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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 6 juin 2013, n° 2012-02945

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Géfil , Deloitte Conseil (SARL)

Défendeur :

Ministre de l'Economie, des Finances et du Commerce Extérieur, Autorité de la concurrence

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Remenieras

Conseillers :

Mmes Beaudonnet, Leroy

Avocats :

SARL Hjyh Avocats, SCP Lissarrague Dupuis Boccon-Gibod, Mes Cabanes, Rincazaux

CA Paris n° 2012-02945

6 juin 2013

Par décision n° 10-SOI-06 du 3 novembre 2010, l'Autorité de la concurrence (l'Autorité) s'est saisie d'office de pratiques concernant le secteur de l'ingénierie des loisirs, de la culture et du tourisme.

Par décision de la rapporteure générale en date du 10 février 2011 prise en application de l'article L. 463-3 du Code du commerce, l'affaire a été examinée par l'Autorité sans établissement préalable d'un rapport.

Le secteur de l'ingénierie des loisirs, de la culture et du tourisme (ci-après l'"ingénierie LCT") réunit l'ensemble des activités de conseil, d'assistance et de formation à la mise en valeur des équipements touristiques, culturels ou de loisirs, ainsi qu'à la gestion des patrimoines culturels, naturels ou industriels et au développement des territoires.

Sont traditionnellement distinguées dans ce secteur l'ingénierie publique et l'ingénierie privée.

L'ingénierie publique relève de la compétence de l'État et des collectivités territoriales par l'intermédiaire d'entités telles qu'Atout France, les comités régionaux du tourisme (CRT), les comités départementaux du tourisme (CDT) et les offices de tourisme. Elle consiste à fournir, notamment, du "pré-conseil", c'est-à-dire des activités telles que la sensibilisation, l'information, la documentation, la vulgarisation, la formation ou l'assistance technique. L'ingénierie publique inclut également le "post-conseil", c'est-à-dire des activités telles que le contrôle de l'offre en ingénierie LCT, la labellisation, la normalisation, le suivi ou l'évaluation.

L'ingénierie privée est mise en œuvre par les cabinets-conseils et par les chambres consulaires.

Les principaux domaines d'application de l'ingénierie LCT énumérés par Odit France dans son "Guide de l'ingénierie LCT - Comment travailler avec un cabinet conseil" sont : les équipements (hébergements, équipements de loisirs, culturels ou de divertissement, etc.) ; le territoire (ville, littoral, montagne, etc.) ; les secteurs tels que le transport, les voyages ou le développement territorial et d'autres filières telles que le tourisme d'affaires, de santé, de découverte économique ou de ski.

Les missions confiées aux cabinets-conseils sont d'une grande diversité (études de marché, expertises, diagnostics, enquêtes, stratégies de développement, plans d'action, muséologie, scénographie, signalétique, montages d'opérations, formations, démarches qualité, etc.) et de plus en plus pluridisciplinaires. Il existe trois principaux champs d'intervention : les études d'opportunité ou de vocation, les études de faisabilité, la programmation et l'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO).

Le secteur n'est pas réglementé, mais le Géfil, syndicat professionnel de l'ingénierie LCT, a mis en place à la fin de l'année 2002 une qualification propre au secteur avec l'Organisme professionnel de qualification de l'ingénierie infrastructure, bâtiment, industrie (OPQIBI). Cette qualification "OPQIBI" atteste de la compétence et du savoir-faire d'une structure active dans le secteur de l'ingénierie LCT.

Les acteurs privés du secteur de l'ingénierie LCT sont structurés autour de deux principales fédérations, le Syntec et la Chambre de l'Ingénierie et du Conseil de France (CICF), ainsi que d'un syndicat professionnel unique, le Géfil.

Le Géfil a été créé en mai 1990 sous la forme d'une association loi 1901. Il est devenu un syndicat professionnel en 1994. Ses objectifs sont de faire connaître la compétence, l'expérience et les méthodes de travail de ses membres ; de représenter la profession auprès des pouvoirs publics ; d'accompagner son organisation, de défendre ses intérêts et de réfléchir à son évolution, notamment en soutenant la reconnaissance d'une véritable déontologie professionnelle; et enfin de faciliter les relations entre les commanditaires et les cabinets-conseils.

Depuis sa création en 1990, le nombre d'adhérents du Géfil oscille entre 70 et 80 selon les années. En octobre 2010, il s'élevait à 74 adhérents selon son délégué général. Tous ses adhérents ont signé une charte de déontologie relative à la transparence vis-à-vis des clients quant à leurs compétences, à leurs méthodes et à leurs coûts d'intervention, à l'indépendance des consultants dans leurs missions de conseil, d'étude et d'assistance, et enfin au respect des règles de concurrence et de la réglementation en vigueur.

Le Géfil est membre de droit du Conseil national du tourisme (CNT), organisme placé auprès du ministre chargé du Tourisme. Il est affilié à la CICF. Il est également membre du comité de pilotage de la Mission d'ingénierie touristique Rhône-Alpes (MITRA) et du collège des prestataires d'ingénierie de l'OPQIBI.

Dès sa création, le Géfil a élaboré un annuaire recensant ses adhérents. Celui-ci est mis à jour tous les deux à trois ans environ, imprimé à 4 000 exemplaires et diffusé à plus de 3 600 donneurs d'ordre. L'annuaire est également mis en accès libre sur le site Internet du Géfil et donc consultable par les cabinets-conseils adhérents, les non-adhérents et les commanditaires.

Dans cet annuaire, chaque adhérent se voit consacrer une page qui présente en quelques lignes le cabinet, précise ses coordonnées, son statut, sa date de création, ses éventuelles qualifications OPQIBI, le nom de son ou de ses dirigeants, le nombre de consultants qu'il emploie ainsi qu'une indication, sous la forme d'une fourchette, de son chiffre d'affaires hors taxes. Le chiffre d'affaires est présenté sous la forme d'une classe allant de 1 à 4 (la classe 1 équivalent à un chiffre d'affaires inférieur à 150 000 euros, la classe 2 à un chiffre d'affaires situé entre 150 001 et 300 000 euros, la classe 3 à un chiffre d'affaires situé entre 300 001 et 750 000 euros, et enfin la classe 4 à un chiffre d'affaires supérieur à 750 001 euros).

Les membres du Géfil sont 39 % à réaliser un chiffre d'affaires inférieur à 150 000 euros (1 à 2 consultants), 25 % d'entre eux un chiffre d'affaires compris entre 150 000 euros et 300 000 euros (2 à 4 consultants), 22 % un chiffre d'affaires compris entre 300 000 euros et 750 000 euros (5 à 7 consultants) et enfin 14 % un chiffre d'affaires supérieur à 750 000 euros (8 à 15 consultants) (cote 17 534). Le chiffre d'affaires total engendré par les adhérents du Géfil en 2010 est estimé à 26 millions d'euros selon son délégué général.

L'annuaire du Géfil comprend également un éditorial, une présentation du Géfil, du secteur de l'ingénierie LCT ainsi que de sa charte de déontologie, et enfin des fiches intitulées "Du bon recours aux cabinets-conseils", "Un appel d'offres : combien ça coûte", "Qualification", "le juste prix". Le Géfil publie également à destination de ses adhérents un journal intitulé "Le Géfilon", à présent diffusé uniquement sous format électronique.

Il est rappelé, à ce stade, qu'il ressort du dossier (points 26 et 27 de la Décision) que la fiche "le juste prix"(ci-après "le juste prix") a été élaborée avant 2002, à la suite de la constitution d'un groupe de travail par la présidente du Géfil de l'époque. Questionné à ce sujet, le Géfil a précisé que la fiche a ensuite été publiée dans l'annuaire du Géfil au cours du mois de février 2002. Cette fiche s'appuie sur les comptes d'un cabinet-conseil fictif composé de quatre personnes dont elle détaille les prix de facturation. A partir de la décomposition des activités du cabinet par consultant en nombre de jours, de la décomposition de la structure de coût de ce cabinet pour une année et du calcul d'une marge bénéficiaire de 6 %, le Géfil présente les prix journaliers respectifs des trois catégories de consultants qui sont donc "établis de manière cohérente en fonction de leur expérience, de leurs responsabilités et du nombre de journées facturées".

Sur la base des constatations recueillies dans le cadre de la procédure, par lettre en date du 10 février 2011, le grief suivant a été notifié par les services d'instruction de l'Autorité :

"Au vu des éléments analysés ci-dessus, il est fait grief au Syndicat national de l'ingénierie Loisirs Culture Tourisme, le Géfil ainsi qu'aux sociétés Assaï, Mérimée conseil, Promotour consultants, Kanopée, Arc essor, Philippe Caparros développement, Maîtres du rêve, Somival, Astarté, Deloitte Conseil, François-Tourisme-Consultants, Médiéval, HA conseils et Tourisme et Qualité, d'avoir, depuis 2002, mis en œuvre des pratiques de consignes de prix accompagnées d'actions visant à en assurer le respect.

Cela avait pour objet et a pu avoir pour effet de limiter la liberté tarifaire des cabinets conseils LCT et de réduire la concurrence sur le marché de l'ingénierie LCT au détriment des commanditaires publics, majoritairement des collectivités publiques, ou privés. Cette pratique relève d'une entente anticoncurrentielle prohibée en application de l'article L. 420-1 du Code de commerce".

