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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 6 juin 2013, n° 12-08926

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Jardiland Enseignes (SAS)

Défendeur :

Treyve, Jardinerie Treyve (SA), Botanic-Serres du Salève (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Louÿs

Conseillers :

Mmes Graff-Daudret, Lesault

Avocats :

Mes Meynard, François, Couturier, Josroland

T. com. Paris, prés., du 13 avr. 2012

13 avril 2012

FAITS CONSTANTS :

La SAS Jardiland Enseignes (Jardiland) exploite la marque Jardiland au travers de contrats de franchise et d'affiliation.

Au 31 décembre 2011, plus de 200 jardineries bénéficiaient de cette enseigne.

Au rang de celles-ci figuraient les Jardineries de Nevers et de Moulins appartenant à la SA Jardinerie Treyve (devenue Les Jardins du Centre), dont M. Philippe Treyve est actionnaire fondateur et dirigeant, qui a exploité cette enseigne pendant plus de 20 ans aux termes de contrats de franchise et d'affiliation renouvelés, pour la dernière fois en décembre 2007, pour une durée de cinq ans venant à terme au 31 décembre 2012.

Les contrats de franchise comportent une clause intitulée "Article 12 - Intuitu Personae - Clause d'Agrément - Droit de Préemption" qui affirme le caractère "intuitu personae" du contrat et stipule que le franchisé "s'interdit de céder, de transférer et modifier, de quelque manière que ce soit, les droits et obligations en résultant, sans l'accord exprès, préalable et écrit du franchiseur".

Le 18 octobre 2011, M. Philippe Treyve a saisi la société Jardiland d'un acte de cession de l'intégralité du capital de la SA Jardinerie Treyve au bénéfice de la SAS Botanic-Serres du Salève (Botanic), un des principaux concurrents du groupe Jardiland au plan national.

Les 16 et 24 novembre 2011, la société Jardiland a informé M. Philippe Treyve et son conseil ainsi que la société Botanic du fait qu'elle ne donnait pas son agrément à la cession des titres envisagée.

Ayant appris fin décembre 2011 que des modifications étaient intervenues sur les sites d'exploitation des jardineries Jardiland de Nevers et de Moulins, notamment la substitution de l'enseigne Botanic à celle de Jardiland, la société Jardiland a fait procéder à des constats d'huissier puis, par acte du 13 avril 2012 , a saisi le juge des référés d'une demande de constatation de sa volonté de poursuivre l'exécution des contrats de franchise et d'affiliation la liant à la société Jardinerie Treyve et à voir contraindre cette dernière à s'y soumettre.

Par ordonnance contradictoire du 13 avril 2012, le juge des référés du Tribunal de commerce de Paris, aux motifs de l'existence d'une contestation sérieuse, a :

- dit n'y avoir lieu à référé ni à application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- rejeté la demande des défendeurs au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge de la partie demanderesse.

La société Jardiland a interjeté appel de cette décision le 15 mai 2012 (RG 12-08926) et le 22 mai 2012 (RG 12-11311). Les deux dossiers ont été joints sous le premier de ces numéros.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 avril 2013.

PRETENTIONS ET MOYENS DE LA SOCIETE JARDILAND :

Par dernières conclusions du 2 avril 2013, auxquelles il convient de se reporter, la société Jardiland fait valoir que :

- que ses demandes ont pour seul et unique objet, sur le fondement de l'article 873 alinéa 2 du Code de procédure civile, l'annulation de voies de fait et la prescription de mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent et faire cesser un trouble manifestement illicite, qu'il y a en l'espèce conjugaison de ces deux critères,

- qu'il existe un dommage imminent qui s'entend de la perte d'une zone de chalandise importante pour son enseigne tant au plan économique qu'en terme d'image régionale et même nationale, que la brutalité de la substitution d'enseignes ne lui a pas permis de rechercher une autre implantation susceptible de maintenir une offre Jardiland à la clientèle attachée à sa marque, que le dommage est réel et constitué,

- qu'il existe un trouble manifestement illicite, caractérisé d'une part, par les conséquences économiques et sociales graves résultant de la faute et d'autre part, par la clarté des dispositions contractuelles transgressés (articles 8, 6.3, 9 et 12), que les changements de direction, d'actionnaires et d'enseignes sont intervenus au sein de la Jardinerie Treyve en infraction manifeste avec les dispositions des contrats de franchise, au mépris de l'interdiction expresse manifestée par elle et en parfaite connaissance des engagements pris par M. Treyve, les parties soumettant leur consentement à "l'accord de Jardiland Enseignes pour résilier sans conséquences négatives "les contrats conclus",

- que les intimées créent l'illusion d'une contestation sérieuse qui n'existe pas.

