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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 19 juin 2013, n° 11-01515

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Cap + (SARL)

Défendeur :

Fidurex des Hauts de Seine Fenec & Associés (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Pomonti

Avocats :

Mes Fisselier, Aboucaya, Hardouin, Cavoizy

T. com. Bobigny, 2e ch., du 21 déc. 2010

21 décembre 2010

Vu le jugement du 21 décembre 2010 par lequel le Tribunal de commerce de Bobigny a reçu la société Fidurex en son assignation, a condamné la société Cap Plus à payer à la société Fidurex la somme de 28 000 euros à titre de dommages et intérêts, toutes causes confondues, pour concurrence déloyale par pillage de données informatiques et détournement de clientèle, a débouté la société Cap Plus de sa demande reconventionnelle, l'a condamnée à payer à la société Fidurex, sous le régime de l'exécution provisoire, et au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, la somme de 1 000 euros, ajoutée à celle de 1 000 euros accordée lors du rejet de la fin de non-recevoir soulevée par la société Cap Plus, ainsi qu'aux dépens ;

Vu l'appel interjeté par la société Cap Plus le 26 janvier 2011 et ses conclusions du 15 avril 2013, afin que le jugement déféré soit infirmé en toutes ses dispositions et que la société Fidurex soit condamnée à lui verser la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier et moral pour "l'acharnement" auquel la société Fidurex se serait livrée contre elle, outre celle de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les conclusions signifiées par la société Fidurex le 22 avril 2013, afin que le jugement déféré soit confirmé en ce qu'il a jugé avéré le pillage des données informatiques et le détournement de clientèle à son détriment et infirmé pour le surplus, que la société Cap Plus soit condamnée à lui payer la somme de 300 000 euros en réparation de son préjudice financier, celle de 150 000 euros au titre de son préjudice d'image, outre celle de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

SUR CE

Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :

La société Fidurex des Hauts de Seine Fenec & Associés (ci-après "la société Fidurex") est une société d'expertise comptable inscrite à l'Ordre des Experts Comptables de Nanterre. Son dirigeant et associé majoritaire est M. Dubray, expert-comptable.

Le 28 août 2001, Monsieur Francis Desteuque (ci-après "Monsieur Desteuque") a été engagé par la société Fidurex, en qualité de chef de mission, selon contrat de travail à durée indéterminée. Puis, selon avenant du 1er janvier 2002, Monsieur Desteuque a été nommé directeur associé, et a acquis, le 30 janvier 2002, 950 parts sociales, soit 5 % du capital de la société.

Carole Desteuque, son épouse, (ci-après "Madame Desteuque") a été embauchée en qualité d'assistante par une filiale de la société Fidurex, aux termes d'un contrat de travail du 28 août 2001, puis son contrat de travail a été transféré à Fidurex, dont elle a démissionné le 16 juin 2008, sans effectuer son préavis, pour cause de congés maladie.

Par courrier du 8 août 2008, Monsieur Desteuque a été licencié pour faute lourde, la société Fidurex lui reprochant divers actes nuisibles à la bonne marche de son entreprise, et notamment, des violences et dénigrements à l'égard de deux salariées, la majoration indue de notes de frais et enfin le détournement de sa clientèle au profit d'une structure nouvellement créée par la famille Desteuque et gérée par Madame Desteuque, la société Cap Plus.

Cette société Cap Plus a été créée le 15 septembre 2007, ainsi qu'il résulte de ses statuts et immatriculée au RCS seulement le 27 juin 2008, entre Madame Desteuque, en qualité de gérante, et M. Desteuque, son époux, leur fils et le frère de Madame Desteuque. Or, cette société, qui a pour objet "toutes activités d'assistance, paie et comptabilisation, audit, ressources humaines et prestations de services" y compris la formation et l'informatique et dont le siège est fixé au domicile des époux Desteuque, a été créée alors que les deux époux étaient encore salariés de Fidurex.