Par Décision n° 12-D-02 du 12 janvier 2012, (la Décision), l'Autorité a décidé :

"Article 1er : Il est établi que le syndicat professionnel Géfil et les sociétés Arc essor, Assaï, Deloitte Conseil, Hôtel Action conseils, Maîtres du rêve, Médiéval, Mérimée conseils, Philippe Caparros Développement, Promotour consultants et Somival ont enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce en menant une action concertée consistant à diffuser une consigne de prix. (...)

Article 3 : Pour l'infraction visée à l'article 1er, sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes:

- au syndicat professionnel le Géfil une sanction de 15 000 euros ;

- à la SAS Deloitte Conseil une sanction de 510 000 euros ;

Article 4 : Il est enjoint au Géfil de procéder à la publication du texte figurant au paragraphe 261 de la décision dans la "Gazette des communes, des départements et des régions" dans les deux mois qui suivront la notification de la présente décision, ainsi que dans le prochain numéro du Géfilon. Cette publication interviendra dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : "Décision n° 12-D-01 du 12 janvier 2012 de l'Autorité de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l'ingénierie des Loisirs, de la Culture et du Tourisme". Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l'objet d'un recours devant la cour d'appel de Paris si un tel recours est exercé. Le Géfil adressera, sous pli recommandé, au bureau de la procédure, copie de ces publications, dès leur parution."

LA COUR :

Vu le recours en annulation déposé le 16 février 2012 au greffe de la cour par le Géfil ;

Vu le mémoire contenant l'exposé des moyens déposé le 15 mars 2012 à l'appui de son recours, soutenu par son mémoire en réplique déposé le 11 janvier 2013 ;

Vu le recours en annulation et subsidiairement en réformation déposé le 17 février 2012 au greffe de la cour par la société Deloitte Conseil ;

Vu le mémoire déposé le 16 mars 2012 à l'appui de son recours soutenu par son mémoire récapitulatif et en réponse déposé le 11 janvier 2013 ainsi que par son mémoire déposé le 14 janvier 2013 ;

Vu les observations de l'Autorité de la concurrence en date du 13 décembre 2012 ;

Vu le courrier du ministre chargé de l'Economie en date du 7 décembre 2012 par lequel il indique qu'il n'entend pas user de la faculté de présenter des observations écrites et orales ;

Vu les observations écrites du ministère public, mises à la disposition des parties ;

Après avoir entendu à l'audience publique du 24 janvier 2013, les conseils des requérantes, qui ont été mis en mesure de répliquer, ainsi que le représentante de l'Autorité de la concurrence et le Ministère public ;

SUR CE :

Sur les pratiques

Considérant que le Géfil sollicite l'annulation de la décision déférée en prétendant, en premier lieu, qu'il n'a pas été animé par une volonté d'organiser une entente anticoncurrentielle, dès lors que ses initiatives ont eu pour seul objet de répondre aux sollicitations de ses adhérents qui lui ont fait part de leurs difficultés à participer utilement à des appels d'offres en raison d'une baisse très significative des prix des marchés publics dans le secteur de l'ingénierie LCT ; que dans ce contexte particulier justifiant son intervention et les actions judiciaires individuelles s'avérant, par ailleurs, inefficaces, ses adhérents lui ont confié la mission de remédier à ces difficultés qui portent atteinte aux intérêts de la profession qu'il représente, alors par surcroît que les cabinets-conseils du secteur considéré ne disposent pas, du fait de leur taille, des moyens leur permettant d'élaborer un prix tenant compte de toutes les contraintes associées à l'exécution d'un marché public ; que le Géfil affirme ainsi que la pratique qui lui a été reprochée est étrangère à la qualification d'entente, dès lors qu'il s'est exclusivement placé sur le terrain de l'information afin de prévenir des risques, que ses adhérents n'étaient pas en mesure d'appréhender, qui étaient liés à des pratiques avérées de concurrence par les prix dont les effets pervers étaient dénoncés tant par les donneurs d'ordres que par les candidats potentiels ; que le syndicat requérant souligne que d'autres organisations professionnelles sont intervenues pour corriger l'évolution de la commande publique en se plaçant sur le terrain du "prix anormalement bas" et que son initiative est intervenue sur le terrain du "juste prix", si elle peut, éventuellement, apparaître inappropriée en la forme, n'en est pas moins intervenue dans un tel contexte très éloigné d'une entente secrète entre professionnels, la fiche "le juste prix" ayant pour objet, à partir d'une enquête, d'une part, d'identifier les coûts supportés par les donneurs d'ordres et, d'autre part, d'identifier les coûts supportés par les cabinets de conseil ; que cette fiche poursuivait en effet comme objectifs :

- de montrer une volonté de transparence, afin d'aider les commanditaires ayant peu d'expérience dans le secteur LCT à évaluer le coût des prestations d'ingénierie et à établir un budget prévisionnel afférent ;

- d'assurer une "juste rémunération" des consultants en terme d'honoraires moyens ;

- d'opérer une sensibilisation des donneurs d'ordres au risque d'une baisse de la qualité des prestations induit par la facturation sous forme de forfait sans indication du détail honoraires/journée ;

- d'assurer une défense de l'esprit du Code des marchés publics ;

- de constituer une base de référence pour la comptabilité de l'ensemble des cabinets de conseil très utile pour ceux qui démarraient dans ce domaine ;

- de constituer une comparaison de cette base de référence avec les analyses menées par d'autres organismes professionnels ;

Que le requérant précise que la fiche incriminée a été conçue non comme un "prix d'entente" entre opérateurs mais comme une aide à la détermination d'un prix cohérent, susceptible de varier d'un opérateur à l'autre en fonction de considérations telles que la proximité du lieu d'exécution, les économies d'échelle résultant de l'exécution antérieure de commandes comparables ou du taux de charge du candidat sur la période ; que cette fiche n'avait ainsi qu'un objectif pédagogique, qui est clairement énoncé dans son introduction, et n'avait pas pour finalité de limiter l'autonomie commerciale des opérateurs privés en diffusant une consigne de prix, prix qui aurait alors été identifié et actualisé, année après année, pour servir de référence ;

Que le Géfil soutient, en second lieu, que les pratiques qui lui sont reprochées, qui ne se rattachent qu'à une partie résiduelle de son activité, doivent, de toute façon, être relativisées, faute d'impact sur la fixation des prix des offres par les candidats membres et faute de caractère systématique du fait de l'envoi d'un nombre réduit de courriers pendant la période considérée; que le requérant souligne aussi, par surcroît, que les courriers qui lui sont reprochés ont été presque systématiquement communiqués en copie à la DGCCRF, ce souci de transparence démontrant, si besoin est, son entière bonne foi qui n'a pas été prise en considération par l'Autorité ; que le Géfil souligne encore qu'il ne peut lui être reproché d'avoir conditionné l'adhésion de ses membres ou le maintien de leur adhésion au respect des pratiques de prix qu'il aurait imposées, dès lors qu'il n'est démontré, ni que la demande d'adhésion d'un professionnel a été rejetée en raison d'une pratique de prix contraire à ses conseils, ni qu'un professionnel a été radié ou sanctionné pour ce motif et qu'à l'opposé, il est établi que certains de ses adhérents l'ont quitté au motif qu'il n'intervenait pas assez activement sur la fixation des prix ;

Considérant que la société Deloitte Conseil reproche de son côté à l'Autorité d'avoir commis une erreur d'appréciation en qualifiant les pratiques en cause de "consigne de prix" alors qu'elle ne répondaient pas aux critères requis pour recevoir une telle qualification ;

Que la requérante prétend, tout d'abord, que la prétendue consigne de prix n'était pas précise, puisque la fiche "le juste prix", qui présentait seulement un exemple de corrélation recettes/coûts, afin de calculer le montant de recettes nécessaires pour permettre à un cabinet-conseil "type" de couvrir ses principaux coûts, ne peut pas être assimilée à la publication d'un tarif ou d'un prix devant être respecté par les adhérents ; qu'il s'agissait seulement de permettre une bonne compréhension des structures de coûts par les donneurs d'ordre et, partant, des rémunérations des cabinets-conseils, en leur donnant seulement des indications ; qu'en effet, le Géfil n'a jamais adressé à ses adhérents, au sujet de leurs prestations, de notes ou de circulaires visant à diffuser des éléments tarifaires très précis et assorties d'un rappel à l'ordre, en leur imposant le respect d'un tarif par catégorie de consultants ; que la société Deloitte Conseil précise, par surcroît, qu'alors que les premiers courriers alertant les donneurs d'ordre publics les sur la concurrence déloyale de certains prestataires de services ont été envoyés avant l'adoption de la fiche "le juste prix", le Géfil n'a, ensuite, jamais actualisé les éléments tarifaires de cette fiche, pas même en fonction de l'évolution des coûts supportés par les cabinets de conseil à la suite de l'augmentation des loyers ou des salaires ;

Que la requérante affirme, ensuite, que le Géfil n'a jamais considéré que les éléments tarifaires de la fiche étaient impératifs et n'a jamais contraint ses adhérents à les appliquer ; qu'en effet :

