Commission, 25 juillet 2012, n° 2013-283/UE
COMMISSION EUROPÉENNE
Décision
Concernant l'aide d'État SA.23839 (C 44-2007) de la France en faveur de l'entreprise FagorBrandt
LA COMMISSION EUROPÉENNE,
Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment son article 108, paragraphe 2, premier alinéa (1), vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a), après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément auxdits articles (2) et vu ces observations, considérant ce qui suit :
1. PROCEDURE
(1) Par lettre du 6 août 2007, la France a notifié à la Commission une aide à la restructuration en faveur du groupe FagorBrandt.
(2) Par lettre du 10 octobre 2007, la Commission a informé la France de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 108, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après, "TFUE") à l'encontre de cette aide.
(3) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure (ci-après "la décision d'ouverture de la procédure") a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne (3). La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur l'aide en cause.
(4) La Commission a reçu des observations de trois intéressés, à savoir deux concurrents et le bénéficiaire de l'aide. Electrolux a soumis des observations par lettre du 14 décembre 2007. Suite à une réunion avec les services de la Commission le 20 février 2008, cette entreprise a soumis des observations additionnelles par lettre du 26 février 2008 et du 12 mars 2008. Un concurrent qui souhaite garder l'anonymat a soumis des observations par lettre du 17 décembre 2007 (4). FagorBrandt a soumis des observations par lettre du 17 décembre 2007. La Commission a transmis ces observations à la France par lettres du 15 janvier 2008 et du 13 mars 2008 en lui donnant la possibilité de les commenter et a reçu ses commentaires respectivement par lettre du 15 février 2008 et par un document soumis lors de la réunion du 18 mars 2008 (voir considérant (5)).
(5) Par lettre du 13 novembre 2007, la France a fait part à la Commission de ses observations concernant la décision d'ouverture de la procédure. Le 18 mars 2008, une réunion s'est tenue entre les services de la Commission, les autorités françaises et FagorBrandt. Suite à cette réunion, les autorités françaises ont soumis des informations par courriers du 24 avril 2008 et du 7 mai 2008. Une seconde réunion s'est tenue entre les mêmes parties le 12 juin 2008. Suite à cette réunion, les autorités françaises ont soumis des informations par courrier du 9 juillet 2008. Le 15 juillet 2008, la Commission a demandé des informations supplémentaires, fournies par les autorités françaises le 16 juillet 2008.
(6) Le 21 octobre 2008, la Commission a pris une décision positive sous conditions concernant l'aide à la restructuration de 31 millions d'euros octroyée à FagorBrandt (5) (ci-après "la décision du 21 octobre 2008").
(7) Cette décision a été annulée par le Tribunal le 14 février 2012 (6) (ci-après "l'arrêt du Tribunal du 14 février 2012") pour une double erreur manifeste d'appréciation : d'une part, la prise en compte d'une mesure compensatoire non valable et d'autre part, le manque d'analyse de l'effet cumulé sur la concurrence d'une ancienne aide incompatible octroyée par les autorités italiennes (ci-après dénommée "l'aide italienne") et non encore récupérée, avec l'aide approuvée.
(8) La Commission doit par conséquent adopter une nouvelle décision finale. Conformément à la jurisprudence du Tribunal (7), la Commission ne peut, pour ce faire, que prendre en compte les informations dont elle disposait à l'époque, soit au 21 octobre 2008 (voir section "6.2.2. Cadre temporel de l'analyse").
2. DESCRIPTION
(9) L'aide en cause est une aide à la restructuration. Le montant prévu de l'aide est de 31 millions d'euros. Cette dotation provient du Ministère français de l'Economie, des Finances et de l'Emploi. Le bénéficiaire de l'aide est FagorBrandt SA, qui détient plusieurs filiales au sein desquelles sont abritées les activités de production et de commercialisation.
(10) Les autorités françaises indiquent que, avec les ressources disponibles, et en l'absence d'aide d'Etat, FagorBrandt SA serait dans l'incapacité de faire face à ses difficultés. La subvention directe de 31 millions d'euros permettra selon la France de financer la moitié des dépenses de restructuration (8).
(11) Le groupe FagorBrandt (ci-après "FagorBrandt") appartient indirectement à la société Fagor Electrodomésticos S. Coop (ci-après "Fagor"), une coopérative de droit espagnol. Le capital de cette société coopérative est réparti entre environ 3 500 membres (salariés-associés), dont aucun ne peut détenir plus de 25 % du capital de la coopérative.
(12) Fagor fait elle-même partie d'un regroupement de coopératives appelé Mondragón Corporación Cooperativa (ci-après "MCC"), au sein duquel chaque coopérative conserve son autonomie juridique et financière. Fagor appartient à la division "Foyer" du groupe sectoriel "Industrie" de MCC.
(13) FagorBrandt a réalisé un chiffre d'affaires de 903 millions d'euros en 2007. Elle est présente dans tous les métiers du gros électroménager, recouvrant trois grandes familles de produits : le lavage (lave-vaisselle, lave-linge, sèche-linge, lavante-séchante), le froid (réfrigérateurs, congélateurs coffres et armoires) et la cuisson (fours traditionnels, micro-ondes, cuisinières, tables de cuisson, hottes).
3. RAISONS AYANT CONDUIT A L'OUVERTURE DE PROCEDURE
(14) Dans la décision d'ouverture de la procédure, la Commission a exprimé des doutes pour les cinq raisons suivantes : risque de contournement de l'interdiction d'octroyer des aides à la restructuration aux entreprises nouvellement créées ; risque de contournement de l'obligation de remboursement de l'aide incompatible ; doute quant au retour à la viabilité à long terme de l'entreprise ; insuffisance des mesures compensatoires ; doute quant à la limitation de l'aide au minimum nécessaire, et en particulier quant à la contribution du bénéficiaire.
3.1. Risque de contournement de l'interdiction d'octroyer des aides à la restructuration aux entreprises nouvellement créées
(15) FagorBrandt ayant été créée en janvier 2002, elle était, au sens du point 12 des Lignes directrices communautaires concernant les aides d'état au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté (ci-après "les lignes directrices sur les aides à la restructuration") (9) une entreprise nouvellement créée jusqu'en janvier 2005, c'est-à-dire trois ans après sa création. Cela signifie qu'aussi bien au moment où l'entreprise a bénéficié de l'exemption fiscale qui était prévue à l'article 44 septies du Code Général des Impôts (ci-après dénommée "l'aide 44 septies"), qu'au moment où, en décembre 2003, la Commission a déclaré cette aide incompatible et ordonné sa récupération (10), FagorBrandt était une entreprise nouvellement créée. En vertu du point 12 des lignes directrices sur les aides à la restructuration, elle n'était donc pas éligible à une aide à la restructuration. Dès lors, le fait que, au moment où l'entreprise ne constituait plus une entreprise nouvellement créée et devenait dès lors éligible pour recevoir des aides à la restructuration, la France n'avait pas encore récupéré l'aide déclarée incompatible en décembre 2003, pourrait constituer un contournement de l'interdiction prévue au point 12 des lignes directrices sur les aides à la restructuration.
3.2. Risque de contournement de l'obligation de remboursement de l'aide incompatible
(16) Observant que l'aide notifiée semblait en grande partie servir à financer le remboursement de l'aide 44 septies, la Commission doutait que l'aide notifiée ne constitue pas un contournement de l'obligation de remboursement de cette aide incompatible et ne vide pas la récupération de cette aide de sa substance et de son effet utile.
3.3. Doutes sur la viabilité à long terme de l'entreprise
(17) En ce qui concerne le retour à la viabilité à long terme de l'entreprise, la Commission a exprimé deux doutes. D'une part, la Commission, observant que le chiffre d'affaires attendu pour 2007 progressait d'environ 20 % par rapport à celui de l'année précédente, a demandé sur quels éléments se fondait cette prévision. D'autre part, la Commission a relevé que le plan de restructuration n'indiquait pas comment FagorBrandt comptait faire face au remboursement de l'aide incompatible perçue par sa filiale italienne.
3.4. Insuffisance des mesures compensatoires
(18) La Commission doutait également que l'absence de mise en œuvre de mesures compensatoires supplémentaires à celles déjà engagées dans le cadre du plan de restructuration soit acceptable. La Commission a rappelé que :
(i) les lignes directrices sur les aides à la restructuration (points 38 à 41) font obligation aux bénéficiaires répondant au critère de "grande entreprise" de mettre en place des mesures compensatoires ;
(ii) d'une part, sans l'aide, FagorBrandt sortirait du marché et, d'autre part, les concurrents de FagorBrandt sont essentiellement européens. La disparition de FagorBrandt permettrait par conséquent aux concurrents européens d'accroître leurs ventes et leurs productions pour des montants significatifs ;
(iii) il semble que l'ensemble des mesures déjà mises en œuvre ne puissent, sur la base du point 40 des lignes directrices sur les aides à la restructuration, être prises en compte comme mesures compensatoires ;
(iv) enfin, la Commission a souligné que les lignes directrices en vigueur au moment de l'examen des cas Bull (11) et Euromoteurs (12), invoqués par la France ne faisaient pas obligation de mettre en œuvre des mesures compensatoires. Elle a également souligné d'autres différences majeures entre ces cas et le cas présent.
3.5. Doutes quant à la contribution du bénéficiaire
(19) Finalement, la Commission a exprimé des doutes quant à la satisfaction des conditions prévues aux points 43 et 44 des lignes directrices sur les aides à la restructuration. D'une part, les autorités françaises n'ont pas inclus le remboursement de l'aide 44 septies dans les coûts de restructuration et, d'autre part, les autorités françaises n'ont pas expliqué la provenance de certains montants comptés comme "effort propre du bénéficiaire".
4. OBSERVATIONS DES INTERESSES
4.1. Observations de l'entreprise Electrolux
(20) Electrolux indique que pour répondre aux défis de la concurrence globale, elle a mis en œuvre des plans de restructuration majeurs et très couteux. Pour rester compétitive, l'entreprise a été forcée de prendre des mesures drastiques comme la fermeture de huit usines en Europe de l'Ouest, dont la production a été principalement délocalisée vers d'autres usines existantes en Europe et vers de nouvelles usines en Pologne et en Hongrie. La plupart des entreprises du secteur "gros électroménager" ont mené des opérations de restructuration semblables. En conséquence, cette entreprise se plaint de ce que FagorBrandt pourrait recevoir un subside pour faire face à une situation que le reste du secteur doit gérer sans recevoir d'assistance similaire. L'aide fausserait la concurrence aux dépens d'autres entreprises.
4.2. Observations du deuxième concurrent
(21) En premier lieu, ce concurrent, qui souhaite garder l'anonymat, estime que l'aide planifiée ne permettra pas à l'entreprise de restaurer sa viabilité à long terme. Il estime qu'une réorganisation industrielle substantielle est nécessaire pour assurer la survie de l'entreprise. Or, ce concurrent estime que FagorBrandt ne disposera pas des moyens pour financer les investissements nécessaires. L'aide ne permettra pas non plus à FagorBrandt d'atteindre la taille nécessaire pour améliorer sa position dans les négociations vis-à-vis des grands distributeurs qui préfèrent les fournisseurs ayant une présence plus importante dans l'Union Européenne.
(22) En deuxième lieu, le concurrent estime que l'aide n'est pas limitée au minimum nécessaire car FagorBrandt pourrait trouver les financements nécessaires à sa restructuration auprès de son actionnaire et de la coopérative (à savoir, MCC, dont fait partie la banque Caja Laboral) à laquelle ce dernier appartient.
(23) En troisième lieu, le concurrent estime que l'aide est de nature à affecter la concurrence et les échanges entre les Etats membres. D'une part, la plupart des entreprises du secteur produisent en Europe et peuvent donc être considérées comme européennes. Les concurrents asiatiques et turcs ne sont significativement présents que sur certains produits. D'autre part, FagorBrandt est le cinquième acteur au niveau européen et possède une position forte sur les marchés français, espagnol et polonais. Le concurrent estime, par conséquent, qu'en l'absence de mesures compensatoires, l'aide ne pourrait être déclarée compatible par la Commission.
(24) En quatrième lieu, l'octroi passé d'aides illégales par la France et l'Italie emporte deux conclusions : d'une part, les difficultés de FagorBrandt sont récurrentes, posant à terme la question de sa viabilité ; d'autre part, l'aide notifiée servira probablement au remboursement des aides illégales, contournant ainsi l'obligation de rembourser.
4.3. Observations de FagorBrandt
(25) Les observations de FagorBrandt sont similaires aux observations des autorités françaises, qui sont résumées ci-après.
5. COMMENTAIRES DE LA FRANCE
5.1. Commentaires de la France concernant la décision d'ouverture de la procédure
(26) Concernant un possible contournement de l'interdiction de l'octroi d'aides à la restructuration aux entreprises nouvellement créées, les autorités françaises ne contestent pas que FagorBrandt doive être considérée comme "une entreprise nouvellement créée" durant les trois années suivant sa création conformément au point 12 des lignes directrices sur les aides à la restructuration. Elles observent cependant que la question de l'éventualité d'une aide à la restructuration au bénéfice de FagorBrandt n'a commencé à être posée que courant 2006 suite aux difficultés rencontrées à partir de 2004 et compte tenu de la dégradation de sa situation financière depuis 2005, soit au cours de la cinquième année d'existence. Autrement dit, l'entreprise n'avait pas de raisons de demander d'aide à la restructuration avant d'être dans une situation justifiant cette aide, soit courant 2006. En conséquence, la question d'un éventuel contournement de la règle des "trois ans" est sans objet.