L'employeur a relevé dans la lettre de licenciement pour faute lourde de M. Desteuque que celui-ci s'était rendu coupable de négligences "répétitives" à l'égard des clients, telles les transmissions tardives de déclarations de taxes professionnelles, qui "entachent nécessairement l'image de la société auprès de la clientèle qui attend de son expert-comptable qu'il respecte les délais". Il soulignait aussi : "Vous ne vous êtes pas seulement cantonné à la création de cette société mais avez également commencé à détourner les clients de la société Fidurex au profit de cette société. En effet, d'une part vous avez commencé à supprimer les fichiers informatiques clients et au passage supprimé certains, dans la seule intention de nuire à votre employeur. D'autre part, contre toute attente, trois clients ont curieusement indiqué à la société Fidurex qu'ils mettaient fin à leur relation commerciale (qui duraient depuis plusieurs années) en même temps que la démission donnée par votre épouse le 16 juin dernier".

Concomitamment à la création de la société Cap Plus, Monsieur Desteuque a fondé, avec un expert-comptable, Monsieur Levy, un cabinet d'expertise comptable, la société Capital Expertise, immatriculée le 28 novembre 2008. Celle-ci a été dissoute le 20 mai 2009 et radiée du registre du commerce le 15 juin 2009, lorsque M. Levy a eu connaissance des actes reprochés à M. Desteuque. Il a envoyé à 18 clients de la société Capital Expertise un courrier-type daté du 2 juin 2009 dans lequel il indique : "j'ai appris que l'ensemble des clients devant arriver dans le cabinet provenaient du cabinet Fidurex dirigé par mon excellent confrère Dominique Dubray. Dans ces conditions, j'ai pris la décision d'interrompre mon association et ma collaboration avec M. Francis Desteuque qui ne m'avait absolument pas informé de ces manipulations".

Par ordonnance du Tribunal de grande instance de Bobigny du 31 octobre 2008, la société Fidurex a été autorisée à faire constater, par voie d'huissier, les pratiques de concurrence déloyale commises par les sociétés Cap Plus et Capital Expertise. Maître Leclercq a constaté que l'adresse de la société correspondait à une des deux sorties du domicile personnel des époux Desteuque et a dressé un constat le 21 novembre 2008. Dans ce constat, il relate avoir trouvé au siège de la société deux ordinateurs équipés de logiciels professionnels, dont l'un appartenait à la société Fidurex et comportait un dossier dénommé "dossiers à transférer" daté du 26 juin 2008 contenant la liste des clients de Fidurex et des comptes de ces clients, des factures de la société Cap Plus à l'égard de ces clients et des courriers de résiliation remplis et aussi en blanc.

Estimant que les faits de concurrence déloyale avaient été établis par le procès-verbal de constat dressé par l'huissier, la société Fidurex a assigné les sociétés Cap Plus et Capital Expertise par acte du 12 mai 2009, afin qu'elles soient solidairement condamnées au paiement, avec exécution provisoire, des sommes de 300 000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale commis à son encontre, 150 000 euros au titre de son préjudice commercial et 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par un arrêt du 13 décembre 2012, statuant dans l'instance prudhommale, la Cour d'appel de Versailles a estimé fondé le grief de détournement de clientèle retenu à l'encontre de M. Desteuque, et a estimé que sa faute lourde était établie. Elle a, notamment retenu, à l'appui de la faute lourde : les attestations de salariés faisant état de "propos réitérés de M. Desteuque tendant à annoncer en substance que des clients seraient susceptibles de le suivre, s'il était amené à quitter la société Fidurex" ; le constat réalisé par l'huissier ; et les attestations de M. Ferreira et de Mme Machanovitch, clients de la société Fidurex, déclarant qu'ils "ont été démarchés par les époux Desteuque en février et septembre 2008" ;

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

Considérant que les parties ont été avisées le 23 mars 2012 que la clôture serait prononcée le 16 avril 2013 et que l'affaire serait plaidée le 14 mai 2013.