- aucun "mot d'ordre" ne leur a été adressé indiquant que les tarifs des prestations de conseil LCT devaient respecter les trois niveaux identifiés ;

- aucun engagement d'application des éléments tarifaires de ladite fiche n'a été demandé aux anciens ainsi qu'aux nouveaux adhérents ;

- aucun courrier de rappel à l'ordre n'a été adressé aux adhérents qui ont continué d'appliquer des tarifs inférieurs aux éléments tarifaires figurant sur la fiche ;

- aucune sanction n'a été prise à l'encontre des nombreux adhérents qui ont facturé leurs services à des prix bien inférieurs à ceux de la fiche le juste prix ;

- les tarifs en question n'ont jamais été perçus par les adhérents eux-mêmes comme des "tarifs imposés ou comme des tarifs conseillés revêtant un caractère de tarif minimum" ;

Que la société Deloitte Conseil soutient encore que les pratiques en cause ne répondent pas aux critères de fréquence et de diffusion systématique inhérents aux pratiques de consigne de prix, dès lors que la fiche incriminée n'a été publiée que dans l'annuaire public du Géfil et qu'ayant comme seul support cet annuaire, cette fiche est restée inchangée sur une période de plus de huit ans ;

Que la requérante souligne, enfin, que la fiche n'a pas fait l'objet de suivi par les adhérents et de surveillance par Géfil et que si, à partir de 2001, les dossiers de demandes d'adhésion au syndicat contenaient une demande de communication des prix pratiqués par le cabinet de conseil candidat, les prix communiqués étaient, dans la quasi-totalité des cas, très inférieurs aux éléments tarifaires figurant sur la fiche "le juste prix" et qu'ils n'ont, en tout cas, jamais constitué un motif de refus d'adhésion au syndicat ; qu'ainsi, les cabinets-conseils pratiquant des prix significativement inférieurs ont été admis au Géfil et ont pu continuer à appliquer leurs propres tarifs sans avoir à procéder à des ajustements avec les éléments tarifaires présentés dans la fiche, voire ont baissé leurs tarifs ; que Deloitte Conseil précise, à cet égard, que, contrairement à ce qui a été décidé par l'Autorité :

- le Géfil n'a envoyé aucun courrier à l'un quelconque de ses adhérents ;

- deux courriers seulement ont été envoyés à des cabinets non adhérents à l'issue de la publication des résultats d'appels d'offres ;

- dans plusieurs de ses courriers, le Géfil rappelait la limite de ses actions et le principe de libre concurrence et que ses objections aux demandes présentées par certains adhérents témoignent du refus d'imposer une politique tarifaire ;

- le Géfil n'a mis en œuvre aucune procédure de sanction à l'encontre d'un adhérent, les propos tenus ponctuellement par certains membres du syndicat ne pouvant relever du contenu et des objectifs d'une pratique de "consigne de prix" ;

- Deloitte Conseil n'a participé que passivement et occasionnellement à des réunions au cours desquelles les propos jugés critiquables par l'Autorité ont été tenus ;

Considérant qu'ainsi que l'a rappelé à bon droit l'Autorité (points 71 à 78 de la Décision), les syndicats professionnels ne sont pas soustraits à l'application des règles de concurrence et qu'une pratique anticoncurrentielle peut résulter de différents actes émanant des organes d'un groupement professionnel, tel qu'un règlement professionnel, un règlement intérieur, un barème ou une circulaire ;

Que l'élaboration et la diffusion, à l'initiative d'un syndicat professionnel, d'un document destiné à l'ensemble de ses adhérents peuvent en effet constituer une entente, une action concertée contraire à l'article L. 420-1 du Code de commerce si ceux-ci ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence ;

Qu'ainsi, si un organisme professionnel peut diffuser des informations destinées à apporter une aide à ses membres dans l'exercice de leur activité, l'aide qu'il leur apporte ne peut toutefois avoir ni pour objet, ni pour effet de les détourner d'une appréhension directe de leur stratégie commerciale et de leurs propres coûts qui leur permette d'établir leurs prix individuellement et de manière indépendante ;

Qu'en particulier, les pratiques d'organisations professionnelles qui diffusent à leurs membres, sous couvert d'une aide à la gestion, des tarifs ou des méthodes de calcul de prix qui ne prennent pas en considération les coûts effectifs de chaque entreprise sont prohibées par l'article L. 420-1 du Code de commerce ;

Qu'en effet, la diffusion de tels documents, même lorsqu'ils ne revêtent pas un caractère impératif, dans la mesure où ils fournissent à chaque entreprise une indication sur les prix ou les taux de hausse considérés comme "normaux" dans la profession, peuvent avoir pour effet d'inciter les concurrents à aligner les comportements sur celui des autres, entravant ainsi la liberté de chaque entreprise de fixer ses prix en fonction de ses propres données ;

Que, dès lors, un syndicat professionnel tel que le Géfil est susceptible d'enfreindre l'article L. 420-1 du Code de commerce s'il est avéré qu'il est sorti de la mission d'information, de conseil et de défense des intérêts professionnels que la loi lui confie en adoptant un comportement de nature à influer directement ou indirectement sur la concurrence que se livrent ses membres ;

Considérant qu'en raison des contestations soulevées par le syndicat ainsi que par son adhérente sur les pratiques anticoncurrentielles dénoncées à leur encontre, l'appréciation de leur comportement au regard des principes qui viennent d'être énoncés impose, à titre liminaire, de rappeler les constatations objectives ressortant du dossier (points 18 à 53 de la Décision) sur les conditions d'adhésion au Géfil ainsi que sur le contexte et les objectifs de la fiche "le juste prix" et la surveillance des tarifs par le Géfil et les tarifs appliqués par les adhérents de ce syndicat professionnel ;

Considérant, sur les conditions d'adhésion au Géfil, qu'il est constant que :

- pour adhérer au Géfil, les cabinets-conseils doivent respecter certaines conditions énumérées dans la fiche de présentation du syndicat et notamment "faire rémunérer leurs études dans des conditions normales de concurrence" ;

- le Géfil a par ailleurs mis en place une charte de déontologie signée par tous ses adhérents qui affirme notamment les principes suivants : "transparence vis-à-vis des clients quant aux compétences, aux méthodes et aux coûts d'intervention, indépendance des consultants dans leurs missions de conseil, d'étude et d'assistance, respect des règles de la concurrence et de la réglementation" ;

- la "Note concernant l'adhésion au Géfil" en date du 24 mai 2007 et téléchargeable à l'époque à partir du site Internet de ce dernier indique à cet égard que les dossiers de demande d'adhésion doivent comprendre certaines informations dont : "Leurs prix de facturation HT par jour pour chaque catégorie de consultants (...). L'absence d'un de ces éléments entraîne la non-prise en compte de la demande".

- le procès-verbal du conseil d'administration du Géfil du 6 juin 2007 rappelle la procédure d'examen des candidatures d'adhésion en vertu de laquelle le délégué général s'entretient "avec les candidats après examen de leur dossier, puis envoie un mél à tous les adhérents pour avoir un avis, les dossiers sont ensuite transmis aux administrateurs. Enfin, le conseil d'administration vote l'admission des candidats" ;

- les cabinets-conseils, qui sont dans le même temps administrateurs du Géfil, ont donc connaissance des tarifs pratiqués par les cabinets-conseils concurrents qui souhaitent adhérer au syndicat, au jour du dépôt de leur dossier, puisque y figurent leurs prix de facturation hors taxes par jour et pour chaque catégorie de consultants, le délégué général ayant confirmé lors de son audition qu'il transmettait "les pièces du dossier d'adhésion aux administrateurs à l'avance avec la convocation. Ensuite c'est voté lors du conseil d'administration" ;

- que les demandes d'adhésion des membres du syndicat depuis 2001 transmises par le Géfil permettent de constater :

* à partir d'un tableau (point 23 de la Décision) que, dans leurs demandes d'adhésion, les cabinets-conseils font effectivement état de leurs tarifs journaliers en fonction de l'expérience du consultant concerné ;

* à partir d'un autre tableau (point 24 de la Décision) que, sur les 51 demandes d'adhésion transmises par le Géfil, seules celles présentées à partir de 2001 indiquent ces tarifs, à une exception près ;

Considérant, sur le contexte et les objectifs du "juste prix" qu'il ressort du dossier de la procédure :

- que les tarifs du "juste prix" sont tantôt présentés comme des "prix recommandés", par exemple dans le procès-verbal du conseil d'administration du Géfil du 26 janvier 2005, tantôt comme des "prix raisonnables", par exemple dans celui du 6 juin 2007 et que, lors de l'assemblée générale du 18 mars 2005, les tarifs du "juste prix" sont encore assimilés à des "prix syndicaux", le Géfilon, dans son numéro 26 de juillet 2008, les qualifiant d'"honoraires décents" ;

- lors de l'assemblée générale du 18 mars 2005, la volonté de ne pas se concurrencer par les prix a été exprimée par le président du Géfil, qui a suggéré de "travailler davantage en réseau afin d'éviter une situation de concurrence exacerbée (...). Le Président demande à chaque adhérent, bien que cela paraisse rhétorique, d'exercer la concurrence à travers la méthodologie, les compétences, et de respecter la norme de prix à la journée même si celle-ci n'est pas parfaite" ;

