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Décisions

ADLC, 27 juin 2013, n° 13-D-16

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à une demande de mesures conservatoires concernant des pratiques mises en œuvre par le groupe SNCF dans le secteur du transport de personnes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de M. Alexandre Beaudouin, rapporteur, , l'intervention orale de M. Umberto Berkani, rapporteur général adjoint, par Mme Claire Favre, vice-présidente, présidente de séance, MM. Jean-Vincent Boussiquet, Yves Brissy, Noël Diricq, Jean-Bertrand Drummen, membres.

ADLC n° 13-D-16

27 juin 2013

L'Autorité de la concurrence (section II),

Vu la lettre, enregistrée le 7 novembre 2012 sous le numéro 12-0100F, par laquelle la société Veolia Transdev (devenue par la suite Transdev) a saisi l'Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par le groupe SNCF dans le secteur du transport de personnes ; Vu la lettre du 7 novembre 2012 et les observations du 11 avril 2013, enregistrées sous le numéro 12-0101M, par lesquelles la société Transdev a demandé que soient prononcées plusieurs mesures conservatoires ; Vu l'article 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; Vu le livre IV du Code de commerce ; Vu le Code des transports ; Vu l'avis de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires n° 2013-005 du 27 mars 2013, rendu sur le fondement des dispositions de l'article R. 463-9 du Code de commerce ; Vu les observations présentées par les sociétés Transdev, SNCF Partenariat SAS et Keolis SA, et par l'établissement public industriel et commercial SNCF ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement et les représentants de la SNCF et des sociétés Transdev, SNCF Partenariat et Keolis entendus lors de la séance de l'Autorité de la concurrence du 22 mai 2013 ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

A. LA SAISINE

1. Par lettre enregistrée le 7 novembre 2012 sous le numéro 12-0100F, l'Autorité de la concurrence a été saisie d'une plainte de la société Veolia Transdev SA, devenue par la suite Transdev SA (ci-après "Transdev"), dirigée contre des pratiques mises en œuvre par le groupe SNCF, plus précisément par l'établissement public industriel et commercial Société Nationale des Chemins de fer Français SNCF (ci-après "la SNCF") et ses filiales SNCF Partenariat SAS (ci-après "SNCF Partenariat") et Keolis SA (ci-après "Keolis"), dans le secteur du transport de personnes.

2. Les pratiques dénoncées consisteraient en des abus de la position dominante détenue par la SNCF sur le marché du transport ferroviaire national de voyageurs, par la soumission à des offres pour l'attribution de contrats d'assistance technique avec les sociétés d'économie mixte via une filiale créée à cet effet et portant son nom (SNCF Partenariat), en entretenant une confusion entre ses activités monopolistiques et ses activités relevant du champ concurrentiel, et en mobilisant des capacités inégalables en solutions d'intermodalité avec le ferroviaire lourd.

3. Accessoirement à la saisine au fond, Transdev a sollicité, sur le fondement de l'article L. 464-1 du Code de commerce, le prononcé de mesures conservatoires (sous le numéro 12-0101M).

B. LES ENTREPRISES CONCERNÉES PAR LA SAISINE

1. Transdev ET SON GROUPE

4. La partie saisissante est la société Transdev, société née du rapprochement, en 2010, des sociétés Veolia Transport, filiale de Veolia Environnement, d'une part, et de Transdev, filiale de la Caisse des dépôts et consignations (ci-après CDC), d'autre part. À l'issue de cette opération de concentration, autorisée après engagements en décembre 2010 par l'Autorité de la concurrence (1), la CDC et Veolia Environnement ont exercé un contrôle conjoint sur leur filiale commune.

5. Transdev présente son activité de la manière suivante : "Transdev est l'un des leaders mondiaux des transports publics. Transdev conseille et accompagne les collectivités territoriales, du préprojet à l'exploitation quotidienne des réseaux de transports publics en passant par l'assistance à la maîtrise d'ouvrage. Avec 101 000 collaborateurs dans 27 pays, le groupe exploite 60 000 véhicules et 24 réseaux de tramway" (2).

6. Transdev indique avoir réalisé en 2012 un chiffre d'affaires de 7,6 milliards d'euros. (3)

7. Transdev constitue un groupe, avec notamment des participations dans un ensemble varié de sociétés françaises et étrangères : en France, Ocecars et Eurolines (bus, cars réguliers et touristiques), CGFTE (transports locaux), Transamo (maîtrise d'ouvrage de projets de transports collectifs), Transdata (services informatiques), Veloway (vélos), etc. ; à l'étranger, le groupe est notamment actif en Allemagne, aux États-Unis, aux Pays-Bas, où il exploite des services de transports, en particulier des services ferroviaires ou intégrant une composante ferroviaire (4).

8. Fin mars 2013, Transdev a annoncé un "plan de recentrage" sur 17 pays, assorti de cessions d'actifs, d'une part, et a fait état d'une augmentation de capital en cours pour un montant de 800 millions d'euros, visant à alléger la dette du groupe, d'autre part (5).

2. LE GROUPE SNCF

9. Le groupe est constitué de l'Epic SNCF et de ses filiales, organisées par branches.

a) Organisation générale : l'Epic SNCF, ses filiales et ses branches

10. Entreprise ferroviaire historique en France, la SNCF est un établissement public industriel et commercial (Epic) national, qui a pour objet l'exploitation de services de transport ferroviaire, ainsi que certaines missions de gestion de l'infrastructure ferroviaire dont elle dispose, notamment les gares de voyageurs (art. L. 2141-1 du Code des transports).

11. La SNCF est, en outre, habilitée à exercer des activités qui se rattachent directement ou indirectement à son domaine principal d'activité. À cet effet, elle peut créer des filiales ou prendre des participations dans des sociétés, groupements ou organismes ayant un objet connexe ou complémentaire du sien (art L. 2141-4 du Code des transports). Elle est à la tête d'un important groupe de sociétés via sa holding financière SNCF Participations, dont le capital est détenu à hauteur de 99,97 % par l'Epic (6).

12. Le groupe SNCF se présente en cinq branches d'activités correspondant, chacune, à une division de l'Epic SNCF, d'une part, et à des sociétés dont la SNCF détient tout ou partie du capital via SNCF Participations, d'autre part :

- la branche SNCF Infra ;

- la branche SNCF Proximités ;

- la branche SNCF Voyages ;

- la branche SNCF Geodis ;

- la branche Gares & Connexions.

13. Le schéma exposé ci-dessous, qui est issu du rapport financier de la SNCF pour l'année 2012 (partie 1 - rapport d'activité), présente ainsi plus précisément la structure du groupe :

<EMPLACEMENT TABLEAU 1>

14. Dans la présente affaire est en cause la branche SNCF Proximités, comprenant notamment la société Keolis. Sa structure est ainsi représentée :

<EMPLACEMENT TABLEAU 2>

15. La société SNCF Partenariat (cf. infra), mise en cause dans la présente affaire, a vocation à s'inscrire dans la branche SNCF Proximités.

16. La présente affaire soulevant des questions liées à l'intermodalité dans les offres de transport urbain de voyageurs, la branche Gares & connexions, chargée de la gestion des gares de voyageurs, peut également être mentionnée. Sa structure est ainsi représentée :

<EMPLACEMENT TABLEAU 3>

17. Dans ce même rapport annuel, la branche Gares & connexions est présentée par la SNCF de la manière suivante : "créée au 1er janvier 2011, cette cinquième branche entend faire émerger des services innovants dans les gares tout en inventant de nouveaux espaces pour la mobilité des villes. Ses principales filiales sont AREP Groupe (architecture et aménagement urbain) et le groupe A2C (valorisation commerciale en gare)".

b) Les filiales mises en cause : Keolis et SNCF Partenariat

Le groupe Keolis

18. Le groupe Keolis est notamment composé de la société Keolis SA et de la société Effia SA. À la suite d'une opération de concentration autorisée sous conditions par l'Autorité de la concurrence en septembre 2012 (7), SNCF Participations dispose du contrôle exclusif du groupe Keolis.

19. Keolis SA propose en France des services de transport public urbain et interurbain de voyageurs. Cette société exerce également des activités liées au transport telles que les études et le conseil (notamment grâce à sa filiale Transetude), la location de vélos, la gestion de gares routières et de parcs-relais. Elle exerce ses activités dans le cadre de délégations de service public ou de marchés publics attribués par les collectivités territoriales, leurs groupements ou émanations, à la suite d'appels d'offres.

20. La société Effia, seule ou avec ses différentes filiales (Effia Stationnement, Effia Synergies, Canal TP, MTI Conseil...) propose des services variés autour de la mobilité des voyageurs (solutions de stationnement, assistance pour la gestion de la relation client, assistance à l'offre multimodale de transport, etc.) ainsi que des prestations de services aux collectivités territoriales et aux opérateurs de transport (contrôle qualité d'opérateurs de transport public, gestion d'offres de transport, d'information multimodale des voyageurs, de billettique et de parcs de vélos) (8).

21. Le groupe Keolis offre ainsi des prestations sur l'ensemble des modes de transport (bus, cars, train, métro, tram, vélos, navettes maritimes...), mais aussi sur les nœuds d'interconnexion que sont les gares.

22. Le groupe offre par ailleurs, hors de France, des prestations de conception et d'exploitation de services et réseaux ferroviaires, pour une part importante de son activité (9).

SNCF Partenariat

23. SNCF Partenariat est une société par actions simplifiée à associé unique (SNCF Participations) d'un capital de 1 million d'euros. La société, créée en décembre 2009, était initialement dénommée "SNCF C7" et n'a pas présenté d'activité avant l'exercice 2012. Son objet social et sa raison sociale ont été modifiés par décision du 20 février 2012. L'article 3 de ses statuts prévoit désormais (10) :

"La société a pour objet, dans le domaine des déplacements de personnes, des transports et des mobilités durables et dans le but d'accompagner, faciliter ou développer les initiatives des collectivités locales et de leurs émanations juridiques ou institutionnelles [...] :

- de prendre des participations financières dans les sociétés d'économie mixte locales ou toutes autres structures auxquelles participent des collectivités locales ou qui sont créées par elles ;

- les études, le conseil, et particulièrement le conseil en exploitation, en organisation du travail et en gestion de ressources humaines, la conception et la réalisation d'opérations d'investissement ;

- la conception, la réalisation et l'accompagnement des projets de transports collectifs de personnes pour le compte de maîtres d'ouvrages publics ou privés auxquels elle apporte son concours.

La société peut réaliser toutes études, effectuer des opérations financières, commerciales, industrielles, mobilières et immobilières pouvant se rattacher en tout ou partie aux activités précitées [...]. Le tout en France et en tous autres pays."

24. Cette société a pour président M. Joël X, par ailleurs à la tête de la branche SNCF Proximités et conseiller du président de la SNCF, M. Guillaume Y.

25. L'exercice 2012 de la société a vu la mise en œuvre d'un contrat conclu entre SNCF Partenariat, d'une part, et la société anonyme d'économie mixte Chemins de fer de la Corse (CFC) (11), d'autre part, pour la prestation de services d'assistance et de conseils autour de l'exploitation du réseau ferré corse, propriété de la collectivité territoriale de Corse.

3. LES AUTRES GROUPES ET ACTEURS DU SECTEUR DU TRANSPORT URBAIN

a) Le groupe RATP et RATP DEV

26. Le groupe RATP est le troisième acteur français, en importance, dans le secteur des transports urbains et interurbains. Il est également composé, comme le groupe SNCF, d'un Epic en monopole légal et de filiales présentes sur des marchés ouverts à la concurrence.

27. La Régie autonome des transports parisiens (RATP) est l'Epic légalement institué (12), qui bénéficie d'un monopole historique sur les services routiers (bus) mais aussi sur le ferroviaire léger (métro, tram), à Paris et en proche banlieue (13). La RATP remplit une mission de transport public dans le cadre de contrats d'exploitation pluriannuels passés avec le Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), l'autorité organisatrice des transports de la région Île-de-France.

28. RATP Développement (dite "RATP DEV") (14) est la principale des filiales prévues par le Code des transports pour l'extension et la diversification de l'activité du groupe (cf. art. L. 2142-5 du Code des transports). RATP DEV est notamment active sur le segment du transport urbain de voyageurs hors Paris, ainsi que sur l'assistance et le conseil aux collectivités locales et à leurs émanations exploitant des services de transport (15).

29. Le groupe RATP est également présent à l'étranger.

b) L'association REUNIR

30. RÉUNIR est une association de PME de transports indépendantes, essentiellement des autocaristes. Ses adhérents exploitent des services de transports dans le cadre des réseaux de transport urbain, comme par exemple à Berck-sur-Mer, Coulommiers, Douarnenez, Orelle-Val-Thorens ou Voiron (16).

c) L'association AGIR

31. AGIR est également une association de PME de transports indépendantes, essentiellement des autocaristes. Elle semble particulièrement active sur les services de transports confiés par les collectivités au moyen des sociétés publiques locales (cf. infra, § 59).

C. LES MARCHÉS CONCERNÉS

1. LE CADRE RÉGLEMENTAIRE DES TRANSPORTS PUBLICS EN FRANCE

32. Les transports publics en France sont organisés par la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs (dite "Loti"). Cette loi a fixé un cadre général d'organisation du service public des transports et confie cette mission à l'État, aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics. Ce cadre est désormais codifié, pour sa partie législative, dans le Code des transports (ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010).

33. L'article L. 1000-3 de ce Code dispose que "[s]ont considérés comme des transports publics tous les transports de personnes ou de marchandises, à l'exception des transports qu'organisent pour leur propre compte des personnes publiques ou privées".

34. Le Code des transports définit également, par son article L. 1211-4, la mission du service public des transports, qui doit assurer :

"a) La réalisation et la gestion d'infrastructures et d'équipements affectés au transport et leur mise à la disposition des usagers dans des conditions normales d'entretien, de fonctionnement et de sécurité ;

b) La réglementation des activités de transport et le contrôle de son application ainsi que l'organisation des transports pour la défense ;

c) Le développement de l'information sur le système de transports ;

d) Le développement de la recherche, des études et des statistiques de nature à faciliter la réalisation des objectifs assignés au système de transports ;

e) L'organisation du transport public. (...)".

35. Aux termes de l'article L. 1211-1 du Code des transports, l'élaboration et la mise en œuvre de la politique globale des transports sont assurées conjointement par l'État et les collectivités territoriales en tant qu'autorités compétentes pour l'organisation des transports et la gestion des infrastructures.

36. L'État est non seulement responsable de la politique globale des transports intérieurs, mais également de l'articulation entre les différents modes de transport à l'échelon national. Il a ainsi fixé aux collectivités territoriales compétentes des objectifs de développement de l'intermodalité (art. L. 1211-3 du même Code).

37. Depuis la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi "SRU", les régions se sont vu confier la tâche d'organiser les services ferroviaires régionaux de voyageurs ainsi que les services routiers effectués en substitution de ces services ferroviaires. L'article L. 2121-3 du même Code prévoit ainsi :

"La région est chargée, en tant qu'autorité organisatrice des transports collectifs d'intérêt régional, de l'organisation :

1° Des services ferroviaires régionaux de personnes, qui sont les services ferroviaires de personnes, effectués sur le réseau ferré national, à l'exception des services d'intérêt national et des services internationaux ;

2° Des services routiers effectués en substitution de ces services ferroviaires.

