Cass. 1re civ., 20 mars 2013, n° 12-17.202
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Besse (Epoux)
Défendeur :
Huis clos (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Charruault
Avocats :
Me Foussard, SCP Vincent, Ohl
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, du 27 décembre 2011), que le 4 janvier 2008, Mme Besse a conclu avec la société Huis clos un contrat ayant pour objet la fourniture et la pose de menuiseries, de tels travaux étant financés par un crédit accessoire ; que par acte du 15 novembre 2008, M. et Mme Besse ont fait assigner la société Huis clos aux fins notamment de voir prononcer la nullité du contrat de prestation de services et d'obtenir des dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que M. et Mme Besse font grief à l'arrêt de rejeter leur demande, alors, selon le moyen : 1°) que les opérations de démarchage et de vente à domicile visées à l'article L. 121-21 du Code de la consommation doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 ; que la cour d'appel, pour écarter la nullité du contrat signé le 4 janvier 2008 entre Mme Besse et la société Huis clos, a retenu que le bon de commande signé et daté du 4 janvier 2008 comportait de façon apparente le texte des dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-26 (ce dernier figurant dans sa partie concernant le contrat souscrit) du Code de la consommation, anciennement article 2, 3 et 4 de la loi du 22 décembre 1972 relatifs au délai de rétractation ; qu'en statuant ainsi, sans tirer les conséquences qui s'évinçaient du défaut de citation intégrale de l'article L. 121-26 du Code de la consommation, la cour d'appel a violé l'article L. 121-23 du même Code ; 2°) que dès lors que le consommateur s'est prévalu de la nullité du contrat conclu en méconnaissance des dispositions régissant le démarchage, il appartient à la juridiction de vérifier la régularité du contrat au regard de l'ensemble des règles applicables, même si celles-ci n'ont pas été spécialement invoquées ; que les opérations de démarchage et de vente à domicile visées à l'article L. 121-21 du Code de la consommation doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, la faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté, et comprendre un formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation dans les conditions prévues à l'article L. 121-25, et dont les mentions seront précisées par décret en Conseil d'État ; que les dispositions réglementaires du Code de la consommation précisent notamment que le formulaire détachable doit pouvoir être facilement séparé de l'exemplaire du contrat laissé au client, qu'il comporte sur une face l'adresse exacte et complète à laquelle il doit être envoyé, énumère les mentions obligatoires dont, séparée par un espacement de la mention requise précédente, la phrase commençant par "je soussigné, déclare annuler la commande ci-après", et précisent que le vendeur ne peut porter sur le formulaire que les mentions prévues aux articles R. 121-4 et R. 121-5, ainsi que des références d'ordre comptable ; que la cour d'appel, pour écarter la nullité du contrat signé le 4 janvier 2008 entre Mme Besse et la société Huis clos, a retenu que le bon de rétractation, imprimé en caractères clairs au verso du bon de commande, était parfaitement lisible et distinctement des conditions générales du contrat ; qu'en statuant ainsi, sans vérifier la conformité du formulaire aux exigences prescrites à peine de nullité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 121-23, L. 121-24, R. 121-3, R. 121-4, R. 121-5 et R. 121-6 du Code de la consommation ;
Mais attendu que les contrats de démarchage à domicile, autres que ceux ayant pour objet la souscription d'abonnement à une publication quotidienne et assimilée ou que ceux ayant pour objet les souscriptions d'abonnement à domicile proposées par les associations et entreprises agrées par l'Etat tendant à la fourniture de services mentionnées à l'article L. 7231-1 du Code du travail, ne sont pas soumis à l'exigence de reproduction des alinéas 2, 3 et 4 de l'article L. 121-26 du Code de la consommation qui ne les concernent pas ; que le contrat de démarchage conclu par Mme Besse et la société Huis clos n'ayant pas pour objet la souscription de l'un des types d'abonnement précités, celui-ci n'avait pas à reproduire les alinéas 2, 3 et 4 de l'article L. 121-26 du Code de la consommation ;
Et attendu qu'ayant répondu, par motifs propres et adoptés, aux conclusions de M. et Mme Besse reprochant uniquement le défaut de reproduction intégrale des articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la consommation, l'impression imparfaite du bon de rétractation et la remise d'une contrepartie financière avant l'expiration du délai de rétractation, la cour d'appel n'avait pas à procéder d'office aux vérifications dont l'omission lui est reprochée, faute d'invocation de faits propres à les justifier ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que M. et Mme Besse font encore grief à l'arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen : 1°) que dans sa rédaction applicable en janvier 2008, l'article 223-15-2 du Code pénal incrimine "l'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse soit d'un mineur, soit d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente et connue de son auteur, soit d'une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement, pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables" ; que la cour d'appel, pour écarter la nullité du contrat signé le 4 janvier 2008 entre Mme Besse et la société Huis clos, et rejeter la demande d'indemnisation formée par M. et Mme Besse, a retenu, que M. et Mme Besse ne prouvaient pas leur affirmation, que leur commande était conforme au désir qu'ils avaient antérieurement manifesté et que le fait que Mme Besse ait été suivie par un neurologue pour des pertes de mémoire ne suffisait pas à démontrer, en l'absence d'autres éléments, qu'elle n'était pas saine d'esprit lors de la signature du contrat, alors qu'aucune mesure de protection la concernant n'avait été prise ni sollicitée par elle, et qu'en outre, au cours des divers étapes d'exécution du projet, ils n'avaient manifesté aucune opposition à cette exécution ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'abus de faiblesse n'était pas caractérisé, au regard de l'âge des intéressés, des conditions de la négociation, pendant plusieurs heures jusqu'à une heure avancée, dont faisait état l'attestation produite, ainsi que de l'inutilité de la souscription d'un prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 223-15-2 du Code pénal ; 2°) que quiconque aura abusé de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit sera puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 9 000 euros ou de l'une de ces deux peines seulement, lorsque les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, ou font apparaître qu'elle a été soumise à une contrainte ; que la cour d'appel, pour écarter la nullité du contrat signé le 4 janvier 2008 entre Mme Besse et la société Huis clos, et rejeter la demande d'indemnisation formée par M. et Mme Besse, a retenu que M. et Mme Besse ne prouvaient pas leur affirmation, que leur commande était conforme au désir qu'ils avaient antérieurement manifesté et que le fait que Mme Besse ait été suivie par un neurologue pour des pertes de mémoire ne suffisait pas à démontrer, en l'absence d'autres éléments, qu'elle n'était pas saine d'esprit lors de la signature du contrat, alors qu'aucune mesure de protection la concernant n'avait été prise ni sollicitée par elle, et qu'en outre, au cours des diverses étapes d'exécution du projet, ils n'avaient manifesté aucune opposition à cette exécution ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'abus de faiblesse n'était pas caractérisé, au regard de l'âge des intéressés, des conditions de la négociation, pendant plusieurs heures jusqu'à une heure avancée, dont faisait état l'attestation produite, ainsi que de l'inutilité de la souscription d'un prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-8 du Code de la consommation ; 3°) que le juge, à qui il appartient de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, doit préciser la règle sur laquelle il se fonde pour rejeter la demande dont il est saisi ; que la cour d'appel, qui a rejeté les demandes de nullité et d'indemnisation fondées par M. et Mme Besse sur un abus de faiblesse, sans préciser sur quelle règle elle se fondait, a violé l'article 12 du Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a estimé que M. et Mme Besse n'apportaient pas la preuve de faits propres à caractériser l'abus de faiblesse qu'ils alléguaient, justifiant ainsi légalement sa décision de ce chef ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.