(27) Concernant la possibilité que l'aide notifiée vide l'obligation de remboursement de son effet utile, la France rappelle que l'entreprise n'est pas en difficulté en raison du seul remboursement de l'aide. Les difficultés financières ont en effet commencé en 2004 et la situation s'est fortement dégradée en 2005 et 2006. Comme l'a conclu la Commission dans la décision d'ouverture de la procédure, l'entreprise est bien en difficulté au sens des lignes directrices sur les aides à la restructuration. La France en conclut que l'entreprise est, à ce titre, éligible à une aide à la restructuration si les autres conditions pour une telle aide sont remplies par ailleurs. La question de savoir si l'entreprise pourrait ou non passer le cap de l'année 2007 ou 2008 si elle ne devait pas rembourser l'aide est sans objet, puisque le remboursement de l'aide est obligatoire, et ce, depuis la décision négative de la Commission concernant le régime de l'article 44 septies en 2003. C'est donc bien l'accumulation de difficultés financières qui justifie la demande d'aide, ces difficultés provenant des coûts de restructuration déjà supportés par l'entreprise, de l'absence de finalisation de la restructuration et encore de toutes les autres charges que l'entreprise doit prendre en compte, en ce compris le remboursement de l'aide.
(28) Concernant le retour à la viabilité à long terme et les deux doutes correspondants soulevés dans la décision d'ouverture, les autorités françaises observent les éléments suivants. En ce qui concerne la prévision concernant la croissance de 20 % du chiffre d'affaires 2007 par rapport à l'exercice 2006, elle s'explique principalement par la modification du périmètre d'activités de FagorBrandt intervenue en 2006. Quant à la non prise en compte du remboursement de l'aide illégale perçue par la filiale italienne (accordée dans le cadre de la reprise par Brandt Italia des activités électroménager d'Ocean Spa), les autorités françaises indiquent que ce remboursement ne devrait pas affecter la viabilité de l'entreprise, compte tenu que le montant finalement à la charge de Brandt Italia devrait être inférieur à 200 000 euros, le solde étant supporté par le vendeur des activités en cause.
(29) Concernant l'absence de mesures compensatoires, la France répète que l'entreprise a déjà cédé en 2004 la société Brandt Components (site de Nevers). D'autre part, la société a réduit sa capacité de production en arrêtant la production de congélateurs coffres et de fours micro-ondes pose-libre. Les autorités françaises rappellent également que l'aide a engendré une distorsion très faible, ce qui réduit la nécessité de mesures compensatoires. En effet, FagorBrandt a moins de [0-5] % (*) de part de marché au niveau européen, ce qui est très faible par rapport à ses principaux concurrents. Les autorités françaises considèrent par ailleurs que la présence de l'entreprise sur le marché permet d'éviter des situations d'oligopole. Au cours de la procédure formelle d'examen, les autorités françaises ont proposé de mettre en œuvre des mesures compensatoires additionnelles.
(30) Concernant les doutes de la Commission relatifs à la limitation de l'aide au minimum et à la contribution propre du bénéficiaire, les autorités françaises observent les éléments suivants. Concernant la non prise en compte du remboursement de l'aide dans les coûts de restructuration, elles indiquent que le remboursement d'une aide incompatible ne peut pas être, a priori, qualifié de coûts de restructuration. Concernant l'"effort propre du bénéficiaire" tel que dénommé dans la notification, les autorités françaises expliquent qu'il s'agit d'emprunts bancaires.
5.2. Commentaires de la France sur les observations des intéressés
(31) Concernant les commentaires d'Electrolux, la France souligne que les mesures de restructuration engagées par Electrolux et d'autres concurrents n'avaient pas pour but de restaurer une situation économique difficile mais bien de renforcer un positionnement sur le marché du gros électroménager. La France estime dès lors que les situations ne sont pas comparables pour FagorBrandt et ses concurrents qui, au demeurant, disposent de moyens financiers largement supérieurs en raison de tailles bien plus grandes.
(32) Concernant les commentaires relatifs à la viabilité à long terme de FagorBrandt formulés par l'entreprise ayant requis l'anonymat, les autorités françaises soulignent, en premier lieu, que FagorBrandt a pris des mesures destinées dans un premier temps à juguler les pertes et à renforcer la marge afin de pouvoir, à terme, atteindre un meilleur positionnement sur le marché, notamment en développant [...].
(33) Concernant l'affirmation que l'aide n'est pas limitée au minimum car FagorBrandt pourrait se financer auprès de ses actionnaires, les autorités françaises soulignent que MCC n'est pas une entité holding mais un mouvement coopératif. Dans ce mouvement coopératif, chaque coopérative y compris Fagor ou la banque Caja Laboral est indépendante et dépend des décisions de ses propres travailleurs-coopérateurs, qui en sont les propriétaires. FagorBrandt ne peut donc compter que sur le soutien financier de Fagor, limité aux capacités actuelles de cette dernière. L'acquisition de FagorBrandt a réduit les marges de manœuvre de Fagor en trésorerie et Fagor ne peut aujourd'hui consentir des financements au-delà d'un certain seuil.
(34) En troisième lieu, en réponse aux effets négatifs supposés sur la concurrence, les autorités françaises relèvent des contradictions dans les observations de l'intéressé ayant requis l'anonymat. D'une part ce dernier affirme que l'aide affecterait les conditions de la concurrence au sein du marché européen. D'autre part, il affirme que FagorBrandt a une taille trop petite en comparaison des majors, ce qui met en danger sa viabilité. Par ailleurs, concernant l'absence de mesures compensatoires, les autorités françaises rappellent qu'elles ont déjà mis en œuvre des mesures compensatoires valables et qu'elles proposent d'en mettre en œuvre de nouvelles.
(35) En quatrième lieu, en réponse aux affirmations basées sur l'octroi antérieur d'aides illégales par la France et l'Italie, la France rappelle que ces aides illégales visaient non pas un programme de restructuration de l'entreprise mais un système visant à favoriser le maintien de l'emploi sur le territoire. Par ailleurs, la France souligne, sur la base des informations fournies le 17 décembre 2007 par FagorBrandt à la Commission, qu'il n'y a pas de réel rapport entre le montant de l'aide accordée (environ 20 millions d'euros d'aide nette après impôt) et le montant de l'aide incompatible (environ 27,3 millions d'euros après calcul d'intérêt). De plus, les coûts de restructuration sont évalués à 62,5 millions d'euros et donc nettement supérieurs au montant de l'aide à la restructuration sollicitée. Finalement, elles rappellent le caractère fongible des dépenses.
(36) En ce qui concerne les commentaires soumis à la Commission par FagorBrandt, les autorités françaises indiquent qu'elles ne peuvent qu'être en accord avec ces éléments de clarification, d'autant plus qu'ils viennent en complément de leurs propres observations.
6. APPRECIATION DE L'AIDE
6.1. Existence d'une aide au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE
(37) La Commission considère que la mesure constitue une aide d'Etat au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE. Elle prend la forme d'une subvention du gouvernement français et est par conséquent financée par des ressources d'Etat et imputable à l'Etat. La mesure s'adresse uniquement à FagorBrandt et est donc sélective. La subvention favorise FagorBrandt en lui fournissant des ressources additionnelles et en lui évitant de cesser ses activités. Cette mesure menace donc de fausser la concurrence entre producteurs de gros électroménager. Enfin, le marché du gros électroménager est caractérisé par des échanges commerciaux importants entre Etats Membres. Par conséquent, la Commission conclut que la mesure notifiée constitue une aide d'Etat. La France ne conteste pas cette conclusion.
6.2. Base juridique de l'appréciation
6.2.1. Base juridique de la compatibilité de l'aide
(38) L'article 107, paragraphes 2 et 3, du TFUE, prévoit des dérogations à l'incompatibilité générale prévue au paragraphe 1 du même article. Les dérogations prévues à l'article 107, paragraphe 2, du TFUE ne sont manifestement pas applicables en l'espèce.
(39) Quant aux dérogations prévues à l'article 107, paragraphe 3, du TFUE, la Commission observe que l'objectif de l'aide n'étant pas régional et la dérogation prévue au point b) dudit paragraphe n'étant manifestement pas applicable, seule la dérogation visée au point c) s'applique. Celui-ci prévoit l'autorisation des aides d'État destinées à faciliter le développement de certaines activités économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. Dans ce contexte, il est constant que les aides ont été octroyées dans le but de restaurer la viabilité à long terme d'une entreprise en difficulté. La Commission a exposé comment elle évalue la compatibilité de telles aides dans les lignes directrices sur les aides à la restructuration. Ce sont donc ces dernières qui serviront de base juridique à l'appréciation. La Commission considère qu'aucun autre encadrement communautaire ne pourrait s'appliquer en l'espèce. La France n'a d'ailleurs invoqué aucune autre dérogation du TFUE. Par ailleurs, aucun des intéressés n'a critiqué le choix de cette base juridique, qui a déjà été annoncé dans la décision d'ouverture de la procédure.
6.2.2. Cadre temporel de l'analyse
(40) Conformément à la jurisprudence du Tribunal (13), la Commission doit, après l'annulation d'une de ses décisions, fonder sa nouvelle analyse exclusivement sur les informations dont elle disposait au moment de l'adoption de la décision annulée, en l'espèce au 21 octobre 2008.
(41) Les évènements postérieurs qui ont pu se produire depuis le 21 octobre 2008 ne doivent donc pas être pris en considération. Les changements ou évolutions du marché ou concernant la situation du bénéficiaire de l'aide, doivent être écartés de l'analyse. De même, la Commission ne prend pas en considération la période d'exécution du plan de restructuration postérieure au mois d'octobre 2008 (14).
(42) De même, la Commission n'a pas l'obligation de reprendre l'instruction de l'affaire, ni même de la compléter par de nouvelles expertises techniques (15). L'annulation d'un acte mettant un terme à une procédure administrative comprenant différentes phases n'entraîne pas nécessairement l'annulation de toute la procédure. Lorsque, comme en l'espèce, malgré des actes d'instruction permettant une analyse exhaustive de la compatibilité de l'aide, l'analyse effectuée par la Commission s'avère incomplète et entraîne ainsi l'illégalité de la décision, la procédure visant à remplacer cette décision peut être reprise sur la base des actes d'instruction déjà réalisés (16).
(43) Par ailleurs, dès lors que la Commission doit fonder sa nouvelle analyse exclusivement sur des informations dont elle disposait en octobre 2008, informations sur lesquelles les autorités françaises et FagorBrandt ont déjà pris position, il n'y a pas lieu de les consulter à nouveau (17). Enfin, le droit des tiers intéressés de faire valoir leurs observations a été assuré par la publication au Journal officiel de la décision d'ouverture de la procédure (18) et aucune disposition du règlement n° 659-1999 n'impose de leur offrir à nouveau cette possibilité lorsque le plan de restructuration initial est modifié en cours d'examen (19).
(44) La présente décision est ainsi uniquement fondée sur des éléments disponibles à la date du 21 octobre 2008.
6.3. Eligibilité de l'entreprise aux aides à la restructuration
(45) Pour bénéficier d'aides à la restructuration, l'entreprise doit, en premier lieu, pouvoir être considérée comme une entreprise en difficulté, telle que définie à la section 2.1 des lignes directrices sur les aides à la restructuration.
(46) Au point 24 de la décision d'ouverture de la procédure, la Commission a indiqué que l'entreprise semblait être en difficulté au sens du point 11 des lignes directrices sur les aides à la restructuration. Au point 27 de la décision d'ouverture de la procédure, la Commission a également indiqué que, conformément au point 13 des lignes directrices sur les aides à la restructuration, les difficultés de l'entreprise étaient devenues trop graves pour pouvoir être financées par son actionnaire espagnol. Contrairement à cette appréciation préliminaire, le concurrent ayant requis l'anonymat estime que FagorBrandt pourrait obtenir auprès de Fagor et de MCC le soutien financier nécessaire pour faire face à ses difficultés. Il s'agit dès lors d'analyser si l'appréciation préliminaire faite dans la décision d'ouverture de la procédure doit être modifiée. La Commission observe que le concurrent fonde son affirmation sur un article de presse (20) qui semble indiquer que Fagor peut aisément lever des fonds sur les marchés financiers. Cependant, la Commission observe que cet article date du mois d'avril 2005 et que la situation financière de Fagor s'est fortement dégradée par la suite. Les autorités françaises rappellent à ce propos que les dettes financières de Fagor (hors consolidation des dettes de FagorBrandt) ont triplé en 2005, notamment, suite à l'acquisition des titres FagorBrandt et à de lourds investissements industriels chez Fagor. De plus, Fagor a injecté 26,9 millions d'euros de capital dans FagorBrandt en 2006. Tous ces éléments ont quasiment épuisé la capacité d'endettement de la coopérative, dont les ratios d'endettement ont largement dépassé les seuils généralement admis.