Dans le respect des compétences des départements, des communes et de leurs groupements et dans celui de la cohérence et de l'unicité du système ferroviaire dont l'État est le garant, la région définit, dans son ressort territorial, le contenu du service public de transport régional de personnes, notamment les dessertes, la tarification, la qualité du service et l'information de l'usager, en tenant compte du schéma régional des infrastructures et des transports mentionné à l'article L. 1213-1.

La région exerce ses compétences en matière de tarifications dans le respect des principes du système tarifaire national. Les tarifs sociaux nationaux s'appliquent aux services régionaux de personnes."

38. Des conventions passées entre les régions et la SNCF fixent les conditions d'exploitation et de financement des services ferroviaires régionaux de voyageurs (article L. 2121-4 du même Code).

39. Les départements ont compétence pour organiser les transports interurbains, ce qui comprend, en vertu de l'article L. 3111-1 du même Code, les services réguliers et les services à la demande, à l'exclusion des liaisons d'intérêt régional ou national. Cette compétence peut être exercée soit de façon individuelle, soit en coordination avec d'autres autorités organisatrices.

40. Enfin, les communes ainsi que leurs groupements sont compétents pour l'organisation des transports urbains dans le cadre des "périmètres de transports urbains" (PTU) définis par eux et constatés par le préfet (articles L. 1231-1 et suivants du Code). Un plan de déplacements urbains (PDU) définit les principes de l'organisation des transports en vue d'assurer un usage coordonné des différents modes de déplacements.

41. Les communes, leurs groupements et les syndicats mixtes de transports sont, aux termes des articles L. 1231-1 et L. 1231-2 du Code, les autorités compétentes pour organiser les services réguliers de transports publics urbains de personnes, ce qui concerne les transports routiers, fluviaux et maritimes et, sur les réseaux relevant de la compétence des autorités organisatrices, les transports ferroviaires et guidés. Les services de transport public urbain de personnes sont organisés dans les limites des PTU. Ils sont annexés aux plans départementaux de transports concernés prévus à l'article L. 3111-1.

2. LE TRANSPORT FERROVIAIRE DE VOYAGEURS

a) Cadre réglementaire européen

42. Le transport international de passagers a été ouvert à la concurrence le 13 décembre 2009. Les liaisons transfrontalières sont assorties d'un droit de "cabotage", c'est-à-dire la possibilité de desservir des gares étrangères situées sur le parcours du train. Ce droit peut être exercé à la condition que l'objet principal du service soit le transport de voyageurs entre des gares situées dans des États membres différents. Il peut également être limité par l'autorité compétente dans l'éventualité où la desserte compromettrait l'équilibre économique d'un contrat de service public.

43. Le règlement "OSP" de 2007 (17) qui est entré en vigueur le 3 décembre 2009 énonce le principe de soumission de l'attribution des contrats de service public de transports de voyageurs par chemin de fer et par route aux règles de mise en concurrence européennes, notamment pour les services publics locaux de transport de voyageurs, et ce au plus tard le 3 décembre 2019. Ce règlement a toutefois retenu une application mesurée du principe de mise en concurrence, en tenant compte des exigences inhérentes au service public et réserve une possibilité d'attribution directe des contrats de service public dans certains cas expressément visés (article 5). Cela concerne en particulier les services ferroviaires dont l'équilibre économique ne peut être assuré sans soutien public comme certains services ferroviaires régionaux et certains services ferroviaires de longue distance.

44. Dans le cadre des travaux relatifs au quatrième paquet ferroviaire, les positions de la France et de la Commission européenne tendent à repousser l'ouverture effective du transport ferroviaire régional à 2019, comme en témoigne par exemple dernièrement une communication du ministre des transports (18).

b) Cadre réglementaire national

45. La SNCF détient le monopole public du transport ferroviaire de voyageurs en France. En effet, elle a notamment pour objet, aux termes de l'article L. 2141-1 du Code des transports, "d'exploiter, selon les principes du service public, les services de transport ferroviaire de voyageurs sur le réseau ferré national". Elle doit également "gérer, de façon transparente et non discriminatoire, les gares de voyageurs". Un cahier des charges, approuvé par décret en Conseil d'État, fixe notamment ses droits et obligations, les modalités de son fonctionnement, des règles d'harmonisation de conditions d'exploitation, les conditions d'exécution du service public. Il définit son équilibre d'exploitation (art. L. 2141-3). Un contrat de plan passé avec l'État "détermine les objectifs assignés à l'entreprise et au groupe dans le cadre de la planification nationale et les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre" (art. L. 2141-3).

3. LES AUTRES MARCHÉS DE TRANSPORT PUBLIC TERRESTRE DE VOYAGEURS

a) Les transports interurbains de voyageurs

46. Les transports routiers non urbains de personnes comprennent quatre catégories de services : les services réguliers publics (au sein desquels se distinguent les lignes régulières proprement dites et les transports scolaires), les services à la demande, les services occasionnels publics et les services privés.

47. Les services non urbains, réguliers et à la demande (transports par autocars), sont organisés par conventionnement, par les trois principaux échelons d'autorités organisatrices. Par le département (art. L. 3111-1 du Code des transports) tout d'abord ; ils figurent au plan départemental établi et tenu à jour par le département, après avis des communes concernées. Par la région ensuite (services réguliers non urbains "d'intérêt régional", article L. 3111-2) ; ils sont inscrits au plan régional établi et tenu à jour par la région, après avis des départements et des autorités compétentes pour l'organisation des transports urbains. Par l'État enfin (services réguliers non urbains "d'intérêt national") ; les services conventionnés font l'objet d'un avis préalable des régions et des départements concernés (article L. 3111-3).

48. Les transports scolaires sont des transports réguliers publics au régime spécifique (voir notamment les articles L. 3111-7 du Code des transports et L. 213-11 du Code de l'éducation).

b) Les transports urbains de voyageurs

49. Les réseaux de transports publics urbains peuvent regrouper plusieurs modes de transport. Les agglomérations peuvent en effet utiliser des réseaux de bus, mais aussi se doter de transports en commun en site propre (TCSP) comme le métro ou le tramway.

50. Il convient également de mentionner dans le cadre de ce marché le développement des modes dits "doux", qui correspondent à des modes de déplacements individuels alternatifs reposant essentiellement sur le vélo (location, libre-service, vélo à assistance électrique) et la voiture (autopartage, covoiturage, automobiles en libre-service, véhicules électriques). À la suite du succès des systèmes de vélos en libre-service dans certaines agglomérations telles que Lyon ou Paris, un nombre croissant d'appels d'offres pour des délégations de service public de transport urbain incluent un volet portant sur ce type de systèmes.

51. L'Autorité de la concurrence considère qu'il convient de retenir un marché national du transport public urbain de voyageurs hors Ile-de-France, tous modes confondus.

52. En effet, dans son avis n° 09-A-55 du 4 novembre 2009 sur le secteur du transport public terrestre de voyageurs, l'Autorité de la concurrence a relevé qu' "en France, les délégations de service public de transport urbain sont le plus souvent allouées par des appels d'offres portant sur l'intégralité du réseau concerné. Ainsi, sur un territoire déterminé, l'exploitation de l'ensemble du réseau de transport urbain de voyageurs est confiée à un opérateur unique". Le même constat a été fait par l'Autorité à l'occasion de ses décisions n° 10-DCC-02, n° 10-DCC-83 et n° 10-DCC-198 relatives à des opérations de concentration dans le secteur du transport de voyageurs : ces dernières ont relevé en outre l'existence d'une certaine substituabilité entre les différents modes de transport public urbain, et notamment entre autobus, tramway et métro.

53. En outre, s'agissant d'une segmentation plus fine, conduisant à distinguer les réseaux selon que ceux-ci font intervenir ou non des modes de transport dits "lourds" (métro, tramway), l'Autorité a relevé à plusieurs reprises que l'ensemble des opérateurs de transport actifs sur le marché français est capable de répondre à un appel d'offres de transport urbain, indépendamment de la nature des modes concernés.

54. En vertu du principe de libre administration, les collectivités territoriales disposent d'une autonomie quant au choix du mode de gestion et d'organisation de leur réseau de transport public urbain. Depuis l'instauration de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, dite loi "Sapin", la délégation de service public (DSP) est le mode de gestion privilégié des autorités organisatrices de transport urbain. Selon l'étude du Groupement des autorités responsables de transport (GART) "l'année 2010 des transports urbains hors Ile-de-France" (19), 91 % des réseaux sont exploités en gestion déléguée, contre 9 % en gestion directe (en % du nombre de réseaux).

55. La loi n° 2010-559 du 28 mai 2010 est venue ajouter une nouvelle modalité de gestion directe, par la création des sociétés publiques locales (SPL), prévues à l'article L. 1531-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). Ces nouvelles émanations ont notamment pour intérêt de cumuler un régime de droit privé (sociétés anonymes dont le capital doit être intégralement détenu par les collectivités) et d'être exemptées de certaines obligations de mise en concurrence. Régies et SPL connaîtraient actuellement un certain essor (20).

56. Les collectivités et leurs groupements peuvent également constituer des sociétés d'économie mixte locales (art. L. 1521-1 du CGCT). Leur capital doit être majoritairement détenu par les collectivités locales les instituant. Cette participation majoritaire publique est plafonnée à 85 % du capital depuis la loi n° 2002-1 du 2 janvier 2002 tendant à moderniser le statut des sociétés d'économie mixte locales. Au moins une personne privée doit participer au capital de la SEM (sachant qu'il peut s'agir d'une autre SEM). Le recours à la SEM apporte notamment la souplesse de la société de droit privé.

4. LE MARCHÉ "ACCESSOIRE" DE L'ASSISTANCE TECHNIQUE AUX EXPLOITANTS DE TRANSPORTS

57. Il est d'usage pour les collectivités locales et leurs émanations, notamment pour celles recourant au mode de gestion de l'économie mixte, de recourir à des prestations de conseil et d'assistance technique de la part des groupes privés de transports. Ces acteurs apportent alors des prestations de conseil, d'échanges entre réseaux, d'assistance technique (billettique, intermodalité, tarification, etc.) ou encore des conditions d'achat de matériel privilégiées. Ces contrats, lorsqu'ils sont dévolus par des sociétés d'économie mixte, donnent généralement lieu à une prise de participation du titulaire dans la structure locale (21).

58. Dans sa décision n° 10-DCC-198 du 30 décembre 2010 relative à la création d'une entreprise commune par Veolia Environnement et la Caisse des dépôts et consignations, l'Autorité a retenu l'existence d'un tel marché "accessoire" aux marchés de transports, en laissant ouverte toutefois sa délimitation précise, y compris géographique.

D. LES APPELS D'OFFRES EN CAUSE DANS LA PRÉSENTE AFFAIRE : STRASBOURG ET GRENOBLE

59. La saisine de Transdev s'est inscrite dans le contexte de deux appels d'offres, l'un à Strasbourg, l'autre à Grenoble.

60. Celui de Strasbourg relève du marché de l'assistance technique aux exploitants de transports. La Compagnie des Transports Strasbourgeois (CTS), société d'économie mixte et entité adjudicatrice (22), a remis en concurrence un contrat d'accord-cadre de "partenariat relatif à des prestations d'accompagnement du réseau de transport urbain", à l'issue d'une procédure de marché public (marché négocié) (23).

61. Trois groupes se sont portés candidats et ont été retenus en phase de négociations : le groupement constitué de SNCF Partenariat et de Keolis, Transdev (titulaire sortant), et RATP DEV. À l'issue de la procédure, mi-octobre 2012, le groupement SNCF Partenariat - Keolis a été retenu. Ce marché public, conclu pour une durée de 5 ans, et pour un montant annuel approximatif de 200 000 euros, est l'élément déclencheur de la saisine.

62. À Grenoble - autre offre publique disputée par la saisissante et les mis en cause -, il s'est agi principalement d'attribuer une DSP de transport, remise en concurrence. Le Syndicat mixte des transports en commun (SMTC) de Grenoble, autorité délégante, a prévu de confier "la gestion et l'exploitation du réseau de transport public urbain de l'agglomération grenobloise" à un groupement constitué d'une société d'économie mixte locale et d'un opérateur privé, l'opérateur privé devant apporter, outre sa participation à la SEM, des prestations d'assistance technique (24). Si la composante des prestations d'assistance technique ne ressort pas clairement de l'appel à candidature, les parties considèrent que son principal enjeu tenait au marché de l'assistance technique, pour un montant annuel approximatif d'un million d'euros (25).

63. À l'issue de cette procédure, le groupement constitué de Transdev et de la Société d'Economie Mixte des Transports en commun de l'Agglomération Grenobloise (SEMITAG, la SEM locale antérieurement instituée comme délégataire) a été reconduit fin mars 2013, pour 7 ans et 6 mois (26).

E. LES PRATIQUES DÉNONCÉES

64. La saisine de Transdev fait suite à l'attribution, par la SEM "CTS" de Strasbourg en octobre 2012, d'un marché de prestations d'assistance technique au groupement solidaire constitué de SNCF Partenariat, d'une part, et de Keolis, d'autre part. Transdev fait essentiellement reproche au groupe SNCF d'avoir "abusé de la position monopolistique qu'il détient sur le marché du transport ferroviaire national de voyageurs et sur la gestion des gares, en proposant à la CTS [de Strasbourg], pour remporter le marché portant sur l'attribution d'un contrat de partenariat relatif à des prestations d'accompagnement de son réseau de transport urbain, une offre entretenant volontairement une confusion totale entre ses activités monopolistiques et ses activités relevant du champ concurrentiel, soumise par une filiale portant son nom, qu'aucun autre acteur de transport public urbain ne pouvait, par définition, reproduire".

65. La société Transdev demande à l'Autorité de la concurrence de : - "constater que la SNCF, ses filiales SNCF Partenariat et Keolis ont commis des abus de position dominante sur les marchés ouverts à la concurrence du secteur des transports urbains de voyageurs, en violation des articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du TFUE ;

En conséquence,

- prendre les mesures suivantes afin de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles précitées :

- enjoindre à la SNCF et à ses filiales SNCF Partenariat et Keolis de ne pas exécuter le contrat de partenariat relatif à des prestations d'accompagnement du réseau de transport urbain de la CTS et de s'abstenir de toute communication tendant à se présenter comme attributaires du marché ;

- enjoindre à la SNCF, et ses filiales, de mettre fin aux pratiques qui introduisent, vis-à-vis du public, des SEM et des autorités organisatrices de transport, une confusion entre les activités liées à son monopole (transport ferroviaire national et gestion des gares ferroviaires), et ses activités concurrentielles, en particulier dans le secteur des transports urbains, que ce soit par l'utilisation du nom de la SNCF ou des relations entre la SNCF et ses filiales"

66. Transdev sollicite de surcroît, et plus précisément, des injonctions tendant à obtenir :

- une interdiction aux filiales de toute référence à la filiation avec la SNCF, à la maîtrise du ferroviaire lourd et des gares ou à des synergies avec le ferroviaire ;

- une interdiction de toute proposition de solutions d'interconnexions modales avec le ferroviaire en monopole ;

- une interdiction aux filiales d'utiliser le nom SNCF ;

- une interdiction à la SNCF ou à SNCF Partenariat d'entrer au capital des SEM locales ;

- une obligation d'ouvrir le GIE Inter'Actions (27) aux opérateurs de transports urbains demandeurs.

