Livv
Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 18 juin 2013, n° 12-07993

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

CBC (SA)

Défendeur :

Xerox (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bachasson

Conseillers :

Mme Olive, M. Prouzat

Avocats :

Selarl MBA & Associés, SCP Denel, Guillemain, Rieu, De Crozals, Trezeguet, Mes Monelli, Guillemain, Guillouzou

T. com. Montpellier, du 3 oct. 2012

3 octobre 2012

FAITS ET PROCEDURE - MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

La société CBC a été le concessionnaire jusqu'au 1er février 2008, sur le secteur de Montpellier, de la société Xerox pour la vente, la location et l'entretien des matériels et équipements bureautiques commercialisés par celle-ci.

Par acte du 29 avril 2009, la société Xerox a fait assigner la société CBC devant le Tribunal de commerce de Montpellier en paiement de diverses factures dues, à hauteur de 647 701,64 €, depuis novembre 2008 en exécution de contrats de sous-traitance de maintenance dits "PagePack" ou "Eclick" conclus antérieurement à la rupture du contrat de concession, mais non arrivés à échéance.

Le tribunal, par jugement du 18 janvier 2010, a débouté la société CBC de sa demande reconventionnelle en paiement d'une provision de 1 000 000 € pour rupture abusive du contrat de concession et, avant dire droit sur la demande de la société Xerox, a ordonné une expertise finalement confiée à M. Bourdieux à l'effet de procéder à l'évaluation du montant des litiges soulevés par CBC sur les factures de Xerox et en déduire un compte entre les parties.

La société CBC a relevé appel de ce jugement devant la Cour d'appel de Paris désormais compétente pour connaître, conformément aux dispositions de l'article D. 442-3 du Code de commerce, d'une demande tendant à l'application de l'article L. 442-6 I 5° du même Code.

L'expert commis ayant déposé son rapport, les parties ont été convoquées devant le Tribunal de commerce de Montpellier à l'audience du 19 septembre 2012.

La société CBC a alors demandé au tribunal de prononcer la radiation de l'affaire et de renvoyer les parties à faire valoir leurs moyens devant la Cour d'appel de Paris, déjà saisie (sic).

Par jugement du 3 octobre 2012, le tribunal a rejeté l'incident opposé par la société CBC et renvoyé l'affaire à une audience ultérieure pour être statué sur le fond du litige.

La société CBC a formé contredit à ce jugement par déclaration faite, le 17 octobre 2012, au greffe du tribunal.

Elle demande à la cour de dire qu'il existe entre le présent litige et celui pendant devant la Cour d'appel de Paris un lien de connexité tel qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, d'infirmer en conséquence la décision déférée et de dire qu'en application des articles 101 et suivants du Code de procédure civile, le Tribunal de commerce de Montpellier doit se dessaisir du présent litige au profit de la Cour d'appel de Paris ; elle sollicite, par ailleurs, la condamnation de la société Xerox à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Xerox demande à la cour de déclarer le contredit irrecevable au motif que le tribunal a été saisi d'une demande de radiation et non d'une exception d'incompétence ou de connexité ; subsidiairement, elle conclut à la confirmation du jugement et sollicite, en tout état de cause, la condamnation de la société CBC à lui payer la somme de 3 000 € en remboursement de ses frais irrépétibles.

MOTIFS DE LA DECISION :

En demandant au tribunal d'ordonner la radiation de l'affaire pendante devant lui et de renvoyer les parties à faire valoir leurs moyens devant la Cour d'appel de Paris déjà saisie, la société CBC a implicitement mais nécessairement, malgré une demande improprement qualifiée de demande de radiation, soulevé une exception de connexité au sens de l'article 101 du Code de procédure civile visant à ce que le Tribunal de commerce de Montpellier se dessaisisse au profit de la Cour d'appel de Paris afin que les deux affaires, l'une en paiement des factures dues en exécution des contrats de sous-traitance conclues antérieurement à la rupture du contrat de concession, l'autre en indemnisation du préjudice consécutif à la rupture dudit contrat de concession, découlant de l'exécution et de la rupture de la même relation contractuelle entre les parties, soient jugées ensemble, dans l'intérêt d'une bonne justice.

Il résulte de l'article 104 du Code de procédure civile que les recours contre les décisions rendues sur la litispendance ou la connexité par les juridictions du premier degré sont formés et jugés comme en matière d'exception d'incompétence ; il s'ensuit que le contredit formé par la société CBC doit être déclaré recevable.

Il existe un lien de connexité évident entre la demande de la société Xerox en paiement de factures dues en exécution des services de maintenance réalisés par elle en tant que sous-traitant du concessionnaire, conformément aux stipulations du contrat de concession, et la demande de la société CBC, fondée sur l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, en indemnisation du préjudice causé par le défaut de renouvellement du contrat de concession, venu à échéance le 1er février 2008.

Pour autant, la compétence de la Cour d'appel de Paris pour connaître d'un litige né de l'application de l'article L. 442-6 est une compétence spéciale, découlant d'un décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009, entré en vigueur le 1er décembre 2009, visant à un regroupement du contentieux lié spécifiquement à l'application de ce texte consacré aux pratiques restrictives de concurrence ; juridiction spécialisée, la Cour d'appel de Paris n'a pas vocation à connaître d'une demande, même présentant un lien de connexité avec celle dont elle se trouve saisie, hors les cas d'application de l'article L. 442-6 susvisé ; il n'est d'ailleurs pas évident que dans le cadre de l'appel du jugement rendu le 18 janvier 2010 par le Tribunal de commerce de Montpellier, elle accepte d'évoquer les points non jugés au nombre desquels la demande de la société Xerox en paiement de ses factures, qui a fait l'objet de l'expertise confiée à M. Bourdieux.

Il n'est donc pas opportun de renvoyer à la Cour d'appel de Paris la connaissance d'une demande, dont se trouve saisi, depuis avril 2009, le Tribunal de commerce de Montpellier, qui en est le juge naturel en raison de l'adresse du siège social de la société CBC et du lieu d'exécution des services de maintenance litigieux ; le jugement entrepris, qui a rejeté l'incident soulevé par cette société et renvoyé les parties à une audience ultérieure pour qu'il soit statué sur le fond du litige, doit en conséquence être confirmé.

Succombant sur son recours, la société CBC doit être condamnée aux frais afférents au contredit, ainsi qu'à payer à la société Xerox la somme de 1 000 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs : LA COUR, Déclare le contredit recevable, Au fond, confirme le jugement du Tribunal de commerce de Montpellier en date du 3 octobre 2012, Condamne la société CBC aux frais afférents au contredit, ainsi qu'à payer à la société Xerox la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.