CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 7 juin 2013, n° 11-08674
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Netmakers (SA)
Défendeur :
GE Capital Equipement Finance (SAS), Antigone (SCM)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chandelon
Conseillers :
Mmes Saint-Schroeder, Lion
Avocats :
Mes Atlan, Weizman, Grappotte-Benetreau, Bollengier-Stragier, Lireux, Autier, Cohen
La SCM Antigone, regroupant 6 avocats, qui avait souscrit le 17 octobre 2006 un premier contrat auprès de la société Solutions numériques relatif à un photocopieur de marque Canon, a indiqué à ce fournisseur que son appareil s'était révélé inapproprié. La société Solutions numériques, aux droits de laquelle vient la société Netmakers, a alors accepté de remplacer le matériel et suivant un bon de commande et un contrat de service "garantie totale" relatif à la maintenance du matériel, signés le 4 janvier 2007 par la société Antigone et le 29 janvier 2007 par la société Solutions numériques, un photocopieur de marque HP possédant les fonctions imprimante, "scan" et télécopie a été installé.
Le 16 janvier 2007, la société Antigone a conclu avec la société GE Capital Equipement Finance (GE Capital) un contrat de location de longue durée relatif à cet appareil prévoyant le paiement d'une première mensualité de 507,05 suivie de 63 mensualités de 950,71 . La société GE Capital a réglé le prix de vente du photocopieur à la société Solutions numériques suivant facture émise le 29 janvier 2007, d'un montant de 47 940,72 .
Suite à de nombreuses interventions techniques de la société Netmakers, la société Antigone a mis en demeure cette dernière, par télécopie du 13 juin 2007, de trouver une solution aux dysfonctionnements constatés sur l'appareil. Une réunion s'est tenue le 20 décembre 2007 entre les parties, qui n'a abouti à aucune solution. La société Antigone a, par courrier recommandé avec avis de réception en date du 18 janvier 2008, notifié à la société Netmakers qu'elle résiliait le contrat de location de longue durée avec la société GE Capital. Elle a fait dresser un constat d'huissier le 21 janvier 2008 qui a confirmé le mauvais fonctionnement de ce photocopieur.
L'appareil a été restitué le 30 janvier 2008 dans les locaux de la société Netmakers.
Par acte du 20 avril 2009, la société Antigone a assigné les sociétés Netmakers et GE Capital en résolution du contrat de vente aux torts exclusifs de Netmakers et en résiliation du contrat de location longue durée conclu avec GE Capital devant le Tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 5 avril 2011, assorti de l'exécution provisoire, a prononcé la résolution de la vente conclue entre Netmakers et GE Capital aux torts du vendeur, a prononcé la résiliation subséquente du contrat de location de longue durée conclue entre la société Antigone et la société GE Capital, a condamné la société Netmakers à payer à la société GE Capital la somme de 45 940,17 avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2009 et l'a condamnée à payer à la société Antigone la somme de 2 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Netmakers a interjeté appel de cette décision par déclaration du 9 mai 2011.
Dans ses dernières conclusions au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 6 décembre 2011, la société Netmakers demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter la société Antigone et la société GE Capital de toutes leurs demandes, de condamner la société Antigone à lui payer la somme de 5 431,51 au titre de l'indemnité de résiliation et celle de 3 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 21 février 2013, la société Antigone conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.
Elle demande à la cour, au surplus, de débouter la société GE Capital de sa demande de restitution du matériel, à titre subsidiaire de prononcer la résiliation sans indemnité du contrat de location de longue durée, à titre plus subsidiaire de réduire les clauses pénales à la somme de 1 , à titre infiniment subsidiaire de condamner la société Netmakers à la relever en garantie de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de GE Capital, en tout état de cause de condamner Netmakers ou tout succombant à lui verser la somme de 4 000 au titre de ses frais irrépétibles.