67. Transdev réclame en outre diverses mesures de communication par le groupe SNCF des décisions à prendre par l'Autorité (publication dans la presse et courriers à l'attention d'entités publiques, groupements ou associations intervenant dans le secteur des transports (28)).

68. Enfin, Transdev demande une sanction pécuniaire à l'encontre de la SNCF et de ses filiales.

69. Dans des observations du 24 avril 2013, Transdev a supprimé ou modifié certaines de ses demandes, tant au fond qu'au titre de mesures conservatoires (cf. infra). Elle a notamment retiré sa demande concernant la suspension de l'exécution du marché de Strasbourg.

F. LES DEMANDES DE MESURES CONSERVATOIRES

70. Accessoirement à sa saisine, Transdev a déposé une demande de mesures conservatoires.

1. LES PREMIÈRES DEMANDES DE MESURES CONSERVATOIRES

71. Transdev a demandé initialement, dans sa saisine :

- "d'enjoindre à la SNCF et SNCF Partenariat, dans l'attente de la décision au fond, de suspendre la participation de SNCF Partenariat à l'appel d'offres, en cours, pour l'attribution du contrat d'assistance technique avec la SEM en charge de l'exploitation du réseau de transport urbain grenoblois (la SEMITAG) ;

- d'enjoindre à la SNCF et à ses filiales SNCF Partenariat et Keolis, dans l'attente de la décision au fond, de ne pas exécuter le contrat de partenariat relatif à des prestations d'accompagnement du réseau de transport urbain de la CTS [de Strasbourg] et de s'abstenir de toute communication tendant à se présenter comme attributaires du marché ;

- d'enjoindre, dans l'attente de la décision au fond, à la SNCF, et ses filiales, de mettre fin aux pratiques qui introduisent, vis-à-vis du public, des SEM et des autorités organisatrices de transport, une confusion entre les activités liées à son monopole (transport ferroviaire national et gestion des gares ferroviaires), et ses activités concurrentielles, en particulier dans le secteur des transports urbains, que ce soit par l'utilisation du nom de la SNCF ou des relations entre la SNCF et ses filiales :

- dans l'attente de la décision au fond, aucune filiale du groupe SNCF active dans le secteur concurrentiel des transports de voyageurs ne doit pouvoir faire référence à sa filiation avec la SNCF, et sa maîtrise du ferroviaire lourd et des gares (offres dans le cadre d'appel d'offres/de marchés, communication institutionnelle, publicité, etc.) ;

- en conséquence, dans l'attente de la décision au fond, aucune filiale du groupe SNCF ne doit pouvoir proposer ou mettre en œuvre, lors de consultations lancées par les collectivités publiques ou certaines émanations de ces dernières (entreprises publiques locales de toute nature), des solutions d'interconnexions modales quelle qu'en soit la nature ou les modalités, entre le réseau ferroviaire protégé par le monopole et les réseaux relevant du secteur concurrentiel, sans avoir préalablement mis ses concurrents en position de proposer de telles solutions ;

- dans l'attente de la décision au fond, SNCF Partenariat doit changer de nom afin de ne plus utiliser le nom SNCF, plus largement aucune entité portant le nom de la SNCF ne doit pouvoir soumissionner aux appels d'offres de transport de voyageurs et aux marchés des services d'assistance technique aux exploitants de réseaux de transport de voyageurs ;

- dans l'attente de la décision au fond, la SNCF ne doit pas pouvoir intervenir dans le cadre des appels d'offres de transport de voyageurs et des marchés des services d'assistance technique aux exploitants de réseaux de transport de voyageurs, auxquels ses filiales soumissionnent ;

- dans l'attente de la décision au fond, la SNCF, dans le cadre de la présentation des activités du groupe dans le secteur concurrentiel des transports de voyageurs, ne doit pas pouvoir faire référence aux synergies avec son activité en monopole ;

- d'enjoindre à la SNCF, SNCF Partenariat et Keolis de publier un communiqué afin de faire savoir, en particulier aux autorités organisatrices de transport et aux exploitants de transports (régies et SEM), que les effets de la décision d'attribution par la CTS du marché au groupement SNCF Partenariat Keolis sont suspendus et les raisons de cette suspension, à savoir que le groupe SNCF ne peut pas formuler d'offre entretenant une confusion entre ses activités monopolistiques et ses activités concurrentielles,

- dans les journaux suivants (dans leurs versions papier et électronique), ayant relayé le résultat du marché : Les Echos ; Villes Rail et transports ; Bus & Car ; Les Dernières nouvelles d'Alsace ; La gazette des communes ; Mobilicités ; Mobilettre - sur les sites Internet www.sncf.com et www.keolis.com

- d'enjoindre à la SNCF, SNCF Partenariat et Keolis d'adresser un courrier à l'Union des transports publics (UTP), au Groupement des autorités responsables de transport (GART), à la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV), à l'association des Maires de France, à l'association des régions de France et à l'Union des conseillers généraux de France, afin de leur communiquer la décision de l'Autorité de la concurrence statuant sur les demandes de mesures conservatoires sollicitées par Veolia Transdev, et pour que ces derniers puissent la communiquer à leurs membres."

2. LES NOUVELLES DEMANDES

72. Dans ses observations du 24 avril 2013, Transdev a renoncé à certaines des mesures conservatoires initialement demandées, en a modifié et en a ajouté d'autres.

73. Transdev a ainsi retiré sa demande tendant à suspendre la participation de SNCF Partenariat dans le cadre de l'appel d'offres "en cours" émis à Grenoble. Elle indique que cette demande est devenue sans objet dès lors qu'il est apparu que SNCF Partenariat, qui avait indiqué avoir "répondu en toute logique" à cet appel d'offres (29)

74. Transdev a par ailleurs retiré sa demande relative au contrat de partenariat relatif à des prestations d'accompagnement du réseau de transport urbain conclu entre la CTS de Strasbourg et le groupement SNCF Partenariat - Keolis, au motif que ce contrat a commencé à être exécuté depuis près de 4 mois. Mais une nouvelle demande est formulée, tendant à "enjoindre à la SNCF de contractualiser, dans les plus brefs délais, les relations au sein de son groupe dans le cadre de l'exécution du contrat de partenariat relatif à des prestations d'accompagnement du réseau de transport urbain de la CTS, si ce n'est pas encore fait, et de lui communiquer les contrats signés"., n'a finalement pas candidaté.

75. Autre changement, les demandes de communication autour de la décision restant à prendre par l'Autorité sont amendées. Celle relative à la publication afférente à la procédure d'appel d'offres de Strasbourg est par ailleurs retirée. Transdev renonce également à celle tendant à ce que la SNCF ou ses filiales émettent un courrier à l'attention de différentes entités intervenant dans le secteur des transports. Transdev ajoute cependant une demande tendant à "enjoindre à la SNCF, SNCF Partenariat et Keolis d'adresser le communiqué de presse qui sera diffusé par l'Autorité à l'occasion de sa décision de mesures conservatoires, à chacun des cadres et des salariés qui sont directement intervenus au cours de l'appel d'offres lancé par la CTS, chaque cadre et salarié devant signer un document attestant de la bonne réception de ce communiqué de presse."

76. Les autres demandes de mesures conservatoires sont inchangées.

II. Discussion

77. Selon l'article L. 462-8 du Code de commerce, "l'Autorité de la concurrence peut déclarer, par décision motivée, la saisine irrecevable pour défaut d'intérêt ou de qualité à agir de l'auteur de celle-ci, ou si les faits sont prescrits au sens de l'article L. 462-7, ou si elle estime que les faits invoqués n'entrent pas dans le champ de sa compétence. Elle peut aussi rejeter la saisine par décision motivée lorsqu'elle estime que les faits invoqués ne sont pas appuyés d'éléments suffisamment probants".

78. Dans un premier temps, il sera examiné si le droit de l'Union européenne est applicable. Dans un deuxième temps, il sera étudié si la saisine au fond est recevable et si les pratiques alléguées sont appuyées d'éléments suffisamment probants. Dans un troisième temps, il sera examiné si les conditions d'octroi de mesures conservatoires sont réunies.

A. SUR L'APPLICABILITÉ DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE

79. Il doit être premièrement examiné si le droit européen de la concurrence est applicable au cas d'espèce.

80. Dans ses lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité (JOUE 2004, C 101, p. 81), la Commission européenne rappelle que les articles 81 et 82 du traité CE, devenus les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), s'appliquent aux accords horizontaux et verticaux et aux pratiques abusives d'entreprises qui sont "susceptibles d'affecter le commerce entre États membres", et ce "de façon sensible".

1. SUR L'AFFECTATION DU COMMERCE ENTRE ÉTATS MEMBRES

81. Les abus de position dominante commis sur le territoire d'un seul État membre sont susceptibles, dans certains cas, d'affecter le commerce entre États membres, comme le souligne la Commission au point 93 de ses lignes directrices : "lorsqu'une entreprise qui occupe une position dominante couvrant l'ensemble d'un État membre constitue une entrave abusive à l'entrée, le commerce entre États membres peut normalement être affecté".

82. Dans le cas d'espèce, les pratiques dénoncées, si elles étaient avérées, couvriraient l'ensemble du territoire français, dans la mesure où le groupe SNCF est présent sur l'ensemble du territoire français, premièrement en vertu de son monopole sur les services de transport national de voyageurs sur le réseau national ainsi que sur les services d'accès en gares de voyageurs, deuxièmement en vertu de son monopole sur les services conventionnés régionaux et interrégionaux de transports ferroviaires de voyageurs (services TER et TET de la SNCF) et troisièmement en vertu de sa position sur les marchés des services de transport public urbain (via le groupe Keolis) et d'assistance technique aux exploitants de services de transport public urbain (via le groupe Keolis et SNCF Partenariat), marchés (transport public urbain de voyageurs, transport public interurbain routier de voyageurs, transport public routier interurbain de voyageurs, transport ferroviaire de voyageurs et marchés accessoires de l'audit et de l'assistance technique, le marché du transport public de voyageurs en Ile-de-France se distinguant des autres marchés compte tenu de différences de cadre réglementaire) que la pratique décisionnelle et consultative de l'Autorité considère comme étant de dimension nationale (30).

83. Par ailleurs, le groupe Keolis, inclus dans le groupe SNCF, est actif dans 11 pays d'Europe (31), avec une part importante de son activité tournée vers l'exploitation de services de transports multimodaux. La pratique abusive, si elle était avérée, pourrait avantager le groupe SNCF en le favorisant depuis son marché domestique.

84. Les pratiques alléguées, si elles étaient avérées, sont donc susceptibles d'affecter le commerce entre États membres.

2. SUR LE CARACTÈRE SENSIBLE DE L'AFFECTATION DU COMMERCE ENTRE ÉTATS MEMBRES

85. Les marchés d'assistance technique disputés à Strasbourg et Grenoble sont d'un enjeu financier relatif : approximativement 200 000 euros par an sur 5 ans à Strasbourg, et un million d'euros par an sur 7 ans et demi à Grenoble. Le caractère sensible de l'affectation du commerce entre états membres pourrait être mis en doute.

86. Néanmoins, l'appréciation du caractère sensible de l'affectation des échanges entre États membres n'est pas uniquement fondée sur des seuils financiers. Ainsi, la Commission précise, au point 96 des lignes directrices, que "toute pratique abusive qui rend plus difficile l'entrée sur le marché national doit donc être considérée comme affectant sensiblement le commerce".

87. Dans le cas d'espèce, une pratique du groupe SNCF tendant à tirer parti de sa position privilégiée sur les marchés de transports nationaux pour se renforcer sur les marchés concurrentiels de l'assistance technique aux exploitants de services de transport public urbain, si son caractère abusif était avéré, pourrait être de nature à rendre la pénétration du marché national plus difficile pour des concurrents étrangers.

88. Par ailleurs, les procédures de mise en concurrence de marchés de transport urbain de voyageurs font généralement l'objet d'une publicité à l'échelle européenne. C'est notamment le cas pour le marché de prestations d'assistance technique et de conseil de la CTS de Strasbourg, ainsi que pour la délégation de service public proposée par le SMTC de Grenoble, qui sont tout particulièrement visés dans la saisine.

89. Enfin, le cas de la ville de Strasbourg peut particulièrement intéresser des acteurs issus d'autres États membres, dans la mesure où l'agglomération tend à devenir un pôle transfrontalier (voir par exemple le statut d'"eurométropole" prévu dans l'avant projet de loi de décentralisation (32)) et où le réseau exploité par la CTS traverse la frontière pour desservir notamment la ville allemande de Kehl (ligne de bus 21 vers Kehl Stadthalle).

90. Cependant, à ce stade, les éléments au dossier ne permettent pas en tant que tel d'établir avec certitude le caractère sensible de l'affectation du commerce entre États membres. Seule l'instruction au fond pourrait permettre d'obtenir les éléments nécessaires pour trancher cette question.

B. SUR LA RECEVABILITÉ DE LA SAISINE AU FOND

91. Conformément à l'article L. 462-8 du Code de commerce précité, il sera examiné si la saisine au fond est appuyée d'éléments suffisamment probants. Il appartient en effet au demandeur d'assortir ses déclarations d'indices crédibles permettant de présumer l'existence de pratiques illicites au titre des articles L. 420-1 et/ou L. 420-2 du Code de commerce.

1. LA POSITION DE LA SNCF ET DE SES FILIALES

92. La SNCF, SNCF Partenariat et Keolis soutiennent que la saisine au fond de Transdev est dénuée d'éléments probants et doit être rejetée.

93. En premier lieu, sur les marchés concernés, leur connexité et les positions respectives des différents acteurs, tant la SNCF, SNCF Partenariat que Keolis font valoir que le marché "contesté" est celui de l'assistance technique aux sociétés d'économie mixte de transports. Sur le marché ainsi considéré, Transdev jouirait d'une position dominante, tandis que la pratique décisionnelle nationale et communautaire requerrait à tout le moins une position "prééminente" sur les marchés avals ou connexes à celui dominé. Toute possibilité de constat d'un abus tiré du marché du transport ferroviaire national, en monopole, serait ainsi exclue.

94. En second lieu, la plainte et ses demandes viseraient à remettre en cause la diversification du groupe SNCF, alors qu'il s'agirait, selon SNCF Partenariat et la SNCF, d'une faculté autorisée par le droit de la concurrence, d'une part, et spécifiquement validée à l'endroit du groupe SNCF par la pratique décisionnelle de l'Autorité, d'autre part.