- que son côté, le Géfilon précise, dans son numéro 20 de juillet 2005, que : "Le "juste prix" ne peut probablement pas échapper à un ajustement conjoncturel. Mais l'erreur serait de casser les prix pour maintenir artificiellement un niveau de chiffres d'affaires. (...) Le groupe de travail animé par Thierry C (Grévin développement) réfléchit aux mesures à prendre pour sensibiliser les donneurs d'ordre (...) et les adhérents aux dangers de prix trop bas" ;

- que les conséquences d'une diminution des tarifs affichés dans le "juste prix" sont abordées dans le procès-verbal du conseil d'administration du Géfil du 13 juin 2006, qui précise: "Revoir à la baisse les prix affichés dans le juste prix au motif que les prix réellement pratiqués sont inférieurs aura pour seule conséquence de dévaloriser le métier de conseil, ce qui n'apportera rien, même dans la perspective de réaliser ensuite des prestations en aval. Nous devons nous battre en amont pour augmenter les prix. Toute prestation doit être justement rémunérée. Le conseil d'administration est unanime : il est hors de question de revoir les tarifs affichés dans le juste prix à la baisse. (...) La difficulté réelle est de tirer les prix de toute la profession vers le haut et promouvoir auprès des donneurs d'ordre notre métier. (...) Continuons à communiquer, faisons passer le message de remonter les prix. Ne nous décourageons pas" ;

- que, dans l'édito du Géfilon numéro 22 de juillet 2006, le président du Géfil a abordé à nouveau ce sujet en précisant : "Le message du syndicat est, plus que jamais de défendre nos prix d'intervention et d'attirer l'attention des maîtres d'ouvrage sur le fait que la pratique des prix bas conduit mécaniquement à la médiocrité de la prestation. C'est du ressort de l'évidence" ;

- que de même, le président a déclaré lors de l'assemblée générale du Géfil du 20 mars 2007 : "J'aimerais également évoquer le problème récurrent des prix. Nous nous sommes battus pour communiquer sur les prix des consultants ("juste prix", Guide de l'ingénierie LCT - Comment travailler avec un cabinet conseil) en prenant garde à ne pas être attaqué pour entente illicite sur les prix. Mais aujourd'hui, nous sommes très loin des niveaux préconisés" ;

- que, dans le procès-verbal du conseil d'administration du Géfil du 11 décembre 2007, le président du conseil d'administration de l'époque se déclare de même défavorable à une diminution des honoraires des consultants au chapitre "le juste prix", car "les coûts ont tendance à augmenter, une baisse des honoraires serait synonyme de régression. Nous devons au contraire nous battre pour valoriser la qualité, renforcer l'image de la profession" ;

- que le délégué général du Géfil a précisé, au cours de son audition, qu'il avait souhaité, en 2008, baisser les tarifs mais qu'il n'avait pas été suivi compte tenu de la nécessité de "toujours défendre des prestations de bonne qualité. Pour cela, nous devons être payés un minimum" ;

- qu'enfin, il ressort également des comptes-rendus du conseil d'administration du Géfil du 13 juin 2006 et de l'assemblée générale du 20 mars 2007 que le syndicat et ses membres n'ignoraient pas les risques inhérents à la mise en place d'une consigne de prix au regard des règles de concurrence ;

Considérant, sur la surveillance exercée par le Géfil sur les tarifs, qu'il ressort du dossier (points 38 à 53) que, contrairement à ce qui est soutenu, le syndicat veille au respect des tarifs figurant dans le "juste prix", d'une part, en envoyant des courriers auprès des donneurs d'ordre, voire aux cabinets lauréats, lorsque le syndicat est informé par un adhérent que des cabinets non-adhérents remportent des appels d'offres à un tarif jugé inférieur aux usages de la profession et d'autre part, en élaborant une procédure de sanction applicable en cas de non-respect de ces tarifs par un adhérent ;

Que, concernant la surveillance des tarifs pratiqués dans les appels d'offres la cour se réfère purement et simplement aux constatations matérielles mentionnées aux points 39 à 43 de la Décision, sauf à rappeler :

- que le syndicat est en mesure d'opérer une veille des budgets estimés par les commanditaires, et donc des tarifs dont il est informé par ses adhérents ;

- que, lors de son audition, le délégué général du Géfil a indiqué envoyer à ce sujet, "soit un courrier de demande d'explications, soit un courrier de protestation quand un tarif ne nous parait pas normal, et nous joignons la page 15 du Guide d'Odit France" ;

- que le Géfil publie sur son extranet tous les courriers qu'il envoie aux commanditaires concernant les appels d'offres qui lui ont été signalés ;

- que le dossier contient ainsi un document attestant que le Géfil a adressé un courrier à un commanditaire, dans lequel il a indiqué : "Plusieurs de nos adhérents nous ont alertés sur cette consultation lancée par votre commune (...). Un budget cohérent aurait dû se situer entre 20 000 et 25 000 euros HT, soit 3,5 à 4,5 fois plus. Ces chiffres sont fondés sur les honoraires moyens en vigueur dans la profession. Une telle inadéquation entre le budget et les exigences du cahier des charges n'est pas acceptable et démontre une grande méconnaissance des coûts de l'ingénierie touristique et culturelle. (...) Notre devoir syndical nous impose de veiller à la reconnaissance du professionnalisme - et donc de la juste rémunération - des cabinets conseil" ;

- que, depuis 2000, le Géfil a envoyé 113 courriers aux donneurs d'ordre concernant des appels d'offres susceptibles de porter préjudice aux cabinets-conseils ; que, dans 30 d'entre eux, le Géfil a abordé principalement la question de la disproportion entre le budget et les exigences du cahier des charges, en se référant explicitement aux tarifs figurant dans son annuaire, dans le guide ou à ceux habituellement pratiqués dans la profession ;

- que ces courriers sont quasiment tous formulés dans les mêmes termes que le courrier du 3 août 2006 adressé au directeur du Conservatoire de l'espace littoral, cité, à titre d'exemple (point 42) : "En effet, [la] proposition fait apparaître un coût par jour de 369,25 euros, bien loin des honoraires moyens de la profession, que vous connaissez certainement, et qui sont de plus du double, ce qui était le cas de ceux de notre adhérent. Le chapitre "le juste prix" de notre Annuaire (téléchargeable sur : www.Géfil.org), indique la structure des honoraires moyens des consultants et en aucun cas ceux avancés par M. L ne peuvent être considérés comme normaux" ;

- que, sous couvert de son rôle syndical, le Géfil a également envoyé des courriers aux cabinets-conseils non-adhérents lauréats d'appels d'offres afin d'appeler leur attention sur le fait que leurs tarifications étaient anormalement basses et encourageaient la tendance baissière dans le secteur ;

Que, concernant cette fois-ci la surveillance interne des tarifs des adhérents, la cour se réfère également aux constatations matérielles ressortant du dossier, qui sont rappelées aux points 44 à 53 de la Décision, qui révèlent qu'une surveillance des tarifs est également effectuée en interne vis-à-vis des prix pratiqués par les adhérents du syndicat ; qu'il suffit de rappeler :

- que, lors de son audition, le délégué général du Géfil a indiqué, au sujet des prix pratiqués par les adhérents : "si nous savons qu'ils facturent des prix ridicules, ils ne pourront pas rester au Géfil car ils tirent la profession vers le bas" ;

- que, si la commission de déontologie n'a pas sanctionné d'adhérent en raison de tarifs jugés trop bas, une procédure de sanction a bien été prévue pour les adhérents qui s'éloigneraient du "juste prix" ; que les comptes-rendus du conseil d'administration du Géfil du 30 avril 2008 indiquent la procédure à suivre pour sanctionner le comportement de deux adhérents qui, aux yeux du délégué général, "vendent à des prix plus bas que ce qui permet à un cabinet de vivre. Le premier avait des raisons valables car il était situé à proximité. Pour le second, nous lui avons dit qu'il ne vendait pas à un prix permettant d'atteindre un prix économique" ;

- que, si le délégué général du Géfil, qui a reconnu l'existence de demandes d'explications aux adhérents pratiquant "des prix ridicules", a nié l'existence d'une procédure de sanction des sous une forme rigide, en en minimisant la portée, il n'en demeure pas moins que cette procédure est décrite dans le procès-verbal du conseil d'administration du Géfil en date du 13 juin 2006 où il est précisé la marche à suivre, par le délégué général, lorsque ce dernier est informé qu'un adhérent pratique des prix inférieurs à ceux habituellement pratiqués, à savoir : "1. Demander au "plaignant" de faire part de sa requête au Géfil par écrit ; 2. Enjoindre au "défendeur" de répondre par écrit au Géfil ; 3. Si la réponse est justifiée, elle est transmise au plaignant et le processus s'arrête là ; 4. Si la réponse n'est pas convaincante, le Délégué Général pourra demander des explications supplémentaires et, si besoin, solliciter l'avis du Conseil d'administration. Il est rappelé que toutes ces démarches doivent cependant s'inscrire dans le strict respect du droit de la concurrence" ;