Elle demande à la cour :

- de réformer dans toutes ses dispositions les termes de l'ordonnance entreprise,

- de constater qu'elle n'a pas agréé la demande de résiliation "sans conséquences négatives" conditionnant expressément l'acte de vente en date du 13 octobre 2011 et au contraire a refusé d'agréer Botanic comme successeur de M. Treyve dans la détention du capital de la Jardinerie Treyve,

- de constater qu'elle n'a pas entendu se prévaloir de la clause de résiliation du contrat de franchise, que celle-ci n'est pas ouverte au franchisé et que le contrat toujours en cours doit en conséquence poursuivre ses effets,

- de constater que le contrat d'affiliation prévoit lui-même que le concédant Jardiland Enseignes "peut si bon lui semble, résilier" la convention en cas de cession du capital de la société affiliée hors son agrément, option qui n'est pas ouverte à l'affilié,

- de constater qu'elle a tout au contraire formellement et expressément exprimé sa volonté de poursuivre ces conventions,

- d'opposer à la Jardinerie Treyve l'adage "que nul ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude",

- de l'enjoindre en conséquence d'avoir à poursuivre l'exécution des conventions souscrites en décembre 2007 jusqu'à leur terme en remettant en place l'enseigne Jardiland et tous les signes distinctifs attachés à cette marque et à reprendre la commercialisation des produits de la gamme Jardiland,

- de l'enjoindre à supprimer toute référence à la marque, à la signalétique et aux produits Botanic,

- de l'enjoindre à faire publier à ses frais la présente décision dans trois journaux d'audience régionale sur les magasins de Nevers et de Moulins de la restauration de l'enseigne et du concept Jardiland sur les magasins de ces deux places,

- de l'enjoindre à organiser une campagne publicitaire d'affichage sur 40 panneaux 4 X 3 disposés sur les axes principaux conduisant aux magasins de Nevers et de Moulins et dans un rayon de 7 kilomètres de chacun de ceux-ci, le tout d'une durée minimum d'affichage de 15 jours,

- d'enjoindre à la société Botanic de restituer les actions Jardinerie Treyve à M. Treyve afin d'une part d'assurer le respect de la clause intuitu personae intégrée dans les contrats et d'autre part de restituer à elle-même ses droits de préemption et d'agrément, le tout avec présentation de l'acte d'annulation de la cession des titres dûment enregistrée et de la copie certifiée par le commissaire aux comptes de la SA Treyve du registre des mouvements dûment annoté de la mutation ainsi intervenue,

- d'enjoindre à M. Treyve de reprendre la direction de l'entreprise ou de présenter une personne qualifiée à l'agrément de Jardiland,

- de dire que ces injonctions de faire seront assorties d'une astreinte de 15 000 euros par jour à compter du 20e jour suivant la signification de la décision à intervenir,

- de dire qu'en sa qualité de signataire de ces conventions ce, tant à titre personnel qu'à titre de porte-fort des autres actionnaires, M. Philippe Treyve sera solidairement tenu du paiement de cette astreinte dans l'hypothèse où la Jardinerie Treyve ne déférerait pas à cette injonction judiciaire,

- de dire que la société Serres du Salève, partie active et informée de l'infraction, sera également solidairement tenue du paiement de cette astreinte dans l'hypothèse où la Jardinerie Treyve ne défèrerait pas à cette injonction judiciaire,

- de condamner solidairement la société Jardinerie Treyve et M. Philippe Treyve à lui payer les redevances d'affiliation et de franchise telles que contractuellement fixées et ce à compter de décembre 2011 selon comptes qui seront à établir sur présentation des chiffres d'affaires de la Jardinerie Treyve,

- de condamner solidairement la société Jardinerie Treyve, M. Philippe Treyve et la société Serres du Salève au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de participation aux frais et honoraires en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de condamner solidairement la société Jardinerie Treyve, M. Philippe Treyve et la société Serres du Salève aux entiers dépens,

- de lui accorder le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

PRETENTIONS ET MOYENS DE LA JARDINERIE TREYVE, LA SOCIETE BOTANIC ET M. TREYVE :