95. En troisième lieu, sur les pratiques alléguées d'abus relatives à l'utilisation du nom ou de la marque SNCF dans la dénomination sociale de SNCF Partenariat, la SNCF et SNCF Partenariat font état d'une pratique décisionnelle autorisant les entreprises en monopole légal à utiliser leur nom ou leur marque au-delà du marché en monopole, d'une part, ainsi que de l'absence, en l'espèce, de tout avantage réel ou potentiel pouvant découler de l'intervention d'une filiale les employant sur les marchés en concurrence, d'autre part.

96. En quatrième et dernier lieu, la SNCF et SNCF Partenariat réfutent la mobilisation de capacités "inégalables" en matière d'intermodalité et d'interconnexion avec le ferroviaire lourd. Elles opposent notamment que le groupe Transdev dispose d'expertises similaires voire supérieures en ces matières (références européennes et françaises en matière de services ferroviaires, savoir-faire spécifique sur les tram-trains présentés comme emblématiques de solutions intermodales, implication à Strasbourg dans une structure d'économie mixte ayant pour objet l'intermodalité). Les défendeurs font également valoir que le groupement mis en cause n'a formulé à la CTS de Strasbourg aucune offre portant sur des solutions d'intermodalité avec le ferroviaire lourd que ses concurrents ne sauraient répliquer. Enfin, l'offre du groupement se bornerait à proposer des prestations de nature intellectuelle, à savoir un diagnostic sur la qualité et l'intermodalité du réseau au sein de l'agglomération ainsi qu'un plan d'action destiné à y promouvoir l'intermodalité, ce que Transdev était en mesure de proposer également et qu'elle n'a pas fait.

2. LA PRÉSENCE D'ÉLÉMENTS PROBANTS

a) Les éléments mentionnés dans la saisine

97. Transdev fait état dans sa saisine de plusieurs déclarations parues dans la presse au lendemain de l'attribution par la CTS du marché de prestations d'assistance technique au groupement SNCF Partenariat. Notamment, le directeur général de la CTS a déclaré que le groupement SNCF Partenariat - Keolis avait remporté le marché pour les raisons suivantes : "Ce sont les propositions innovantes de SNCF Partenariat -Keolis notamment en matière d'intermodalité fer-tram [qui ont fait la différence]. Leur analyse était fouillée et bien adaptée à la situation strasbourgeoise. La SNCF a une expérience du mode lourd, le train, seul mode où la Compagnie des Transports Strasbourgeois (CTS) n'en a aucune" (33).

98. Transdev s'est par ailleurs fait communiquer par la CTS, le 26 octobre 2012, le rapport d'analyse des offres de la CTS (34). L'entité adjudicatrice a ainsi exposé que le groupement de SNCF Partenariat et de Keolis avait remporté le marché parce que son offre était "très axée sur l'intermodalité et les enjeux futurs de l'agglomération strasbourgeoise, l'offre (étant) portée à la fois par SNCF Partenariat (apportant sa maîtrise des sujets liés au ferroviaire au sens large) et Keolis (porteur de la maîtrise des problématiques des réseaux de transport urbain et interurbain)". Le rapport expose également que "la SNCF apporte une maîtrise inégalée du ferroviaire lourd (TER, train urbain), mode de transport pour lequel la CTS ne dispose d'aucune expérience" et que "le groupement propose de concentrer, en priorité, l'innovation sur l'ensemble des sujets liés à l'intermodalité : train urbain et intermodalité ferroviaire dans la CUS, tarification et billettique, pôles d'échange et desserte des gares etc.". Il rapporte enfin que "l'offre de SNCF Partenariat - Keolis se détache essentiellement grâce à une vision plus convaincante sur l'innovation en matière d'intermodalité, l'existence dans le panel du réseau d'animation/capitalisation d'agglomérations françaises de taille supérieure à celle de Strasbourg et la maîtrise plus affirmée des techniques du ferroviaire lourd qui ne font pas partie du savoir-faire de la CTS".

99. Transdev a également fourni des déclarations de M. Joël X, du 26 octobre 2012, présentant dans la presse, au lendemain de l'attribution du marché à Strasbourg, une nouvelle approche du groupe SNCF, illustrée par la création de SNCF Partenariat (35) : "Cette filiale à 100 % de la SNCF a été créée début 2012, c'est une SAS que je préside. Il s'agit d'une nouvelle structure destinée à conclure des partenariats complets avec les opérateurs et les collectivités locales. SNCF Proximités a décidé de changer de posture dans ses relations avec les autorités organisatrices de transport ; sur les TER, tout le monde le sait, nos relations en tant qu'opérateur n'ont pas toujours été faciles avec les régions. Nous avons donc décidé de revoir nos modes de fonctionnement historiques pour prendre en compte les besoins des AO, notamment des agglomérations. SNCF Partenariat se positionne sur son expertise ferroviaire et entend occuper le champ de l'intermodalité (urbain-périurbain, ndlr). [...] Pour l'heure, notre champ d'action formel reste très limité, nous avons remporté le contrat de partenariat avec les Chemins de fer corses début 2012 dans lequel SNCF Partenariat est actionnaire minoritaire aux côtés de la Collectivité territoriale. Nous avons également remporté l'appel d'offres des transports urbains de Metz avec Keolis, et plus récemment celui de Strasbourg. Il ne s'agit pas tant d'une diversification de la SNCF que d'une autre façon d'aborder le sujet : on ne se substitue pas à l'opérateur urbain mais la problématique posée dans un certain nombre d'agglomérations amène la SNCF à se dire qu'il faut mener un travail d'interface entre le mode ferroviaire et le mode urbain. Nous nous positionnons comme un partenaire de transport intermodal. À Strasbourg, c'est vraiment ce qui s'est passé. En Corse, la Collectivité territoriale a voulu prendre en main ses transports ferroviaires, elle a créé une société d'économie mixte (SEM) et cherché un partenaire ayant une expertise ferroviaire. L'outil de l'économie mixte avec un opérateur industriel a fait la preuve de son efficacité, c'est une réponse pertinente, et la SNCF doit savoir écouter la demande des collectivités locales. C'est fini la SNCF monolithique et centralisatrice, nous devons montrer que nous sommes capables d'apporter des réponses diversifiées en SEM, en société publique locale et en régie puisque cette tendance se dessine. Nous devons nous positionner comme un partenaire technique aux côtés d'un opérateur urbain, Keolis en l'occurrence."

100. Par ailleurs, Transdev cite un certain nombre d'avis et de décisions du Conseil et de l'Autorité de la concurrence tendant à séparer les activités en monopole de celles en concurrence, dans le secteur des transports mais aussi au-delà, en matière d'énergie et de communications électroniques (36).

101. En matière d'énergie, l'Autorité a dernièrement eu l'occasion de préconiser "la séparation étanche entre les activités liées au monopole et celles relatives à la diversification (...) à la fois juridique, matérielle, comptable, financière et commerciale" (37).

102. En matière de transports, l'Autorité a considéré, dans le cadre de son avis n° 09-A-55 du 4 novembre 2009 sur le secteur du transport public terrestre de voyageurs, et à propos des capacités de diversification du groupe SNCF sur les marchés de transport urbain de voyageurs que :

"Compte tenu du rôle primordial du train sur la chaîne de transport, la capacité des opérateurs à assurer une articulation efficace avec le mode ferroviaire revêt une importance particulière. Cette articulation peut notamment se traduire par une coordination des horaires, la mise en place de parcs-relais ou encore le fait de proposer aux usagers des systèmes de tarification combinée entre les différents réseaux de transport" (§ 154) ;

"Keolis pourrait bénéficier d'un avantage immatériel, sa détention par l'opérateur historique la faisant bénéficier de l'image associée au statut d'opérateur ferroviaire de référence de la SNCF. Cette société pourrait ainsi prétendre à un statut d'interlocuteur privilégié en matière d'interconnexion des transports urbains avec le mode ferroviaire, les autorités organisatrices étant susceptibles de lui prêter une meilleure capacité que ses concurrents à assurer cette articulation et donc à garantir l'intermodalité" (§ 171) ;

"La diversification de la SNCF (...) doit, dans l'intérêt d'une concurrence effective et d'ailleurs de la stratégie à long terme de la SNCF, faire l'objet de précautions particulières, compte tenu de son monopole sur le transport ferroviaire de voyageurs" (§ 174) ;

La SNCF "ne doit pas en particulier proposer aux autorités organisatrices une offre de transport intégrée verticalement qui reposerait sur des interconnexions auxquelles n'auraient pas accès les concurrents de Keolis, à moins de mettre également ces derniers en situation de construire des projets de réseaux prenant en compte l'offre de transport ferroviaire dans des conditions non discriminatoires. En outre, l'opérateur historique doit préserver l'autonomie d'action de Keolis et ne pas se substituer à cette dernière à l'occasion de la soumission ou de la présentation des offres aux autorités organisatrices" (§ 208 et 209).

b) Les éléments obtenus au cours de l'instruction

103. L'instruction a permis d'obtenir des documents constitutifs des offres faites à la CTS de Strasbourg par les trois soumissionnaires, ainsi que le contrat de partenariat signé entre la CTS et le groupement SNCF Partenariat - Keolis. Les propositions des opérateurs se sont attachées à répondre aux cinq axes de besoin figurant dans le cahier des charges émis par la CTS (38) : animations métiers proposées à l'encadrement de la CTS, gestion des carrières, mise à disposition de cadres, capitalisation des connaissances, appui à l'innovation, appui à la mise en valeur des expériences et réalisations de la CTS et accès aux conditions d'achat "groupe" auprès des fournisseurs.

104. Au stade de l'introduction de l'offre du groupement SNCF Partenariat - Keolis, figure notamment le propos suivant : "le Groupement SNCF Partenariat - Keolis a été constitué pour apporter à la CTS des capacités supplémentaires d'intégration des mobilités durables. Il combine la force de l'expérience, des capacités d'expertise, une vision stratégique et un pragmatisme dans l'action. SNCF Partenariat, son mandataire, a pour essence même d'apporter la contribution du Groupe SNCF à un partenariat respectueux de l'identité et des objectifs des Collectivités et des acteurs de l'économie mixte. Sur le terrain, elle veut être un facilitateur qui fait converger les stratégies des différents acteurs locaux de la mobilité vers plus d'intégration. Keolis est le porteur au sein du Groupe SNCF de tous les enjeux métier qui sont ceux de la CTS. Naturellement, c'est d'abord sur ses moyens et son implication qu'est basée notre offre. Le GIE Inter'Actions a également été mobilisé. Outil commun entre la SNCF, Effia et Keolis, ses experts conduisent les réflexions et mettent en œuvre les projets d'intermodalité au sein du Groupe. Les acteurs régionaux de la SNCF sont également impliqués dans notre offre et dans sa mise en œuvre à venir. Ils sont déjà partenaires de la CTS dans la SIBS et nous souhaitons donner à cette coopération un nouvel élan. Notre objectif est de mettre en synergie l'ensemble de ces acteurs car nous avons à l'esprit l'importance pour l'agglomération strasbourgeoise de valoriser dans les années qui viennent les multimodalités entre le transport ferroviaire régional et les transports urbains." (39)

105. Figurent notamment dans le contrat conclu entre la CTS et le groupement SNCF Partenariat - Keolis des propositions relatives au volet "innovation" du cahier des charges, mobilisant des cadres et des savoir-faire liés au service ferroviaire ainsi qu'aux gares de voyageurs. Il a été ainsi conclu d'associer "ponctuellement, en tant que de besoin, l'échelon régional de la SNCF" à la principale structure de gouvernance instituée dans le cadre du contrat conclu entre la CTS et le groupement (40). Cette stipulation a effectivement été mise en œuvre (41)

106. Le contrat prévoit l'élaboration d'un plan d'action sur l'intermodalité, à partir d'un diagnostic réalisé par le GIE Inter'Actions, en concertation avec la SNCF. (42) Le GIE Inter'Actions est détenu à 55 % par SNCF Participations, à 33 % par Keolis et à 12 % par Effia. Il a pour objet "de développer au sein du groupe SNCF, toutes actions concrètes d'animation et de promotion en faveur de l'intermodalité entre ses membres et de la complémentarité des modes de transport, afin d'accroître significativement l'attractivité des transports publics dans leur ensemble et de répondre aux enjeux de la mobilité" (43). Le contrat signé entre le groupement et la CTS stipule plus précisément : "Il mobilise ensemble les savoir-faire de Keolis, Effia et SNCF pour favoriser une intermodalité réussie. Celle-ci repose sur une bonne coordination tout à la fois des opérateurs et des Autorités Organisatrices. [Evocation des enjeux liés à l'intermodalité avec le mode ferroviaire pour la communauté urbaine de Strasbourg et de l'importance, dans ce contexte, d'échanges avec les acteurs locaux de la SNCF (qui seront notamment représentés au sein de la Structure)] Cette coordination doit porter au moins sur six grandes composantes de l'intermodalité : les offres, voire les nouvelles offres de mobilité pour compléter les chaînons de mobilité manquants ou faibles ; l'information ; les lieux et pôles d'échange ; la tarification ; la billettique (les titres, les supports et leur contrôle, les mécanismes de répartition) ; la distribution, commercialisation et promotion de l'intermodalité" (44) (la mention entre crochets est un résumé produit par les parties dans le cadre d'une demande au titre du secret des affaires).

107. Sur le volet du cahier des charges relatif aux mobilités des cadres, le contrat stipule : "Keolis et SNCF Partenariat ont parfaitement intégré depuis longtemps combien la bonne gestion des carrières est un élément déterminant de la marque employeur et une condition pour attirer et fidéliser les meilleurs. SNCF Partenariat développe avec Keolis des modes d'intervention nouveaux dans l'économie mixte, contexte que Keolis connaît et pratique, sans que ce soit son mode de gestion principal. La création de SNCF Partenariat matérialise l'importance qu'accorde la SNCF aux valeurs de l'économie mixte et au partenariat avec ses acteurs. Les valeurs ne s'installent durablement que parce qu'une grande attention y est apportée dans la construction des parcours professionnels de ceux qui les portent. Les changements que déploiera la SNCF dans les années qui viennent sont considérables, notamment la volonté de la SNCF d'aller vers davantage de régionalisation, ou la probable expérimentation de la concurrence pour les Trains d'Equilibre du Territoire (TET) et les Transports Express Régionaux (TER). Ces évolutions réussiront avec les hommes et les femmes qui sauront mettre en œuvre professionnalisme et ouverture, proximité et humilité. Il y a place dans ce mouvement pour les parcours professionnels qui passent par l'économie mixte. Sur la base de ces éléments, nous proposons à la CTS à la fois la mise à disposition en son sein de cadres issus de Keolis ou SNCF et que nous souhaitons pouvoir engager dans ces deux entreprises des professionnels issus de la CTS" (45).

108. Le groupe SNCF et l'Epic ont également été mobilisés sur d'autres volets de la réponse au cahier des charges de la CTS et de l'offre en découlant, et notamment sur l'accès de la CTS aux contrats d'achat du groupe SNCF, sur les "mobilités croisées" de cadres de la CTS au sein du groupe, avec par exemple l'implication de la direction des ressources humaines du groupe ou encore par la mobilisation de la direction de la communication (46), deux directions "transverses" de la SNCF (47).

109. Figure enfin en annexe de l'offre du groupement une brochure de 30 pages intitulée "SNCF Proximités en 2011", présentant essentiellement des prestations de services de transports et majoritairement ferroviaires (48).