Considérant que la société Cap Plus sollicite la révocation de l'ordonnance de clôture du 23 avril 2013, et, à titre subsidiaire, le rejet des conclusions et des pièces du 22 avril 2013 de la société Fidurex ; qu'elle prétend n'avoir pu répondre aux conclusions adverses du 22 avril 2013, par lesquelles Fidurex répondait elle-même, à la suite d'un premier report de clôture initialement prévue le 16 avril 2013, à des conclusions adverses du 15 avril 2013 ; que c'est donc pour répondre à des conclusions tardives de Cap Plus que Fidurex a conclu la veille de l'ordonnance de clôture ; que le dépôt de conclusions tardives ne constitue pas en soi une cause grave de révocation de l'ordonnance de clôture, selon les dispositions de l'article 784 du Code de procédure civile ; qu'en l'espèce, la société Cap Plus ne démontre pas en quoi les conclusions de Fidurex l'auraient mise dans l'impossibilité de se défendre, arguant du principe du contradictoire, sans décrire précisément quels éléments lui font grief ; que, dès lors, cette demande sera écartée ; qu'il en sera de même de la demande subsidiaire d'écarter les dernières conclusions en cause ;

Sur les pratiques de concurrence déloyale

Considérant que si la société Fidurex soutient que la société Cap Plus se serait livrée à une concurrence déloyale à son encontre en détournant sa clientèle par des manœuvres déloyales et à des pratiques de dénigrement, il convient de rappeler que l'action en concurrence déloyale, qui repose non sur la présomption de responsabilité de l'article 1384 du Code civil, mais sur une faute engageant la responsabilité civile quasi-délictuelle de son auteur au sens des articles 1382 et 1383 du même Code, suppose l'accomplissement d'actes positifs et caractérisés dont la preuve, selon les dispositions de l'article 1315 du même Code, incombe à celui qui s'en déclare victime ;

Considérant qu'il appartient au demandeur de prouver la commission d'agissements contraires aux usages loyaux du commerce, étant précisé que nul opérateur ne saurait disposer d'un droit privatif sur sa clientèle, laquelle est libre du choix de ses partenaires commerciaux ; qu'en revanche, constitue un acte de concurrence déloyale le démarchage de la clientèle d'un concurrence, accompagné de manœuvres déloyales ou à caractère systématique ;

Considérant qu'en l'espèce, il résulte des pièces du dossier, et notamment du constat d'huissier, mais aussi de la constatation des faits définitivement établie par la Cour d'appel de Versailles, que, au siège de la société Cap Plus, fondée par les époux Desteuque, anciens salariés de Fidurex, ont été retrouvés deux ordinateurs équipés de logiciels professionnels, dont l'un appartenait à Fidurex et comportait un dossier dénommé "dossiers à transférer", daté du 26 juin 2008, contenant la liste des clients de Fidurex et des comptes de ces clients, des factures de la société Cap Plus à l'égard de ces clients et des courriers de résiliation remplis et aussi en blanc ; que les intéressées ne peuvent justifier de cette présence par le télétravail de Mme Desteuque, celle-ci ayant quitté définitivement Fidurex en juillet 2008, après avoir été autorisée, du 16 juin 2008 à son départ, à travailler à son domicile par télétravail ;

Considérant que M. Desteuque s'est rendu coupable, le mois précédent son départ, de piratage informatique au détriment de son employeur, portant sur les clients de Fidurex, ainsi qu'en attestent les déclarations de M. Luong ; qu'il a utilisé son contrôle du système informatique de la société Fidurex pour détourner des informations sensibles et confidentielles au profit de la société fondée avec sa famille ; qu'il a aussi volontairement détruit des références clients pour faciliter le détournement de clientèle ; que ces pratiques, mais aussi les attestations de salariés versées aux débats, démontrent son intention préméditée de détourner les clients de Fidurex, avant même d'avoir quitté son emploi ; que deux clients, ont témoigné avoir été démarchés en février et septembre 2008 afin qu'ils quittent Fidurex pour Cap Plus ; que Madame Machanovitch, gérante de sociétés évènementielles, atteste avoir été démarchée en février 2008 (pièce 34 du Fidurex) : "Dans le courant du mois de février 2008, Monsieur Francis Desteuque m'avait proposé de confier ma comptabilité à sa femme Madame Carole Desteuque, salariée chez Fidurex à cette époque. En effet, sa femme montait sa propre société et pouvait me proposer les mêmes services que Fidurex à des tarifs beaucoup plus compétitifs et voir même gratuits pour commencer" ; que M. Ferreira (pièce 33 du Fidurex) atteste avoir été contacté par un ancien client de Fidurex en septembre 2008, prétendant que les prestations de Cap Plus étaient moitié moins chères que celles de Fidurex et insistant pour qu'il quitte Fidurex ; que Monsieur Desteuque a été personnellement sanctionné par la Cour d'appel pour détournement illicite d'informations confidentielles, à savoir le fichier national des clients de la société Fidurex, et que la transmission et son utilisation par la société Cap Plus, seule en cause dans la présente instance, est attestée par la circonstance que la société Cap Plus est une petite société dont les époux Desteuque constituent l'axe déterminant et la présence de ces informations au siège de l'entreprise, qui se trouve être aussi le domicile des deux intéressés, démontre à suffisance de droit leur utilisation par la société, qui, en l'espèce, ne peut se détacher de la personne de ses dirigeants ;