Par dernières conclusions du 2 avril 2013, auxquelles il convient de se reporter, la Jardinerie du Centre, la société Botanic et M. Philippe Treyve font valoir :

- qu'il y a absence de troubles manifestement illicites, dès lors que :

- le processus contractuel entre les parties a été respecté, et plus précisément celui prévu aux articles 12 du contrat de franchise et 8 et 9 du contrat d'affiliation,

- que M. Treyve, dirigeant et associé majoritaire de la Jardinerie Treyve franchisée, a respecté les dispositions précitées, et que le franchiseur, Jardiland l'a informé, le 16 novembre 2011, en réponse à sa notification du 18 octobre précédent, qu'il n'entendait pas préempter sur l'acquisition des actions objet de la cession envisagée et qu'il n'agréait pas l'acquéreur, Botanic, sans autres réserves,

- que la conséquence juridique du refus d'agrément notifié par Jardiland est la résiliation de plein droit des contrats de franchise et d'affiliation,

- que la cessation immédiate de ces contrats a, aux termes des articles 11 qu'ils contiennent, pour conséquence la cessation, sans délai, de toute utilisation du savoir-faire, des méthodes et formules liés à la franchise, et dans un délai d'un mois, la dépose des éléments caractéristiques de l'enseigne Jardiland, que cette dernière société a d'ailleurs cessé toute relation d'affaire avec elle,

- que la société Jardiland ne démontre pas l'existence d'un trouble manifestement illicite caractérisé par les conséquences économiques et sociales graves alléguées,

- que ladite société ne démontre pas non plus l'existence d'un tel trouble du fait de la clarté des dispositions contractuelles qui ne laissent aucune place quant au caractère impératif des obligations des parties,

- que la société Jardiland ne démontre pas qu'elle pouvait s'opposer à la cession des actions, qu'elle ne conteste pas avoir décidé de ne pas préempter et de ne pas agréer la société Botanic,

- que la société Jardiland ne démontre pas "de violation manifeste des dispositions des contrats de franchise",

- que la société Jardiland ne démontre pas que les conditions suspensives du contrat de cession lui auraient été opposables ou n'auraient pas été satisfaites,

- qu'il y a absence de dommage imminent car la société Jardiland ne peut se plaindre d'un tel dommage dans la mesure où elle n'a pas exercé les droits contractuels dont elle disposait pour maintenir son enseigne et son réseau,

- à titre subsidiaire, que les demandes de la société Jardiland tendant à l'exécution des conventions sont irrecevables car les contrats ont été résiliés par le fait même de la société Jardiland et que celle-ci a cessé, depuis la cession des actions, toutes relations commerciales avec la Jardinerie Treyve, et qu'en tout état de cause, de telles demandes ne peuvent relever de la compétence du juge des référés en présence d'une contestation sérieuse qui relève nécessairement du fond.

Ils demandent à la cour :

- de confirmer en toutes ses dispositions les termes de l'ordonnance entreprise,

A titre principal,

- de constater que les contrats de franchise et d'affiliation ont été résiliés de plein droit du fait de la décision de non-préemption et de non-agrément de la part de la société Jardiland,

- de dire qu'il existe une contestation sérieuse sur le fond,

- de dire que la société Jardiland ne démontre aucun dommage imminent ni trouble manifestement illicite,

- de dire en conséquence que le juge des référés n'est pas compétent pour statuer sur les demandes de la société Jardiland,

A titre subsidiaire,

- de constater que la société Jardiland a pu valablement exercer ses droits de préemption et son droit d'agrément ou de non-agrément, conformément à l'article 12 du contrat de franchise et de l'article 8 du contrat d'affiliation,

- de constater que la société Jardiland n'a pas exercé son droit de préemption et a exercé son droit de refus d'agrément, que sa décision a entraîné la résiliation de plein droit des contrats de franchise et d'affiliation,

- de dire en conséquence qu'elle n'est pas fondée notamment à solliciter la poursuite de l'exécution des conventions souscrites en décembre 2007 jusqu'à leur terme en remettant en place l'enseigne Jardiland et tous les signes distinctifs attachés à cette marque, la reprise de la commercialisation des produits de la gamme Jardiland, la restitution des actions de la société Jardinerie Treyve à M. Philippe Treyve, à enjoindre à M. Philippe Treyve de reprendre la direction de l'entreprise, à poursuivre l'exécution des conventions, etc.