110. M. Joël X, président de SNCF Partenariat a été entendu lors de l'instruction. Il a indiqué que, lors de la soumission du groupement au marché public de Strasbourg, "on a décidé de faire de l'axe "innovation" un facteur différenciant de notre offre, on a joué sur le volet innovation et pour aller loin, en proposant un volet développé sur l'intermodalité et la façon d'articuler le réseau urbain et le réseau ferroviaire" (49).

111. Par ailleurs, l'instruction a permis de constater que des cadres de l'Epic SNCF ont animé tant la proposition d'offre du groupement que sa mise en œuvre. Il s'agit notamment, en plus de Monsieur Joël X, président de SNCF Partenariat et par ailleurs dirigeant de la branche Proximités de SNCF, d'un salarié de l'Epic et directeur du développement de la branche Proximités de SNCF chargé de travailler à la réponse à l'appel d'offres de la CTS, d'un salarié de l'Epic, expert marketing pour la branche Proximités, actuellement directeur du GIE Inter'Actions aux termes d'une convention de mise à disposition conclue entre l'Epic et le GIE Inter'Actions, ainsi que d'un représentant de l'échelon régional de la SNCF (50).

112. L'instruction n'a, à ce stade, pas permis de clarifier complètement les relations entre les différentes entités du groupe SNCF mises en cause. Dans un premier temps, les mis en cause ont fait des déclarations floues voire contradictoires sur l'existence ou non d'instruments contractuels, comptables ou financiers entre l'Epic SNCF (ou SNCF Participations) et SNCF Partenariat, d'une part, ou entre les membres du groupement, d'autre part (51), régissant les questions de répartition des sommes facturées par le groupement à la CTS, de fourniture de prestations ou de mise à disposition de personnel au sein du groupe. Par la suite, dans leurs dernières observations, les mis en cause ont produit, d'une part, un contrat en date du 19 mars 2013 conclu entre SNCF Partenariat et Keolis, intitulé "Convention de prestations dans le cadre du Contrat de Partenariat avec la CTS", et, d'autre part, un contrat en date du 4 mars 2013 conclu entre SNCF Partenariat et "SNCF REGIONS & INTERCITES", intitulé "Convention d'assistance technique et d'assistance à maîtrise d'ouvrage dans le cadre de la convention d'assistance technique avec CTS". Il convient cependant de rappeler que le contrat de partenariat "relatif à des prestations d'accompagnement du réseau de transport urbain de la CTS", a été conclu le 20 décembre 2012 par la CTS et le groupement SNCF Partenariat - Keolis.

113. Enfin, l'instruction s'est attachée à obtenir le point de vue des autres acteurs présents sur les marchés de transports urbains. Deux d'entre eux ont répondu (RATP DEV et le groupement AGIR) et ont fait état de préoccupations vives envers l'approche du groupe SNCF tendant à réunir en groupement SNCF Partenariat et Keolis pour l'attribution de marchés de transport urbain ou associés (du fait d'une présence accrue du transporteur ferroviaire, par la mobilisation de ses savoir-faire, de son nom ou de son image, ou encore par sa détention des gares de voyageurs) (52).

3. DÉBATS ET CONCLUSIONS CONCERNANT LA RECEVABILITÉ DE LA SAISINE

114. Les pratiques consistant à chercher à évincer, discipliner ou décourager les concurrents, par des procédés ne relevant pas de la compétition par les mérites, de la part d'entreprises qui mobiliseraient, sur des marchés ouverts à la concurrence, des moyens issus de marchés en monopole, lorsqu'elles sont le fait d'une entreprise en position dominante, sont susceptibles d'être contraires à l'article L. 420-2 du Code de commerce et à l'article 102 du TFUE.

115. Cela peut être particulièrement le cas en matière de transports de voyageurs, notamment du fait des problématiques liées à l'intermodalité. L'avis de l'Autorité de la concurrence n° 09-A-55 du 4 novembre 2009 sur le secteur public de voyageurs a ainsi examiné plusieurs problématiques intéressant la présente affaire, tenant notamment à la place du mode ferroviaire dans les besoins de transports des collectivités territoriales et de leurs groupements, aux besoins d'intermodalité des autorités organisatrices de transports ainsi qu'aux risques liés à la diversification de l'opérateur historique sur les différents marchés du transport public de voyageurs.

116. L'Autorité a en particulier relevé le rôle primordial du ferroviaire dans les offres de transports urbains. Les enjeux financiers et techniques le concernant en font le mode "lourd" de l'éventail des modes disponibles (§ 128 et s). Les gares ferroviaires constituent, par leur place centrale dans les agglomérations, le nombre de voyageurs qu'elles reçoivent, et les besoins d'articulation à d'autres modes de transports, des pôles d'échange essentiels (§ 136 et s.). Compte tenu de la rigidité, en termes d'horaires notamment, du mode ferroviaire, ce sont les transports urbains et interurbains qui s'adaptent à celui-ci pour assurer l'adéquation des offres des différents modes (§ 142).

117. Cette place prépondérante appelle un besoin d'intermodalité, qui consiste en la mise en œuvre optimisée des formes de mobilités, via notamment la coordination des différents modes et la fourniture de services associés aux transports (information, stationnement, billettique) (§143 et s.). L'intermodalité vise ainsi tout particulièrement à offrir au voyageur un trajet rapide, fluide, simple et prévisible. L'intermodalité vise en outre à assurer une utilisation optimale des réseaux de transports publics. Il peut ainsi s'agir, pour les autorités organisatrices, d'optimiser des investissements dans les transports, de décongestionner les infrastructures routières et de s'inscrire dans des préoccupations environnementales.

118. L'Autorité a relevé que l'intermodalité ne paraissait pas constituer un marché en soi, même si elle a constaté une pratique des collectivités locales, de leurs groupements et émanations, consistant à mettre en concurrence, en particulier à l'occasion des procédures de délégation de services publics, des offres globales sur l'ensemble du réseau de l'agglomération et couvrant l'ensemble des modes de transport (§ 147). Elle a ainsi relevé que l'intermodalité constituait un critère qualitatif important dans l'appréciation par les collectivités organisatrices des offres des transporteurs candidats. Elle a en outre souligné l'importance cruciale de l'information multimodale, autour des dessertes en gares notamment, considérant qu'il convenait que tous les opérateurs de transports puissent y accéder sans discrimination (§ 158 à 167).

119. L'Autorité a enfin considéré les risques liés à la diversification de l'opérateur historique sur les marchés connexes de transport public de voyageurs (§ 168 et s.), à l'aune notamment du projet de prise de contrôle par la SNCF, de Keolis. Elle a ainsi notamment relevé que "Keolis pourrait bénéficier d'un avantage immatériel, sa détention par l'opérateur historique la faisant bénéficier de l'image associée au statut d'opérateur ferroviaire de référence de la SNCF. Cette société pourrait ainsi prétendre à un statut d'interlocuteur privilégié en matière d'interconnexion des transports urbains avec le mode ferroviaire, les autorités organisatrices étant susceptibles de lui prêter une meilleure capacité que ses concurrents à assurer cette articulation et donc à garantir l'intermodalité."

120. Dans ce contexte, l'Autorité a émis des recommandations à l'attention du groupe SNCF (§ 207 à 209).

"Le Conseil puis l'Autorité de la concurrence ne se sont jamais opposés par principe aux stratégies de diversification d'un opérateur historique, dès lors qu'elles peuvent stimuler la concurrence par l'arrivée d'un nouvel acteur sur un ou des marchés. Mais la diversification d'anciens monopoles publics, conservant une activité de service public, comporte un certain nombre de risques qui appellent donc des précautions particulières afin de préserver une compétition effective et équitable sur les différents marchés concernés.

Ainsi, s'il ne semble pas exister de marché de l'intermodalité en tant que tel, le rôle particulier du mode ferroviaire au sein de la chaîne de transports est de nature à conférer à l'opérateur historique et à ses filiales un avantage concurrentiel significatif sur les marchés de transport connexes. S'agissant d'un monopole public pour le transport ferroviaire de voyageurs, la SNCF paraît pouvoir disposer d'une position dominante. Comme le Conseil de la concurrence l'avait rappelé dans l'avis n° 94-A-15 précité, l'intervention de l'opérateur historique dans le champ concurrentiel est susceptible, si elle a pour objet ou pour effet de restreindre ou de distordre la concurrence, d'être qualifiée d'abus de position dominante quand bien même l'abus serait commis sur un autre marché. Cette situation est susceptible d'être caractérisée si l'opérateur occupe une position prééminente sur des marchés distincts de celui sur lequel il est en position dominante, et que ceux-ci sont étroitement connexes (voir arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 14 novembre 1996, Tetra Pak/Commission, C-333-94 P, Rec. p. I-5951, point 31).

Les différents risques identifiés ci-dessus étant susceptibles d'entraîner une perturbation durable des marchés, la SNCF doit se montrer à tout le moins prudente dans son intervention sur les marchés connexes de transport public. Elle ne doit pas en particulier proposer aux autorités organisatrices une offre de transport intégrée verticalement qui reposerait sur des interconnexions auxquelles n'auraient pas accès les concurrents de Keolis, à moins de mettre également ces derniers en situation de construire des projets de réseaux prenant en compte l'offre de transport ferroviaire dans des conditions non discriminatoires. En outre, l'opérateur historique doit préserver l'autonomie d'action de Keolis et ne pas se substituer à cette dernière à l'occasion de la soumission ou de la présentation des offres aux autorités organisatrices."

121. Ces considérations peuvent maintenant être rapportées aux faits de l'espèce.

122. Il y a tout d'abord lieu d'indiquer que, lors de l'instruction, deux autres acteurs présents sur les marchés de transports publics, au-delà du plaignant, ont fait part de constats et de préoccupations rejoignant ceux de l'avis précité (53)

123. Ensuite, il n'est pas contesté que la SNCF détient une position dominante sur le marché du transport ferroviaire de voyageurs en France, du fait du monopole légal dévolu à l'Epic, maison-mère du groupe.

124. Les éléments réunis au cours de l'instruction semblent indiquer que :

- SNCF Partenariat apporte un savoir-faire spécifique centré sur le mode ferroviaire, qu'elle met dans certains cas à contribution seule, comme c'est le cas auprès de la collectivité territoriale de Corse, ou en groupement avec Keolis, comme c'est le cas auprès de la CTS de Strasbourg ;

- Le groupement SNCF Partenariat - Keolis a mobilisé un savoir-faire ferroviaire lors de la soumission à l'appel d'offres portant sur l'attribution du contrat de partenariat relatif à des prestations d'accompagnement du réseau de transport urbain de la CTS de Strasbourg (notamment l'implication de cadres de l'Epic ou de l'échelon régional de la SNCF, la réalisation d'une étude intitulée "Train urbain et intermodalité ferroviaire dans la CUS", se basant sur les travaux relatifs au "train urbain" développés par le GIE Inter'Actions) ;

- SNCF Partenariat mobilise des salariés et des moyens issus de l'Epic SNCF, à différents échelons, tant au stade de la proposition d'offre que de l'exécution du contrat conclu avec la CTS de Strasbourg ;

- Le groupement SNCF Partenariat - Keolis a proposé, dans le cadre de l'appel d'offres de la CTS de Strasbourg, des prestations d'assistance et de conseil autour d'un projet spécifique tendant à utiliser l'infrastructure ferroviaire présente à Strasbourg ("l'étoile ferroviaire") pour un service de transport ferroviaire ("train urbain") ;

- Il ressort des dires de la CTS que le groupement SNCF Partenariat - Keolis a été retenu notamment pour le savoir-faire ferroviaire apporté par SNCF Partenariat ;

- Le groupement SNCF Partenariat - Keolis mobilise le GIE Inter'Actions, pour une contribution tendant à améliorer les dessertes et horaires de services ferroviaires.

125. En l'état de ces éléments, trois séries de questionnements sont soulevées : (a) la délimitation précise des marchés en cause et la position des acteurs en cause, et ce, même si en l'espèce une réponse définitive à ces questions n'est pas nécessaire pour apprécier la recevabilité de la saisine et le bien-fondé de l'octroi de mesures conservatoires, (b) la teneur de la proposition du groupement SNCF Partenariat - Keolis à la CTS de Strasbourg et la mesure dans laquelle cette proposition est réplicable par Transdev, sur les volets de l'innovation et de l'intermodalité principalement, et, enfin, (c) la possibilité de caractériser un abus de position dominante de la nature de ceux décrits au paragraphe 114.

a) Sur la délimitation des marchés et les positions respectives des acteurs

126. Les sociétés mises en cause font tout d'abord valoir que le marché en cause dans la présente affaire serait celui de l'assistance technique aux sociétés d'économie mixte. Produisant une liste des réseaux de transports urbains gérés en SEM et des contrats d'assistance technique associés, avec leur répartition entre les deux groupes (54), SNCF Partenariat et la SNCF soutiennent que Transdev serait en position dominante sur le marché ainsi défini et que, à l'inverse, SNCF-Keolis détiendrait une position limitée, ce qui exclurait selon elles toute possibilité de caractériser un abus dès lors qu'elles n'occuperaient pas une position prééminente sur ce marché connexe.

127. Sur ce point, la pratique décisionnelle récente de l'Autorité (55), bien que rendue en matière de contrôle des concentrations, tend à distinguer des différents marchés de transport public un marché "accessoire" de l'assistance technique aux exploitants de réseaux de transports publics. Une telle définition paraît plausible en l'état du dossier. Ces décisions ont laissé ouverte la question de sa délimitation exacte ainsi que celle de sa dimension géographique, et n'ont notamment pas abordé la question de savoir si une segmentation plus fine, selon le mode de gestion et limitée aux SEM, devait être retenue.

128. S'agissant de l'espèce, les éléments nécessaires pour répondre à cette question et définir avec précision les positions des acteurs sur le marché tel que défini relèvent indiscutablement d'une instruction au fond. Trancher cette question n'est en tout état de cause pas nécessaire à ce stade, dès lors qu'il n'est pas contesté que SNCF-Keolis ne détient une position dominante ni sur le marché de l'assistance technique aux exploitants de réseaux de transports publics ni sur un marché plus étroit de l'assistance technique aux SEM. Les conséquences pouvant être tirées de cette situation de fait sont étudiées dans les développements qui suivent.

b) Sur le groupement SNCF Partenariat - Keolis et la réplicabilité de sa proposition par Transdev

129. SNCF Partenariat et la SNCF font valoir que la création de SNCF Partenariat "poursuit deux objectifs. Sur un plan opérationnel, SNCF Partenariat a pour objet de mobiliser l'expertise ferroviaire du groupe SNCF, en complément des compétences de Keolis en matière de transport urbain. Il s'agit de répondre aux demandes des SEM qui sollicitent un partenaire aux compétences multimodales, notamment en matière ferroviaire. Sur un plan organisationnel, SNCF Partenariat a vocation, d'une part, à prendre des participations dans les SEM qui en expriment le souhait, et, d'autre part, à assurer une mission de suivi quotidien des relations avec les AOT. Dans ce contexte, SNCF Partenariat joue un rôle d'interface entre le groupe SNCF et les AOT, en offrant un interlocuteur accessible et dédié" (56).