Considérant que cette intention s'est concrétisée par le détournement d'une vingtaine de clients de Fidurex avec lesquels cette société réalisait plus de 10 % de son chiffre d'affaires, selon les chiffres communiqués par Fidurex (pièces 46-1 et 44) ; que des documents concernant ces clients ont été retrouvés au siège de la société, ainsi que des lettres-types pré-rédigées à leur nom (certaines remplies d'autres non remplies) mettant un terme à leur relation avec Fidurex ; qu'il en ressort la preuve que la société Cap Plus, utilisant les informations détournées sur les clients de Fidurex, les incitait à contracter avec elle, au besoin en dénigrant Fidurex, M. Desteuque ayant lui-même contribué, de l'intérieur, avant son licenciement pour faute lourde, à dégrader l'image de la société par ses propres négligences ; qu'il résulte en effet, notamment, de l'attestation de M. Francis Luong (pièce 22 du Fidurex) qu'il a été témoin d'une véritable opération de sabotage par M. Desteuque, alors qu'il travaillait encore chez Fidurex : sur un contenu de 9 786 fichiers, il en avait supprimé 7 541 ; que ces manipulations informatiques (déconnexions d'agents, suppression de fichiers) et ses propres négligences volontaires (absence de réponse de sa part à des avis de mise en demeure de l'administration fiscale, bilans ou déclarations non effectuées dans les délais) avaient pour but de jeter le discrédit sur Fidurex dans le but de récupérer ses clients à posteriori ; que cette attitude, suivie du démarchage des clients, témoigne d'une intention de nuire à la seule société Fidurex, puisque les seuls clients de la société Cap Plus s'avèrent être tous d'anciens clients de Fidurex, la prospection ayant été ciblée sur ceux-ci ; que Cap Plus n'a en effet jamais accepté de donner la liste de ses clients, corroborant ainsi, par cette réticence, que sa clientèle était toute issue de Fidurex ; que cette stratégie avait déjà été annoncée par M. Desteuque avant son départ de Fidurex, ainsi qu'il résulte de différents témoignages rapportant également le dénigrement auprès des clients, quoique de façon indirecte ; que ce détournement de clientèle, amorcée avant même son départ de la société Fidurex, par des manœuvres frauduleuses, dont la gravité a été soulignée par la cour d'appel, a permis la captation indue, par la société Cap Plus, de plus de 10 % du chiffre d'affaires de Fidurex ; que la perte de 10 % de son chiffre d'affaires, alliée aux pratiques de dénigrement de cette société, a nécessairement désorganisé le fonctionnement de la société Fidurex ;

