CA Versailles, 12e ch., 4 juin 2013, n° 12-08681
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Eo Solutions (SARL)
Défendeur :
Time:Matters Spare Parts Logistics GmbH (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rosenthal
Conseillers :
Mmes Brylinski, Poinseaux
Avocats :
Mes Beltz, Terrier
Faits et procédure
La société Eo Solutions est une société de droit français ayant son siège social en France, et exerçant l'activité de commissionnaire de transport. Elle entretenait depuis le mois d'août 2009 des relations commerciales, formalisées par un premier contrat-cadre signé le 1er décembre 2009 remplacé par un nouveau contrat signé le 1er septembre 2010, dans lesquelles elle assurait le soutien opérationnel et l'assistance dans l'organisation de transports routiers, avec la société de droit allemand Time:Matters Spare Parts Logistics ayant son siège en Allemagne.
Par courrier du 1er septembre 2011, la société Time:Matters Spare Parts Logistics a notifié à la société Eo Solutions la résiliation du contrat à effet au 30 novembre 2011.
La société Eo Solutions a assigné la société Time:Matters Spare Parts Logistics devant le Tribunal de commerce de Versailles, en paiement de diverses sommes, d'une part au titre de factures impayées, et d'autre part à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies, sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce.
Le Tribunal de commerce de Versailles, par jugement rendu le 30 novembre 2012, recevant la société Time:Matters Spare Parts Logistics en son exception d'incompétence, s'est déclaré incompétent et faisant application des dispositions de l'article 96 alinéa 1 du Code de procédure civile a renvoyé les parties à mieux se pourvoir, dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et condamné la société Eo Solutions aux dépens.
La société Eo Solutions a régulièrement formé contredit, oralement soutenu à l'audience, aux termes duquel elle demande à la cour, sous le visa des articles 2 et 5 du règlement CE 44-2001, des articles L. 442-6, D. 442-3 et D. 442-4 du Code de commerce, 80 à 91 et 97 à 101 du Code de procédure civile, d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau, dire que les tribunaux français sont compétents pour juger l'affaire au fond et renvoyer la cause et les parties devant le Tribunal de commerce de Paris pour qu'il soit statué au fond, dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile et réserver les dépens.
La société Time:Matters Spare Parts Logistics, aux termes de ses dernières écritures en date du 18 mars 2013 oralement soutenues à l'audience et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour, sous le visa des articles 2 et 5 du règlement CE 44-2001, du décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009, des articles L. 442-6, D. 442-3 et D. 442-4 du Code de commerce et 76 du Code de procédure civile, de déclarer incompétents les tribunaux français au profit des tribunaux allemands, subsidiairement de déclarer le Tribunal de commerce de Versailles incompétent au profit du Tribunal de commerce de Paris, en tout état de cause renvoyer en conséquence les parties à mieux se pourvoir et condamner la société Eo Solutions au paiement de la somme de 4 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
DISCUSSION
Les sociétés Eo Solutions et Time:Matters Spare Parts Logistics étaient liées par un contrat soumettant expressément leurs relations à la loi française.
L'action engagée par Eo Solutions se divise en deux branches distinctes par leur nature : ayant pour objet le paiement de factures, elle est de nature contractuelle; ayant pour objet le paiement de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce, elle est de nature quasi-délictuelle.
Le tribunal, se fondant sur les articles 2 et 6 du règlement CE 44-2001 dont il a rappelé les termes a considéré que dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice les deux demandes devaient être traitées ensemble, devant les juridictions allemandes compte tenu de la localisation du siège social de Time:Matters Spare Parts Logistics.
La référence à l'article 6 du règlement CE 44-2001 est manifestement inadaptée, cette disposition concernant l'hypothèse d'une pluralité de défendeurs.
L'article 2 du même règlement pose pour principe que les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre, sous réserve des autres dispositions dont notamment celles de l'article 5, qui prévoit que :
Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite, dans un autre État membre :
1) a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ;
b) aux fins de l'application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est :
- pour la vente de marchandises, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,
- pour la fourniture de services, le lieu d'un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ;
3) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire.
Le contrat liant les parties avait pour objet l'exécution par Eo Solutions pour Time:Matters Spare Parts Logistics de prestations de soutien opérationnel et d'assistance dans l'organisation de transports routiers, à exécuter en France.
Le fait dommageable au sens de l'article 5 s'entend aussi bien du lieu du fait générateur que du lieu où le préjudice est subi ; or le préjudice est subi par Eo Solutions au lieu de son siège social et de l'exercice de son activité en France.
Dès lors en application de l'article 5 du règlement CE 44-2001, la compétence des juridictions françaises est justifiée.
En application des dispositions des articles D. 442-3 et D. 442-4 du Code de commerce français, l'action exercée sur le fondement de l'article L. 442-6 du même Code relève de la compétence exclusive du Tribunal de commerce de Paris ; la connexité existant entre les deux demandes d'Eo Solutions justifie que celles-ci soient traitées ensemble, nécessairement par cette juridiction spécialisée.
Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce que le Tribunal de commerce de Nanterre s'est déclaré incompétent, mais infirmé en ce qu'il a renvoyé les parties à mieux se pourvoir ; la cause et les parties seront renvoyées devant le Tribunal de commerce de Paris, à qui il appartiendra de statuer sur les dépens se rapportant à la procédure devant le Tribunal de commerce de Nanterre.
Time:Matters Spare Parts Logistics supportera les frais de contredit, mais il n'y a pas lieu de prévoir l'allocation d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : Statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris en ce que le Tribunal de commerce de Nanterre s'est déclaré incompétent ; Infirme le jugement entrepris pour le surplus ; Statuant à nouveau des chefs infirmés et, y ajoutant, Renvoie la cause et les parties devant le Tribunal de commerce de Paris ; Réserve les indemnités de procédure et dépens au titre de la procédure suivie devant le Tribunal de commerce de Nanterre, sur lesquels il sera statué par la juridiction de renvoi ; Dit n'y avoir lieu à allocation d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre du contredit ; Condamne la société Time:Matters Spare Parts Logistics aux frais du contredit.