En tout état de cause,

- de débouter la société Jardiland de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- de réserver leurs droits dans l'éventualité de toute instance ultérieure,

- de condamner la société Jardiland à payer à la société Jardinerie Treyve la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, la même somme à la société Botanic ainsi qu'à M. Philippe Treyve,

- de condamner la même en tous les dépens de l'instance.

Sur quoi, LA COUR,

Considérant que selon l'article 873, alinéa 1er, du Code de procédure civile, le juge des référés peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Considérant que ce texte ne nécessite pas le constat de l'urgence ni celui de l'absence de contestation sérieuse ;

Que la question n'est pas celle de la compétence du juge des référés mais de ses pouvoirs ;

Considérant qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés d'ordonner la poursuite d'un contrat qui est expiré ou régulièrement résilié ;

Considérant qu'aux termes de l'article 12 "Intuitu Personae - Clause d'Agrément - Droit de Préemption" du contrat de franchise conclu entre la société Jardiland et la société Jardinerie Treyve :

"12.1 Le Contrat est conclu en fonction des qualités reconnues au Franchisé et à son Dirigeant identifié dans les soussignées de seconde part. Ce dernier s'interdit de céder, de transférer et modifier, de quelque manière que ce soit, les droits et obligations en résultant, sans l'accord exprès, préalable et écrit du Franchiseur.

Ce caractère "intuitu personae" justifiera la résiliation automatique du contrat, sauf volonté formellement exprimée par le Franchiseur de le poursuivre, dans les hypothèses suivantes (notamment) :

- événement affectant le titulaire de l'entreprise, tel que la dissolution de la société, la démission du dirigeant signataire (ou de l'ensemble des dirigeants signataires du présent Contrat), l'apport ou la cession par un ou plusieurs des actionnaires ou associés de la société franchisée d'un nombre de droits sociaux représentant plus de 34 % du capital social, ou encore d'un même événement affectant sa société mère.

De ce fait, le Franchisé s'engage à informer par lettre recommandée avec accusé de réception le Franchiseur de toutes modifications telles que celles mentionnées ci-dessus.

Le Franchiseur aura 1 (un) mois pour agréer la modification. Le défaut de réponse du Franchiseur dans ce délai vaudra acceptation.

En cas de refus, la modification devra être considérée comme entraînant la rupture automatique et immédiate du Contrat. Il en va de même, en cas de défaut d'information et de notification au Franchiseur.

12.2 La clause de préemption et d'agrément, stipulée à l'article 8 du Contrat d'affiliation signée entre le Franchisé et le Franchiseur, s'appliquera dans les mêmes termes au présent Contrat." ;

Considérant qu'aux termes de l'"article Huit - Droit de Préemption et Clause d'Agrément" du contrat d'affiliation, "dans le cas où la société Affiliée souhaiterait céder à un tiers extérieur son fonds de commerce et/ou l'immobilier hébergeant l'exploitation, comme dans le cas où un des Associés de la société Affiliée souhaiterait céder à un tiers extérieur les titres de la société affiliée, la société Jardi Enseignes (Jardiland) disposera d'un droit de préemption à prix et conditions égales et d'un droit d'agrément (...)." ;

Que l'article 8.1 "Mise en œuvre du droit de préemption" stipule : "La société cédante s'engage à notifier à la société Jardiland par lettre recommandée avec avis de réception, le nom et l'adresse de l'acquéreur proposé et à lui communiquer le prix de cession projeté, exprimé dans un compromis de vente sous la seule condition suspensive de la purge du droit de préemption, dont elle communiquera une copie à la société Jardiland.

La société Jardiland disposera alors d'un délai de trente (30) jours à compter de la réception de la lettre de la société Affiliée pour indiquer à cette dernière, par lettre recommandée avec avis de réception, si elle entend :

- préempter, pour elle ou toute autre personne qu'elle se substituerait, dont elle restera garant solidaire, le fonds de commerce de la société Affiliée, les titres de la société exploitante ou l'immobilier hébergeant l'exploitation, et ce, au prix de cession et aux conditions exprimées dans le compromis visé ci-dessus,

- ou, à défaut, agréer ou non l'acquéreur présenté. (...).