Sur la situation de concurrence entre les deux sociétés

Considérant que si la société Cap Plus prétend que les deux sociétés ont un objet social distinct, Cap Plus n'ayant aucune activité d'expertise comptable, et qu'il ne peut y avoir concurrence déloyale entre elles, il convient de rappeler tout d'abord que l'existence d'une situation de concurrence directe et effective entre les sociétés considérées n'est pas une condition de l'action en concurrence déloyale ou parasitaire qui exige seulement l'existence de faits fautifs générateurs d'un préjudice et qu'elle peut être exercée par toute personne victime d'agissements déloyaux, à savoir toute personne physique ou morale arguant d'un préjudice concurrentiel ; qu'ensuite, cette affirmation, erronée en droit, est factuellement inexacte, car une part importante de l'activité de la société Fidurex consiste, comme tout cabinet d'expert-comptable, dans la réalisation d'assistance comptable en tout genre, de conseil (ouverture de capital, mise en place de systèmes d'information, conseil à la création, conseil en gestion pour les opérations de croissance (...)), toutes activités exercées en concurrence, hors activité de certification des comptes des entreprises stricto sensu, exercée en monopole ; que les deux sociétés sont donc bien dans une situation de concurrence, d'autant plus que M. Desteuque avait aussi participé à la création d'une société concurrente d'expert-comptable avec M. Levy, la société Capital Expertise qui lui permettait de proposer des prestations couplées, associant opérations réglementées et non réglementées aux anciens clients de Fidurex ; qu'ainsi, Cap Plus était en concurrence avec Fidurex sur ce segment d'activité ;

Sur le détournement de clientèle

Considérant que la société Cap Plus verse aux débats une lettre du 17 septembre 2007, signée de Madame Desteuque, et adressée à Fidurex, dans laquelle elle l'informe qu'elle est en train de créer une nouvelle société et lui propose de sous-traiter ses clients ; que Cap Plus en conclut que Fidurex est de mauvaise foi, en prétendant avoir appris seulement en juillet 2008 l'existence de la société Cap Plus ;

Mais considérant qu'aucune preuve de l'envoi de cette lettre et de sa réception par Fidurex n'est versée aux débats ;

Considérant que, contrairement aux allégations de Cap Plus, l'intimée évalue de façon précise le préjudice qu'elle allègue ; que sur la liste de 22 clients détournés, il convient toutefois d'enlever les clients qui ont quitté le cabinet en 2006 et 2007, le lien entre leur départ de Fidurex et leur captation par Cap Plus étant trop distant ; que tel est le cas des sociétés Papou, Lebret, Venhar, Immosystem, Cynopro et Satem ; qu'en revanche, le tribunal de commerce a, à tort, écarté les sociétés ayant quitté Fidurex en 2008 ; qu'en effet, M. Desteuque a reconnu les avoir "capté" et l'huissier a pris des clichés au siège de la société établissant que des dossiers étaient ouverts à leurs noms ; que la circonstance, relevée par les premiers juges, que certains clients aient fait l'objet d'une procédure de liquidation ou aient été des clients de l'autre société créée par M. Desteuque, Capital Expertise, est indifférente ; qu'en effet, les clients ayant disparu par suite d'une liquidation ont été indûment captés comme les autres ; que, par ailleurs, la société Cap Plus se présentait comme complémentaire de la société Capital Expertise, pour offrir aux clients un portefeuille complet de prestations, réglementées et non réglementées ; que dès lors, les clients des deux sociétés peuvent être retenus au rang des clients indûment détournés ; qu'aucun élément ne permet de dire que le départ de certains clients de la société appelante serait lié à la mauvaise qualité des prestations de Fidurex, M. Desteuque apparaissant, au travers des ordres dispensés à certains salariés de son ancienne société et de ses propres négligences fautives à son égard, comme à l'origine de certains dysfonctionnements constatés ;

Sur le prétendu détournement des fichiers par Monsieur Desteuque'

Considérant que la société Cap Plus soutient que les copies d'écran réalisées depuis le poste de Monsieur Desteuque ne permettent en aucun cas de démontrer avec certitude qu'il soit l'auteur des faits qui lui sont reprochés, son employeur ayant eu accès à son ordinateur quand il travaillait encore pour lui et ayant pu en modifier les données ni qu'il ait agi dans l'intérêt de la société Cap Plus ;

Mais considérant que la société Cap Plus ne démontre pas quelles manipulations la société Fidurex aurait pu faire subir à l'ordinateur professionnel de M. Desteuque, ses allégations étant dépourvues de tout commencement de preuves ; que le domicile de la société était confondu avec le sien et qu'il n'a à aucun moment contesté la présence de ces matériels et documents lors de la visite de l'huissier ; que, comme vu plus haut, le rôle prépondérant des époux Desteuque dans la société Cap Plus atteste l'indissociabilité des griefs imputés à M. Desteuque avec ceux imputés à cette société ;