- qu'un compte rendu de conseil d'administration du Géfil du 26 janvier 2005 (point 49 de la Décision) évoque explicitement le comportement de certains adhérents dans les termes suivants : "Plusieurs adhérents ont communiqué au Géfil leur mécontentement face à un dumping croissant des tarifs des prestations de conseil en LCT. Ainsi, P C constate que nombre de ses concurrents membres du Géfil ont baissé nettement leurs prix et ne respectent pas les prix recommandés dans "le juste prix" (...). Le Conseil d'administration décide d'évoquer le problème de dumping lors de l'Assemblée Générale et d'avertir que les cas de dumping avérés pourront être traduits en commission de déontologie. Si un adhérent reçoit deux blâmes en commission de déontologie en raison de dumping, il s'expose à la radiation du Géfil. En attendant, le Président écrira un mél à tous les adhérents pour leur rappeler que le dumping et syndicalisme ne peuvent aller de pair. Afin d'éviter de réunir systématiquement la commission de déontologie, le Président lance l'idée, au cas où un adhérent démontrerait, preuves à l'appui, avoir perdu un marché en raison du prix anormalement bas d'un autre adhérent, de demander à ce dernier de justifier son prix. En cas de réponse insatisfaisante, cet adhérent pourrait être convoqué devant la commission de déontologie. Le Conseil approuve cette idée." ;

- que, lors de l'assemblée générale du 18 mars 2005, le président du conseil d'administration propose "de soumettre les cas les plus flagrants de dumping en commission de déontologie afin de faire passer le message que cette tendance baissière des prix est suicidaire" et qu'à cette même occasion, un des adhérents "demande au Géfil de convoquer devant la commission de déontologie les cabinets dont les prix mentionnés sur leur formulaire d'adhésion au Géfil ne sont pas conformes aux prix qu'ils pratiquent effectivement" ;

- que par ailleurs, le procès-verbal du conseil d'administration du 12 avril 2005 du Géfil évoque la formation d'un groupe de travail pour "lutter contre le dumping des adhérents. Ce groupe de travail fera un état des lieux et rédigera une sorte de Livre Blanc qui fournira au Géfil des mesures visant à faire respecter les bonnes pratiques auprès des adhérents. Adopté" ; que ce groupe de travail s'est réuni à deux reprises mais le délégué général du Géfil a indiqué que le livre blanc n'a pas abouti et que le Géfil n'a pas gardé trace des comptes-rendus de ces réunions; que le groupe de travail a, en définitive, rédigé une fiche intitulée "Du bon recours aux cabinets conseils" ;

- que le procès-verbal du conseil d'administration du Géfil du 9 juillet 2008 précise, au sujet du comportement d'un adhérent, que le Géfil va tenter de "le sensibiliser aux problèmes du dumping et s'attachera à faire de la pédagogie, avant d'éventuellement entamer une action plus coercitive" ;

Considérant, sur les tarifs appliqués par les adhérents du Géfil de renvoyer aux développements de la Décision (points 54 à 63) sauf à rappeler, sur ce dernier point :

- que les cabinets-conseils membres du Géfil ayant répondu à un questionnaire adressé par les services de l'Autorité ont tous indiqué, dans leurs réponses, avoir eu connaissance des tarifs figurant dans l'annuaire du Géfil ; que certains consultants ont précisé s'y être déjà référés pour élaborer leurs prix proposés en réponse aux appels d'offres, tout en expliquant que c'était "il y a quelques années", "initialement" ou qu'ils ne s'y référent plus "par expérience" ;

- que dans sa réponse au questionnaire, un dirigeant d'un cabinet-conseil a indiqué se référer aux tarifs du Géfil ; qu'un autre cabinet a répondu tenter de s'en approcher "le plus possible dans la mesure des budgets d'étude" et qu'un cabinet-conseil non membre du Géfil y fait référence, tout en indiquant qu'il ne pouvait pas appliquer le "prix recommandé", jugé trop élevé ;

- qu'un cabinet a déclaré avoir augmenté ses prix, comme le relate le procès-verbal du conseil d'administration du Géfil du 9 juillet 2008 dans lequel "G G souligne que son adhésion au Géfil lui a permis d'élever ses prix. Si le Géfil cesse de promouvoir Le "juste prix", il n'a plus d'intérêt" ;

- qu'alors un cabinet a indiqué, dans ses réponses au questionnaire, ne pas se référer au "juste prix", il a cependant été établi que cet adhérent a effectivement fait une référence directe au "juste prix" au cours d'un appel d'offres: il précise, en effet, dans cinq de ses réponses aux appels d'offres, qu'il "reste vigilant à pratiquer des tarifs conformes aux indications du syndicat national" ;

Considérant qu'ainsi que l'a décidé l'Autorité, ces éléments du dossier permettent d'établir que, contrairement à ce qui est soutenu :

- d'une part, que le Géfil est sorti de son rôle de défense ou d'information de ses membres et s'est livré, en raison de la diffusion d'une consigne de prix, à une pratique dont l'objet était de faire obstacle à la fixation des prix de journée par le jeu du marché, pratique anticoncurrentielle par son objet même ;

- d'autre part, qu'outre la diffusion d'une consigne de prix, le Géfil a mis en place une forme de police des prix consistant en des contrôles sur les tarifs pratiqués par ses adhérents lors des procédures d'appels d'offres, ainsi qu'en exerçant le cas échéant des pressions et en faisant des menaces de sanctions à l'égard de ceux qui refusaient de s'aligner sur la consigne de prix ;

Considérant, en effet, ainsi que le relève la Décision, (points 81 à 91), en envoyant des courriers tels que ceux décrits dans les développements consacrés à la surveillance des tarifs pratiqués dans les appels d'offres - courrier adressé à un commanditaire et courrier du 3 août 2006 adressé au Conservatoire de l'espace littoral - et en entreprenant les autres démarches décrites dans les développements consacrés à la surveillance interne des tarifs des adhérents - procédure de sanction et évocation lors de conseils d'administration du Géfil ou d'assemblée générales du - dumping - reproché à certains adhérents - le Géfil ne s'est pas borné à une action "pédagogique" ou de communication entrant dans sa mission de syndicat professionnel, mais a bien mené une action de nature à influer négativement sur la concurrence entre ses adhérents ainsi qu'entre ceux-ci et leurs concurrents non-adhérents ;

Qu'en particulier, la Décision relève à juste titre (point 82 de la Décision), que le "juste prix" et les courriers adressés aux commanditaires ont renforcé la portée de la consigne de prix diffusée par le Géfil en dissuadant les commanditaires d'attribuer des marchés à des cabinets-conseils pratiquant des tarifs inférieurs au "juste prix", contre l'intérêt même des commanditaires et, plus largement, que les adhérents ont pu être incités à pratiquer le "juste prix" au lieu de calculer leurs tarifs en fonction de leurs propres coûts, suite à la publication de la fiche relative au "juste prix" et aux références à l'existence d'une procédure de sanction prévue en cas de non-respect des tarifs recommandés ;

Que la Décision relève à bon droit que les indications du juste prix tendaient bien à instituer non des prix recommandés mais une consigne de prix, en se référant utilement pour cela :

- au fait que s'il ne fait pas de doute que le "juste prix" s'adressait aux donneurs d'ordre, les éléments rassemblés au cours de l'instruction révèlent qu'il était aussi destiné aux adhérents, même s'il n'a pas fait l'objet d'une diffusion spéciale auprès d'eux ;

- au fait que la consigne a bien été perçue comme telle, puisque ces tarifs ont été utilisés comme une référence afin d'élaborer des propositions financières, ainsi que l'atteste l'attitude de certains cabinets à l'occasion de leurs réponses aux appels d'offres (point 62) ;

- au fait que la question du "dumping" des adhérents, régulièrement abordée lors des réunions précitées du conseil d'administration du Géfil (26 janvier et 12 avril 2005, 13 juin 2006, 30 avril et 9 juillet 2008) montre que les adhérents ont été incités à ne pas se faire concurrence par les prix et à appliquer le "juste prix" ; qu'il a ainsi été prévu que, s'"ils ne respectent pas les prix recommandés dans "le juste prix", le "Président écrira un mél à tous les adhérents pour leur rappeler que le dumping et syndicalisme ne peuvent aller de pair" ; que, dans le même sens, le livre blanc visant à "faire respecter les bonnes pratiques auprès des adhérents" souligne l'idée que le "juste prix" était bien une consigne de prix pour les consultants en ingénierie LCT qui adhèrent au Géfil ;

Considérant que, concernant plus spécialement la surveillance des tarifs exercée par le syndicat dont, selon Deloitte Conseil, les modalités ne permettraient pas, en tout état de cause, de caractériser la pratique anticoncurrentielle visée par les griefs, faute d'actions de suivi visant à assurer le respect de la consigne de prix, il suffit de se référer aux appréciations pertinentes de l'Autorité (points 92 à100), que la cour adopte, dont il résulte :

- que le Géfil demandait aux cabinets-conseils candidats à l'adhésion leurs prix de facturation hors taxes par jour pour chaque catégorie de consultants ;

- que, contrairement à ce qui est soutenu en ce qui concerne le faible nombre de courriers envoyés aux donneurs d'ordre, les développements qui précèdent établissent à suffisance que ces courriers étaient envoyés régulièrement et en nombre non négligeable ;