(47) Par ailleurs, les autorités françaises ont expliqué que Fagor, l'actionnaire unique du groupe FagorBrandt, est une coopérative de travailleurs-associés de droit espagnol. Son capital est réparti entre environ 3 500 membres qui sont exclusivement des salariés-associés, dont aucun ne peut détenir plus de 25 % du capital de la coopérative.
(48) En raison de cette forme juridique, Fagor ne peut procéder à des augmentations de capital ouvertes à des souscripteurs tiers. La coopérative ne peut augmenter son capital qu'en faisant appel à ses propres membres, dont les capacités financières sont limitées à leur épargne personnelle. La seule possibilité dont elle dispose pour financer son développement est d'effectuer des emprunts auprès des banques ou d'émettre des emprunts obligataires.
(49) S'agissant de MCC, celui-ci est un regroupement de coopératives dont Fagor fait partie. Au sein de ce regroupement, chaque coopérative conserve son autonomie juridique et financière. En d'autres termes, il n'y a aucun lien capitalistique entre Fagor et MCC. MCC n'est donc pas une holding mais un mouvement coopératif. Chaque coopérative appartenant à ce regroupement, comme Fagor ou la banque Caja Laboral, est indépendante et dépend des décisions de ses propres salariés-coopérateurs, qui en sont les propriétaires. Les relations entre MCC et ses membres ne peuvent donc être appréhendés comme celles d'un groupe capitalistique traditionnel.
(50) Par conséquent, MCC, en raison de sa forme juridique, ne pouvait lever des fonds comme une société anonyme, et ne peut être considérée comme une société mère au sens du point 13 des lignes directrices sur les aides à la restructuration. FagorBrandt ne pouvait donc compter que sur le soutien de sa société mère, Fagor, dans les limites de ses capacités contributives.
(51) La Commission estime donc qu'il n'y a pas lieu de revoir l'appréciation faite dans la décision d'ouverture concernant l'éligibilité de la firme sur la base des points 11 et 13 des lignes directrices sur les aides à la restructuration.
(52) En ce qui concerne l'éligibilité de l'entreprise sur la base des conditions définies dans la section 2.1 des lignes directrices sur les aides à la restructuration, la décision d'ouverture soulève un seul doute, à savoir un possible contournement de l'interdiction d'aide à la restructuration aux entreprises nouvellement créées (voir la section 3 "Raisons ayant conduit à l'ouverture de procédure").
(53) La Commission a analysé la situation financière de l'entreprise, qui est illustrée par le tableau 1 ci-dessous. Il apparaît clairement que, durant ses trois premières années d'existence, l'entreprise, même si elle avait remboursé l'aide 44 septies, ne répondait pas aux critères prévus aux points 10 et 11 des lignes directrices sur les aides à la restructuration pour être considérée comme étant en difficulté : en ce qui concerne le point 10 des lignes directrices sur les aides à la restructuration, il apparaît que, même si l'entreprise avait remboursé l'aide de 22,5 millions d'euros dès 2004 (c'est-à-dire dans les mois suivant la décision finale négative de la Commission), elle n'aurait pas encore perdu la moitié de ses fonds propres en 2004. En ce qui concerne le point 11 des lignes directrices sur les aides à la restructuration, même si l'entreprise avait remboursé l'aide de 22,5 millions d'euros dès 2004, elle n'aurait connu qu'une seule année de pertes (2004), ce qui est insuffisant pour être considérée en difficulté sur la base de ce point. Force est donc de constater que les difficultés financières du groupe FagorBrandt se sont aggravées à partir de l'année 2005, de sorte que l'entreprise pourrait être considérée comme une entreprise en difficulté au sens des lignes directrices sur les aides à la restructuration (c'est-à-dire, une entreprise qui, "en l'absence d'une intervention extérieure des pouvoirs publics", se dirige "vers une mort économique quasi certaine à court ou moyen terme") sans doute à partir de l'année suivante (en prenant en compte l'obligation de rembourser l'aide 44 septies) et certainement en 2007.
Tableau 1
Million EUR / 2002 / 2003 / 2004 / 2005 / 2006 / 2007
Chiffre d'affaires / 847,1 / 857,6 / 813,2 / 743,6 / 779,7 / 903,0
Marge brute / 205,2 / 215,1 / 207,0 / 180,6 / 171,6 / 190,4
Résultat net / 15,5 / 13,8 / (3,6) / (13,4) / (18,2) / (5,7)
Fonds propres / 69,8 / 83,4 / 79,8 / 70,6 / 79,4 / 73,6
(54) La Commission a également relevé qu'au cours du premier trimestre de l'année 2005, le groupe Fagor a pris la décision d'acheter 90 % des actions de l'entreprise au coût de [150-200] millions d'euros. Ceci illustre que le marché ne considérait pas que l'entreprise était en difficulté au sens des lignes directrices sur les aides à la restructuration, c'est-à-dire une entreprise qui, en l'absence d'une intervention extérieure des pouvoirs publics, va vers une mort économique quasi certaine à court ou moyen terme.
(55) Sur la base de ce qui précède, la Commission estime que l'entreprise, créée en janvier 2002, ne pouvait être considérée comme étant en difficulté durant ses trois premières années d'existence, même si elle avait remboursé l'aide 44 septies immédiatement. Dès lors, elle estime que le fait qu'en janvier 2005 la France n'avait pas encore récupéré les aides 44 septies c'est-à-dire trois ans après la création de FagorBrandt - n'a pas eu pour effet de maintenir artificiellement en vie une entreprise qui, autrement, serait sortie du marché. Elle estime également que durant cette période, l'entreprise n'avait pas de raison de solliciter une aide à la restructuration. Sur la base de ce qui précède, la Commission considère que le fait qu'en janvier 2005 la France n'avait pas encore récupéré les aides 44 septies ne constitue pas un contournement de l'interdiction d'aide à la restructuration en faveur des entreprises nouvellement créées au sens du point 12 des lignes directrices sur les aides à la restructuration.
(56) En conclusion, les doutes quant à l'éligibilité de l'entreprise ont été levés et la Commission estime qu'il est satisfait aux conditions prévues dans la section 2.1 des lignes directrices sur les aides à la restructuration.
6.4. Dispositions relatives aux aides antérieures illégales et incompatibles
6.4.1. L'aide accordée par la France
(57) Sur la base du point 23 des lignes directrices sur les aides à la restructuration et du fait que l'aide notifiée semble principalement servir à financer le remboursement de l'aide 44 septies, la Commission a indiqué au point 30 de la décision d'ouverture de la procédure qu'elle doutait que l'aide notifiée ne constitue pas un contournement de l'obligation de remboursement et ne vide pas cette dernière de sa substance et de son effet utile.
(58) Dans son appréciation de cette question, la Commission a pris en compte les éléments suivants.
(59) En premier lieu, selon une jurisprudence constante, le remboursement d'aides incompatibles avec intérêt permet de rétablir la situation antérieure à l'octroi de l'aide et d'éliminer ainsi la distorsion de concurrence qu'elle entraîne. Dès lors, dans le cas présent, le remboursement de l'aide 44 septies avec intérêts - auquel est subordonné le paiement de la nouvelle aide - est supposé rétablir la situation antérieure à son octroi.
(60) En second lieu, l'entreprise est éligible à des aides à la restructuration. En effet, premièrement, les difficultés financières de l'entreprise ne proviennent pas principalement du remboursement de l'aide incompatible. Elles proviennent d'autres sources, qui sont la cause des pertes subies depuis 2004 (voir tableau 1). Le remboursement futur de l'aide incompatible ne viendra qu'aggraver ces difficultés jusqu'à un point où l'entreprise ne pourra plus y faire face sans aide de l'Etat. Deuxièmement, un plan de restructuration des activités dont le coût s'élève à 62,5 millions d'euros a été mis en œuvre. Cela montre que la restructuration opérationnelle nécessaire pour rétablir la profitabilité des activités engendre des coûts très importants, plus importants que le remboursement de l'aide 44 septies qui s'élève à 22,5 millions d'euros, intérêts non inclus. Ces éléments démontrent que FagorBrandt est une firme en difficulté dont l'existence est en danger. Elle peut donc, comme toute firme dans une telle situation, bénéficier d'aides à la restructuration s'il est satisfait aux autres conditions prévues par les lignes directrices sur les aides à la restructuration.
(61) En troisième lieu, dans sa décision de 1991 sur le cas Deggendorf (21), observant que "Les aides illégalement accordées que Deggendorf refuse de restituer depuis 1986 et les nouvelles aides (...) auraient pour effet cumulé de donner à cette société un avantage excessif et indu qui altérerait les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun", la Commission a considéré les nouvelles aides compatibles sous la condition que "les autorités (...) sont tenues de suspendre le versement à la société Deggendorf des aides (...) tant qu'elles n'auront pas procédé à la récupération des aides incompatibles (...)". Dans son arrêt du 15 mai 1997 (22), la Cour de justice a validé l'approche suivie par la Commission. Depuis lors, la Commission a adopté plusieurs décisions où elle suit la même approche, à savoir, considérer une aide nouvelle compatible tout en imposant la suspension de son paiement jusqu'au remboursement de l'aide illégale (23). La Commission observe que dans le cas présent, à partir du moment où la nouvelle aide répondrait aux conditions prévues par les lignes directrices sur les aides à la restructuration, aucun élément ne semble s'opposer à l'application de l'approche suivie dans le cas Deggendorf, à savoir, considérer la nouvelle aide compatible sous la condition que son paiement soit suspendu jusqu'à la récupération de l'aide 44 septies.
(62) Sur la base des considérations précédentes, les doutes de la Commission ont été levés.
(63) Dans ce contexte, la Commission souhaite apporter la précision suivante. Le point 23 des lignes directrices sur les aides à la restructuration fait obligation à la Commission, dans le cadre de l'examen d'une aide à la restructuration, de "prendre en compte, premièrement, l'effet cumulé de l'aide antérieure et de la nouvelle aide, deuxièmement, le fait que l'aide antérieure n'a pas été remboursée." Comme indiqué à la note de bas de page n° 14 des lignes directrices sur les aides à la restructuration, cette disposition se fonde sur la jurisprudence Deggendorf (24). Dans le cas présent, la France s'est engagée à récupérer l'aide 44 septies avant de procéder au paiement de l'aide nouvelle. Dans la présente décision, la Commission est tenue, en vertu de la jurisprudence Deggendorf, de transformer cet engagement en condition de la compatibilité de l'aide notifiée. De la sorte, elle s'assurera qu'il n'y a pas de cumul de l'aide antérieure avec la nouvelle aide et que l'aide antérieure sera remboursée.
6.4.2. L'aide italienne illégale
(64) A la date du 21 octobre 2008, Brandt Italia, la filiale italienne de FagorBrandt, demeure redevable d'une partie de l'aide octroyée par les autorités italiennes. Cette aide a été déclarée incompatible par la Commission dans sa décision du 30 mars 2004 (25).
(65) Dans un tel cas de figure, comme il a été rappelé au considérant (61), la jurisprudence Deggendorf (26) confirme que la Commission n'outrepasse pas son pouvoir d'appréciation lorsqu'elle impose la récupération de l'aide antérieure comme condition préalable au versement de la nouvelle aide. Dans l'hypothèse où la Commission subordonne l'octroi de l'aide envisagée à la récupération préalable d'une ou de plusieurs aides antérieures, elle n'est pas tenue de procéder à l'examen de l'effet cumulé sur la concurrence de ces aides, une telle subordination permettant d'éviter que l'avantage conféré par l'aide envisagée se cumule avec celui conféré par les aides antérieures (27).
(66) Ainsi, la Commission a-t-elle dans le cadre de sa pratique décisionnelle privilégié la récupération des aides incompatibles comme préalable au versement de nouvelles aides (28) plutôt que l'application du point 23 des lignes directrices sur les aides à la restructuration lui permettant de prendre en compte l'effet cumulé de l'aide illégale avec la nouvelle aide.
(67) Cependant, en raison des circonstances particulières du présent cas, la Commission entend appliquer le point 23 des lignes directrices. En effet, la Commission doit en l'espèce adopter une nouvelle décision à la suite de l'annulation de sa décision du 21 octobre 2008 par le Tribunal. Dans ce cadre, la Commission ne peut pas tenir compte des éléments d'information qui n'étaient pas en sa possession à la date de la première décision. La Commission ne peut donc prendre en compte de nouveaux engagements qui émaneraient de l'État membre ni les modalités d'une récupération des aides illégales qui auraient eu lieu après cette date.
(68) Dès lors, comme d'ailleurs l'arrêt du Tribunal du 14 février 2012 l'y invite (29), la Commission doit examiner l'effet cumulé sur la concurrence de l'aide italienne avec l'aide à la restructuration notifiée.
(69) Cependant, il est nécessaire de déterminer d'abord quel est le montant de l'aide italienne qui devait être pris en compte au 21 octobre 2008.
Détermination du montant de l'aide italienne
(70) FagorBrandt estime que le remboursement de l'aide italienne à la charge de Brandt Italia devrait être vraisemblablement inférieur à 200 000 euros.
(71) En effet, FagorBrandt a procédé à l'acquisition en 2003, par l'intermédiaire de sa filiale Brandt Italia, de l'usine de Verolanuova et de ses actifs auprès de la société Ocean, qui était en redressement judiciaire. Le prix offert par Brandt Italia pour les actifs concernés s'est élevé à 10 millions d'euros.