Dans le cas où la société Jardiland ou toute société se substituant à la société Jardiland à sa demande, n'exercerait pas son droit de préemption, la société cédante devra réaliser la cession projetée aux conditions et modalités indiquées dans le compromis notifié à la société Jardiland ou toute société se substituant à la société Jardiland à sa demande, cette dernière devant être appelée à concourir à l'acte de cession" ;

Que l'article 8.2 "Mise en œuvre de la clause d'agrément" stipule : "La société Affiliée s'engage à notifier à la société Jardiland, par lettre recommandée avec avis de réception, le nom et l'adresse de son successeur.

Le défaut de réponse à la société Jardiland, dans le délai d'un (1) mois qui lui est imparti pour prendre position vaudra acceptation.

En cas de refus d'agrément par la société Jardiland, le présent contrat est résilié de plein droit, sans pénalités." ;

Que l'"article Neuf" du contrat d'affiliation "Intuitu Personae" ajoute :

"Le présent contrat d'affiliation a été conclu en considération des dirigeants et associés majoritaires de la société Affiliée (...).

En conséquence, ces derniers s'engagent à notifier à la société Jardiland, par lettre recommandée avec avis de réception, tout projet de changement de dirigeant et/ou de modification de tout ou partie de la répartition du capital (cession de parts, augmentation de capital, fusion, scission, apport partiel d'actif ou autres) de la société Affiliée.

Si la modification intervenue a pour effet d'opérer indirectement le transfert du présent contrat d'affiliation (cas de changement de la majorité au sein de la société Affiliée), il sera fait application des dispositions de l'article 8 du présent contrat.

Si l'une des opérations susvisées était réalisée sans l'accord préalable de la société Jardiland, cette dernière pourra, si bon lui semble, résilier le présent contrat d'affiliation dans les conditions de l'article 10 ci-après." ;

Que selon ledit article "Dix - Résiliation Anticipée", "Le présent contrat d'affiliation pourra être résilié, sans aucune formalité judiciaire, par l'une des parties, en cas de non-respect par l'autre de l'une quelconque des obligations mises à sa charge aux termes du présent contrat d'affiliation, et ce, après une simple mise en demeure, adressée par lettre recommandée avec avis de réception (...).

Ainsi, la société Jardiland pourra, si bon lui semble, résilier le présent contrat d'affiliation en cas de non-respect par la société Affiliée de l'une quelconque des obligations mises à sa charge, notamment :

- réalisation, sans l'accord de la société Jardiland, de l'une des opérations visées à l'article 8 et à l'article 9 ci-dessus" ;

Considérant que par lettre recommandée avec avis de réception, du 18 octobre 2011, le conseil de M. Philippe Treyve a notifié à la société Jardiland "conformément aux articles 8 des contrats d'affiliation et 12 des contrats de franchise", le contrat de cession conclu le 13 octobre 2011 ayant pour objet la cession au profit de la société Botanic" notamment de la totalité des actions composant le capital de la société Jardinerie Treyve, de parts sociales et terrains ;

Que par lettre officielle, envoyée en recommandée avec avis de réception, du 16 novembre 2011, soit dans le délai d'un mois visé aux stipulations contractuelles précitées, le conseil de la société Jardiland a répondu :

"Vous rappelez qu'aux termes des articles 8 des contrats d'affiliation et 12 des contrats de franchise, la société Jardiland dispose d'un droit de préemption sur les biens dont la cession est envisagée.

Vous rappelez également que ma cliente disposait d'un délai de 30 jours à compter de la réception de la notification soit à compter du 19 octobre 2011.

Les contrats de franchise en leur article 12 prévoient que le franchiseur dispose d'un délai d'un mois pour agréer tout événement affectant le titulaire de l'entreprise.

L'article 8.2 précise pour sa part que la société Jardiland dispose d'un droit d'agrément de tout cessionnaire.

J'ai l'honneur de vous faire savoir pour le compte de ma cliente Jardiland que celle-ci n'agrée pas la cession des titres et biens proposés à la vente à la société Botanic." ;

Considérant qu'il résulte clairement de la lettre du conseil de la société Jardiland que celle-ci a considéré, comme l'y invitaient les termes de la lettre de M. Treyve et de la société Jardinerie Treyve, qu'étaient mises en œuvre les dispositions des articles 12 du contrat de franchise et 8 du contrat d'affiliation ;

Qu'il résulte également, de manière non équivoque, de la lettre de la société Jardiland que celle-ci a choisi de ne pas préempter et de ne pas agréer l'acquéreur présenté, ce qu'elle ne conteste pas ;

Considérant que les parties sont en désaccord sur les effets de l'option exercée par la société Jardiland, à savoir la non-préemption et le non-agrément de l'acquéreur ;