- que la procédure laissait croire aux adhérents qu'ils devaient respecter le "juste prix" contribuait donc à les dissuader de pratiquer des prix moins élevés ; que c'est bien dans la perspective de lutter contre le "dumping des adhérents" ou "la guerre des prix" que cette procédure a été élaborée et qu'un groupe de travail a été mis en place pour "faire respecter les bonnes pratiques auprès des adhérents" et "la norme de prix à la journée même si celle-ci n'est pas parfaite" ;

- que, même si l'instruction n'a pas permis de constater la sanction effective d'adhérents en cas de "dumping", il n'en demeure pas moins que cette procédure de sanction a été élaborée au sein du Géfil lors de plusieurs réunions du conseil d'administration dont les comptes-rendus ont été envoyés aux adhérents et qu'en outre, cette procédure a été relayée dans le Géfilon destiné aux membres du syndicat ;

- qu'il n'est pas nécessaire que cette procédure ait été effectivement mise en œuvre pour conclure à l'existence d'une infraction dans le chef du Géfil ;

Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, le rapprochement des éléments retenus par la Décision suffit à établir l'existence d'une action concertée consistant en une consigne de prix reposant sur des références précises, sans qu'il y ait lieu d'établir, par surcroît, si l'action du Géfil répondait aux critères énumérés par Deloitte Conseil au soutien de son recours, en particulier, le caractère impératif de la fiche incriminée, la fréquence de sa diffusion et son actualisation périodique ;

Considérant, par ailleurs, et au-delà du constat opéré dans la Décision et approuvé par la cour sur l'existence d'un comportement du syndicat étranger à la mise en place d'un outil à vocation "pédagogique" s'inscrivant dans le cadre de sa mission de défense des intérêts collectifs de ses adhérents, que l'Autorité n'était pas tenue de rechercher si le Géfil était animé par la volonté d'organiser une entente anticoncurrentielle, cette condition n'étant, à l'évidence, pas légalement requise ;

Que l'existence d'une pratique anticoncurrentielle par son objet prive également de portée les objections du Géfil sur le défaut d'impact de la pratique sur la fixation des prix, l'Autorité n'étant pas dans l'obligation de caractériser les effets des pratiques en cause et qu'il importe peu que le Géfil ait ponctuellement autorisé l'adhésion de cabinets-conseils proposant des tarifs inférieurs au "juste prix" ;

Qu'en outre, le Géfil se prévaut en vain d'une communication quasi systématique à la DGCCRF des courriers incriminés adressés à ses adhérents pour se prévaloir, à tout le moins, d'une autorisation implicite des pratiques, dès lors qu'il est établi par le dossier que ces courriers ne portaient pas sur la consigne de prix diffusée par l'intermédiaire de la fiche "le juste prix" mais avaient principalement trait aux doutes exprimés par le syndicat quant à la régularité de certains appels d'offres lancés par des collectivités publiques au regard, notamment, de l'inadéquation alléguée entre le cahier des charges et le budget envisagé ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Sur la participation individuelle aux pratiques et l'imputabilité

Considérant qu'au-delà du rôle joué par le Géfil, le dossier révèle également (points 109 et 110) la participation de certains cabinets-conseils membres du conseil d'administration du syndicat, dont Deloitte Conseil, ainsi qu'une société à laquelle elle a succédé, à l'organisation, la mise en œuvre et au suivi de la consigne de prix depuis au moins 2005 ;

Considérant, sur la participation du Géfil, qu'il suffit de renvoyer aux développements de la Décision (points 127 et 128), non critiqués par le requérant, aux termes desquels l'Autorité a retenu que le syndicat a participé à l'infraction du 1er mars 2002 au 20 décembre 2010, en se référant :

- au fait qu'il est établi par le dossier que le "juste prix" ayant été publié dans l'annuaire du Géfil au cours du mois de février 2002 sans qu'il soit possible, pour les représentants du Géfil, de donner une date exacte à cet égard, l'Autorité a finalement retenu, sans contestation sur ce point, la participation du Géfil à l'infraction à compter du 1er mars 2002 ;

- au fait que, dans ses observations adressées à l'Autorité, le Géfil indique qu'il a supprimé le "Juste prix" de son annuaire électronique en décembre 2010 et qu'aucune initiative directe ou indirecte susceptible de se rapporter au processus de fixation du prix n'a plus été prise par la suite et que le président du Géfil a adressé un courrier à l'Autorité en ce sens en date du 20 décembre 2010 ;

- au fait que le dossier d'instruction tend à corroborer la version du Géfil, puisqu'il n'existe aucune preuve confirmant la poursuite de l'infraction au-delà de décembre, date d'envoi du courrier du Géfil ;

Considérant, sur la participation de Deloitte Conseil, qu'ainsi que l'a rappelé à bon droit la Décision (points 111 et 112), si la participation à une seule réunion tenue dans le cadre statutaire d'une organisation professionnelle est insuffisante pour démontrer l'adhésion d'une entreprise membre de cette organisation professionnelle à une entente, cette adhésion est en revanche démontrée, notamment, si l'entreprise en cause donne son accord exprès à l'entente de prix, si elle diffuse des consignes arrêtées lors de la réunion, si elle applique les mesures concrètes décidées lors de la réunion ou encore si elle participe à une autre réunion ayant le même objet anticoncurrentiel ;

Considérant qu'au regard de ces principes, c'est par des appréciations pertinentes (points 114 et 115 et points 136 à 139 de la Décision), que la cour fait siennes, que l'Autorité a retenu une participation de Deloitte Conseil à l'infraction du 26 janvier 2005 au 20 décembre 2010, date du courrier précité du Géfil en relevant :

- que le département Tourisme, Hôtels et Loisirs (THL) de Deloitte Conseil a été, de 1997 à 2004, une filiale de la société PKF, puis, de 2004 à 2007, une filiale de la société BDO Marque et Gendrot (BDO MG Hôtels le Géfil Tourisme), avant de devenir un département autonome de Deloitte Conseil à la suite de la fusion-absorption de BDO MG Hôtels Deloitte Conseil Tourisme par Deloitte Conseil ;

- que l'Autorité a utilement mentionné qu'il se déduit du principe de continuité juridique qu'en cas de fusion-absorption d'une société, les pratiques devaient être imputées à la société succédant, sur le plan juridique, à la société auteur des pratiques, soit la société absorbante ;

- qu'il ressort du dossier et qu'il n'est de toute façon pas contesté que la société BDO MG Hôtels Deloitte Conseil Tourisme a été impliquée, par l'intermédiaire de sa filiale THL, dans la pratique poursuivie depuis le 26 janvier 2005 - participation à 4 réunions du conseil d'administration du Géfil entre cette date et le 13 juin 2006 - avant d'être absorbée par Deloitte Conseil à qui doit ainsi être imputée la responsabilité de cette pratique ;

- que, de son côté, Deloitte Conseil a été directement impliquée dans l'infraction du fait de sa présence à deux réunions du conseil d'administration du Géfil portant sur le même objet anticoncurrentiel au cours de l'année 2008 - 30 avril 2008 et 9 juillet 2008 - et qu'il est constant que Deloitte Conseil ne s'est pas distanciée publiquement de l'action concertée avant que le Géfil ne retire le "juste prix" de son annuaire électronique, le 20 décembre 2010 ;

Que, dès lors, dans les développements de ses écritures consacrés à une critique de la sanction qui lui a été infligée, Deloitte Conseil n'est pas fondée à reprocher à l'Autorité de ne pas avoir correctement apprécié sa véritable participation aux pratiques reprochées ;

Sur les sanctions

Considérant, sur les critères de détermination des sanctions, que le I de l'article L. 464-2 du Code de commerce dispose que "les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction" ;

Que l'article L. 464-5 du Code de commerce prévoit aussi que, lorsqu'elle met en œuvre, comme cela a été le cas en l'espèce, la procédure simplifiée prévue à l'article L. 463-3 du Code de commerce, l'Autorité peut prononcer les sanctions prévues au I de l'article L. 464-2 de ce Code ; que, toutefois, la sanction pécuniaire ne peut excéder 750 000 euros pour chacun des auteurs des pratiques prohibées ;

Considérant que le Géfil affirme que les pratiques qui lui sont reprochées n'ont pu avoir de conséquence sur le marché concerné de l'ingénierie privée LCT et n'ont pu être à l'origine d'un quelconque dommage à l'économie, dès lors que, ainsi que l'avait constaté le rapporteur, ses "réflexions en matière de fixation de prix" n'ont pas été suivies par les membres du syndicat, dont l'autonomie commerciale a été préservée, et n'ont, en tout cas, eu aucune influence sur les pouvoirs adjudicateurs ;

Que le requérant soutient encore que l'Autorité lui a infligé une sanction pécuniaire disproportionnée de 15 000 euros qui, présentée comme "symbolique", représente toutefois près de 21 % de ses ressources annuelles de l'année 2011 qui, par surcroît, doivent combler les exercices déficitaires précédents de 2006 à 2010 ;

Que le Géfil précise, enfin, que le maintien d'une telle sanction, qui a déjà nécessité un appel exceptionnel à cotisations auprès de ses adhérents, associé aux effets néfastes de la publication de la décision de l'Autorité de la concurrence, a provoqué le départ d'une dizaine de ses adhérents parmi les plus puissants, circonstance qui est de nature à mettre en péril son existence même ;