(72) Ce montant ayant été considéré insuffisant par les administrateurs judiciaires de la société Ocean, les autorités italiennes ont souhaité étendre à de telles opérations de reprise les dispositions provenant des régimes de "Mobilita" et de "Cassa Integrazione", dispositions déclarées compatibles avec le droit européen applicable. Elles prévoyaient notamment que les entreprises embauchant des salariés placés au chômage puissent bénéficier d'exemption de charges sociales. L'objectif de l'extension de ces mesures était que le bénéfice en résultant pour l'acquéreur augmente à due concurrence le prix d'achat des actifs concernés.
(73) C'est ainsi que les autorités italiennes ont promulgué un décret-loi en date du 14 février 2003 qui prévoyait que l'acheteur d'actifs de toute société en redressement judiciaire employant plus de 1 000 salariés bénéficierait d'exonérations sociales et de contributions additionnelles pour chaque employé repris. L'opération d'acquisition des activités d'électroménager d'Océan SpA par Brandt Italia du 7 mars 2003 était éligible à ce régime, mis en place en vertu de ce décret-loi. C'est pourquoi le montant de ces exonérations, estimé à 8,5 millions d'euros, est venu augmenter le prix d'acquisition proposé par Brandt Italia, qui a ainsi été porté à 18,5 millions d'euros.
(74) Dans sa décision du 30 mars 2004 (30), la Commission a considéré que le décret-loi du 14 février 2003, converti en loi le 17 avril 2003, constituait un régime d'aide illégal et incompatible. Dès qu'elle a eu connaissance de cette décision de la Commission, Brandt Italia a obtenu du tribunal de commerce de Brescia, le 5 juillet 2004, la mise sous séquestre de la dernière partie du paiement du prix d'achat (5,7 millions d'euros) et s'est rapprochée des organes de la procédure d'Ocean afin de recouvrer le montant versé de manière excédentaire. En effet, Brandt Italia considérait que l'Etat italien devait procéder à la récupération de l'aide illégale auprès de son bénéficiaire réel.
(75) C'est pourquoi, même si le bénéficiaire de l'aide en question en vertu du régime condamné par la Commission était Brandt Italia (société ayant effectivement bénéficié des exonérations), FagorBrandt a estimé que le bénéfice final de cette aide avait été presque intégralement transféré aux créanciers inscrits par les administrateurs judiciaires de la société Ocean par le truchement d'une majoration du prix d'achat des actifs (8,5 millions d'euros d'augmentation de prix, à comparer à 8 624 283 euros d'exonérations effectivement accordées). Par conséquent, les autorités françaises estimaient que le solde restant à la charge de Brandt Italia/FagorBrandt serait de 124 283 euros, somme à laquelle il fallait ajouter les intérêts.
(76) Cependant, les autorités italiennes ont fourni à la Commission des informations qui infirment ce raisonnement.
(77) Le 13 mai 2008, les autorités italiennes ont transmis à la Commission deux jugements de la Cour de Brescia. Ces derniers concernent le contentieux opposant l'Institut national de sécurité sociale (INPS) à Brandt Italia sur la détermination du montant de l'aide, à savoir des exonérations de cotisations sociales, dont a bénéficié Brandt Italia.
(78) Le premier jugement du 1er février 2008 suspend l'ordre de recouvrement émis par l'INPS à l'encontre de Brandt Italia le 18 décembre 2007. L'INPS a fait appel de ce jugement. Le 29 avril 2008, la cour d'appel a annulé la suspension de l'ordre de recouvrement.
(79) Le troisième jugement daté du 8 juillet 2008, transmis à la Commission le 20 octobre 2008, donne raison sur le fond à l'INPS quant à la condamnation de Brandt Italia au remboursement intégral de l'aide. Ce jugement a été notifié à Brandt Italia le 15 septembre 2008.
(80) La Commission doit donc établir, au vu de ces informations, le montant d'aide à restituer par Brandt Italia/FagorBrandt que l'on pouvait raisonnablement estimer au 21 octobre 2008. Pour ce faire, la Commission observe que le jugement du Tribunal de Brescia du 8 juillet 2008 condamne Brandt Italia à restituer 8 890 878,02 euros.
(81) Cependant, la Commission estime que de cette somme, le montant du séquestre doit être retranché, soit 5,7 millions. En effet, Brandt Italia n'a pas disposé de cette somme bloquée à titre conservatoire depuis le jugement du tribunal de commerce de Brescia du 5 juillet 2004. Cette décision est prise en raison de la décision adoptée par la Commission le 30 mars 2004 et c'est donc bien en prévision de la nécessité d'une récupération que ladite somme est bloquée. Ainsi, au 21 octobre 2008, il pouvait être présumé que cette somme servirait à rembourser une partie de l'aide en cause. Cette conclusion est confortée par le fait que :
- la décision de la Commission du 30 mars 2004 précise en son considérant 18 que tant les acquéreurs d'entreprises en difficultés que les entreprises en difficultés pouvaient être bénéficiaires du régime d'aide condamné. En d'autres termes, il était prévisible qu'une partie au moins de la récupération serait à charge de la société Ocean ;
- le jugement du Tribunal de Brescia du 8 juillet 2008 mentionne l'existence de cette somme bloquée sur un compte séquestre et considère "évident" que cette somme pourrait servir à rembourser partiellement l'INPS.
(82) Par conséquent, compte tenu des éléments exposés aux considérants (76) à (81), la Commission considère que le montant définitif de l'aide italienne qu'il convient de prendre en compte aux fins de la présente analyse s'élève à 3 190 878,02 euros, auxquels il convient d'ajouter les intérêts courant jusqu'à la date du 21 octobre 2008.
(83) En ce qui concerne les intérêts, la Commission considère en effet que la date à prendre en compte pour déterminer leur montant n'est pas celle de la récupération effective de l'aide mais bien celle de la décision annulée car, en l'espèce, la Commission analyse la compatibilité de l'aide française au 21 octobre 2008. Or, au 21 octobre 2008, l'aide française est cumulée avec l'aide italienne incluant des intérêts courant jusqu'à cette date. La Commission doit donc prendre en compte le cumul de ces éléments et ne pas y ajouter les intérêts courant jusqu'à la date de la récupération effective.
(84) Au demeurant, l'avantage constitué par les intérêts courant entre le 21 octobre 2008 et la date de récupération effective sera supprimé par la récupération elle-même qui, bien entendu, devra les inclure.
Examen de l'effet cumulé de l'aide à la restructuration et de l'aide italienne
(85) FagorBrandt a par conséquent disposé d'une somme de 3 190 878,02 euros (plus intérêts) en sus des 31 millions d'aide accordés par les autorités françaises. Cet avantage a un impact sur la concurrence : l'entreprise disposait de liquidités supplémentaires dont elle n'aurait pas disposé dans des conditions normales de marché (c'est-à-dire en l'absence de l'aide italienne incompatible).
(86) Conformément au point 23 des lignes directrices restructuration et à l'arrêt du Tribunal du 14 février 2012, la Commission entend examiner l'effet cumulé de l'aide italienne et de l'aide à la restructuration dans le cadre de l'analyse de compatibilité de cette dernière.
(87) Cet examen de l'effet cumulé conduit la Commission à un double contrôle. D'une part, la Commission doit vérifier que les mesures compensatoires (voir les considérants (89) et suivants, en particulier (118) et suivants) permettent précisément de compenser l'atteinte à la concurrence constituée par la possession par FagorBrandt de liquidités supplémentaires. D'autre part, la Commission entend veiller à ce que la contribution propre du bénéficiaire soit bien exempte d'aide (voir les considérants (154) et suivants). En effet, on ne peut exclure que dans la contribution propre envisagée par l'entreprise se retrouve la somme en question.
(88) A l'occasion de ce double contrôle, la Commission est en mesure d'imposer de nouvelles conditions à l'Etat membre concerné, indépendamment des propositions éventuelles de celui-ci (dont, en l'espèce la Commission ne pourrait pas tenir compte si elles avaient été formulées après le 21 octobre 2008). Comme le confirme le point 46 des lignes directrices sur les aides à la restructuration, "la Commission peut imposer les conditions et obligations qu'elle juge nécessaires pour que la concurrence ne soit pas faussée dans une mesure contraire à l'intérêt commun, au cas où l'Etat membre concerné ne se serait pas engagé à prendre de telles dispositions".
6.5. Prévention de toute distorsion excessive de la concurrence
6.5.1. Analyse de la nécessité de mesures compensatoires
(89) Le point 38 des lignes directrices sur les aides à la restructuration prévoit que, pour que des aides à la restructuration puissent être autorisées par la Commission, des mesures compensatoires doivent être prises pour atténuer les effets négatifs des aides sur les conditions des échanges. À défaut, les aides doivent être considérées comme "contraires à l'intérêt commun" et être déclarées incompatibles avec le marché commun. Cette condition se traduit souvent par une limitation de la présence que l'entreprise peut conserver sur son ou ses marchés à l'issue de la période de restructuration.
(90) Dans sa notification, la France affirmait que des mesures compensatoires n'apparaissaient pas nécessaires dans le cas présent, notamment parce que l'aide n'aurait pas d'effets de distorsion excessive. Aux points 37, 38 et 40 de la décision d'ouverture de la procédure, la Commission a expliqué succinctement pourquoi elle rejetait cette assertion.
(91) Dans les considérants suivants, la Commission explique plus en détail pourquoi elle considère que l'aide génère une distorsion et pourquoi la mise en œuvre de mesures compensatoires est nécessaire, contrairement à l'affirmation des autorités françaises.
(92) Comme cela a déjà été exposé, FagorBrandt est présente dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation auprès des distributeurs (par opposition à la distribution et la vente aux particuliers) de gros appareils électroménagers. En ce qui concerne la dimension géographique du marché du gros électroménager, la Commission a estimé par le passé qu'elle était au moins à l'échelle de l'Union européenne, en raison, notamment, de l'absence de barrières à l'entrée, de l'harmonisation technique et des coûts de transport relativement bas (31). Les données fournies par FagorBrandt et par les deux concurrents ayant soumis des commentaires confirment que le marché est à l'échelle de l'Union.
(93) La Commission considère qu'une aide à la restructuration crée automatiquement une distorsion de la concurrence en empêchant la sortie du marché du bénéficiaire et en freinant par cela le développement des entreprises concurrentes. Elle va donc à l'encontre du retrait des entreprises les moins efficaces, qui "est une donnée normale du fonctionnement du marché", comme indiqué au point 4 des lignes directrices sur les aides à la restructuration. L'aide notifiée en faveur de FagorBrandt engendre donc la distorsion de concurrence précitée. La Commission observe toutefois que les éléments suivants tendent à limiter l'ampleur de cette distorsion de la concurrence. En premier lieu, sur le marché européen du gros électroménager, FagorBrandt a une part de marché se montant au maximum à [0-5] % (32). En second lieu, il y a sur ce marché quatre concurrents avec des parts de marché de 10 % ou plus (Indesit, Whirlpool, BSH et Electrolux) (33). Le concurrent ayant requis l'anonymat reconnaît d'ailleurs que FagorBrandt est un acteur relativement petit sur le marché européen (voir ci-dessus les doutes émis par ce concurrent concernant le retour à la viabilité de l'entreprise et liés à sa petite taille), dont la part de marché diminue (34). En troisième lieu, le montant de l'aide est limité par rapport au chiffre d'affaires européen de FagorBrandt (l'aide représente moins de 4 % du chiffre d'affaires 2007), et encore plus par rapport à celui des quatre acteurs principaux du marché dont le chiffre d'affaires est supérieur à celui de FagorBrandt (35).
(94) Alors que le considérant précédent analyse la distorsion de concurrence créée par l'aide, il convient également, comme indiqué au point 38 des lignes directrices sur les aides à la restructuration, qui reflète à son tour l'article 107, paragraphe 3, point c) du TFUE, d'analyser l'ampleur des "effets défavorables sur les conditions des échanges" entre Etats membres. Comme déjà observé au point 38 de la décision d'ouverture de la procédure, l'aide fausse la localisation des activités économiques entre Etats membres, et par conséquent les échanges commerciaux entre ceux-ci. FagorBrandt est une entreprise dont la grande majorité des activités de production et des employés se trouve en France ([80-100] % des volumes produits par l'entreprise sont produits en France). Sans aide de l'Etat français, FagorBrandt sortirait rapidement du marché. Or, les produits fabriqués dans les sites de production de FagorBrandt sont en concurrence principalement avec des produits que les concurrents produisent dans les autres Etats membres (36). Dès lors, la disparition de FagorBrandt aurait permis à ces concurrents européens d'accroître sensiblement leurs ventes et dès lors leur production. L'aide a pour effet de maintenir en France des activités de production qui autrement se seraient en partie déplacées vers d'autres Etats membres. Elle a donc un effet défavorable sur les conditions des échanges, en réduisant les possibilités d'exportation des concurrents installés dans les autres Etats Membres vers la France (37). L'aide réduit également les possibilités de vente vers les pays où FagorBrandt va continuer à exporter ses produits. Vu la taille des ventes de FagorBrandt et le nombre d'emplois correspondants, ces effets défavorables sur les conditions des échanges ne sont pas négligeables.
