Cass. soc., 19 juin 2013, n° 12-17.913
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher (SA)
Défendeur :
Magrecki, Pôle emploi
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Linden
Rapporteur :
M. Flores
Avocat général :
M. Foerst
Avocats :
SCP Célice, Blancpain, Soltner, SCP Hémery, Thomas-Raquin
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'une convention de gérance libre a été conclue les 10 et 20 juin 2002 entre la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher (Yves Rocher) et la société Sandrine Magrecki, représentée par Mme Magrecki, pour une durée de trois ans et ayant pour objet l'exploitation d'un fonds de commerce de vente de produits de beauté, d'hygiène et de soins esthétiques, exploité dans le centre commercial Auchan de La Couronne ; qu'une nouvelle convention de location-gérance a été conclue les 18 et 24 novembre 2003 pour une durée de trois ans ; qu'à la suite de la dénonciation, le 1er février 2008, du contrat de gérance par la société Yves Rocher, Mme Magrecki a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur les deuxième et quatrième moyens, qui sont préalables : - Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen en ce qu'il porte sur la compétence de la juridiction prud'homale, les indemnités de rupture et l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, tel qu'il est reproduit en annexe : - Attendu que la société Yves Rocher fait grief à l'arrêt de dire la juridiction prud'homale compétente et de la condamner à payer à Mme Magrecki des indemnités de rupture et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que la non-admission des deuxième et quatrième moyens rend le premier moyen inopérant ;
Sur le troisième moyen : - Attendu que la société fait grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme le salaire de Mme Magrecki et de la condamner en conséquence au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen : 1°) que le travailleur qui obtient l'application des dispositions du Code du travail par application de l'article L. 7321-2 du Code du travail ou par requalification de la relation contractuelle en un contrat de travail doit voir sa rémunération être établie en considération de la classification conventionnelle résultant des fonctions qu'il a réellement exercées et au salaire minimum conventionnel correspondant ou, à défaut, par rapport au SMIC ; que le principe " à travail égal, salaire égal " commande seulement d'assurer l'égalité de rémunération entre salariés qui ont un même travail ou un travail de valeur égale, sous réserve de l'existence de raisons objectives et pertinentes pouvant justifier une différence de traitement ; qu'en se fondant, pour déterminer le montant du salaire de référence mensuel qui aurait dû être versé à Mme Magrecki du fait de l'application à cette dernière des dispositions du Code du travail, sur le montant du salaire qui était versé à Mme Jonghes, directrice d'un institut Yves Rocher à Versailles et en lui accordant exactement le même montant, sans établir que les deux directrices étaient dans une situation identique et particulièrement sans établir l'identité de situation des instituts qu'elles avaient respectivement dirigés comme elle y était invitée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du " principe à travail égal, salaire égal ", ensemble les articles L. 1221-1 et L. 7321-2 du Code du travail ; 2°) que le principe " à travail égal, salaire égal " ne peut s'appliquer qu'entre salariés de la même entreprise ; qu'en attribuant à Mme Magrecki exactement le même salaire mensuel que celui que percevait Mme Jonghes, directrice de l'institut de Versailles, sans établir l'employeur de cette dernière, cependant que la société Yves Rocher faisait valoir que Mme Jonghes percevait un salaire qui lui était versé par une autre société, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du " principe à travail égal, salaire égal ", ensemble les articles L. 1221-1 et L. 7321-2 du Code du travail ; 3°) que le travailleur qui obtient l'application des dispositions du Code du travail par application de l'article L. 7321-2 du Code du travail ou par requalification de la relation contractuelle en un contrat de travail doit voir sa rémunération être établie en considération de la classification conventionnelle résultant des fonctions qu'il a réellement exercées et au salaire minimum conventionnel correspondant ou, à défaut, par rapport au SMIC ; que le juge ne peut, dans une telle hypothèse, librement fixer le montant de la rémunération due au salarié sous couvert d'attribuer une rémunération qui lui paraît juste eu égard aux fonctions exercées par le travailleur ou aux responsabilités qui lui sont attribuées ; qu'en décidant que la somme de 2 687 euros correspondait au salaire de référence qui devait être retenu pour Mme Magrecki aux motifs qu'elle apparaissait en rapport raisonnable avec une rémunération juste des fonctions exercées, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1221-1 et L. 7321-2 du Code du travail, de l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 12, alinéa 1er, du Code de procédure civile ;
Mais attendu que c'est à bon droit que la cour d'appel ne s'est pas référée à un accord de salaires ne prévoyant pas le coefficient qu'elle retenait et a fixé le montant de la rémunération en fonction des éléments qui lui étaient soumis, relatifs au salaire perçu par une autre personne exerçant la même fonction ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, en ce qu'il porte sur la requalification en contrat de travail et les heures supplémentaires : - Vu l'article L. 1221-1 du Code du travail ; - Attendu que pour dire que la relation de travail entre les parties devait s'analyser en un contrat de travail et condamner la société Yves Rocher à payer une certaine somme à titre d'heures supplémentaires, l'arrêt retient que si Mme Magrecki avait une légère autonomie, quoique encadrée par des directives précises et détaillées, pour embaucher et licencier son personnel et pour fixer les heures d'ouverture et de fermeture des magasins et des cabinets de soins, elle n'avait, en fait, aucune réelle autonomie de direction, de gestion et d'organisation dans l'exploitation du fonds dont elle avait la charge ; qu'elle devait le diriger personnellement, respecter scrupuleusement les procédures et instructions, y compris publicitaires, de la société Yves Rocher, informer et rendre compte de son chiffre d'affaires et verser une redevance ; que le local étant fourni par la société Yves Rocher, cette société imposait à Mme Magrecki les conditions d'exploitation ; que l'ensemble des prix étant imposés à la gérante, celle-ci ne pouvait mener une politique personnelle en matière de prix, de remise ou de cadeaux ; que la société Yves Rocher réalisait chaque année une étude de conformité du centre (contrôle de l'espace et de ses composantes, dans ses détails pratiques, y compris propreté, confort, hygiène, ambiance ...), des études qualimétrie (contrôle des paramètres d'exploitation de l'institut) et des études qualité (contrôle de la qualité de l'ambiance, de la vente, de la tenue de caisse, du respect de l'image et de la marque, de l'accueil et du comportement, des techniques de vente et des conseils), organisait des tests, procédait aux bilans de compétence des esthéticiennes et vendeuses de l'institut et analysait les résultats commerciaux et le niveau des objectifs fixés par ses soins ; que la société Yves Rocher disposait d'un pouvoir de contrôle sur l'activité de Mme Magrecki et de sanction, la gérante encourant la résiliation du contrat en cas de violation du contrat de gérance ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs décrivant une dépendance économique impropres à caractériser un lien de subordination juridique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le cinquième moyen : Casse et annule, mais seulement en ce qu'il dit que les parties étaient liées par un contrat de travail et condamne la société Laboratoires de biologie végétale Yves Rocher au paiement d'heures supplémentaires, l'arrêt rendu le 8 mars 2012, entre les parties, par la Cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Poitiers.