Aux termes de ses dernières conclusions au sens de l'article 954 du Code de procédure civile, déposées le 10 novembre 2011, la société GE Capital sollicite l'infirmation du jugement. Elle demande à la cour de constater la résiliation du contrat de location de longue durée aux torts exclusifs de la société Antigone, de la condamner à lui restituer le matériel dans la huitaine de l'arrêt à intervenir et à lui payer la somme de 50 084,65 avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 17 avril 2008 et capitalisation, à titre subsidiaire si la cour prononçait la résolution du contrat de vente entraînant la résiliation du contrat de location, de condamner la société Antigone à lui payer la somme de 6 040,17 avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, de condamner solidairement la société Antigone et la société Netmakers à lui payer la somme de 47 940,72 avec intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2007 et capitalisation et celle de 2 500 en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
SUR CE :
Sur la résolution du contrat de vente
Considérant que la société Netmakers conteste les manquements à ses obligations d'information et de conseil relevés par le tribunal, qui n'ont, selon elle, été nullement caractérisés par la société Antigone ;
Qu'elle soutient que le choix par Antigone du matériel HP litigieux a été effectué en fonction de ses besoins d'utilisateur tels qu'elle les avait énoncés à Netmakers, ses principales exigences portant sur la rapidité et la puissance d'impression et non pas sur un besoin spécifique relatif à l'impression de documents en format "A3+" pour l'établissement de dossiers de plaidoirie, et précise que la machine était parfaitement en mesure d'imprimer des cotes en format A3 ;
Qu'elle affirme qu'en intervenant à de nombreuses reprises dans les locaux d'Antigone pour des problèmes liés à l'utilisation du matériel, elle a en outre satisfait à son obligation de maintenance ;
Considérant que la société Antigone prétend que le photocopieur vendu à la société GE Capital était parfaitement impropre à l'usage auquel il était destiné, le fonctionnement du scanner s'étant avéré aléatoire et l'impression de cotes de dossier de plaidoirie sous le format A3 impossibles ; qu'elle précise que la société Netmakers a été dans l'impossibilité de remédier à ces difficultés ;
Qu'elle fait valoir que si, comme le soutient la société Netmakers, les difficultés résultaient du matériel informatique du cabinet, il appartenait au fournisseur, au titre de son devoir de conseil, de l'informer de ce que le matériel était éventuellement incompatible avec son installation informatique ;
Considérant, cela exposé, qu'aux termes de l'article 6.3 du contrat de location de longue durée, "le bailleur donne par les présentes au locataire mandat d'ester en justice pour, à ses frais entiers et exclusifs, obtenir si besoin est la résolution du contrat de vente de matériel" ;
Qu'il résulte des éléments versés aux débats que le photocopieur de marque HP a nécessité de nombreuses interventions de la société Netmakers, qui, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, a indiqué dans le bon d'intervention du 22 mars 2007 "problème de copie A4 A3 cote plaidoyer. Pas de solution technique. Problème de scan : fonctionnement aléatoire voir commercial et DT" ; que le bon d'intervention du 9 mai 2007 mentionne que les problèmes persistent et qu'il n'y a pas de solution ; que de nouvelles interventions les 4 avril, 4 mai, 8 juin et 19 juillet 2007 sont demeurées inefficaces ; que la société Antigone a fait dresser un constat d'huissier le 21 janvier 2008 confirmant le mauvais fonctionnement du photocopieur, qui a relevé que les photocopies réalisées étaient de très mauvaise qualité, des lettres étant effacées, d'autres se chevauchant, que des désordres étaient présents une page sur deux en moyenne et à plusieurs endroits de la même page, qu'il était impossible, de certains postes informatiques du cabinet, d'obtenir une impression en format A3 et que la fonction "scan" dysfonctionnait également ; que de nombreux courriers de la société Antigone réclament auprès de la société Netmakers qu'elle trouve une solution technique à l'impossibilité d'imprimer des cotes de plaidoirie en format A3, difficulté récurrente entravant le bon fonctionnement du cabinet d'avocats ;
Que c'est donc à bon droit que le tribunal a estimé qu'il disposait d'éléments suffisants pour prononcer la résolution de la vente du photocopieur aux torts du vendeur pour livraison d'un matériel impropre à l'usage auquel il était destiné ; que le jugement sera donc confirmé de ce chef ;
Sur les conséquences de la résolution du contrat de vente sur le contrat de location financière
Considérant que la société GE Capital soutient que le contrat de location longue durée a été conclu avec la mention expresse "sans maintenance intégrée" et que les contrats de fourniture de matériel et de maintenance étaient donc indépendants du contrat de vente du photocopieur, de sorte que la disparition de l'un ne pouvait priver de cause les obligations nées de l'autre ;