130. La saisine de Transdev et ses différentes demandes viseraient ainsi in fine, selon les défenderesses, à remettre en cause les possibilités de diversification du groupe SNCF.

131. Or, selon elles, la diversification des entreprises disposant d'un monopole légal est admise par le droit de la concurrence. Cette diversification aurait même été précisément approuvée à l'endroit de la SNCF, dans le cadre des décisions de concentration intéressant la filiale Keolis, moyennant la prise d'engagements qui ont été tenus et qui placent ses concurrents, Transdev en particulier, sur un pied d'égalité.

132. Les défenderesses soutiennent tout particulièrement que Transdev était en mesure de répondre aux besoins de la CTS. Elles font valoir que Transdev jouit d'une expertise reconnue en matière ferroviaire, à l'étranger mais également en France (57). Transdev se présente notamment comme un acteur de référence en matière de "tram-train", solution présentée comme emblématique de l'intermodalité (58). Transdev est par ailleurs partie à la SIBS (59), au coeur d'un projet de réalisation d'un service de tram-train autour de Strasbourg. Transdev dispose, à l'instar du groupe SNCF avec le GIE Inter'Actions, d'un laboratoire de l'intermodalité (60). Enfin, SNCF Partenariat et la SNCF fournissent une vingtaine d'exemples d'actions animées par Transdev autour des questions d'intermodalité (coordination d'horaires, billettique, information des voyageurs, etc.) (61). Elles mettent également en avant certaines démarches récentes de Transdev tendant à la placer comme conseillère de régions concernant les services TER qu'elles organisent (62).

133. Enfin, et surtout, SNCF et SNCF Partenariat soulignent que la proposition du groupement se limite à des prestations intellectuelles (diagnostic sur la qualité de l'intermodalité au sein de l'agglomération et plan d'action de promotion de l'intermodalité) et qu'il n'a pas été proposé ou apporté de solution de transport intermodal en tant que tel. Notamment, les suites aux études proposées sur le "train urbain" et l'amélioration de l'intermodalité au sein de l'agglomération et autour des gares seraient indépendantes du contrat en question, de la SNCF et des filiales. Leur mise en œuvre serait essentiellement tributaire, dans leur réalisation et leur financement, de la volonté des AOT concernées (63).

134. Il semble d'ores et déjà possible de distinguer, au sein des problématiques d'intermodalité, celles liées aux modes de transports et à leur interfaçage de celles liées à l'information multimodale ou à la billettique par exemple. Pour les secondes, les moyens des concurrents du groupe SNCF peuvent être davantage à l'équilibre, notamment grâce aux engagements antérieurement agréés dans le cadre des décisions de contrôle des concentrations prises par l'Autorité.

135. Pour les premières, compte tenu du monopole de la SNCF sur les services ferroviaires (grande vitesse, TER, TET), de son savoir-faire technique et commercial en ces matières, de sa maîtrise du réseau ferroviaire notamment dans sa dimension locale ("l'étoile ferroviaire" de Strasbourg), en ce compris les pôles d'échange multimodaux que sont les gares de voyageurs détenues par Gares & Connexions, il ne peut être exclu que la SNCF dispose d'un avantage tangible, qu'elle aurait mobilisé.

136. Si la structure du groupement et le lien explicite ainsi créé entre l'Epic SNCF et Keolis, via SNCF Partenariat, rendent possible la proposition ou la mise en place d'une offre de transport multimodale autour du ferroviaire "lourd", au stade de l'exploitation, l'instruction n'a pas permis de caractériser une proposition de ce type dans l'offre remise à la CTS. Néanmoins, en l'espèce, compte tenu du besoin exprimé par la collectivité ainsi que de la configuration du réseau ferroviaire local, les moyens humains, matériels et immatériels mobilisés par le groupe SNCF (avec notamment des cadres impliqués tant dans la conception que dans l'exécution de prestations de transport ferroviaire à l'échelon régional), apparaissent de nature à pouvoir avantager Keolis, et ce dès le stade de l'étude, dans une mesure qu'il semble impossible de répliquer pour un concurrent n'appartenant pas au groupe SNCF.

137. À cet égard, une possibilité d'avantage peut ainsi résulter d' "effets d'expérience", que le Conseil de la concurrence a pu définir comme la "connaissance des processus de négociation avec les collectivités locales" et prendre en considération dans son avis n° 94-A-15 du 10 mai 1994 relatif à une demande d'avis sur les problèmes soulevés par la diversification des activités d'EDF et de GDF au regard de la concurrence. Au cas d'espèce, la SNCF, cocontractant imposé aux AOT pour ce qui concerne notamment les services de transport ferroviaire régional, pourrait disposer de moyens et savoir-faire avantageux tirés de l'exécution de services ferroviaires, mobilisables dès le stade de l'étude.

138. De plus, les parties ont indiqué en séance, en réponse à une question posée par le collège sur les raisons ayant motivé la création de SNCF Partenariat, que Keolis n'était pas un opérateur ferroviaire en France, contrairement à Transdev, et que l'approche consistant à lui associer SNCF Partenariat en groupement pouvait être vue comme un moyen pour Keolis de rattraper son retard sur Transdev en la matière. Ceci confirme que la participation en groupement de SNCF Partenariat peut apporter un avantage à Keolis, indépendamment de savoir à ce stade si cet apport est légitime et fourni dans des conditions satisfaisantes du point de vue d'une concurrence par les mérites.

139. S'agissant des arguments soulevés par les parties relatifs à la diversification du groupe SNCF, la présente affaire appelle à ce stade un certain nombre de clarifications.

140. Tout d'abord, et comme indiqué dans l'avis n° 09-A-55 précité, il ne fait pas de doute que l'Autorité n'est pas opposée par principe aux stratégies de diversification d'un opérateur historique, dès lors qu'elles peuvent stimuler la concurrence par l'arrivée d'un nouvel acteur sur un ou plusieurs marchés. Mais la diversification d'anciens monopoles publics, conservant une activité de service public, comporte un certain nombre de risques qui appellent donc des précautions particulières afin de préserver une compétition effective et équitable sur les différents marchés concernés.

141. Ensuite, et au cas d'espèce, il n'est pas certain que l'activité de SNCF Partenariat puisse être considérée, ainsi que l'avance la SNCF, comme une diversification. La diversification de la SNCF sur les marchés concernés a ainsi été réalisée à l'issue des opérations de prise de contrôle de Keolis par la SNCF en 2012 (64), indépendamment de l'existence ou des actions de SNCF Partenariat, qui était en sommeil au moment de l'examen de l'opération de concentration (sous le nom de SNCF C7). Keolis a d'ailleurs pu candidater seule (sans SNCF Partenariat) sur des marchés d'assistance technique, en particulier à des SEM de transports, et prendre des participations dans ces dernières, comme cela semble avoir été le cas à Metz, début 2012 (SNCF Partenariat ayant rejoint ensuite la structure, pour y prendre également une participation). Des déclarations dans la presse du dirigeant de SNCF Partenariat remettent d'ailleurs en cause l'idée selon laquelle SNCF Partenariat participerait réellement d'une démarche de diversification : "Il ne s'agit pas tant d'une diversification de la SNCF que d'une autre façon d'aborder le sujet : on ne se substitue pas à l'opérateur urbain mais la problématique posée dans un certain nombre d'agglomérations amène la SNCF à se dire qu'il faut mener un travail d'interface entre le mode ferroviaire et le mode urbain" (65).

142. En tout état de cause, même à considérer que la mise en place et l'action de SNCF Partenariat constitueraient une diversification, leurs modalités précises en l'espèce peuvent susciter des réserves au regard des règles de concurrence.

143. En effet, si SNCF Partenariat est une filiale de la SNCF, le Conseil de la concurrence a relevé, dans l'avis précité relatif à la diversification d'EDF et de GDF, qu'une diversification impliquant la création d'une filiale était nécessaire mais pas forcément suffisante pour apporter toutes les garanties d'une concurrence non faussée. Ainsi notamment, le Conseil avait, entre autres, considéré de possibles problèmes liés à la diversification, pouvant résulter de "l'absence de transparence du fait des montages juridiques et financiers" et de "l'absence de séparation claire entre les activités relevant du métier initial d'EDF et celles liées à la diversification.". Outre un risque accru de subventions croisées, le Conseil avait considéré enfin que "le recours à des 'structures vides', ayant une existence juridique mais ne disposant pas de moyens propres (équipement, personnel), peut être une incitation supplémentaire pour ne pas distinguer les prestations relevant de l'activité électrique de celles ayant trait à la diversification."

144. En l'espèce, des facteurs paraissent de nature à limiter les garanties pouvant résulter de la filialisation, et sont susceptibles d'entraîner une confusion : il en est ainsi du fait que l'organisation par branches de la SNCF recouvre les séparations juridiques résultant de la mise en place de filiales de droit privé (la branche SNCF Proximités combine ainsi des sections de l'Epic et les filiales SNCF Partenariat et Keolis), du fait que le dirigeant de ladite branche, M. Joël X, soit par ailleurs président de SNCF Partenariat et siège au conseil de surveillance de Keolis, ou encore du fait que la proposition déposée à Strasbourg mobilise des directions "transverses" du groupe (ressources humaines, communication).

145. Le même avis a considéré, à propos du besoin d'une séparation effective au plan des moyens que "la séparation totale des activités de diversification suppose également que les filiales aient leur personnel propre, de préférence recruté à l'extérieur d'EDF ou sinon détaché (i.e. rémunéré par la filiale). Toute mise à disposition (i. e. gratuite) devant être exclue".

146. En l'espèce, comme cela a été indiqué ci-avant, les mis en cause ont produit a posteriori, avec leurs observations du 11 avril 2013, des contrats régissant la mise à disposition de moyens issus de l'Epic. Il s'agit notamment d'un contrat en date du 4 mars 2013 conclu entre SNCF Partenariat et "SNCF Régions & Intercites", intitulé "Convention d'assistance technique et d'assistance à maîtrise d'ouvrage dans le cadre de la convention d'assistance technique avec CTS". Ces contrats ont néanmoins été signés après l'attribution du contrat conclu avec la CTS (la phase de proposition ayant été lancée en mars 2012) et régissent seulement son exécution. Dès lors, les modalités de mobilisation de moyens ou de personnels au bénéfice de SNCF Partenariat restent imprécises, notamment sur la période antérieure à la conclusion du contrat. Les conditions de cette mise à disposition de moyens doivent donc être considérées, à ce stade de l'instruction, comme susceptibles d'avoir constitué et de continuer à constituer un avantage en faveur de la filiale en concurrence, voire une subvention indue.

147. Dans le même avis, le Conseil a également relevé la "force de l'image" de l'Epic en cause : "un avantage immatériel important pour les filiales qui leur sont rattachées puisque souvent cette bonne notoriété repose sur des appréciations de sérieux, de fiabilité ou de sécurité avec des garanties d'universalité et de continuité. [...] Il ressort donc que toute filiale d'EDF ou de GDF, dès lors qu'elle utilise son appartenance au groupe public comme argument technique, financier ou commercial, bénéficie d'atouts de nature à fausser le jeu de la concurrence sur le marché où elle exerce son activité." Au cas d'espèce, il n'est pas exclu que l'usage du sigle SNCF par SNCF Partenariat et son apport à Keolis via le groupement constitué pour répondre aux appels d'offres puissent également participer à une confusion.

148. Les éléments actuellement au dossier permettent donc à ce stade de sérieusement douter que les conditions dans lesquelles le groupement entre Keolis et SNCF Partenariat a été mis en place répondent au besoin de séparation nécessaire pour garantir le respect des principes de concurrence dans le cadre de la diversification d'un monopole historique.

c) Sur la possibilité de caractériser un abus tiré du marché en monopole vers les marchés en concurrence

149. En substance, sur ce point, la SNCF, SNCF Partenariat et Keolis font valoir que la pratique décisionnelle nationale et communautaire requerrait à tout le moins une position "prééminente" sur les marchés avals ou connexes à celui dominé. En l'absence d'une telle position détenue par elles, toute possibilité de constat d'un abus tiré du marché du transport ferroviaire national, en monopole, serait ainsi exclue en l'espèce.

150. Cependant, la pratique décisionnelle ne définit pas un tel standard pour caractériser un abus dans une situation comme celle de l'espèce.

151. Ainsi, et de manière générale, l'Autorité de la concurrence a relevé que "la jurisprudence, tant communautaire que nationale, admet qu'une entreprise dominante sur un marché donné peut se voir reprocher un abus dont les effets affectent d'autres marchés, dès lors que son comportement a un lien de causalité avec sa position dominante et que le marché sur lequel celle-ci est détenue et ceux sur lesquels l'abus déploie ses effets sont suffisamment connexes" (66).

152. Elle a par ailleurs considéré, en se référant précisément à la jurisprudence Tetra Pak mise en avant par les mises en cause, que "peuvent être qualifiés d'abusifs certains comportements sur des marchés autres que les marchés dominés et qui ont des effets soit sur ces derniers, soit sur les marchés non dominés eux-mêmes" dans l'hypothèse où "s'agissant de marchés distincts, mais connexes, des circonstances particulières peuvent justifier une application de l'article 102 TFUE à un comportement constaté sur le marché connexe, non dominé, et produisant des effets sur ce même marché" (67). Les circonstances particulières doivent être "de nature à établir un lien entre le comportement de la société (...) sur le marché non dominé et la position dominante détenue par cette société sur l'autre marché" (68).

153. Dans le cas présent, et en l'état des éléments recueillis, l'existence d'un lien de connexité entre les marchés ferroviaires en monopole et le marché de l'assistance technique aux exploitants de réseaux de transport urbain semble résulter des besoins d'intermodalité dans les offres de transport urbain ainsi que de la pratique des entités adjudicatrices ou délégantes de formuler des appels d'offres visant la fourniture de prestations sur l'ensemble du réseau couvrant l'agglomération et concernant l'ensemble des modes. Ce lien peut également résulter, malgré l'argument de la SNCF selon lequel il serait tautologique de partir de l'abus allégué pour démontrer la connexité de marchés sur lesquels un abus serait possible, du comportement de la SNCF tendant à mobiliser son expertise ferroviaire pour répondre aux demandes des collectivités, et ce indépendamment de la question de savoir si ce comportement est ou non abusif.

154. Il faut par ailleurs mentionner à ce stade les liens étroits entre les marchés d'assistance technique aux exploitants de réseaux urbains et ceux de l'exploitation des mêmes réseaux. Outre une certaine continuité logique entre leur composante d'étude d'une part, et la mise en œuvre postérieure d'autre part (et bien que la mise en œuvre soit tributaire de décisions des autorités organisatrices), on relève notamment, du côté de l'offre des transporteurs, une démarche commerciale tendant à présenter pour la conquête de marchés une référence d'agglomérations clientes - notamment les plus grandes -, sans distinction entre les contrats d'exploitation et ceux d'assistance technique. (69) Il y a également lieu de relever l'imbrication, à Grenoble, de la DSP d'exploitation du réseau et des services d'assistance technique. (70) Cette proximité entre les marchés d'assistance technique aux exploitants de réseaux urbains et ceux de l'exploitation des mêmes réseaux renforce le lien entre les marchés d'assistance technique et les marchés ferroviaires, dès lors que, comme indiqué au paragraphe 116, les transports urbains et interurbains doivent s'adapter au mode ferroviaire pour assurer l'adéquation des offres des différents modes.