Que cependant, il résulte des stipulations claires et précises précitées, qui ne nécessitent aucune interprétation, que :

"En cas de refus d'agrément par la société Jardiland, le présent contrat est résilié de plein droit sans pénalités." (article 8.2 in fine du contrat d'affiliation) ;

"En cas de refus, la modification devra être considérée comme entraînant la rupture automatique et immédiate du contrat." (article 12.1 alinéa 5 du contrat de franchise) ;

Que dans sa réponse du 16 novembre 2011, à aucun moment, la société Jardiland ne s'est référée aux stipulations de l'article 10 ("Clause de résiliation") du contrat de franchise ou Dix du contrat d'affiliation, portant sur la possibilité, pour chacune des parties, de résilier ces contrats, en cas de violation par l'autre de l'une quelconque des obligations contractuelles mises à sa charge par le contrat concerné ;

Que la société Jardiland n'a pas, dans sa réponse à la notification qui lui a été faite, sur le fondement des articles 12 du contrat de franchise et 8 du contrat d'affiliation, objecté une quelconque faute à M. Treyve ou à la société Jardinerie Treyve, notamment le non-respect des règles de la mise en œuvre de la procédure du droit de préemption et du droit d'agrément ;

Qu'en particulier, elle n'a pas imputé aux intimés un défaut de purge du droit d'agrément, qui aurait, selon la thèse soutenue par elle devant la cour, nécessité, une mise en œuvre "dans un second temps", seul le droit de préemption ayant été purgé, alors que la lettre de notification du 18 octobre 2011 l'invitant à faire savoir aux consorts Treyve "si vous entendez exercer votre droit de préemption", elle a répondu qu'elle n'agréait pas la cession à la société Botanic, ce qui purgeait son droit d'agrément, lequel, aux termes de l'article 8.1 précité, ne pouvait s'exercer qu'"à défaut" de préemption ;

Que par ailleurs, la société Jardiland est sans qualité à se prévaloir des stipulations contenues au contrat de cession, auquel elle est un tiers, quand bien même "l'accord de la société Jardiland pour résilier sans conséquences négatives pour la société, notamment sans application des droits de préemption et des clauses de non adhésion à un réseau concurrent, les contrats conclus entre la société et Jardiland" aurait été érigé en condition suspensive du contrat de cession ;

Considérant que si la société Jardiland fait grief à M. Treyve et à la société Jardinerie Treyve de n'avoir pas réalisé la cession aux conditions et modalités indiquées dans le compromis, au mépris des stipulations de l'article 8.1 du contrat d'affiliation, il ne résulte pas de l'article 8.4 "Sanctions" que ce grief doive entraîner la poursuite du contrat d'affiliation ou de franchise, ledit article 8.4 ouvrant à la société Jardiland la possibilité "si bon lui semble" de résilier le contrat d'affiliation dans les conditions de l'article 10 "dans le cas où la société Affiliée cèderait son fonds de commerce, sa société d'exploitation ou son immobilier sans avoir permis à la société Jardiland d'exercer son droit de préemption", seul le juge du fond ayant le pouvoir de dire si la cession a été réalisée à des conditions autres que celles notifiées et si une telle cession constitue fait obstruction à l'exercice du droit de préemption ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le trouble invoqué résultant de la violation des stipulations contractuelles précitées n'est pas manifestement illicite ;

Que dès lors, ne l'est pas davantage la substitution d'enseigne et ses conséquences, notamment économiques et sociales, pour les magasins affiliés et franchisés, alors, au surplus, que les pièces produites ne démontrent pas lesdits troubles avec l'évidence requise en référé ;

Que, de même, le dommage imminent n'est pas caractérisé, en l'absence d'atteinte manifeste aux droits de préemption et d'agrément de la société Jardiland ;

Que l'ordonnance entreprise sera confirmée et les demandes de la société Jardiland rejetées ;

Par ces motifs : Confirme l'ordonnance entreprise, Y ajoutant, Rejette les demandes de la société Jardiland Enseignes, Condamne la SAS Jardiland Enseignes, représentée par la SAS Jardiland, à payer à chacun de la SAS Les Jardins du Centre, anciennement dénommée société Jardinerie Treyve, à la SAS société Botanic-Serres du Salève, et à M. Philippe Treyve, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la SAS Jardiland Enseignes, représentée par la SAS Jardiland, aux dépens d'appel.