CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 19 juin 2013, n° 11-08559
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Loeb Industrie (SARL)
Défendeur :
CAE Data (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cocchiello
Conseillers :
Mmes Luc, Pomonti
Avocats :
Mes Grappotte-Benetreau, Heintz, Nut, Migueres
Vu le jugement rendu le 8 mars 2011 par lequel le Tribunal de commerce de Paris a condamné la société CAE Data à payer, sous le régime de l'exécution provisoire, à la société Loeb Industrie la somme de 10 000 euros, en indemnisation de la violation de son exclusivité territoriale, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation et la capitalisation des intérêts selon les dispositions de l'article 1154 du Code civil, ainsi que celle de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'appel interjeté par la société Loeb Industrie le 6 mai 2011 et ses conclusions signifiées le 13 avril 2012, tendant à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a jugé que la société CAE Data avait rompu unilatéralement et fautivement le contrat de distribution exclusive et à l'infirmation pour le surplus, à la condamnation de la société CAE Data à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance du 5 août 2009, et lesdits intérêts capitalisés en application de l'article 1154 du Code civil, et celle de 12 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;
Vu les conclusions signifiées par la société CAE Data le 13 juin 2012 afin, à titre principal, que le jugement déféré soit infirmé en toutes ses dispositions et qu'en conséquence, la société Loeb Industrie soit déboutée de l'ensemble de ses demandes, à titre subsidiaire, que le jugement déféré soit confirmé sauf en ce qu'il l'a condamnée à régler à la société Loeb Industrie la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et que la société Loeb Industrie soit déboutée de sa demande au titre de l'article 700 et, en tout état de cause, que la société Loeb Industrie soit condamnée à lui payer une amende civile dont le montant sera fixé par la cour, en application des articles 32-1 et 599 du Code de procédure civile ainsi que celle de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
SUR CE
Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :
La société CAE Data (ci-après "la société CAE") a pour activité le développement, la commercialisation et la vente de câbles de courant faible, de connecteurs et de systèmes de câblage dans les domaines appliqués aux bâtiments et à l'industrie.
La société Loeb Industrie (ci-après "la société Loeb") a pour activité le négoce, l'achat et la revente de produits chimiques et métallurgiques et, plus généralement, le négoce de tous produits sur le marché français et à l'import/export.
Le 26 mars 2007, les sociétés CAE et Loeb ont conclu un accord portant sur la distribution exclusive par la société Loeb des produits CAE sur la Roumanie, pour une durée de trois ans.
Dans le courant de l'année 2008, la société CAE a engagé des relations commerciales avec une entreprise roumaine, la société Elva Serv, avec laquelle elle était entrée en contact grâce à la société Loeb.
Le 14 octobre 2008, la société Elva Serv est devenue l'agent exclusif de la société CAE en Roumanie.
La société CAE en a informé la société Loeb, dès le 7 novembre 2008, par message électronique et lui a proposé d'annuler l'accord d'exclusivité consenti à son profit, contre le versement d'une commission de 1 % sur le chiffre d'affaires facturé de 2009 et 2010 consécutif aux prises de commandes d'Elva Serv dans le cadre de son contrat d'agent.
Les parties ont ensuite échangé différents courriers, la société Loeb estimant insuffisante l'indemnisation proposée.
Le 5 août 2009, la société Loeb Industrie a assigné la société CAE afin qu'elle soit condamnée, en application des articles 1147 et 1149 du Code civil, à lui payer, avec exécution provisoire, la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts et ce, avec intérêts à compter de l'assignation et capitalisation en application de l'article 1154 du Code civil, outre la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le jugement présentement déféré a fait droit à ses demandes, mais a minoré le quantum de son préjudice à 10 000 euros, soit le manque à gagner de la société Loeb sur un an et trois mois, calculé à partir du revenu dégagé pendant cette période par la société CAE, auquel il a appliqué un taux de marge brute de 16 % (63 200 X 16/100).
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que la société CAE a pris la décision unilatérale de rompre le contrat de distribution exclusive conclu avec la société Loeb ; qu'aucune faute n'a été imputée à la société Loeb, la société CAE ayant attendu l'action en justice pour invoquer à son encontre la mise en sommeil du contrat et l'absence de développement de la société Loeb ; que ces éléments ont, à juste titre, été écartés par les premiers juges aux termes d'une motivation que la cour fait sienne ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a imputé à la société CAE la rupture du contrat ;
Considérant que la société Loeb ne saurait être dédommagée de frais engagés pour le lancement de son activité en Roumanie, ces frais ne découlant pas de la rupture litigieuse, mais de l'exécution de son contrat ; qu'au surplus le lien de causalité entre les notes versées aux débats et la résiliation du contrat est inexistant ; qu'en revanche, elle a été privée des revenus qu'elle aurait pu escompter jusqu'au terme normal du contrat ; que les Premiers Juges ont justement évalué cette perte à la marge brute que la société Loeb aurait réalisé sur un chiffre d'affaires équivalent à celui perçu par la société CAE durant cette période, soit 54 000 euros au titre de 2009 et 9 200 euros pour les trois mois de 2010, auxquels le taux de marge de 16 % a été appliqué, soit à la somme de 10 000 euros ; que la référence de la société Loeb à la commission de 7 000 euros mensuelle perçue par la société Elva Serv n'est pas pertinente pour étayer sa demande d'une indemnisation plus élevée ; qu'en effet, les objectifs chiffrés fixés à l'agent n'ayant pas été tenus, un avenant du 14 octobre 2008 est venu réduire cette commission ; que la prise en compte des chiffres d'affaires réalisés en 2007 et en 2008 par la société Loeb hors de France, tel qu'ils résultent de ses bilans et comptes versés aux débats, aboutit à des sommes comparables à celles calculées par les premiers juges ;
Sur la demande reconventionnelle de la société CAE pour appel abusif
Considérant que la société CAE soutient que les demandes de l'appelante revêtent un caractère abusif et injustifié et sollicite sa condamnation au paiement d'une amende civile ;
Considérant que si l'article 32-1 du Code de procédure civile dispose que "Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 3 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés", la société intimée ne démontre pas que le présent appel ait revêtu un caractère abusif ou dilatoire ; que cette demande sera donc rejetée ;
Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris, Condamne la société CAE Data aux dépens de l'instance d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.