(95) Sur la base de l'analyse qui précède, la Commission estime que des mesures compensatoires réelles (c'est-à-dire non négligeables) mais toutefois de portée limitée sont nécessaires.
6.5.2. Analyse des mesures déjà mises en œuvre
(96) Au point 39 de la décision d'ouverture de la procédure, la Commission doutait que les mesures notifiées par les autorités françaises puissent être prises en compte comme mesures compensatoires, le point 40 des lignes directrices sur les aides à la restructuration indiquant que "Les radiations comptables et la fermeture d'activités déficitaires qui seraient en tout état de cause nécessaires pour rétablir la viabilité ne seront pas considérées comme une réduction de la capacité ou de la présence sur le marché aux fins de l'appréciation des contreparties." Il semblait que toutes les mesures décrites par les autorités françaises tombaient dans le champ d'application de cette exclusion. Dans le cadre de la procédure formelle d'examen, la France a répété qu'elle considérait que l'arrêt de la fabrication de congélateurs coffres et de micro-ondes pose libre, de même que la vente de Brandt Components, constituaient trois mesures compensatoires valables. La Commission a dès lors procédé à une analyse détaillée de ces mesures et en a tiré les conclusions suivantes.
(97) Concernant la fermeture de l'usine de fabrication de congélateurs coffres en 2005 (site de Lesquin) la France a indiqué, dans sa notification du 6 août 2007 que ce site "qui fabriquait des congélateurs coffres et de caves à vin pour l'ensemble du groupe FagorBrandt, avait atteint une taille (...) ne lui permettant plus de couvrir ni ses coûts variables ni ses coûts fixes et avait généré 5,8 millions d'euros de perte d'exploitation en 2004". Il ne fait donc aucun doute qu'il s'agit en l'espèce d'une fermeture d'activité déficitaire qui est nécessaire pour rétablir la viabilité (38) et qu'en application du point 40 des lignes directrices sur les aides à la restructuration, elle ne saurait être prise en compte comme mesure compensatoire.
(98) Concernant l'arrêt de la production de micro-ondes pose libre sur le site d'Azenay, il s'agissait également de la fermeture d'une activité déficitaire nécessaire pour rétablir la viabilité, ce que les autorités françaises ont d'ailleurs reconnu explicitement dans leurs observations (39). La non profitabilité de cette activité n'est pas surprenante étant donné que les fours à micro-ondes pose libre sont un des segments de marché où les produits en provenance de pays à bas coûts ont le plus pénétré (40). De plus, l'usine d'Azenay avait perdu des contrats importants de production de micro-ondes pour d'autres groupes (41). En conclusion, sur la base du point 40 des lignes directrices sur les aides à la restructuration, cette mesure ne saurait donc être prise en compte comme mesure compensatoire.
(99) En revanche, en mars 2004, l'entreprise a cédé sa filiale Brandt Components (usine de Nevers) au groupe autrichien ATB pour un montant de 3 millions d'euros. Il ne s'agit dès lors pas d'une radiation comptable (42) ni d'une fermeture d'activité. Cette mesure n'est donc pas exclue par la disposition précitée du point 40 des lignes directrices sur les aides à la restructuration. L'activité cédée en mars 2004 (43) avait en 2003 un chiffre d'affaires de 35,4 millions d'euros - équivalant à 4 % du chiffre d'affaires 2003 de l'entreprise - et comptait 306 salariés - équivalant à 6 % des travailleurs de l'entreprise. Elle était impliquée dans la conception, le développement, la fabrication et la commercialisation de moteurs électriques pour machines à laver. Cette cession a donc entraîné la réduction de la présence de l'entreprise sur le marché des composants des lave-linge.
(100) Cette dernière mesure ne peut cependant pas être retenue comme mesure compensatoire valable. En effet, la vente de Brandt Components a été effectuée environ trois années et demie avant la notification de l'aide sous examen. D'autre part, cette mesure ne réduit pas la présence de FagorBrandt sur le marché du gros électroménager (44), qui est le principal marché sur lequel FagorBrandt restera présent. En conséquence cette mesure n'avait pas pour objet, et ne pouvait pas avoir pour effet, d'atténuer les distorsions de concurrence que génèrerait l'octroi de l'aide envisagée.
6.5.3. Mesures compensatoires proposées par les autorités françaises
(101) Pour répondre aux doutes soulevés dans la décision d'ouverture de la procédure concernant le caractère suffisant des mesures compensatoires notifiées, les autorités françaises proposent l'arrêt de la commercialisation des produits "froids" et des produits "cuisson" Vedette pendant cinq ans. De plus, elles proposent soit l'arrêt de la commercialisation des lave-vaisselle Vedette, soit la cession de la marque [...].
(102) Comme indiqué précédemment, FagorBrandt réalise [50-80] % de ses ventes sur le marché français, où en 2006 l'entreprise avait une part de marché de [10-20] % en valeur et de [10-20] % en volume. Cela signifie que si FagorBrandt avait cessé ses activités, ce sont principalement ses concurrents sur le marché français qui en auraient bénéficié en pouvant accroître leurs ventes. Ce sont donc ces entreprises qui sont le plus affectées par la survie de FagorBrandt permise par l'aide. A l'inverse, les ventes de FagorBrandt sur le marché italien sont très limitées. En tant que mesure compensatoire, la Commission privilégie donc l'arrêt de la commercialisation des lave-vaisselle sous la marque Vedette par rapport à la cession de la marque [...], les produits de la marque Vedette (45) étant exclusivement commercialisés sur le marché français tandis que les produits [...] sont principalement vendus [...].
(103) Il s'agit alors d'analyser l'ampleur de ces mesures compensatoires additionnelles, en vue d'établir si elles sont suffisantes.
Les produits du froid
(104) Les ventes de produits du froid (réfrigérateurs et congélateurs) de la marque Vedette représentaient, en 2007, [10-20] millions d'euros, soit [0-5] % du chiffre d'affaires du groupe FagorBrandt.
(105) L'arrêt de la commercialisation des produits du froid pendant une durée de cinq années permettra aux concurrents présents sur le marché français de renforcer leur position sur le froid. Selon l'étude GfK de 2007, les principaux concurrents de FagorBrandt - qui détient une part de marché en valeur de [...] % - sur le marché des réfrigérateurs en France sont Whirlpool ([...] %), Indesit ([...] %) et Electrolux ([...] %). Sur le marché des congélateurs, les principaux concurrents de FagorBrandt ([...] %) sont Whirlpool ([...] %), Liebherr ([...] %) et Electrolux ([...] %).
Les produits de la cuisson
(106) Les ventes de produits de la cuisson de la marque Vedette représentaient, en 2007, [5-10] millions d'euros, soit [0-5] % du chiffre d'affaires du groupe FagorBrandt.
(107) L'arrêt de la commercialisation des produits de la cuisson pendant une durée de cinq années permettra, par conséquent, aux concurrents de renforcer leur position sur le marché des cuisinières. Selon l'étude GfK de 2007, les principaux concurrents de FagorBrandt (qui détient une part de marché en valeur de [...] %) sur le marché des cuisinières en France sont Indesit ([...] %), Electrolux ([...] %) et Candy ([...] %).
Les lave-vaisselle
(108) Les ventes de lave-vaisselle de la marque Vedette représentaient, en 2007, [5-10] millions d'euros, soit [0-5] % du chiffre d'affaires du groupe FagorBrandt.
(109) Selon l'étude GfK de 2007, les principaux concurrents de FagorBrandt (qui détient une part de marché en valeur de [...] %) sur le marché des lave-vaisselle en France sont BSH ([...] %), Whirlpool ([...] %) et Electrolux ([...] %). Par conséquent, l'arrêt de la commercialisation des lave-vaisselle sous la marque Vedette permettra aux concurrents d'étendre leur présence sur le marché.
Conclusion
(110) En résumé, les produits Vedette dont la commercialisation sera arrêtée représentent [0-5] % du chiffre d'affaires du groupe (46). Les autorités françaises indiquent que cela nécessitera des ajustements significatifs au sein de l'entreprise [...].
6.5.4. Conclusion sur les mesures compensatoires proposées par les autorités françaises et imposition d'une mesure compensatoire additionnelle par la Commission
(111) Les mesures compensatoires proposées sont l'arrêt de la commercialisation pendant une durée de cinq années de certains produits (cuisson, froid et lave-vaisselle) de la marque Vedette (47) et la cession de Brandt Components. Il s'agit d'une réduction de la présence sur le marché réelle (c'est-à-dire non négligeable) mais de taille limitée.
(112) Cependant, la Commission estime que la mesure compensatoire portant sur la marque Vedette proposée par les autorités françaises est la seule mesure compensatoire valide et qu'elle n'est pas suffisante. Dès lors, la Commission décide d'imposer comme condition de compatibilité, la prolongation pour trois années supplémentaires de l'arrêt de la commercialisation des produits de la marque Vedette. Dans les faits, alors que l'interdiction proposée a une durée de cinq années, celle-ci sera étendue de trois années pour un total de huit années.
(113) Selon les informations en possession de la Commission au 21 octobre 2008, l'impact de cette mesure compensatoire ("MC") en termes de perte de chiffre d'affaires peut être évalué de deux manières à partir du tableau 2 ci-dessous (48).
<EMPLACEMENT TABLEAU 2>
(114) Les chiffres du tableau 2 figurant sous les années 2009 à 2012 sont les chiffres fournis par les autorités françaises et FagorBrandt quant à l'impact de la mesure compensatoire qu'ils proposent (sur cet impact voir également les considérants (143) et suivants).
(115) Une première manière de calculer l'impact de la mesure compensatoire supplémentaire imposée par la Commission est de multiplier par 3 le manque à gagner de la dernière année évaluée par les autorités françaises (à savoir 2012). Dans un scenario optimiste pour l'entreprise, cet impact est donc de 3 × [40-60] millions, soit [120-180] millions d'euros.
(116) Une deuxième manière de calculer l'impact de la mesure compensatoire supplémentaire est d'extrapoler les chiffres de 2013 à 2016 en appliquant une augmentation linéaire de [1,5-3] % sur les chiffres de 2012 dans le prolongement de la croissance du chiffre d'affaires évaluée à [1,5-3] % par l'entreprise entre 2009 et 2012. Pour les raisons exposées aux considérants (125) et suivants, cette hypothèse de croissance du chiffre d'affaires est en effet considérée comme raisonnable au vu de la stratégie du groupe et des perspectives du marché. De ce point de vue, la mesure compensatoire privera FagorBrandt, dans un scenario optimiste pour l'entreprise, d'un chiffre d'affaires de [120-180] millions d'euros.
(117) La mesure compensatoire proposée semble donc adéquate et suffit à elle seule à réduire de manière proportionnée les effets négatifs sur la concurrence résultant de l'octroi de l'aide en cause : dans un scenario optimiste, elle prive l'entreprise d'un chiffre d'affaires compris entre [120-180] millions d'euros sur la période 2014-2016. Ce chiffre d'affaires non réalisé permettra aux concurrents d'augmenter leurs ventes. Cette mesure compensatoire va également rendre plus compliquée pour l'entreprise la réintroduction des produits Vedette concernés après 8 années d'absence (actuellement seul les lave-linges Vedette sont commercialisés). En effet même si la marque ne disparaît pas complètement, le coût du retour est proportionnel aux années d'absence sur le marché. Plus la marque sera absente du marché, plus la perte de notoriété s'accentuera.
(118) Par ailleurs, il y a lieu de vérifier également si cette nouvelle mesure compensatoire permet de compenser également l'avantage concurrentiel issu de l'effet cumulé de l'aide italienne et de l'aide à la restructuration. En effet, on peut considérer qu'au 21 octobre 2008, FagorBrandt disposait d'une somme de 3 190 878,02 euros (soit environ 4 millions d'euros avec intérêt) dont elle n'aurait pas dû bénéficier. Cet avantage a un impact sur la concurrence : l'entreprise disposait de liquidités supplémentaires. La mesure compensatoire additionnelle a cependant pour effet de compenser cette atteinte à la concurrence.
(119) Le tableau 3 ci-dessous montre la perte nette (ou le free cash flow négatif) lié à la mesure compensatoire. Les chiffres pour les années 2009-2012 sont les chiffres notifiés à la Commission par les autorités françaises. Les chiffres pour les années 2013-2016 sont une extrapolation obtenue en augmentant de [1,5-3] % par an les chiffres de l'année 2012 (49).
<EMPLACEMENT TABLEAU 3>
(120) Il apparait dès lors que dans un scénario optimiste (pour l'entreprise), trois années supplémentaires privent FagorBrandt de liquidités pour un montant compris entre [10-20] millions d'euros (si l'on multiplie par 3 le chiffre de 2012) et [10-20] millions d'euros (si l'on additionne les chiffres extrapolés). En d'autres termes, l'imposition de cette nouvelle mesure compensatoire compense très largement l'avantage d'avoir disposé de liquidités à hauteur d'environ 4 millions d'euros.