155. Dans ce contexte, le rôle particulier du mode ferroviaire au sein de la chaîne de transports peut conférer un avantage concurrentiel significatif à l'opérateur historique et à ses filiales sur les marchés connexes liés au transport. À ce stade, il ne saurait être exclu que la configuration retenue, consistant à associer en groupement avec Keolis une structure proche de l'Epic, porte atteinte à l'autonomie d'action de Keolis et constitue une forme de substitution de l'Epic à Keolis dans la soumission ou la présentation d'offres aux autorités organisatrices de transport, susceptible d'entraîner une perturbation durable des marchés.

156. Dès lors, il ne peut être exclu que les éléments précités réunis lors de l'instruction puissent constituer une pratique d'abus de la position dominante détenue sur les marchés ferroviaires en monopole pour porter atteinte à la concurrence sur le marché de l'assistance technique aux exploitants de réseaux de transport urbain, qu'il conviendra de définir plus finement.

157. L'ensemble des éléments décrits plus haut, qui ne peuvent être regardés comme insuffisamment probants, justifient sans aucun doute la poursuite de l'instruction au fond.

C. SUR LES DEMANDES DE MESURES CONSERVATOIRES

158. Selon l'article L. 464-1 du Code de commerce, "l'Autorité de la concurrence peut (...) prendre les mesures conservatoires qui lui sont demandées ou celles qui lui apparaissent nécessaires. Ces mesures ne peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante. Elles peuvent comporter la suspension de la pratique concernée ainsi qu'une injonction aux parties de revenir à l'état antérieur. Elles doivent rester strictement limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence".

159. Dans sa saisine, Transdev justifie le prononcé des mesures conservatoires demandées de la manière suivante :

"Sans qu'il soit besoin d'examiner si la fourniture de services d'assistance technique aux exploitants de transport de voyageurs peut constituer un marché pertinent, il faut considérer que chaque marché passé entre l'exploitant du réseau et le fournisseur de services d'assistance technique constitue un marché en soi.

En effet, de manière constante, le Conseil (l'Autorité) considère que "le croisement d'un appel d'offres d'une collectivité publique et des réponses des candidats constitue un marché au sens de l'ordonnance du 1er décembre 1986". Ainsi, qu'il s'agisse d'un marché public, d'une délégation de service public ou d'une convention d'occupation du domaine public, chaque contrat administratif est considéré comme un marché en soi car il réserve le marché à la seule personne qui remporte l'appel d'offres en principe organisé pour sa dévolution, les autres candidats étant généralement exclus pour toute la durée du contrat" (étude thématique 2007 "les mesures conservatoires").

Le marché pour l'attribution d'un contrat de partenariat relatif à des prestations d'accompagnement du réseau de transport urbain lancé par la CTS constitue donc bien un marché pertinent en soi.

De même, le marché relatif à l'attribution du contrat d'assistance technique avec la SEMITAG, auquel SNCF Partenariat a annoncé avoir répondu, constitue également un marché pertinent".

160. Par la suite, la saisissante relève que le groupement incriminé "a effectivement évincé [Transdev] du marché pour l'attribution du contrat de partenariat relatif à des prestations d'accompagnement du réseau de transport urbain de la CTS." Il s'ensuivrait, notamment en application des décisions n° 06-MC-02 et 06-MC-03 (71), que le caractère grave et immédiat de l'atteinte serait constitué.

161. Or, les cas précités s'inscrivent dans une configuration différente : ils concernaient des pratiques susceptibles d'être qualifiées d'abus de position dominante de la part d'acteurs en position de titulaires sortants dans le cadre des appels d'offres en cause, et qui ont ainsi eu des moyens privilégiés de fausser la concurrence de manière à être reconduits. Tel n'a pas été le cas à Strasbourg ou Grenoble, puisque, d'une part, Transdev était le titulaire sortant, et, d'autre part, l'abus incriminé serait issu d'un marché dominé extérieur au marché public en cause.

162. De plus, et surtout, la pratique décisionnelle de l'Autorité tend à considérer le marché de l'assistance technique comme un marché national intéressant les mêmes acteurs (72). C'est par ailleurs ce que semblent considérer deux opérateurs interrogés dans le cadre de l'instruction de la présente affaire (73).

163. L'article L. 464-1 du Code de commerce précise que les mesures conservatoires "ne peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante". En pratique, l'Autorité doit apprécier si trois critères cumulatifs sont remplis : (i) la gravité de l'atteinte, (ii) l'immédiateté de l'atteinte, et, si ces deux premiers critères sont remplis, (iii) le lien de causalité entre les faits dénoncés et l'atteinte. Si un des critères n'est pas rempli, les conditions d'octroi des mesures conservatoires ne sont pas réunies et la demande de mesures conservatoires n'a pas à être examinée.

164. Transdev a retiré ses demandes relatives au contrat de partenariat concernant des prestations d'accompagnement du réseau de transport urbain conclu entre la CTS de Strasbourg et le groupement SNCF Partenariat - Keolis, au motif que ce contrat a commencé à être exécuté depuis octobre 2012. Au demeurant, une atteinte passée, serait-elle établie, ne saurait fonder l'octroi de mesures d'urgence visant à préserver les intérêts du plaignant, du secteur ou des consommateurs.

165. Transdev a également retiré ses demandes liées au marché de Grenoble, qui lui a été attribué en mars dernier. Keolis a en effet candidaté seule, sans SNCF Partenariat (74), contrairement à l'annonce qui avait été faite précédemment dans la presse (75)

166. Une demande nouvelle tendant à "enjoindre à la SNCF de contractualiser, dans les plus brefs délais, les relations au sein de son groupe dans le cadre de l'exécution du contrat de partenariat relatif à des prestations d'accompagnement du réseau de transport urbain de la CTS, si ce n'est pas encore fait, et de lui communiquer les contrats signés" a été partiellement adressée par les mis en cause, qui ont fourni aux services d'instruction, dans leurs dernières observations, deux contrats "intra-groupe" (cf. supra, § 112 ; objets d'une demande de protection au titre du secret des affaires). Si le principe d'une contractualisation des différentes relations au sein du groupe peut être de nature à clarifier la situation entre les acteurs des différents marchés, la dimension d'urgence, dans la formalisation des relations entre les mises en cause, paraît faire défaut, et la mesure conservatoire y tendant peut dès lors être considérée comme non fondée.

167. Restent pour l'essentiel, au-delà de demandes de communication de la décision concernant les mesures conservatoires, les différentes demandes d'injonctions tendant à lever la confusion alléguée entre les activités liées au monopole (transport ferroviaire national et gestion des gares ferroviaires) et les activités concurrentielles :

- interdiction de toute référence à la filiation avec la SNCF, à la maîtrise du ferroviaire lourd et des gares ou à des synergies avec le ferroviaire ;

- interdiction des propositions de solutions d'interconnexions modales avec le ferroviaire ;

- interdiction aux filiales d'employer le nom SNCF, et ;

- interdiction à la SNCF ou à SNCF Partenariat d'entrer au capital des SEM.

168. Pour examiner le bien-fondé de l'octroi de ces mesures conservatoires, les conditions d'immédiateté et de gravité de l'atteinte alléguée seront successivement étudiées.

1. SUR LE CARACTÈRE IMMÉDIAT DE L'ATTEINTE ALLÉGUÉE

169. Seule une atteinte immédiate peut justifier une intervention en urgence de l'Autorité, visant à empêcher la réalisation d'un dommage que la décision au fond serait impuissante à empêcher ou réparer. L'intervention de l'Autorité peut, par exemple, être sollicitée pour empêcher un évènement devant survenir dans un proche avenir. L'immédiateté peut dans ce cas être fondée sur le caractère imminent de l'échéance. L'intervention de l'Autorité peut également être sollicitée pour mettre fin en urgence à un comportement récent qu'il conviendrait d'empêcher afin que le dommage ne puisse se matérialiser ou prendre de l'ampleur.

170. Il y a lieu de relever tout d'abord que les marchés de transports et marchés connexes, notamment les marchés d'assistance technique, sont des marchés de durée longue (pluriannuelle, entre 3 et 7 ans), renouvelés à l'issue de procédures contraignantes et susceptibles de différents recours.

171. Le contrat proposé par la CTS de Strasbourg est attribué depuis octobre 2012. Une atteinte passée, serait-elle établie, ne saurait fonder l'octroi de mesures d'urgence visant à préserver les intérêts du plaignant, du secteur ou des consommateurs. Par ailleurs, le contrat proposé par le SMTC de Grenoble a été dévolu à Transdev en mars 2013. Ces deux cas ne sauraient donc être pris en compte. Transdev a d'ailleurs retiré ses demandes de mesures conservatoires relatives à ces deux marchés.

172. Sur le caractère d'immédiateté, RATP DEV, interrogée lors de l'instruction, relève que "le rythme long des marchés publics atténue l'effet immédiat que pourraient avoir des pratiques anticoncurrentielles à deux réserves près : a) les renouvellements ne sont pas également répartis et le marché subit donc des "vagues" de renouvellement pendant lesquelles l'effet peut être puissant. b) la contrepartie de ce rythme est que les positions acquises par d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles sont elles aussi de longue durée et donc davantage pénalisantes pour les concurrents."

173. Transdev n'a pas précisément désigné, au-delà de Grenoble, d'appel d'offres susceptible de faire l'objet de la pratique incriminée en l'attente de la décision au fond. Certains marchés importants (en termes d'enjeux financiers, de modes impliqués ou de taille d'agglomération) arrivent à échéance dans les deux ans : c'est notamment le cas de Bordeaux (76). Dans la mesure où il s'agit de marchés d'exploitation de réseaux de transports et que la dimension ferroviaire semble absente du besoin des collectivités, leur prise en compte ne paraît pas directement utile, bien que certains liens existent entre les marchés d'assistance technique et ceux d'exploitation (cf. supra, § 155). SNCF et SNCF Partenariat relèvent que le contrat le plus similaire, par sa dimension ferroviaire, est celui de Nantes et qu'il expire le 31 décembre 2016. Pour ces mis en cause, seul un contrat d'assistance technique serait prochainement remis en jeu (à Aurillac, en SEM, terminant le 30 décembre 2013), pour des enjeux limités. Keolis fait valoir qu'une vague importante de renouvellements de contrats a eu lieu ces derniers 24 mois, et qu'il n'y a pas, à sa connaissance, de marché d'assistance technique intéressant remis en concurrence à horizon de deux ans (77).

174. Pour ces différentes raisons, le caractère immédiat de l'atteinte alléguée ne peut être considéré comme établi.

2. SUR LE CARACTÈRE GRAVE DE L'ATTEINTE ALLÉGUÉE

175. Les sociétés mises en cause soulignent la faiblesse du montant du contrat confié par la CTS de Strasbourg (78), rapporté au chiffre d'affaires connu de la société Transdev (79). Elles soutiennent ainsi, sans être contredites, que le montant du contrat de Strasbourg représente 0,0025 % du chiffre d'affaires de Transdev et 3,7 % de la valeur du marché de l'assistance technique aux SEM. Ce montant apparaît en effet relativement limité (80).

176. Transdev, dans sa saisine comme dans ses observations du 24 avril 2013, met en avant d'autres dimensions que le chiffre d'affaires perdu, avec deux effets qui pourraient se conjuguer (81) :

- un effet "vitrine", consistant en une perte d'image auprès des collectivités, clientes ou prospects, résultant de la perte d'un contrat de référence (effet pouvant notamment être décuplé par certains raccourcis constatés dans la presse entre les marchés de l'assistance technique et ceux de transports proprement dits (82)) ;

- un effet "boule de neige", par la perte de contrats confiés par d'autres grandes agglomérations françaises, notamment celles intégrant une desserte ferroviaire.

177. La société RATP DEV et l'association Réunir partagent globalement ce dernier constat (83)

178. Si de tels effets sont susceptibles d'exister, la pratique décisionnelle de l'Autorité concernant l'octroi de mesures conservatoires tend à les réserver aux cas où une ou plusieurs entreprises pourraient être exclues du marché, disparaître avant le terme de la procédure au fond ou voir ses chances de développement sérieusement compromises. En l'état de l'instruction, le dossier ne fait pas apparaître d'éléments permettant de constater un tel risque, créé par la pratique alléguée, au détriment de Transdev.

179. Concernant la possibilité d'une atteinte grave au secteur, ni la saisine de la requérante ni ses observations complémentaires n'apportent de précision sur sa teneur. Dans la mesure où l'existence, le maintien sur le marché ou le développement de Transdev ne paraît pas menacé d'ici le terme de la procédure au fond, et où Transdev détient une position conséquente tant dans le secteur des transports urbains dans son ensemble que dans le sous-ensemble de l'assistance technique, l'atteinte au secteur ne ressort pas davantage établie, en considération toujours du cadre de l'octroi de tels marchés.

180. Au surplus, comme le relèvent les mis en cause, Transdev n'a pas exercé les voies de recours permettant de contester le résultat d'un marché public tel que celui de la CTS de Strasbourg (référé précontractuel et post-contractuel).

181. Pour ces différentes raisons, le caractère grave de l'atteinte alléguée ne peut être non plus considéré comme établi.

182. Il ressort de ce qui précède que les demandes de mesures conservatoires doivent être rejetées.

III. Conclusion

183. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les éléments soumis à l'Autorité par la partie saisissante sont, à ce stade de l'instruction, susceptibles de caractériser des pratiques anticoncurrentielles, dont l'instruction doit être poursuivie au fond, mais qu'en l'absence d'une atteinte grave et immédiate au marché, les mesures conservatoires demandées ne peuvent être accordées.

DÉCISION

Article 1er : Les demandes de mesures conservatoires enregistrées sous le numéro 12-0101M sont rejetées.

Article 2 : Il y a lieu de poursuivre l'instruction au fond de la saisine enregistrée sous le numéro 12-0100F.

Notes :

1 Décision n° 10-DCC-198 du 30 décembre 2010 relative à la création d'une entreprise commune par Veolia Environnement et la Caisse des dépôts et consignations.

2 Communiqué de presse du 26 mars 2013 (cotes 3207 à 3210) ; accessible sur le site Internet de Transdev : www.transdev.net.

3 Idem.

4 Observations de SNCF et SNCF Partenariat du 11 avril 2013, annexe 2, brochure Veolia Transdev "Cahiers d'expertise - Ferroviaire", cotes 2859 à 2881 ; Observations de Keolis du 11 avril 2013, annexe 2 (brochure de Veolia Transdev "Cahiers d'expertise - Réseaux intégrés"), cotes 2604 à 2618.