Qu'elle fait valoir qu'aux termes de l'article 1-1 du contrat de location, la société Antigone était tenue d'une obligation de résultat envers son bailleur, ayant choisi, sous sa seule responsabilité, le matériel et le fournisseur de son choix, qu'elle se devait donc d'exécuter le contrat sans pouvoir faire état de la défaillance du fournisseur ;
Considérant que la société Antigone précise tout d'abord qu'elle conclut à la défaillance du fournisseur et non à celle du responsable de la maintenance, de sorte que les arguments de GE Capital sur l'indépendance des contrats de maintenance et de location financière sont inopérants ;
Qu'elle fait valoir qu'il résulte d'une jurisprudence constante que le contrat de vente et le contrat de location subséquent sont indivisibles dans la mesure où le contrat de location se trouve dépourvu d'objet et de cause en ce qu'il porte sur le même appareil lorsque le contrat de vente est anéanti ; qu'elle ajoute que le contrat de vente et le contrat de location ont été conclus par les parties par l'intermédiaire d'un seul et même représentant de la société Netmakers, formant un ensemble contractuel indivisible et que la résolution du contrat de vente doit donc entraîner la résiliation du contrat de location ;
Considérant, cela exposé, que le contrat de maintenance signé entre la société Antigone et la société Netmakers n'est pas en cause et que l'argumentation de la société GE Capital sur l'indépendance de ce contrat du contrat de location longue durée est donc indifférente à la solution du présent litige ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1.1 du contrat de location, "le locataire, agissant en qualité de mandataire du bailleur, a choisi sous sa seule responsabilité le matériel objet de la location, de la marque et du type qui lui conviennent, en fonction des qualités techniques requises, du rendement souhaité et de ses propres besoins d'utilisateur, chez le fournisseur de son choix (...) sans aucune intervention du bailleur (...). Le locataire engage en conséquence son entière responsabilité envers le bailleur si, pour quelque cause que ce soit, le fournisseur s'avère défaillant dans ses obligations de vendeur" ;
Considérant toutefois que la résolution de la vente entraîne la résiliation du contrat de location qui se trouve dépourvu d'objet et de cause en ce qu'il porte sur le même appareil et que les stipulations de l'article 1.1 du contrat de location ne peuvent faire obstacle à la demande du locataire ;
Que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation subséquente du contrat de location de longue durée conclu le 16 janvier 2007 entre la société Antigone et la société GE capital ; que la cour précisera que cette résiliation prendra effet à compter du 5 avril 2011, date du jugement ayant prononcé la résolution du contrat de vente ;
Sur les effets de la résiliation du contrat de location longue durée
Considérant que la société GE Capital soutient à titre principal que la résiliation ayant eu lieu du fait de la défaillance de la société Antigone dans le paiement des loyers, l'indemnité due à l'article 10.3 du contrat de location lui est due ;
Qu'elle soutient, à titre subsidiaire, que dans l'hypothèse où la résolution du contrat de vente serait prononcée, l'article 6.3 du contrat de location prévoit le règlement par le locataire d'une indemnité égale à 10 % du montant total des loyers et le remboursement, solidairement avec le fournisseur, du remboursement du prix d'acquisition du matériel ;
Considérant que la société Antigone fait valoir que la résiliation du contrat de location de longue durée du fait de la résolution du contrat de vente rend inapplicable l'article 10 sur la résiliation par le bailleur en cas de non-paiement des loyers ;
Qu'elle soutient que l'article 6.3 qui prévoit une indemnité de résiliation due par le locataire en cas de résiliation du contrat de location due à la résolution de la vente, est inapplicable en l'espèce puisqu'elle n'a pas commis de faute dans le choix du matériel acquis par le loueur, qui s'est avéré par la suite et sans qu'elle puisse le prévoir au moment où elle a contracté, impropre à l'usage auquel elle le destinait ;
Qu'elle affirme, à titre subsidiaire, qu'elle est un non-professionnel relevant du droit de la consommation dans ses rapports avec un professionnel de la reprographie, activité sans rapport avec l'activité d'un avocat, et soutient que l'article 6.3 alinéa 2 et l'article 10 du contrat de location longue durée constituent des clauses abusives révélant le caractère déséquilibré du contrat, clauses qu'il convient de réputer non-écrites ;
Qu'à titre plus subsidiaire, elle sollicite la réduction de la clause pénale comme étant manifestement excessive puisque sans aucune mesure avec le préjudice qu'aurait effectivement subi la société GE Capital du fait de la résiliation du contrat de location, le prix du marché du photocopieur s'élevant à 13 000 TTC alors que le prix de vente du photocopieur litigieux étant de 47 940,72 ;