Considérant qu'à titre subsidiaire, la société Deloitte Conseil sollicite la réformation de la Décision en reprochant à l'Autorité d'avoir violé le principe de proportionnalité et d'individualisation des sanctions pécuniaires en prononçant à son encontre une sanction manifestement excessive, sans lien avec la gravité des pratiques en cause et l'absence de dommage à l'économie ainsi qu'avec sa véritable participation aux pratiques dénoncées ;

Que la requérante prétend ainsi que l'Autorité a appliqué une méthode de détermination des sanctions :

- qui l'a conduite à lui infliger une sanction d'un montant excessif au regard de la qualification retenue et de sa pratique décisionnelle, la somme de 510 000 € représentant près de 50 % du chiffre d'affaires réalisé au titre de son activité de prestations de conseil LCT ;

- qui n'a pas permis de prendre en compte la gravité relative des faits reprochés ainsi que l'absence de dommage à l'économie, alors que l'Autorité a indiqué elle-même que la gravité d'une diffusion de consigne de prix n'égale pas celle des ententes secrètes entre concurrents et alors que certaines circonstances atténuantes auraient dû être retenues, telles l'absence d'actualisation de la fiche "le juste prix" et l'absence de mise en œuvre de pratiques coercitives ;

Que Deloitte Conseil affirme encore qu'en se bornant à considérer qu'aucun des cabinet-conseils mis en cause n'avait joué un rôle particulier dans la conception ou la mise en œuvre de l'action concertée, l'Autorité a procédé à une application uniforme de la proportion de 9 % de la valeur des ventes de prestations de service en ingénierie en refusant d'analyser son implication individuelle dans les infractions en cause, dès lors :

- qu'elle n'a pas participé aux discussions qui ont conduit à l'adoption et à la publication de la fiche "le juste prix" dans l'annuaire 2002/2003 du Géfil puisqu'elle n'est devenue administrateur du syndicat qu'en mars 2003 ;

- que PKF, BDO Marque et Gendrot et Deloitte Conseil n'ont joué qu'un rôle passif pendant les 6 réunions au cours desquelles des questions tarifaires ont été évoquées ;

- que, ni dans ses réponses aux appels d'offres émis par des donneurs d'ordre publics, ni dans ses propositions commerciales adressées à des clients privés, Deloitte Conseil n'a fait application des éléments tarifaires figurant dans la fiche "le juste prix" ;

Que Deloitte Conseil reproche aussi à l'Autorité d'avoir méconnu les dispositions de son communiqué du 16 mai 2011 sur les sanctions en retenant une valeur des ventes qui n'était pas en relation avec l'infraction pour déterminer l'assiette de la sanction, en prétendant, à cet égard, qu'étaient concernées les prestations d'ingénierie LCT effectuées pour le compte de donneurs d'ordre publics, à l'issue d'une mise en concurrence des cabinets de conseil LCT par le mécanisme de l'appel d'offres ; que la requérante précise qu'alors que les 3 600 destinataires de l'annuaire du Géfil étaient tous, sans exception, des donneurs d'ordre publics vers qui l'activité de la plupart des membres du Géfil était principalement orientée, l'Autorité a cependant retenu, au titre de la valeur des ventes, la totalité des prestations d'ingénierie LCT - clientèle privée/clientèle publique - sans prendre en considération le fait que, pour l'essentiel, son activité est consacrée à une clientèle privée ; qu'elle fait aussi grief à la Décision de ne pas avoir pas pris en compte une circonstance atténuante constituée par les échanges de courriers intervenus entre le Géfil et les services de la DGCCRF, aux termes desquels le syndicat alertait les services de la DGCCRF, qui n'ont présenté aucune observation, sur l'inadéquation entre les exigences formulées dans le cahier des charges des appels d'offres et le budget envisagé par les collectivités publiques commanditaires ainsi que sur les propositions tarifaires formulées par certains établissements publics fournissant des prestations de conseil LCT ;

Mais considérant que les moyens soutenus par le Géfil ainsi que par Deloitte Conseil ne sont pas de nature à remettre en cause les appréciations pertinentes de l'Autorité sur la gravité des faits poursuivis (points 180 à 182 de la décision) dont il résulte, tout d'abord, d'une manière générale :

- que les actions concertées visant à influer sur les prix pratiqués par des concurrents sont des pratiques d'une indéniable gravité, en particulier lorsqu'elles sont le fait d'une organisation professionnelle qui, du fait de ses missions d'information et de conseil, dispose d'une responsabilité particulière dans le respect de la loi par ses mandants ;

- que cette gravité n'égale cependant pas celle des ententes secrètes entre concurrents, qui sont considérées comme les ententes anticoncurrentielles les plus graves ;

- que l'appréciation concrète de la gravité que de telles pratiques concertées revêtent au cas par cas conduit également à tenir compte de leurs caractéristiques et de leurs modalités pratiques de mise en œuvre, comme lorsqu'elles ont été accompagnées de moyens de pression ou de sanctions ;

Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, la Décision a, ensuite, exactement pris en compte les circonstances particulières du dossier :

- en relevant que, si des moyens de pression et une procédure de sanction existaient, il n'apparaît cependant pas que ceux-ci aient effectivement été mis en œuvre, ni qu'ils aient revêtu une sophistication particulière ;

- en décidant, dans ce contexte, qu'il convenait de considérer que, si la pratique mise en œuvre par le Géfil et les cabinets-conseils en cause dans la présente affaire pouvait être regardée comme étant d'une gravité indéniable en raison de sa nature même, ses modalités concrètes ne conduisent pas à les ranger parmi les plus graves des actions concertées en matière de prix ;

Considérant que rien ne permet non plus d'invalider l'appréciation portée sur l'importance du dommage causé à l'économie par l'Autorité, qui a utilement rappelé, tout d'abord, de manière générale (points 183 à 186) :

- que l'importance du dommage à l'économie s'apprécie de façon globale pour l'infraction en cause, c'est-à-dire au regard de l'action cumulée de tous les participants à la pratique sans qu'il soit besoin d'identifier la part imputable à chaque entreprise prise séparément ;

- que ce critère légal ne se confond pas avec le préjudice qu'ont pu subir les victimes des pratiques en cause, mais s'apprécie en fonction de la perturbation générale apportée par ces pratiques à l'économie ;

- que l'Autorité, qui n'est pas tenue de chiffrer précisément le dommage causé à l'économie, dont l'existence ne saurait donc être présumée en cas d'entente, doit procéder à une appréciation de son existence et de son importance, en se fondant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier et en recherchant les différents aspects de la perturbation du fonctionnement normal de l'économie engendrée par les pratiques en cause ;

Considérant qu'au regard de ces principes et dans ce cadre ainsi défini, la Décision a exactement constaté l'existence d'un dommage à l'économie résultant des pratiques, en relevant :

- que la pratique d'action concertée a faussé le jeu de la concurrence au cours d'au moins un appel d'offres et a eu cet effet potentiel pour d'autres appels d'offres ;

- que la diffusion du "juste prix" auprès des adhérents du Géfil, également consultable par l'ensemble des acteurs du secteur concerné sur le site Internet du syndicat, a eu pour effet de réduire l'incertitude qui doit en principe prévaloir entre concurrents, en les incitant à ne pas s'éloigner des tarifs recommandés dans le "juste prix" ;

Considérant, cependant, que contrairement à ce qui lui est reproché, la Décision a pris exactement en compte les éléments du dossier mis en exergue par les requérants pour conclure que la pratique mise en œuvre par le Géfil et les entreprises en cause dans la présente affaire a cependant causé un dommage à l'économie d'une très faible importance et, en particulier :

- le fait que l'action concertée mise en œuvre par le Géfil et certains de ses administrateurs est d'une ampleur assez modeste, même s'il a été démontré aux paragraphes 14 et 43 ci-dessus que, au-delà du nombre relativement limité d'adhérents du Géfil, des cabinets-conseils non-adhérents ont pu être influencés par les recommandations diffusées par celui-ci ;

- le fait que la consigne de prix a, en définitive, été peu suivie et qu'à quelques exceptions près, les entreprises en cause sont de petites, voire de très petites entreprises (moins de 10 salariés), ne dégageant que de faibles chiffres d'affaires ;

- le fait que les appels d'offres qui ont été analysés par les services d'instruction sont hétérogènes et d'un relativement faible montant ;

Considérant, sur le montant de la sanction infligée au Géfil, qu'eu égard tant aux éléments généraux sur la gravité de l'infraction et sur le dommage à l'économie qu'aux éléments individuels tels qu'ils ont été appréciés dans les développements qui précèdent sur la qualification des pratiques et la participation individuelle du syndicat à ces pratiques, et compte tenu du montant total des cotisations perçues par le Géfil, soit 71 665 euros en 2010, les moyens et justificatifs avancés par les requérantes ne sont pas de nature à conduire la cour à modifier le montant de la sanction infligée au syndicat par l'Autorité ;

Considérant, en effet, que l'Autorité a d'ores et déjà pris en compte le fait que le syndicat n'a la capacité de mobiliser que des ressources limitées pour ne lui infliger qu'une sanction, qualifiée "de principe" s'élevant à 15 000 euros qui, par surcroît, tient compte des difficultés financières réelles et actuelles qui affectent la capacité contributive du Géfil ;