5 Communiqué de presse du 26 mars 2013 précité.

6 Statuts de la société SNCF Participations, cotes 3178 à 3190.

7 Décision n° 12-DCC-129 du 5 septembre 2012 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Keolis par la société SNCF Participations (§ 3 et s). Au terme de l'opération examinée, SNCF Participations dispose de 69,7 % du capital de groupe Keolis, la Caisse de dépôt et placement du Québec (ci-après "CDPQ") de 30 %, le solde étant détenu par un FCPE (0,3 %). L'Autorité a de plus considéré que conformément au projet de pacte d'actionnaire conclu entre SNCF Participations et CDPQ, SNCF Participations peut exercer à elle seule une influence déterminante sur les décisions stratégiques du groupe Keolis.

8 Site Internet du groupe Effia, cotes 3215 à 3222.

9 Selon le site Internet du groupe précité, ces prestations représentent 60 % de l'activité internationale et 25 % de son chiffre d'affaires totales.

10 Annexe 6 de la saisine de Transdev, cotes 183 à 199.

11 Cette SAEML est détenue par la collectivité territoriale de Corse et par le Groupe SNCF, à hauteur de 15 %.

12 Articles L. 2142-1 et s. du Code des transports.

13 Site Internet de la RATP ; http://www.ratp.fr/fr/ratp/c_5042/le-reseau/

14 Société anonyme à directoire et conseil de surveillance au capital de 334 499 760 euros, enregistrée au RCS de Paris sous le numéro 389 795 006, siège social sis au 54, quai de la Rapée, 75012 Paris.

15 Site Internet de RATP DEV, http://www.ratpdev.com/fr/

16 SCf. site Internet de RÉUNIR, cotes 3223 et s.

17 Règlement (CE) N° 1370-2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, et abrogeant les règlements (CEE) n° 1191-69 et (CEE) n° 1107-70 du Conseil.

18 Communication du 15 mai 2013 intitulée "Frédéric Cuvillier, un an d'action", sur le site du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

19 Accessible sur le site du Groupement : http://www.gart.org/S-informer/Publications-du-GART/L-annee-2010-des-transports-urbains.

20 Voir notamment "Joël X : "C'est fini la SNCF monolithique et centralisatrice", interview parue sur le site spécialisé Mobilicités, en date du 26/10/2012, cotes 419 à 420 ; cf. la brochure de l'association AGIR "50 questions et réponses sur la SPL - mise à jour 2012", cotes 3191 à 3204, ou encore accessible sur le site de l'association : http://www.agir-transport.org/actus.php?id=159

21 Procès-verbal d'audition de Transdev, cotes 1215 à 1220 et procès-verbal d'audition de SNCF Partenariat, cotes 1787 à 1791.

22 La SEM est titulaire d'une concession du service de transport de la part de la Communauté urbaine de Strasbourg (CUS) courant jusqu'en 2020. La CUS détient 52 % du capital de la SEM, Transdev est son actionnaire privé de référence, avec 12 % du capital. Cf. procès-verbal de déclaration de la CTS, cote 1222.

23 Cf. appel d'offres du contrat de partenariat de la CTS, saisine, cotes 107 et s. ; voir également l'article de Mobilicités "Veolia Transdev, Keolis, SNCF : ils vont vous faire aimer les SEM", en date du 4 février 2012, cotes 2465 et s.

24 Avis d'appel public à candidature du SMTC, cotes 3211 à 3213.

25 Voir notamment les observations de la SNCF et de SNCF Partenariat du 11 avril 2013, cote 3262.

26 Article du magazine spécialisé Ville, rail et transports : "Transdev oublie Veolia et s'impose à Grenoble" en date du 25 mars 2013 ; cote 3214 notamment.

27 Groupement d'intérêt économique interne au groupe SNCF, son contrat constitutif réunissant les sociétés Effia et Keolis et SNCF Participations.

28 Courrier à adresser à l'Union des transports publics (UTP), au Groupement des autorités responsables de transport (GART), à la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV), à l'association des maires de France, à l'association des régions de France et à l'Union des conseillers généraux de France.

29 "Joël X : "C'est fini la SNCF monolithique et centralisatrice", interview parue sur le site spécialisé Mobilicités, en date du 26/10/2012, cotes 419 à 420.

30 Décision n° 12-DCC-129 du 5 septembre 2012 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Keolis par la société SNCF Participations, décision 10-DCC-198 du 30 décembre 2010 relative à la création d'une entreprise commune par Veolia ENVIRONNEMENTet la Caisse des dépôts et consignations et avis n° 09-A-55 du 4 novembre 2009 sur le secteur du transport public terrestre de voyageurs.

31 Allemagne, Australie, Belgique, Canada, Danemark, Etats-Unis, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni et Suède (d'après le site Internet du groupe).

32 Projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, sur le site Internet du Sénat : http://www.senat.fr/leg/pjl12-495.html

33 Saisine de Transdev, annexe 14 cotes 415 à 440, article paru dans la revue spécialisée Bus & cars le 16/10/2012, intitulé "ce sont les propositions innovantes qui ont fait la différence".

34 Saisine de Transdev, annexes 12 et 13, cotes 403 à 414.

35 "Joël X : "C'est fini la SNCF monolithique et centralisatrice", interview parue sur le site spécialisé Mobilicités, en date du 26/10/2012, cotes 419 à 420.

36 Avis du Conseil de la concurrence n° 04-A-21 du 28 octobre 2004 relatif à une demande d'avis de la Fédération Interprofessionnelle de la Communication d'Entreprise (FICOME) ; avis du Conseil de la concurrence n° 94-A-15 du 10 mai 1994 relatif à une demande d'avis sur les problèmes soulevés par la diversification des activités d'EDF et de GDF au regard de la concurrence ; avis du Conseil de la concurrence n° 95-A-18 du 17 octobre 1995 relatif à une demande d'avis sur les problèmes soulevés par les activités de messagerie de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) au regard de la concurrence ; avis rendus par le Conseil de la concurrence s'agissant des services financiers de la poste (n° 96-A-10), du service d'hydrographie et d'océanographie de la marine (n° 97-A-10), de la RATP (n° 97-A-20), de la coexistence au sein d'une même structure juridique et commerciale d'activités de télécommunications exercées en situation concurrentielle et sous monopole (n° 97-A-07), sur le fonctionnement concurrentiel du marché électrique dans le cadre tracé par la directive européenne 96-92-CE (n° 98-A-05), sur les principes de séparation comptable entre activités de production, transport et distribution d'électricité et autres activités (n° 00-A-29 et n° 02-A-06), sur les services de renseignements téléphoniques (n° 05-A-16).

37 Décision de l'Autorité n° 09-MC-01 du 8 avril 2009 relative à la saisine au fond et à la demande de mesures conservatoires présentée par la société SOLAIRE DIRECT, § 99.

38 Saisine de Transdev, annexe 8 présentant l'avis de marché de la CTS de Strasbourg, cotes 217 à 222, également les annexes 12 et 13, cotes 403 à 414.

39 Contrat entre la CTS et le groupement, cote 2515.

40 Observations de SNCF et SNCF Partenariat en date du 11 avril 2013, contrat entre la CTS et le groupement, cote 2516.

41 Procès-verbal de recueil de déclaration et de recueil de copies de documents de la CTS de Strasbourg, cotes 1222 à 1225.

42 Contrat de partenariat entre la CTS et le groupement SNCF Partenariat - Keolis, cotes 2514 et 2515.

43 Contrat constitutif du GIE Inter'Actions, cotes 1869 à 1885.

44 Contrat de partenariat "relatif à des prestations d'accompagnement du réseau de transport urbain de la CTS", conclu par la CTS et le groupement SNCF Partenariat - Keolis en date du 20 décembre 2012, cotes 2521 et 2522.

45 Contrat de partenariat entre la CTS et le groupement SNCF Partenariat - Keolis, cote 2526.

46 Contrat de partenariat "relatif à des prestations d'accompagnement du réseau de transport urbain de la CTS" précité, cotes 2495 et 2502 notamment.

47 Site Internet du groupe SNCF : http://www.sncf.com/fr/portrait-du-groupe/equipe-dirigeante.

48 Offre finale du groupement SNCF Partenariat - Keolis, cotes 689 à 718.

49 Procès-verbal de déclaration et de recueil de copie de documents de SNCF Partenariat ; cotes 1787 à 1791. Voir, dans le même esprit, le procès-verbal d'audition de Keolis SA, cotes 1452 à 1459.

50 Voir notamment la réponse de la SNCF et de SNCF Partenariat à la demande d'information du 1er mars 2013, cote 2186 ainsi que le procès-verbal de déclaration et de recueil de copie de documents du directeur général de la CST, cotes 1223 et 1224.

51 Procès-verbal d'audition de SNCF Partenariat, cotes 1787 à 1791. Voir, dans le même esprit, le procès-verbal d'audition de Keolis SA, cotes 1452 à 1459.

52 Réponse de RATP DEV à un questionnaire du rapporteur, cotes 2378 à 2381 et réponse de RÉUNIR à un questionnaire du rapporteur, cotes 2460 à 2476.

53 Procès-verbal d'audition de Transdev, cotes 1215 à 1220 ; réponse de RATP DEV à un questionnaire du rapporteur, cotes 2378 à 2381 ; réponse de Réunir à un questionnaire du rapporteur, cotes 2460 à 2476.

54 Observations de SNCF et SNCF Partenariat, p. 19 à 21, cotes 3261 à 3263.

55 Décision 10-DCC-02 ; décision n° 10-DCC-198 du 30 décembre 2010 relative a la création d'une entreprise commune par Veolia ENVIRONNEMENTet la Caisse des dépôts et consignations (§47 à 49) ;

56 Observations du 11 avril 2013, p. 9 et s., cotes 3251 et s.

57 Observations du 11 avril 2013, p. 45 et s., cotes 3287 et s. et annexe 3: brochure Veolia Transdev "Cahiers d'expertise - Ferroviaire".

58 Le tram-train est un véhicule dérivé du tramway, qui peut rouler à la fois, sans rupture de charge, sur le réseau urbain en site propre et sur le réseau ferré lourd situé dans les zones périurbaines sortant du périmètre de transport urbain (PTU). Les projets de tram-train permettent ainsi de constituer des lignes desservant à la fois des sections urbaines et des sections périurbaines sortant du PTU.

59 Société d'intermodalité du bassin strasbourgeois, réunissant depuis 1999 Transdev, la SNCF et la CTS autour du projet de tram-train et d'actions autour de l'intermodalité (communication notamment).

60 Une structure dénommée TRANSDEVLAB.

61 Observations de SNCF et SNCF Partenariat du 11 avril 2013, annexe 4, cotes 2952 à 2954.

62 Observations de SNCF et SNCF Partenariat du 7 mai 2013, p. 13 et 15, cotes 3827 et 3819 ; voir également en annexe 10 des observations du 11 avril 2013, l'avis d'appel à candidature de la région Lorraine. Transdev aurait ainsi remporté récemment un marché avec la région Centre, visant à la conseiller concernant la gestion et l'évolution de son réseau TER, et se serait portée candidate pour un marché similaire passé par la région Lorraine.

63 Observations de SNCF et SNCF Partenariat du 11 avril 2013, p. 52, cote 3294.

64 Voir notamment la décision de l'Autorité de la concurrence n° 12-DCC-129 du 5 septembre 2012 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Keolis par la société SNCF-Participations.

65 "Joël X : "C'est fini la SNCF monolithique et centralisatrice", interview parue sur le site spécialisé Mobilicités, en date du 26/10/2012, cotes 419 à 420.

66 Décision de l'Autorité n° 09-MC-01 du 8 avril 2009 relative à la saisine au fond et à la demande de mesures conservatoires présentée par la société SOLAIRE DIRECT, § 93.

67 Décision de l'Autorité n° 12-D-24 du 13 décembre 2012 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la téléphonie mobile à destination de la clientèle résidentielle en France métropolitaine, § 578, citant la jurisprudence suivante : arrêt TeliaSonera, 17 février 2011, C-52-09, points 84 à 86 ; 3 octobre 1985, CBEM, 311-84, Rec. p. 3261, point 26 ; et Tetra Pak/Commission, C-333-94 P, Rec. p. I-5951, points 24 à 27 ; Cass. com., 17 mars 2009, Glaxosmithkline, n° 08-14.503.

68 Avis de l'Autorité n° 10-A-13 du 14 juin 2010 relatif à l'utilisation croisée des bases de clientèle, § 18 :

"L'utilisation croisée des bases de clientèle par une entreprise qui dispose d'une position dominante sur le marché initial aux fins de prospecter un marché cible est susceptible de constituer un comportement abusif, même si le marché cible est concurrentiel. En effet, la jurisprudence admet l'application des dispositions interne et communautaire prohibant les abus de domination à un acte commis par une entreprise en position dominante sur un marché distinct du marché dominé lorsque des "circonstances particulières" démontrent l'existence d'un lien entre la position dominante et le comportement abusif".

69 Déclaration du président directeur général de Transdev M. Jean-Marc Z lors de la séance du 22 mai 2013 ; procès-verbal d'audition de Transdev, cote 1217 ; observations de Transdev du 24 avril 2013, cote 3566, rapportant le fait que le site Internet de Keolis présente indistinctement 163 réseaux français clients.

70 Voir l'avis d'appel public à candidature du SMTC, cotes 3211 à 3213.

71 Décision n° 06-MC-02 du 27 juin 2006 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la commune de Bouc-Bel-Air (appel d'offres en matière de gestion de structures d'accueil à la petite enfance) ; décision n° 06-MC-03 du 11 décembre 2006 relative à des demandes de mesures conservatoires dans le secteur du transport maritime entre la Corse et le continent.

72 Décision de l'Autorité n° 10-DCC-02 du 12 janvier 2010 relative à la prise de contrôle conjoint des sociétés Keolis et Effia par les sociétés SNCF-Participations et Caisse de Dépôt et Placement du Québec, § 47 et 48 (envisageant la délimitation d'un marché "du conseil en transport public") ; décision n° 12-DCC-129 du 5 septembre 2012 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Keolis par la société SNCF Participations.

73 Réponses aux questionnaires du rapporteur de RATP DEV et Réunir, cotes 2378 à 2381 et 2460 à 2464.

74 Procès-verbal d'audition de SNCF Partenariat, cotes 1787 à 1791.

75 "Joël X : "C'est fini la SNCF monolithique et centralisatrice", interview parue sur le site spécialisé Mobilicités, en date du 26/10/2012, cotes 419 à 420

76 Echéance mai 2014 ; titulaire sortant Keolis.

77 Procès-verbal d'audition de Keolis, cote 1458.

78 Autour de 200 000 € par an, sur cinq ans.

79 Observations de SNCF et SNCF Partenariat du 11 avril 2013, p. 56 ; observations de Keolis du 13 mai 2013, p. 18.

80 Procès-verbal d'audition de Transdev, cotes 1215 à 1220.

81 Voir notamment les observations de Transdev du 24 avril 2013, p. 54 et s., cotes 3602 et S.

82 Voir par exemple l'article de Mobilicités en date du 12 octobre 2012 : "Veolia Transdev perd le réseau de Strasbourg au profit de SNCF Keolis", cote 429.

83 Réponses aux questionnaires du rapporteur de RATP DEV et RÉUNIR, cotes 2378 à 2381 et 2460 à 2464.