(121) Enfin, le fait que les mesures compensatoires s'étendent au-delà de la fin de période de restructuration (fixée au 31 décembre 2012) ne les rend pas inappropriées. En effet, si les mesures compensatoires sont dues au titre de l'octroi d'une aide à la restructuration, elles ne font pas partie du processus de restructuration lui-même mais représentent une compensation donnée aux concurrents de l'entreprise aidée en vue de compenser l'atteinte à la concurrence que ceux-ci peuvent avoir à subir. Leur effet et leur utilité ne sont donc pas remis en cause par le fait qu'elles s'étendent sur une période allant au-delà de la période de restructuration dès lors qu'elles ont été mises en place en raison d'une opération de restructuration facilitée par une aide d'Etat et dès lors qu'elles ont pour objet et pour effet de compenser l'atteinte à la concurrence qui résulte de cette aide.
(122) Dès lors, la Commission estime que ces mesures permettent d'éviter des distorsions de concurrence excessives au sens des points 38 à 40 des lignes directrices sur les aides à la restructuration.
6.6. Retour à la viabilité de l'entreprise
6.6.1. Plan de restructuration, perspectives de marché et crédibilité des prévisions incluses dans le plan de restructuration
(123) Le plan de restructuration de FagorBrandt, déjà entamé, prévoit, en substance :
- un recentrage et un développement ciblé sur [...] ;
- une rationalisation de la politique d'achats et [...] ;
- des cessions d'activités et fermetures de sites (50) ;
- des réductions d'effectifs (51) ;
- des mesures visant à renforcer la pérennité de l'entreprise (52).
(124) Après examen, la Commission confirme ce qu'elle avait annoncé dans la décision d'ouverture de la procédure, à savoir qu'elle estime que ce plan se conforme aux exigences prévues aux points 35 à 37 des lignes directrices sur les aides à la restructuration. En d'autres mots, le plan de restructuration permet de rétablir la viabilité à long terme de l'entreprise.
(125) La Commission tient cependant à exposer ci-après son analyse et ses conclusions quant aux perspectives de marché et à la crédibilité des prévisions figurant dans le plan de restructuration.
(126) La Commission a évalué les prévisions issues du plan de restructuration, notamment en termes de perspectives de croissance. La Commission tient à rappeler que seules les données disponibles en octobre 2008 sont prises en compte dans la présente décision.
(127) Selon le CECED (53), l'évolution du marché européen en volume entre 2005 et 2007 montre une croissance modérée en Europe de l'Ouest (environ 2 % par an) et soutenue en Europe de l'Est (7 % par an environ). Cependant, ce dernier taux de croissance est aléatoire, car soumis aux fluctuations de l'économie, une croissance à 2 chiffres et une décroissance également à 2 chiffres pouvant facilement se succéder en alternance.
(128) Si, à long terme, une convergence des comportements d'achat de l'Europe de l'Est avec l'Europe de l'Ouest est envisageable, le faible pouvoir d'achat des pays d'Europe de l'Est entraîne une concentration de la demande sur les produits de première nécessité (lave-linge ou réfrigérateur) et d'entrée de gamme. Or, c'est sur ces marchés que sont entrés les concurrents turcs et asiatiques.
(129) Les marchés à potentiel pour FagorBrandt sont donc en Europe de l'Ouest, car ils sont plus importants en termes de valeur, mais aussi de volume, et sont moins portés par les produits bas de gamme, sur lesquels FagorBrandt ne peut plus être compétitif et qui sont à l'origine de la forte croissance en Europe de l'Est.
(130) Plus particulièrement, le marché de référence de FagorBrandt est le marché français ou le groupe réalise [50-80] % de ses ventes, produit [80-100] % de ses volumes et emploie [80-100] % des salariés du groupe. Selon le GIFAM (54), en France, le marché du gros électroménager a progressé en 2007, de 1 % par rapport à 2006, tant en volume qu'en valeur. De manière plus spécifique, le marché des appareils [...] sur lequel FagorBrandt souhaite se concentrer a connu une progression de [...] % par rapport à 2006 alors même que pour les appareils [...], les ventes ont diminué de [...] %.
(131) Les évolutions par type de produits montrent que les marchés porteurs qui se développent en Europe et particulièrement en France sont essentiellement ceux des produits [...]. La croissance des produits [...] est significative, alors que le froid est en quasi-stagnation comme le montre le tableau suivant extrait de l'étude GIFAM :
<EMPLACEMENT TABLEAU 4>
(132) En conséquence, le choix de FagorBrandt, d'une part, de se recentrer, en particulier sur [...] et, d'autre part, de développer [...], semble cohérent avec l'évolution des différents segments et produits.
(133) La Commission, ayant analysé les autres éléments fondamentaux du plan de restructuration visant à justifier la pertinence des prévisions relatives à la profitabilité opérationnelle de FagorBrandt à terme, estime que lesdites prévisions dans le tableau 5 sont réalistes.
Tableau 5
Millions EUR / 2009 / 2010 / 2011 / 2012
Chiffre d'affaires FagorBrandt / [900-1 200] / [900-1 200] / [900-1 200] / [900-1 200]
Résultat final / [0-5] / [5-10] / [10-15] / [10-15]
(134) Dès lors, le reste de l'analyse se limitera aux deux doutes précis quant au caractère réaliste et suffisant du plan de restructuration qui ont été soulevés dans la décision d'ouverture de la procédure.
(135) En premier lieu, la Commission demandait des explications concernant l'augmentation attendue de 20 % du chiffre d'affaires en 2007. Les autorités françaises ont expliqué que le périmètre d'activité de FagorBrandt a été modifié en 2006 par le transfert par Fagor à FagorBrandt de la distribution de la marque Fagor sur les marchés britannique et français, puis de la totalité des activités françaises de Fagor (55). Le chiffre d'affaires de ces activités a été estimé à [50-100] millions d'euros pour 2007 et a été inclus dans le chiffre d'affaires de FagorBrandt pour l'année 2007. A périmètre constant, l'augmentation prévue du chiffre d'affaires n'était que de [5-10] %. Depuis lors, la France a communiqué à la Commission le chiffre d'affaires effectivement réalisé en 2007. Il s'élève à 903 millions d'euros contre 779,7 millions d'euros en 2006, soit une progression de l'ordre de 16 % d'une année sur l'autre.
(136) En deuxième lieu, la Commission observait que le plan de restructuration n'indiquait pas comment FagorBrandt comptait faire face au remboursement de l'aide incompatible perçue par sa filiale italienne faisant ainsi peser un risque quant au retour à la viabilité de l'entreprise. Les autorités françaises ont précisé que le remboursement de l'aide italienne à la charge de Brandt Italia devrait être vraisemblablement inférieur à 200 000 euros (voir les considérants (70) et suivants). Cependant, comme l'a déjà indiqué la Commission (voir les considérants (76) et suivants), le montant de l'aide italienne qu'il convient de prendre en compte aux fins de la présente décision s'élève à 3 190 878,02 euros, auxquels il convient d'ajouter les intérêts courant jusqu'à la date du 21 octobre 2008. La Commission estime cependant que le remboursement à prévoir de cette somme ne remet pas en cause le retour à la viabilité de l'entreprise dès lors que FagorBrandt est tenue d'augmenter sa contribution propre d'un montant équivalent aux 3 190 878,02 euros et intérêts (voir à cet égard les considérants (149) et suivants).
(137) Sur la base des considérations précédentes, la Commission conclut que les doutes concernant le retour à viabilité soulevés dans la décision d'ouverture de la procédure sont levés.
6.6.2. Doutes quant au retour à la viabilité soulevés par un intéressé
(138) Comme indiqué précédemment, le concurrent ayant requis l'anonymat conteste que la restructuration puisse restaurer la viabilité à long terme de l'entreprise. Premièrement, il considère que l'entreprise aurait dû délocaliser une partie de sa production vers des zones de productions à bas coût, où elle peut bénéficier d'économies d'échelle. Deuxièmement, l'entreprise ne pourra pas faire face aux investissements nécessaires pour améliorer ses produits dans une industrie qui requiert chaque année des investissements importants dans l'outil industriel, la conception, la recherche et le développement. Finalement, il souligne que l'entreprise reste trop petite par rapport à ses concurrents. Dans les considérants suivants, la Commission va s'attacher à vérifier si ces observations du concurrent ayant requis l'anonymat remettent en cause ses conclusions concernant le retour à la viabilité.
(139) Concernant la nécessité de délocaliser une partie de la production dans des pays à moindre coût, la Commission observe que les autorités françaises ont précisément répondu à ce point. Elles rappellent que le développement ciblé par FagorBrandt (produits à forte valeur ajoutée et innovants), tout comme celui de certains de ses concurrents strictement européens, ne s'accorde pas avec une systématisation de leur production dans les pays à bas coût [...]. Pour les majors, l'implantation d'unités de production dans les pays à bas coûts répond aussi à la volonté d'y développer les ventes.
(140) Concernant les affirmations du concurrent ayant requis l'anonymat sur l'impossibilité pour FagorBrandt de faire face aux investissements importants requis pour rester compétitive et sur la trop petite taille de l'entreprise par rapport aux majors, la Commission observe qu'elle a elle-même indiqué au point 8 de la décision d'ouverture de la procédure que ces éléments avaient contribué aux difficultés de l'entreprise. Elle observe cependant que le plan de restructuration semble répondre à ces défis. En effet, l'entreprise entend se concentrer sur [...]. De plus, la Commission observe que certaines entreprises du secteur, malgré leur taille réduite par rapport aux majors et leur production importante dans les pays d'Europe de l'Ouest, parviennent à rester compétitives en se concentrant sur certains produits et segments (il s'agit soit d'acteurs dit "de niche" tels que Miele, Smeg, Liebherr, Teka, soit de petits fabricants de dimension nationale tels que Candy et Gorenje). Par ailleurs, la Commission observe que l'intégration de plus en plus poussée de FagorBrandt dans le groupe Fagor contribue également à résoudre ces problèmes liés à la taille. En résumé, la Commission reconnaît que les points soulevés par le concurrent constituent des défis pour FagorBrandt mais considère que le plan de restructuration est de nature à les relever et présente une probabilité suffisante de retour à la viabilité.
(141) Sur la base de ce qui précède, la Commission considère que les commentaires faits par le concurrent ayant requis l'anonymat ne remettent pas en cause son appréciation selon laquelle le plan de restructuration permet de restaurer la viabilité à long terme de FagorBrandt.
6.6.3. Effet des mesures compensatoires sur le retour à la viabilité
(142) Finalement, toujours en ce qui concerne le retour à la viabilité à long terme, la Commission doit, comme prévu dans la dernière phrase du point 38 des lignes directrices sur les aides à la restructuration, vérifier si les mesures compensatoires prévues ne mettent pas en danger la viabilité de l'entreprise. Comme il a été analysé, les autorités françaises ont proposé des mesures compensatoires qui n'étaient donc pas incluses dans les prévisions financières jointes à la notification. La Commission jugeant ces mesures nécessaires, elles devront dès lors être mises en œuvre. Concernant ces mesures - l'arrêt de la commercialisation des produits froid, cuisson et lave-vaisselle sous la marque Vedette pendant une durée de cinq années - engendrant une détérioration des résultats financiers de l'entreprise, il convient de s'assurer qu'elles sont supportables par l'entreprise.
(143) D'après les autorités françaises, les tableaux 6 et 7 suivants indiquent les résultats financiers de l'entreprise, en prenant en compte la mise en œuvre des mesures compensatoires proposées par les autorités françaises. Le tableau 6 décrit un scénario optimiste et le tableau 7, un scénario pessimiste.
<EMPLACEMENT TABLEAU 6>
<EMPLACEMENT TABLEAU 7>
(144) Les tableaux 6 et 7 reposent sur les hypothèses suivantes concernant les pertes de chiffre d'affaires qu'entraînera le retrait de plusieurs familles de produits commercialisés sous la marque Vedette. Un tel retrait peut entraîner les effets suivants :
a) une réduction des ventes dans la famille de produits de la marque Vedette dont la commercialisation est suspendue ;
b) une réduction des ventes dans les autres familles de produits commercialisés sous la marque Vedette (56) (effet de gamme négatif sur les produits de la marque Vedette) ;
c) une réduction des ventes des autres marques (effet de portefeuille négatif sur l'ensemble des marques du groupe FagorBrandt).
(145) Le scénario optimiste ne tient compte que des effets a) et b) du considérant (144) et la perte liée à l'arrêt de la commercialisation d'un produit représentera une perte de [70-90] % du chiffre d'affaires de la ligne de produit arrêtée (les [10-30] % restants sont récupérés par FagorBrandt via la hausse de la vente de produits identiques vendus sous d'autres marques que Vedette) et de [20-30] % du chiffre d'affaires des autres produits commercialisés sous la marque Vedette. Le scénario pessimiste tient compte de l'effet visé au point c) du considérant (144) en supposant un taux de perte de [110-130] % pour la ligne de produit arrêtée (la perte peut non seulement affecter 100 % du chiffre d'affaires de la ligne de produit arrêtée mais également toucher d'autres produits et marques que la ligne dont la commercialisation est arrêtée) et de [20-40] % pour les autres produits commercialisés sous la marque Vedette. Les autorités françaises expliquent qu'une telle hypothèse pessimiste correspond à une expérience connue par l'entreprise : elle avait décidé en 2003 d'abandonner la commercialisation des micro-ondes sous la marque Vedette en France afin de tout concentrer sur la marque Brandt qui bénéficiait d'une force de vente spécifique. Cet arrêt a eu un effet d'entraînement très négatif, car non seulement l'intégralité du chiffre d'affaires réalisé sous la marque Vedette a été perdu mais la perte a également atteint la marque Brandt (perte totale sur ces deux marques de [...] appareils en 2 ans à rapporter à des ventes initiales de [...] unités, dont [...] sous la marque Vedette, soit une perte de [120-140] % des volumes abandonnés) (57).