Considérant qu'au-delà de ces constatations, il suffit de relever qu'alors que la pratique poursuivie en l'espèce est en relation avec l'activité professionnelles des membres du Géfil dont les capacités économiques ne sont pas affectées par les mêmes limites, rien n'interdit de toute façon au syndicat, s'il y a lieu, de procéder auprès de ses membres à un appel de cotisations afin de lever les fonds nécessaires au paiement de la sanction pécuniaire ;

Considérant sur le montant de la sanction infligée à Deloitte Conseil, qu'il est rappelé, à titre liminaire, que la valeur des ventes réalisées par les entreprises en cause de produits ou de services en relation avec l'infraction constitue généralement une référence appropriée pour déterminer l'assiette de la sanction pécuniaire infligée par l'Autorité de concurrence, dans la mesure où elle permet de proportionner celle-ci à la réalité économique de l'infraction ;

Considérant qu'au cas d'espèce, l'Autorité ayant annoncé qu'elle apprécierait les critères légaux selon les modalités pratiques décrites dans son Communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, la cour renvoie, sur le contenu de cette méthode, aux développements de la Décision et, en tant que de besoin, aux explications données par l'Autorité dans ses observations déposées (points 40 à 49) dont il résulte qu'elle consiste :

- dans une première étape, à déterminer le montant de base reflétant, sur un pied d'égalité, la gravité des faits et l'importance du dommage à l'économie, éléments qui se traduisent par le choix d'un taux, compris entre 0 et 30 %, de la valeur des ventes réalisées par chacune des entreprises de produits ou de services en relation avec l'infraction puis à prendre ensuite en considération la durée de participation de chacun des contrevenants à l'infraction ;

- dans une deuxième étape, à adapter le montant de base en considération de la situation individuelle de chaque entreprise ;

- dans une troisième étape, à comparer la sanction ainsi obtenue pour chacune des entreprises en cause au maximum légal applicable et à la ramener à ce montant si elle le dépasse ;

Considérant qu'au-delà de la mise en œuvre par l'Autorité de la méthode de détermination des sanctions fixée par le communiqué, dont le principe n'est, en soi, pas critiqué, c'est à tort que Deloitte Conseil reproche à l'Autorité d'avoir, pour ce qui la concerne, retenu une valeur erronée des ventes, dès lors qu'il a été décidé que la fiche "le juste prix" avait pour objet de restreindre la concurrence sur le marché de l'ingénierie LCT dans son ensemble ; qu'en effet :

- la Décision a constaté, en conformité avec la notification des griefs, que, par son objet même, la pratique a altéré la concurrence dans le secteur de l'ingénierie LCT, que les services en cause soient destinés aux donneurs d'ordre publics ou orientés vers les entreprises privées ;

- il est établi que l'action concertée mise en place par le Géfil tendait à déterminer les prestations tarifaires en ingénierie dans leur ensemble et que la fiche "le juste prix" contient des prescriptions tarifaires applicables à trois catégories de consultants - manager, senior, chargé d'études - sans que les tarifs varient selon qu'ils s'adressent aux prestations fournies pour le compte de donneurs d'ordre publics ou privés ;

Que ce n'est qu'au surplus que la cour observe que l'Autorité n'était pas tenue de se livrer à l'examen demandé par la requérante des produits ou services effectivement affectés par la pratique anticoncurrentielle poursuivie et sanctionnée et que, de toute façon, Deloitte Conseil ne conteste pas avoir également fourni des services en ingénierie LCT à destination des donneurs d'ordre publics ;

Considérant, sur l'individualisation proprement dite de la sanction, que sous couvert d'une demande de réformation de la sanction, au motif que l'Autorité n'aurait pas exactement pris en compte sa véritable implication dans les pratiques, Deloitte Conseil remet en réalité en cause sa participation aux pratiques qui, comme il a été dit, est pleinement établie par le dossier et, n'étant nullement passive, contrairement à ce qui est soutenu, a été exactement appréciée par la Décision ;

Considérant qu'au-delà de la participation de la société Deloitte Conseil à la pratique décrite dans les développements qui précèdent, l'Autorité était en droit, en application dispositions du I de l'article L. 464-2 du Code de commerce de relever et de prendre en considération des éléments propres à la situation individuelle de cette société qui ont été appréciés dans le respect du principe de proportionnalité (points 212 à 220 de la Décision) ;

Considérant que tel est le cas :

- de l'appartenance de Deloitte Conseil à un groupe d'envergure mondiale, au sein duquel elle consolide ses comptes, groupe qui dispose de ressources financières très importantes et déploie des activités qui s'étendent bien au-delà des seuls services en cause dans la présente affaire, avec un chiffre d'affaires consolidé réalisé au niveau mondial en 2009 de 512,41 millions d'euros ;

- de sa taille et de ses ressources financières, ainsi, du reste, que de ses capacités d'expertise juridique, qui sont sans commune mesure avec celles des autres cabinets-conseils auteurs de l'infraction et qu'il convient de tenir compte de cette disproportion considérable au stade de l'individualisation de la sanction de Deloitte Conseil ;

- du fait que cette entreprise - ou le groupe auquel elle appartient - est d'une taille ou dispose de ressources globales considérablement supérieures, en termes relatifs, à celles des autres participants à la pratique, afin d'assurer un caractère suffisamment dissuasif à la sanction ;

Considérant, enfin, que la requérante invoque vainement une circonstance atténuante procédant de l'autorisation donnée par la DGCCRF d'une consigne de prix, la cour renvoyant, sur ce point, aux développements qui précèdent en réponse aux moyens du Géfil sur ce point ;

Considérant qu'eu égard aux éléments généraux et individuels ci-dessus et eu égard aux éléments du chiffre d'affaires retenus dans la Décision, les moyens et justificatifs avancés par la requérante ne conduisent pas la cour à modifier le montant de la sanction de 510 000 euros infligée à Deloitte Conseil par l'Autorité qui a déterminé le montant de cette sanction en se conformant aux exigences des dispositions de l'article L. 464-2 du Code de commerce en ce qui concerne la proportionnalité et l'individualisation de la sanction ;

Considérant que les recours seront rejetés ;

Sur l'obligation de publication

Considérant qu'afin d'informer de sa décision les acteurs du secteur de l'ingénierie LCT et, en particulier, les donneurs d'ordre publics et privés, et de les inciter à la vigilance à l'égard des pratiques condamnées, c'est à juste titre, qu'en application de l'article L. 464-2 I du Code de commerce, l'Autorité a ordonné au Géfil (point 261 de la Décision) de faire publier, à ses frais, dans le journal "la Gazette des communes, des départements et des régions" ainsi que dans le prochain numéro du Géfilon, un résumé de sa décision ;

Que, pour tenir compte du rejet des recours formés par le Géfil ainsi que par la société Deloitte Conseil contre la Décision de l'Autorité, le texte de la publication sera modifié ainsi qu'il suit :

"Par décision du 12 janvier 2012, l'Autorité de la concurrence a infligé une sanction de 15 000 euros au Géfil, syndicat national de l'ingénierie Loisirs, Culture, Tourisme, ainsi que des sanctions pécuniaires à dix cabinets-conseils membres ou anciens membres du conseil d'administration du Géfil (8 500 euros à Arc essor, 800 euros à Assaï, 510 000 euros à Deloitte Conseil, 24 700 euros à Hôtels Action conseils, 28 400 euros à Maîtres du rêve, 12 000 euros à Médiéval, 2 600 euros à Mérimée conseils, 8 000 euros à Philippe Caparros Développement, 800 euros à Promotour consultants et 49 900 euros à Somival) pour avoir enfreint les dispositions prohibant les ententes figurant à l'article L. 420-1 du Code de commerce en incitant, à des périodes comprises entre mars 2002 et décembre 2010, les cabinets-conseils adhérents du Géfil à respecter une consigne de prix, "le juste prix", relative aux tarifs par journée facturés par leurs consultants. Le texte intégral de la décision de l'Autorité de la concurrence est accessible sur le site www.autoritedelaconcurrence.fr.

Par arrêt prononcé le 6 juin 2013, la Cour d'appel de Paris a rejeté le recours qui a été formé contre cette décision par le Géfil ainsi que par la société Deloitte Conseil".

Par ces motifs : Rejette le recours du Géfil et le recours de la société Deloitte Conseil contre la décision n° 12-D-02 de l'Autorité de la concurrence du 12 janvier 2012, Dit que la publication, qui aura lieu aux frais du Géfil et avant le 30 septembre 2013, devra être rédigée dans les termes mentionnés dans les motifs du présent arrêt et sera effectuée dans la "Gazette des communes, des départements et des régions" ainsi que dans le prochain numéro du Géfilon, Précise que cette publication interviendra dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : "Décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-D-02 du 12 janvier 2012 de l'Autorité de la concurrence relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l'ingénierie des Loisirs, de la Culture et du Tourisme et arrêt de la cour d'appel de Paris du 6 juin 2013" et pourra être suivie, le cas échéant, de la mention selon laquelle l'arrêt de la Cour d'appel de Paris a fait l'objet d'un pourvoi devant la Cour de cassation, si un tel pourvoi est exercé, Condamne le Géfil et la société Deloitte Conseil aux dépens.