Considérant que la société Netmakers soutient qu'elle ne peut être condamnée à payer la somme de 45 940,17 en application de l'article 6.3 du contrat de location prévoyant le remboursement solidaire du prix d'acquisition du matériel par le fournisseur et le locataire, contrat auquel elle est étrangère et qui s'est trouvé dépourvu d'objet et de cause du fait de la résolution du contrat de vente ;
Considérant, cela exposé, que l'article 10 du contrat de location longue durée, qui concerne la résiliation de plein droit par le bailleur en cas d'inexécution d'une seule des conditions de la location, n'est pas applicable en cas de résiliation du fait de la résolution du contrat de vente, hypothèse prévue à l'article 6.3 alinéa 2 du contrat qui stipule que "dans le cas où le contrat est résilié consécutivement à la résolution ou l'annulation du contrat de vente, pour quelque cause que ce soit, le locataire ayant choisi le matériel et le fournisseur doit régler au bailleur une indemnité HT égale à 10 % du montant total des loyers, majorée de tous frais engagés au titre de la location. En outre, le locataire est solidairement tenu avec le fournisseur du remboursement au bailleur du prix d'acquisition du matériel majoré des intérêts, sans préjudice de tous autres dommages-intérêts" ;
Considérant que si cette clause n'est pas abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, qui n'a pas vocation à s'appliquer à cette société, le contrat de location de longue durée ayant été souscrit pour les besoins de son activité professionnelle, elle doit cependant être réputée non écrite par application de l'article L. 442-6 I 2° du Code de commerce qui interdit à un partenaire commercial de soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties et que la société GE Capital sera donc déboutée de ses demandes formées à l'encontre de la société Antigone ;
Considérant que le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Netmakers à payer à la société GE Capital la somme de 45 940,17 et que la cour condamnera la société Netmakers à rembourser à la société GE Capital le prix de vente du photocopieur, s'élevant à 47 940,72 , en conséquence de la résolution de la vente, outre intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2011, date de la résolution de la vente, et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;
Considérant que la demande de la société Antigone tendant à ce que la société Netmakers soit condamnée à la garantir de toute condamnation mise à sa charge au bénéfice de la société GE Capital apparaît sans objet ;
Sur la demande de restitution de l'appareil
Considérant que la société GE Capital sollicite la condamnation de la société Antigone à lui restituer le matériel dans la huitaine de l'arrêt à intervenir, tandis que la société Antigone soutient qu'elle a restitué cet appareil le 30 janvier 2008 dans les locaux de la société Netmakers, ce qui est confirmé par cette dernière ;
Que la société GE Capital sera donc déboutée de cette demande ;
Sur la demande reconventionnelle de la société Netmakers
Considérant que le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Netmakers de sa demande reconventionnelle ;
Et considérant qu'il convient de condamner la société Netmakers à payer à la société Antigone une indemnité supplémentaire sur le fondement de l'article 700 du Code civil, et de la condamner à payer à la société GE Capital une indemnité sur le même fondement, toute autre demande du même chef étant rejetée ;
Par ces motifs : Dit que la résiliation du contrat de location de longue durée conclu le 16 janvier 2007 prendra effet au 5 avril 2011, date du prononcé de la résolution du contrat de vente conclu entre la société Netmakers et la société GE Capital Equipement Finance, Confirme le jugement pour le surplus, sauf en ce qu'il a condamné la société Netmakers à payer à la société GE Capital Equipement Finance la somme de 45 940,17 avec intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2009, Statuant à nouveau du chef infirmé, Condamne la société Netmakers à payer à la société GE Capital Equipement Finance la somme de 47 940,72 outre intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2011, au titre de remboursement du prix de vente du photocopieur, Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, Déboute la société GE Capital Equipement Finance de ses demandes formulées à l'encontre de la société Antigone, Déboute la société GE Capital Equipement Finance de sa demande de restitution du matériel, Rejette toute autre demande, Condamne la société Netmakers à payer à la société Antigone une indemnité supplémentaire de 1 500 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Netmakers à payer à la société GE Capital Equipement Finance la somme de 1 500 en application de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.