(146) Sur la base de l'analyse des données incluses dans les deux tableaux précédents et des autres données fournies par les autorités françaises, la Commission observe que les mesures compensatoires retenues affaibliront l'entreprise, car elles engendreront une détérioration des résultats de l'entreprise à partir de 2009, l'année de leur mise en œuvre. Cependant, l'entreprise retournera à un résultat net positif dès 2010, qui augmentera les années suivantes. La Commission estime dès lors que les mesures compensatoires proposées par les autorités françaises, bien qu'affaiblissant l'entreprise, n'empêcheront pas le retour à la viabilité.
(147) Cette conclusion n'est pas remise en cause par l'imposition d'une mesure compensatoire additionnelle par la Commission, à savoir la nécessité d'étendre de trois années l'arrêt de la commercialisation des produits de la marque Vedette concernés.
(148) En effet, comme il ressort du tableau 3 qui présente l'impact de la mesure compensatoire supplémentaire sur le résultat final de l'entreprise, ce dernier restera positif dans les années 2014 à 2016, connaissant une croissance estimée à [1,5-3] %. Dès lors, la même conclusion s'impose à l'égard de la mesure compensatoire imposée par la Commission : bien qu'affaiblissant l'entreprise, elle n'empêchera pas le retour à la viabilité.
6.7. Limitation de l'aide au minimum : contribution réelle, exempte d'aide
(149) Pour que l'aide puisse être autorisée, il convient, en application des points 43 à 45 des lignes directrices sur les aides à la restructuration, que le montant et l'intensité de l'aide soient limités au strict minimum nécessaire pour permettre la restructuration en fonction des disponibilités financières de l'entreprise, de ses actionnaires ou du groupe dont elle fait partie. Les bénéficiaires de l'aide doivent contribuer substantiellement au plan de restructuration sur leurs propres ressources, y compris par la vente d'actifs qui ne sont pas indispensables à la survie de l'entreprise, ou par un financement extérieur obtenu aux conditions du marché.
(150) Comme indiqué au point 43 de la décision d'ouverture de la procédure, les coûts de la restructuration, tels que décrits dans la notification des autorités françaises, s'élèvent à 62,5 millions d'euros. L'entreprise entend contribuer à hauteur de 31,5 millions et recevoir une aide de 31 millions.
(151) Au point 44 de la décision d'ouverture, la Commission soulève deux doutes quant à ces données. D'une part, la Commission demande aux autorités françaises de justifier pourquoi elles n'ont pas inclus le remboursement de l'aide 44 septies dans les coûts de restructuration. D'autre part, la Commission demande d'expliquer la nature de l'effort propre du bénéficiaire.
(152) Les autorités françaises ont répondu à ce second doute en indiquant que l'effort propre du bénéficiaire se compose de prêts bancaires levés par FagorBrandt sur le marché. Elles précisent que l'entreprise a contracté en 2006 des emprunts bancaires pour un montant de [20-40] millions d'euros porté à [20-40] millions d'euros en 2007 (58). Ils ont été sécurisés par [...]. La Commission observe qu'il s'agit d'un "financement extérieur obtenu aux conditions de marché" tel que défini au point 43 des lignes directrices sur les aides à la restructuration et constitue donc une contribution valable.
(153) Concernant le premier doute soulevé par la Commission, les autorités françaises indiquent que le remboursement d'une aide incompatible ne peut pas être, a priori, qualifié de coûts de restructuration (ni d'effort propre de l'entreprise bénéficiaire au sens des points 43 et 44 des lignes directrices sur les aides à la restructuration). C'est pour cette raison qu'elles n'ont pas compté l'aide 44 septies au titre des coûts de restructuration. Elles indiquent cependant que, bien entendu, ce remboursement, évalué à environ [25-30] millions d'euros (intérêts compris), est intégré dans le plan d'affaires joint à la notification comme toute autre dépense financière normale. La Commission considère qu'il est indispensable que le remboursement soit pris en compte dans le plan d'affaires, ce qui est le cas ici (59).
(154) Cependant, il y a lieu de tenir compte également de ce qu'au 21 octobre 2008, l'aide italienne perçue par Brandt Italia s'élève à 3 190 878,02 euros, somme à laquelle il convient d'ajouter les intérêts. Dès lors, on ne peut exclure que dans la contribution propre envisagée par l'entreprise se retrouve cette somme. En conséquence, la contribution propre du bénéficiaire tombe sous le seuil de 50 % requis par le point 44 des lignes directrices sur les aides à la restructuration.
(155) Dès lors, afin de s'assurer que la contribution propre de l'entreprise soit bien exempte d'aide et représente au minimum 50 % des coûts de restructuration, la Commission impose comme condition à la présente décision positive une augmentation de la contribution propre à due concurrence du montant de l'aide italienne, à savoir 3 190 878,02 euros, somme à laquelle il convient d'ajouter les intérêts courant jusqu'au 21 octobre 2008.
(156) Concrètement, la contribution propre aux coûts de restructuration proposée par FagorBrandt devra être augmentée de cette somme (par emprunt, par apport d'actionnaires ou autres) avant la fin de la période de restructuration de l'entreprise fixée au 31 décembre 2012. Les autorités françaises devront apporter la preuve de cette augmentation dans les deux mois suivants l'échéance du 31 décembre 2012.
(157) En ce qui concerne l'affirmation du concurrent ayant requis l'anonymat que l'aide n'est pas limitée au minimum la Commission confirme qu'au-delà de la vérification du respect du critère formel d'une contribution propre supérieure à 50 %, elle a également évalué si l'aide était limitée au strict minimum, en particulier sur la base des critères définis au point 45 des lignes directrices sur les aides à la restructuration. La Commission estime que c'est le cas et que le montant de l'aide ne permet pas à l'entreprise de disposer "de liquidités excédentaires qu'elle pourrait consacrer à des activités agressives susceptibles de provoquer des distorsions sur le marché qui ne seraient pas liées au processus de restructuration."
(158) La Commission observe en particulier qu'après l'octroi de l'aide et à la fin de la période de restructuration, le groupe sera encore significativement endetté avec un rapport dette/capitaux propres toujours supérieur à l'unité. FagorBrandt devra donc affecter en priorité la trésorerie créée à la réduction de ce niveau d'endettement.
6.8. Principe de non récurrence
(159) Conformément aux points 72 et suivants des lignes directrices sur les aides restructuration, une aide à la restructuration ne doit être accordée qu'une seule fois sur une période de dix années.
(160) En l'espèce, les aides française et italienne dont FagorBrandt a bénéficié ne peuvent être qualifiées d'aides au sauvetage et à la restructuration. En effet, au moment de l'octroi de ces aides, respectivement en 2002 et 2003, FagorBrandt n'était pas en difficulté ainsi qu'il a été démontré aux considérants (45) à (56).
(161) Par conséquent, le principe de non récurrence requis par les lignes directrices sur les aides à la restructuration est respecté.
6.9. Mise en œuvre complète du plan
(162) Le plan de restructuration de FagorBrandt, y compris l'ensemble des engagements de la France, doit être exécuté intégralement (60). La Commission demande à être informée de l'avancement de la mise en œuvre du plan ainsi que des engagements y afférents.
7. CONCLUSION
(163) L'aide peut être déclarée compatible avec le marché intérieur pourvu que toutes les conditions imposées soient remplies.
A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION :
Article premier
L'aide que la France envisage de mettre à exécution en faveur de l'entreprise FagorBrandt pour un montant de 31 millions d'euros est compatible avec le marché intérieur aux conditions prévues à l'article 2.
Article 2
1. Les autorités françaises sont tenues de suspendre le versement à l'entreprise FagorBrandt de l'aide visée à l'article 1er de la présente décision tant que la récupération auprès de FagorBrandt de l'aide incompatible visée par la décision de la Commission 2004-343-CE du 16 décembre 2003 (61) n'est pas effective.
2. Le plan de restructuration de FagorBrandt, tel que communiqué à la Commission par la France le 6 août 2007, est exécuté intégralement.
3. La contribution propre aux coûts de restructuration proposée par FagorBrandt, d'un montant de 31,5 millions d'euros, devra être augmentée de 3 190 878,02 euros ainsi que des intérêts sur cette somme courant depuis la mise à la disposition de FagorBrandt de l'aide italienne jusqu'au 21 octobre 2008. Cette augmentation devra avoir lieu avant la fin de la période de restructuration de l'entreprise fixée au 31 décembre 2012. Les autorités françaises devront apporter la preuve de cette augmentation dans les deux mois suivant l'échéance du 31 décembre 2012.
4. FagorBrandt arrête la commercialisation des produits du froid, de la cuisson et des lave-vaisselle de la marque Vedette pour une durée de huit années.
5. Pour assurer le suivi des conditions prévues aux paragraphes 1 à 4 du présent article, la France informe la Commission, au moyen de rapports annuels, sur l'état d'avancement de la restructuration de FagorBrandt, sur la récupération de l'aide incompatible visée au paragraphe 1, sur le paiement de l'aide compatible, et sur la mise en œuvre des mesures compensatoires.
Article 3
La France informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, des mesures prises pour s'y conformer.
Article 4
La République Française est destinataire de la présente décision.
Notes :
(1) À compter du 1er décembre 2009, les articles 87 et 88 du traité CE sont devenus respectivement les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ("TFUE"). Dans les deux cas, les dispositions sont, en substance, identiques. Aux fins de la présente décision, les références faites aux articles 107 et 108 du TFUE s'entendent, s'il y a lieu, comme faites respectivement aux articles 87 et 88 du traité CE. Le TFUE a également introduit certaines modifications de terminologie, telles que le remplacement de "Communauté" par "Union", de marché commun par "marché intérieur" et de "Tribunal de première instance" par "Tribunal". La terminologie du TFUE est utilisée dans la présente décision.
(2) JO C 275, 16.11.2007, p. 18.
(3) Voir note de bas de page n° 2.
(4) L'intéressé en question avait requis l'extension du délai d'un mois pour soumettre des commentaires par téléphone et par lettre du 16 décembre 2007, ce à quoi la Commission ne s'est pas opposée.
(5) JO L 160, 23.9.2009, p. 11.
(6) Arrêt du Tribunal du 14 février 2012, Electrolux et Whirlpool Europe/Commission (T-115-09 et T-116-09, non encore publié au Recueil).
(7) Voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2008, Alitalia/Commission (T-301-01, Rec.2008 p. II-01753).
(8) Pour une description du plan de restructuration, voir points 11 et suivants de la décision d'ouverture de la procédure.
(9) JO C 244, 1.10.2004, p. 2
(10) Décision de la Commission du 16 décembre 2003, concernant le régime d'aides d'État mis à exécution par la France concernant la reprise d'entreprises en difficulté, JO L 108, 16.04.2004, p. 38.
(11) Décision de la Commission du 1er décembre 2004 concernant l'aide d'État que la France envisage de mettre à exécution en faveur de la société Bull, JO L 342, 24.12.2005, p. 81, considérants 55 à 63.
(12) Décision de la Commission du 26 avril 2006 concernant l'aide d'État que la France envisage de mettre à exécution en faveur d'Euromoteurs, JO L 307, 7.11.2006, p. 213, considérants 30 à 31 et 42.
(*) Information confidentielle.
(13) Arrêt Alitalia/Commission, précité à la note de bas de page n° 7.
(14) Arrêt Alitalia/Commission, précité, point 137.
(15) Arrêt Alitalia/Commission précité, points 144 et 159.
(16) Voir, en ce sens, arrêt Alitalia/Commission, précité, points 99 à 101 et 142.
(17) Arrêt Alitalia/Commission, précité, point 174.
(18) Voir note de bas de page n° 2.
(19) Arrêt Alitalia/Commission précité, point 174.
(20) Journal "La Tribune" du 14 avril 2005.
(21) Décision de la Commission du 26 mars 1991 concernant les aides accordées par le gouvernement allemand à la société Deggendorf GmbH (OJ L 215, 2.8.1991, p. 16).
(22) Arrêt de la Cour de justice du 15 mai 1997 dans l'affaire C-355-95 P TWD/Commission, Rec. I-2549, points 25-26 (l'arrêt "Deggendorf"). Cet arrêt confirme le bien-fondé de l'arrêt du 13 septembre 1995 du Tribunal, TWD/Commission, T-244-93 et T-486-93, Rec., II-2265.
(23) A ce propos, la Communication de la Commission "Vers une mise en œuvre effective des décisions de la Commission enjoignant aux États membres de récupérer les aides d'État illégales et incompatibles avec le marché commun" (JO C 272 15.11.2007, p. 4) indique que "la Commission a (...) commencé à appliquer la jurisprudence "Deggendorf" (...) de façon plus systématique. En vertu de cette jurisprudence, lorsque certaines conditions sont remplies, la Commission peut enjoindre à un État membre de suspendre le versement d'une aide nouvelle compatible avec le marché commun à une entreprise jusqu'à ce que cette dernière ait remboursé l'ancienne aide illégale et incompatible avec le marché commun ayant fait l'objet d'une décision de récupération".