Sur la présence des fichiers clients chez les consorts Desteuque

Considérant que contrairement aux allégations de Cap Plus, aucune preuve n'est fournie que la présence au domicile des consorts Desteuque de fichiers clients appartenant à l'intimée serait justifiée par leurs activités respectives au sein de cette dernière ;

Sur le dénigrement de la société Fidurex, de son équipe dirigeante et sur la prétendue déstabilisation de son personnel

Considérant qu'il résulte de plusieurs attestations versées aux débats que M. Desteuque se livrait à des critiques sévères de la direction de la société Fidurex, tant auprès des autres salariés que des clients, ne cachant pas ses intentions de partir en emportant la clientèle avec lui ; que l'appelante ne fournit aucun élément de nature à faire douter de la sincérité des attestations produites par l'intimée, qui, si elles ont été rédigées par des personnes placées sous un lien de subordination direct ou sous la dépendance économique de Fidurex, n'en sont pas moins valables ; que cette pratique a bénéficié à Cap Plus ;

Considérant, en définitive, que la société Cap Plus s'est rendue coupable d'un détournement, d'une conservation et d'un usage illicite des listings des clients de la société Fidurex et des informations confidentielles les concernant ainsi que d'une prospection abusive de sa clientèle ; que ces manœuvres déloyales ont été accompagnées et préparées par le dénigrement de la société Fidurex et de son équipe dirigeante auprès des salariés de celle-ci et de ses clients, et plus généralement d'une campagne de déstabilisation de son personnel ; que les premiers juges ont donc, à juste titre, considéré que les pratiques de concurrence déloyale étaient constituées ;

Sur le préjudice de la société Fidurex

Considérant qu'elle allègue avoir subi deux sortes de préjudice : un préjudice matériel, en raison de la perte d'une partie de ses clients orchestrée frauduleusement par l'appelante, qui a amputé une partie de son chiffre d'affaires, et un préjudice tenant à sa réputation, les attestations versées aux débats établissant les multiples attaques de l'appelante qui ont fortement affaibli son image de marque ;

Considérant que le chiffre d'affaires réalisé par Fidurex avec les 17 clients détournés s'élevait à 132 093 euros en 2006 et à 116 810 euros en 2007, soit un chiffre d'affaires moyen de 124 451 euros, l'année 2008 ne pouvant être retenue, puisque les premiers démarchages avaient déjà eu lieu ; qu'il sera appliqué un taux de marge moyen de 54 % sur ce chiffre d'affaires, conformément à la pièce 46-1 de Fidurex ; que le manque à gagner pour la société Fidurex s''élève donc à 67 203 euros ; que le jugement déféré sera donc infirmé sur le quantum des dommages-intérêts ; que, par ailleurs, la société Fidurex ne démontre pas que des clients potentiels auraient été dissuadés de contracter avec elle, pour des raisons de réputation ; que les premiers juges l'ont, à juste titre, déboutée de sa demande de réparation pour un préjudice d'image ; que la société Cap Plus sera, en outre, condamnée à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, car il serait manifestement inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles de l'instance ;

Sur la demande reconventionnelle de la société Cap Plus

Considérant que cette société échoue à démontrer avoir été victime d'un acharnement abusif de la société Fidurex ou encore d'un vaste complot ; que cette demande sera donc rejetée ;

PAR CES MOTIFS : Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a reçu Fidurex en son assignation, a dit fondée sa demande, y a fait partiellement droit, a rejeté la demande reconventionnelle de la société Cap Plus et en ce qu'il a statué sur les dépens ainsi que sur l'article 700 du Code de procédure civile, L'Infirme pour le surplus, Et, statuant à nouveau, Condamne la société Cap Plus à payer à la société Fidurex la somme de 67 203 euros, Condamne la société Cap Plus aux dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Condamne la société Cap Plus à payer à la société Fidurex la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.