,

Attendu qu'en ce qui concerne la chronologie des faits, Monsieur Levanneur produit une attestation d'une personne qui a passé avec lui la soirée du 3 décembre 2003 et qui indique que vers minuit, il présentait des signes de rougeur et maux de tête, que le lendemain matin, il était plus rouge, que le soir, son état s'était aggravé,

Que le 5 décembre 2003, selon le certificat médical de SOS Médecins, il présentait des brûlures étendues,

Qu'il a été transporté par le Samu à 19 heures 46,

Que selon le Professeur Braye désigné par voie de référé, et même s'il n'existe pas de certitude médicale, Monsieur Levanneur a été victime de brûlures liées à une exposition aux ultra-violets dans un contexte esthétique,

Que le premier juge a exactement retenu que l'enchaînement des faits et l'avis de l'expert permettent d'imputer les lésions subies à la séance du 3 décembre 2003, que même si l'emploi du temps exact de Monsieur Levanneur les 4 et 5 décembre n'est pas établi avec exactitude, aucun élément ne milite en faveur d'une exposition à une lumière naturelle ou artificielle qui aurait pu provoquer des lésions dont les premiers symptômes étaient apparus dès le 3 décembre,

Qu'il n'existe aucun élément qui permettrait de retenir, contrairement à ce que soutient l'appelante, que Monsieur Levanneur aurait fait usage de crèmes ou médicaments de nature à provoquer ou favoriser le phénomène, en particulier pas des propos imputés à sa mère, qui ne résultent pas du témoignage invoqué et qui sont contestés,

Que l'expert n'a pas retenu cet élément comme devant s'appliquer au cas d'espèce,

Que par contre, le Professeur Braye indique que seul un problème technique durable (tube émetteur inadapté) aurait pu expliquer cet accident,

Attendu qu'il résulte de la facture d'acquisition de l'appareil utilisé que celui-ci avait été acheté le 14 mai 2003 et que le vendeur spécifiait " qu'un contrôle technique par un organisme agréé (Apave ou AIF) est obligatoire avant la mise en service de votre appareil " ;

Attendu que la société ABE soutient qu'elle aurait respecté ses obligations à cet égard par la souscription d'un contrat auprès de l'Apave le 25 novembre 2004 pour les visites périodiques de l'appareil ; ce qui aurait mis en relief le 13 avril 2005 qu'il n'existait pas de défectuosité sur les installations de son établissement alors par ailleurs que le tube a été changé en septembre 2004,

Attendu cependant que ce contrôle auquel il a été procédé 16 mois après les faits dont il s'agit n'établit pas l'état du matériel à la date du 3 décembre 2003 ;

Que la société ABE qui n'a pas fait contrôler son appareil avant sa mise en service, contrairement aux préconisations du vendeur conformes aux dispositions légales, ne justifie pas qu'elle avait mis en œuvre toutes les diligences lui incombant dans le cadre de la sécurité due aux utilisateurs,

Qu'il résulte de l'ensemble de ces constatations que Monsieur Levanneur rapporte la preuve de l'imputabilité des lésions par lui subies à l'appareil utilisé et qu'il peut se prévaloir de l'obligation de sécurité de résultat pesant à l'encontre de son cocontractant, l'appareil ayant porté atteinte sa santé, mais que la société ABE ne s'exonère pas de cette obligation, l'information donnée à l'utilisateur sur l'usage de crèmes étant à cet égard indifférente de même que l'absence d'autre accident du même type,

Que la décision critiquée doit en conséquence être confirmée,

Sur la réparation du préjudice subi

Attendu qu'en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation du préjudice subi par Monsieur Levanneur et de la réparation à allouer en réparation de ce préjudice, étant observée :

Que la somme allouée au titre du préjudice d'agrément est conforme à la demande,

Qu'au titre du déficit permanent, il a été tenu compte de l'incidence professionnelle,

Qu'au titre du déficit fonctionnel temporaire, celui-ci a été en partie supporté par la CAPM, Monsieur Levanneur ne pouvant prétendre de ce chef qu'à la gêne dans les actes quotidiens,

Que le préjudice esthétique doit nécessairement être réparé au regard de l'évaluation faite par l'expert et qu'il en est de même pour les souffrances endurées,

Qu'il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur la réparation allouée,

Attendu que la CPAM des Pyrénées Orientales a été désintéressée de sa créance,

Qu'elle peut prétendre au paiement des intérêts entre la date de sa demande en justice soit le 24 janvier 2006 et la date du paiement soit une somme non contestée de 510,92 euros,

Par ces motifs, LA COUR, Reçoit en la forme l'appel de la société ABE, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Déboute Monsieur Levanneur du surplus de ses demandes indemnitaires, Constate que la CPAM des Pyrénées Orientales a été désintéressée de sa créance à la date du 20 mai 2008, Condamne la société ABE à payer à la CPAM des Pyrénées Orientales les intérêts sur sa créance entre la date de sa demande en justice et la date du paiement soit une somme de 510,92 euros, Vu l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société ABE à payer à Monsieur Levanneur la somme de 1 500 euros et à la CPAM des Pyrénées Orientales la somme de 100 euros, rejette la demande de la société ABE ; Condamne la société ABE aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître Rouquette et de la SCP Auche-Hedou Auche Auche avoués.