CA Paris, Pôle 1 ch. 1, 4 juin 2013, n° 12-15944
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Activa DPS Europe (SARL)
Défendeur :
Pressure Seal Solutions Ltd (Sté), Baldwin
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Acquaviva
Conseillers :
Mmes Guihal, Dallery
Avocats :
Mes Lencione, Bitton, Ngo Ndjigui, Chène Havas
La société Activa DPS Europe (ci-après Activa), société de droit français, faisant grief à la société Pressure Seal Solutions (ci-après Pressure), société de droit anglais ayant son siège social au Royaume-Uni d'avoir rompu abusivement une relation commerciale établie et d'avoir commis des actes de concurrence déloyale, l'a fait assigner ainsi que son directeur Monsieur Gavin Baldwin, par acte d'huissier du 20 mai 2010, au visa de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce et de l'article 1382 du Code civil devant le Tribunal de commerce d'Evry en réparation du préjudice subi.
Par un jugement du 23 novembre 2011, le Tribunal de commerce d'Evry s'est déclaré incompétent au profit de la Southampton County Court, tant par application des règles de compétence édictées par la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 qui donne compétence en matière contractuelle au tribunal du lieu d'exécution du contrat et en matière délictuelle au tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit que par l'effet de la connexité, une instance en paiement ayant été précédemment engagée par Pressure à l'encontre d'Activa devant une juridiction anglaise.
Par acte du 7 décembre 2011, la société Activa a formé contredit à l'encontre de cette décision.
Vu les conclusions déposées par Activa le 18 avril 2013 et soutenues oralement à l'audience aux termes desquelles elle demande à la cour de la recevoir en son contredit, d'infirmer la décision attaquée, de dire le Tribunal de commerce d'Evry compétent et de renvoyer la cause et les parties devant cette juridiction pour qu'il soit statué sur le fond du litige ;
Vu les conclusions déposées par Pressure le 18 avril 2013 et soutenues oralement à l'audience qui tendent à la confirmation du jugement, au débouté d'Activa de ses demandes et à la condamnation de cette dernière au paiement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Sur quoi,
Considérant qu'au soutien de son contredit, Activa fait valoir :
- que la loi française est applicable en application des articles 4.1 et 4.2 de la Convention de Rome ;
- qu'en application de l'article 5 du règlement n° 44-2001 du 22 décembre 2000, le lieu principal d'exécution du contrat de distribution et des prestations qui y sont liées se situe en France, au siège de la société Activa, la livraison ayant été réalisée en France.
- que les troubles liés aux actes de concurrence déloyale l'ont été à la prestation de distribution et de développement des ventes effectuées par Activa depuis la France.
- qu'enfin, dans le cas où une expertise serait nécessaire pour déterminer la non-conformité des produits livrés par Pressure, cette mesure devrait être diligentée au lieu où se trouvent actuellement les produits, c'est-à-dire en France.
Considérant qu'il n'est pas contesté que Activa ET Pressure étaient en relations contractuelles depuis 2006 sans être liées par un contrat écrit, et que celles-ci ont cessé à la fin de l'année 2008 ;
Considérant que Activa recherche la responsabilité de Pressure pour avoir rompu abusivement une relation commerciale établie et pour avoir commis des actes de concurrence déloyale ;
Considérant que la désignation de la juridiction compétente doit être déterminée par référence au Règlement CE 44-2001 (Bruxelles I) ;
qu'à cet égard, l'action engagée par Activa en ce qu'elle a pour objet de faire sanctionner des agissements qui imputés à Pressure trouvent leur origine dans la cessation des relations contractuelles, doit être regardée comme étant de nature contractuelle au sens du droit européen, peu important qu'elle puisse être qualifiée de délictuelle par le droit français ;
Considérant que l'article 5-1 du Règlement précité dispose que :
" Une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite, dans un autre Etat membre :
1) a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ;
b) aux fins de l'application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d'exécution qui sert de base à la demande est :
- pour la vente de marchandises, le lieu d'un Etat membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,
- pour la fourniture de services, le lieu d'un Etat membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ;
c) le point a) s'applique si le point b) ne s'applique pas. "
Considérant que pour l'application de ce texte, il convient de déterminer la nature du contrat liant les parties selon la loi du for, par référence au droit communautaire ;
Considérant que les parties se trouvant liées non par un contrat de vente de marchandises mais par un contrat verbal de distribution exclusive, ainsi qu'il résulte sans équivoque des messages électroniques échangés par les parties et spécialement du message du 4 septembre 2009 du directeur des ventes export de Pressure par lequel Activa se voit confirmée comme distributeur exclusif en Hongrie et à Malte, il convient pour déterminer le lieu de l'obligation litigieuse, d'analyser les obligations des parties selon la loi applicable au contrat qui, à défaut de désignation par les parties, doit être désignée selon les règles de conflit de la juridiction saisie;
Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, si celle-ci n'a pas été choisie par les parties, le contrat est régi par la loi du pays avec lesquels il présente les liens les plus étroits, lesquels sont présumés exister avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, son principal établissement ;
que si l'article 4 h) du Règlement (CE) n° 593-2008 du 17 juin 2008 (Rome I) qui dispose que le contrat de distribution est régi par la loi du pays dans lequel le distributeur a sa résidence habituelle n'est pas applicable au litige, le contrat ayant été conclu avant le 17 décembre 2009, en l'espèce, il convient de considérer que dans le contrat de distribution exclusive liant les parties, la prestation caractéristique est celle incombant à Activa de diffuser et de promouvoir sur le continent européen les produits fournis par Pressure ;
que par suite, Activa ayant son siège social en France, il convient de se référer à la loi française applicable au contrat pour déterminer le lieu où l'obligation doit être exécutée au sens de l'article 5-1 du Règlement CE 44-2001 et partant désigner la juridiction compétente ;
qu'en l'espèce, Activa ayant sa clientèle et le centre de ses activités à Montgeron (91), a executé en ce lieu sa prestation de service en sorte que c'est à bon droit qu'elle a saisi le Tribunal de commerce de Bobigny, territorialement compétent, en application des dispositions de l'article 46 alinéa 2 du Code de procédure civile applicables à un contrat de distribution exclusive ;
Considérant enfin que Pressure ne peut invoquer une exception de litispendance internationale, l'instance en paiement engagée devant une juridiction anglaise n'étant plus en cours pour avoir donné lieu à une décision devenue irrévocable de la Cour d'appel de Londres ;
Considérant qu'il convient en conséquence d'accueillir le contredit, de dire le Tribunal de commerce de Bobigny compétent et de renvoyer les parties devant cette juridiction pour qu'il soit statué sur le fond.
Par ces motifs : Dit que l'action engagée par la société Activa DPS Europe est de nature contractuelle ; Dit que les parties sont liées par un contrat verbal de distribution exclusive ; Dit qu'en application de l'article 4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, le contrat est régi par la loi française ; Dit que le lieu où l'obligation doit être exécutée au sens de l'article 5-1 du Règlement CE 44-2001 et partant la juridiction compétente doivent être déterminés par application de la loi française ; Dit en conséquence que le Tribunal de commerce de Bobigny est compétent par application des dispositions de l'article 46 alinéa 2 du Code de procédure civile ; Fait droit au contredit. Renvoie les parties devant le Tribunal de commerce de Bobigny pour qu'il soit statué sur le fond du droit. Dit que les dépens suivront le sort de l'instance au fond. Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.