(24) Citée à la note de bas de page n° 22.
(25) JO L 352 du 27.11.2004, p. 10. Cette décision a été contestée par Brandt Italia et l'Italie devant le Tribunal qui a rejeté ces recours le 12 septembre 2007 (affaires jointes T-239-04 et T-323-04). Par ailleurs, la Cour de justice a condamné l'Etat italien le 6 décembre 2007 pour non-exécution de la décision du 30 mars 2004 (affaire C-280-05).
(26) Citée à la note de bas de page n° 22.
(27) Arrêt Electrolux et Whirlpool, précité à la note de bas de page n° 6, point 67.
(28) Voir ainsi les décisions suivantes de la Commission : décision du 21 octobre 2003 concernant les aides à la recherche et développement pour le site de Zamudio (Pays basque) que l'Espagne a envisagé de mettre à exécution en faveur de l'entreprise "Industria de Turbo Propulsores, SA" (ITP) (JO L 61 du 27.2.2004, p. 87, considérants 32-36, 55 et 117-119) ; décision du 16 mars 2005 concernant l'aide d'État que l'Italie - région du Latium - entend mettre en œuvre en faveur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre (JO L 244 du 7.9.2006, p. 8) ; décision du 8 novembre 2006 relative à l'aide d'État C 11-06 (ex N 127-05) que l'Italie entend mettre à exécution en faveur de l'AEM Torino (JO L 366 du 21.12.2006, p. 62, considérants 39-41).
(29) Arrêt Electrolux et Whirlpool, précité à la note de bas de page n° 6, point 71 : "Puisque la Commission n'a pas subordonné l'octroi de l'aide en cause à la récupération de l'aide incompatible italienne, elle aurait alors nécessairement dû examiner l'effet cumulé de ces deux aides, ce qu'elle a omis de faire en l'espèce".
(30) JO L 352 du 27.11.2004, p. 10.
(31) La décision de la Commission du 21 juin 1994, Electrolux/AEG (JO C 187, 9.7.1994) conclut que la dimension géographique des marchés du gros électroménager était l'Europe occidentale. La décision de la Commission du 24 janvier 1999 relative à une procédure d'application de l'article 81 du traité CE et de l'article 53 de l'accord EEE concernant le CECED (JO L 187, 26.7.2000, p. 47) conclut que la dimension géographique est l'EEE. Ce dernier cas concernait le secteur des lave-linges.
(32) La part de marché combinée de FagorBrandt et de Fagor Electrodomesticos est de maximum [5-10] %.
(33) La Commission ne peut retenir l'argument invoqué par la France selon lequel le maintien de la présence sur le marché de FagorBrandt a un effet positif car il évite la création d'une situation oligopolistique. Les autorités françaises n'ont pas justifié leur affirmation de manière précise. De plus, cette affirmation est contradictoire par rapport à leur notification qui décrivait un marché très concurrentiel, avec une concurrence multiple, notamment en provenance des marques distributeurs. Finalement, le point 39 des lignes directrices sur les aides à la restructuration indique que seront prises en compte les situations "de monopole ou d'oligopole étroit", ce qui n'est pas le cas ici vu que si l'on retient uniquement les majors, le nombre de concurrents s'élève déjà à quatre.
(34) D'après les données qu'il a fournies, la part de marché en volume en Europe est passée de 5,3 % en 2004, à 5,2 % en 2005 et 5 % en 2006 et 2007.
(35) Si l'analyse est faite au niveau mondial, l'écart est encore plus grand puisque des groupes comme Electrolux et Whirlpool ont des activités hors de l'Europe très importante. A titre d'exemple, en 2005, le chiffre d'affaire combiné de FagorBrandt et de Fagor Electrodomesticos s'élevait à moins de 2 milliards d'euros, alors que le chiffre d'affaire mondial dans le gros électroménager de Whirlpool, Electrolux, BSH et Indesit exprimé en euros était respectivement de 11,8 milliards, 10,8 milliards, 7,3 milliards et 3,1 milliards.
(36) Comme indiqué, FagorBrandt ne va plus produire elle-même [...]. FagorBrandt va produire elle-même des produits [...]. Or, sur ces segments, la part des produits fabriqués hors de l'Union Européenne est plus faible. C'est sur [...] que la proportion de produits fabriqués hors de l'Union Européenne est la plus grande.
(37) [50-80] % des ventes de FagorBrandt se font en effet sur le marché français. A ce propos, la Cour a indiqué de manière répétée que "lorsqu'un État membre octroie une aide à une entreprise, la production intérieure peut s'en trouver maintenue ou augmentée, avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d'autres États membres d'exporter leurs produits vers le marché de cet État membre en sont diminuées" Arrêt du 13 juillet 1988, France/Commission (C-102-87, Rec. p. 04067) (voir point 19) ; Arrêt du 14 septembre 1994, Espagne/Commission (C-278-92, C-279-92 et C-280-92, Rec. p. I-4103) (voir point 40) ; Arrêt du 7 mars 2002, Italie/Commission (C-310-99, Rec. p. I-2289) (voir points 84 à 86) ; Arrêt du 11 juillet 2002, HAMSA/Commission (T-152-99, Rec. p. II-3049) (voir points 220 et 221).
(38) La presse française avait largement fait écho au manque de rentabilité de l'activité "congélateurs". Un article de Ouest France du 8 juillet 2004 indiquait par exemple : "ElcoBrandt, le groupe français d'électroménager, fermera, en 2005, son usine de Lesquin (Nord), spécialisée dans la fabrication de congélateurs, parce qu'elle "n'est plus rentable". Elco avait repris l'établissement à Brandt, il y a deux ans. Les 600 salariés avaient accepté un plan social prévoyant le maintien de 150 emplois, désormais supprimés." Plus précisément, des responsables de Brandt indiquaient au journal "Les Echos" dans un article paru le 7 juillet 2004 que "Malgré de gros efforts de compétitivité, en achetant 35 % des composants en Chine ou en améliorant la qualité et la productivité, la baisse des coûts du marché a été plus rapide que nous" et que "Le maintien d'une activité de production de congélateurs coffres ne fait plus sens économiquement au sein du groupe ElcoBrandt. En effet, à chaque fois que nous vendons l'un de ces produits nous engendrons désormais 25 % de pertes."
(39) Dans la notification, les autorités françaises indiquent qu'un des objectifs du plan de restructuration est "la rationalisation de la production, par l'abandon de certains segments [...] devenus structurellement déficitaires, afin de limiter les pertes liées aux gains de parts de marché par des fabricants de pays à bas coûts (micro-ondes pose libre, [...])". Dans leur lettre du 15 février 2008 où elles commentent les observations des intéressés, les autorités françaises indiquent : "Les autorités françaises rappellent que ... les différentes mesures déjà prises visent dans un premier temps à juguler les pertes (fermeture d'un site de production déficitaire, Lesquin, et abandon de certaines fabrications non rentables, micro-ondes pose-libre)." Ces deux extraits confirment par ailleurs les conclusions précédentes concernant la fermeture de l'usine de Lesquin.
(40) Ce fait a été souligné par les autorités françaises, notamment à l'annexe 7 de la notification.
(41) Voir par exemple l'article "Brandt : fin du contrat Miele confirmée. Après le retrait d'Électrolux, autre coup dur à Aizenay" paru dans Ouest France du 3 mars 2005.
(42) Et ce, d'autant moins que l'entreprise a réalisé une plus-value de cession de 774 000 euros.
(43) Comme indiqué dans la section 2.2 de la décision d'ouverture de la procédure, FagorBrandt a commencé à se restructurer à partir de 2004, lorsque le manque de compétitivité et les premières difficultés financières sont apparus. La Commission considère donc que cette cession "fait partie de la même restructuration" tel que requis par le point 40 des lignes directrices sur les aides à la restructuration.
(44) Les autorités françaises indiquent que l'activité de Brandt Components permettait à l'entreprise de bénéficier d'une forte intégration de la production des lave-linge top, qui est historiquement une position forte du groupe FagorBrandt. D'après les autorités françaises, ce type d'intégration est particulièrement visé pour les produits novateurs ou requérant un savoir-faire spécifique et est pratiqué par les acteurs majeurs du secteur (par exemple BSH ou Miele). La Commission observe cependant que, au-delà des affirmations précédentes, les autorités françaises n'ont pas apportés d'éléments lui permettant d'établir indubitablement - et encore moins de quantifier cet effet - que la cession de Brandt Components va réduire la possibilité pour FagorBrandt de développer des lave- linge compétitifs et va dès lors réduire la présence de FagorBrandt sur le marché des lave-linge. La Commission ne peut dès lors conclure que la cession de Brandt Components a un effet réel sur le marché du gros électroménager.
(45) Sur le marché français, Vedette est une marque positionnée [...] du marché des produits [...]. Les mesures proposées ne réduisent donc pas la présence de FagorBrandt sur le marché des produits [...]. Cependant, la grande majorité des groupes qui sont concurrents de FagorBrandt sur [...] possèdent également des marques qui sont concurrentes de Vedette sur le marché des produits [...]. Ils bénéficieront donc du retrait des produits Vedette décrits ci-dessus.
(46) En 2007, ils représentaient [30-40] % du chiffre d'affaires de la marque Vedette et [0-10] % des ventes de FagorBrandt en gros électroménager sur le marché français.
(47) Le but de cette mesure est le retrait du marché des produits Vedette concernés. Il est donc clair que l'effet de la mesure disparaîtrait si FagorBrandt octroyait à une autre entreprise une licence pour la production et/ou la commercialisation de ces produits sous la marque Vedette.
(48) Le tableau prend pour hypothèse que la mesure débute effectivement le 1er janvier 2009.
(49) Toutes choses étant égales par ailleurs, il semble raisonnable de retenir le taux de [1,5-3] % car ce taux est celui qui est accepté comme une hypothèse de croissance raisonnable du chiffre d'affaire au vu de la stratégie du groupe et des perspectives du marché (voir les considérants (125) et suivants).
(50) FagorBrandt a vendu en mars 2004 son usine de Nevers (moteurs électriques) et en janvier 2005 fermé l'usine de Lesquin (congélateurs). Finalement, en 2006 le groupe a arrêté la fabrication de micro-ondes pose-libre dans son usine d'Aizenay.
(51) Le groupe a mis en place [...]. Plusieurs mesures ont encore été prises en France en 2006. Cette même année, le Groupe a également commencé à rationaliser le site italien de Verolanuova.
(52) En ce qui concerne les mesures de développement de la pérennité de l'entreprise, et suite à des études effectués entre mars 2004 et février 2005, le Groupe a : [...].
(53) CECED : Conseil Européen de la Construction d'appareils Domestiques, organisation réunissant 15 fabricants de dimension au moins européenne et 26 associations du secteur présentes dans plusieurs pays européens (membres ou non de l'Union européenne).
(54) GIFAM : Groupement Interprofessionnel des Fabricants d'Appareils d'équipements Ménagers qui regroupe une cinquantaine d'entreprises présentes sur les marchés de l'électroménager.
(55) La Commission a analysé si cette intégration accrue de FagorBrandt dans Fagor remettait en cause les conclusions tirées au point 27 de la décision d'ouverture de la procédure concernant l'éligibilité de FagorBrandt. Elle a conclu que tel n'était pas le cas car la grande majorité des éléments invoqués dans ce point reste valable.
(56) Cette réduction résulte des effets induits par l'arrêt de la commercialisation des produits de la marque Vedette sur la visibilité de la marque Vedette vis-à-vis des distributeurs.
(57) La Commission estime, sur la base des informations fournies par les autorités françaises, qu'il est peu probable que le scénario pessimiste se produise. En effet, les autorités françaises basent celui-ci sur l'expérience des micro-ondes Vedette. Or, comme il sera indiqué, c'est un produit sur lequel FagorBrandt n'était plus compétitif (raison pour laquelle il a décidé d'arrêter la production en interne) et sur lequel il y a une forte pénétration des producteurs des pays à bas coûts. L'hypothèse retenue par les autorités françaises, c'est-à-dire, attribuer l'intégralité du déclin des ventes de micro-ondes observé sur ces 2 années à la seule décision d'arrêter la commercialisation de micro-ondes sous la marque Vedette semble dès lors être une hypothèse extrême.
(58) Lettre des autorités françaises du 15 février 2008.
(59) Dans sa décision du 26 avril 2006 concernant l'aide d'Etat que la France envisage de mettre à exécution en faveur d'Euromoteurs (JO L 307, 7.11.2006, p. 213), la Commission a considéré que le fait que le plan de restructuration soumis ne prenait pas en compte le remboursement d'une aide incompatible perçue par l'entreprise confirmait la conclusion que ce plan ne permettait pas de rétablir la viabilité à long terme de l'entreprise.
(60) Comme indiqué précédemment, le plan de restructuration a commencé en 2004 et la majorité des mesures de restructuration ont déjà été mises en œuvre.
(61) Décision de la Commission du 16 décembre 2003, concernant le régime d'aides mis à exécution par la France concernant la reprise d'entreprises en difficulté, JO n° L 108 du 16 avril 2004, p. 38.