CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 20 juin 2013, n° 10-21561
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Vidom (SARL), Grostabussiat
Défendeur :
Du Pareil Au Même (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mmes Michel-Amsellem, Pomonti
Avocats :
Mes Fisselier, Bellet, Maupas Oudinot, Lanciaux
Faits et procédure
Monsieur et Madame Grostabussiat qui ont exploité, à Aix-les-Bains, dans le cadre d'un contrat de franchise au sein du groupe Zannier, un fonds de commerce de vente de vêtements pour enfants sous l'enseigne " Kid Cool ", se sont rapprochés, après le rachat de celui-ci, au début de l'année 2008, de la société Du Pareil Au Même (DPAM) qui gère et anime un groupe de distribution dans le même domaine.
Le 19 mai 2008, la société DPAM leur a proposé la création d'un magasin " DPAM Chaussures " à Grenoble.
Le 29 août 2008, Mme Grostabussiat et la société Vidom, créée à cette fin, ont signé un contrat d'affiliation pour une durée de cinq ans, renouvelable automatiquement par période de cinq ans. Le 3 octobre 2008, le magasin a ouvert ses portes mais l'exploitation du magasin a généré un chiffre d'affaires inférieur au prévisionnel.
Pendant plusieurs mois, de nombreux reproches ont été formulés par la société Vidom à l'encontre de la société DPAM. Les parties ne sont toutefois pas arrivées à s'accorder et par acte du 22 avril 2010, la société Vidom a assigné la société DPAM devant le Tribunal de commerce d'Evry.
Par jugement en date du 7 octobre 2010, le Tribunal de commerce d'Evry a :
- débouté la société Vidom et Mme Grostabussiat de l'ensemble de leurs demandes,
- constaté la résiliation du contrat de commission-affiliation à compter de la date de signification du présent jugement,
- ordonné à la société Vidom et à Mme Grostabussiat sous peine d'une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du trente et unième jour après signification du présent jugement :
. d'arrêter immédiatement tout usage de la marque DPAM,
. d'enlever et restituer à ses frais l'enseigne et tous les autres éléments propriétés de DPAM et notamment les éléments de décoration et la signalétique fournis par DPAM
. de modifier dans les 30 jours de la signification du présent jugement, l'aspect extérieur des locaux, afin d'éviter toute possibilité de confusion de la part de la clientèle, ainsi qu'à supprimer tout l'ameublement, les couleurs et d'une manière générale tout signe qui sont spécifiquement liés à l'image de la marque
. de restituer immédiatement, à ses propres frais et sans condition, à DPAM le terminal point de vente, le TPE et l'imprimante fournis par DPAM et tous documents, manuel d'instructions, matériels écrits ou photographiques, liés à l'exécution de cet accord, sans en retenir copie, ainsi que tout matériel publicitaire et de promotion contenant la marque,
. de restituer immédiatement, sans aucune condition et après inventaire, l'intégralité des produits en stocks,
- débouté la société DPAM du surplus de ses demandes,
- condamné la société Vidom et Mme Grostabussiat à payer 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et l'a débouté pour le surplus.
Vu l'appel interjeté le 4 novembre 2010 par la société Vidom et Mme Grostabussiat contre cette décision.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 30 janvier 2013, par lesquelles la société Vidom et Mme Grostabussiat demandent à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel.
- dire et juger l'action de la société Vidom recevable et bien fondée.
- dire et juger que Madame Viviane Grostabussiat est recevable et bien fondée dans son action personnelle.
- dire et juger que le consentement de Madame Viviane Grostabussiat a été vicié et qu'elle n'a pu s'engager en toute connaissance de cause aux motifs que la société DPAM :
. a commis une grave erreur d'implantation,
. n'a pas déterminé l'état du marché local et les perspectives de développement,
. a occulté l'évolution du réseau d'exploitants depuis 5 ans et partant la pérennité du réseau des Affiliés DPAM Chaussures,
. a remis un compte d'exploitation prévisionnel irréaliste,
. a remis un Document d'Information Précontractuelle qui ne repose pas sur des informations sérieuses et prudentes
- dire et juger que Madame Viviane Grostabussiat a commis une erreur substantielle, déterminante de son engagement, sur la rentabilité de l'activité de son entreprise.
- dire et juger que la société DPAM a violé son obligation d'approvisionnement en termes de qualité.
- dire et juger que la société DPAM a violé son obligation d'aide et assistance.
- constater que la société DPAM a gravement manqué à l'exécution loyale et de bonne foi du contrat.
- dire et juger que la société DPAM doit réparer l'intégralité des préjudices commerciaux consécutifs à ses fautes et notamment ceux nés de la rupture anticipée du contrat de commission-affiliation.
A titre principal :
- prononcer la nullité du contrat de commission-affiliation.
- prononcer la nullité de la clause de non-concurrence post contractuelle.
- replacer les parties dans l'état antérieur à la signature du contrat et ordonner la restitution par la société DPAM des sommes versées.
En conséquence :
- condamner la société DPAM à verser à la société Vidom :
. 10 000 euro HT au titre du remboursement du droit d'entrée.
. 7 000 euro au titre du remboursement des redevances d'enseigne et de location de TPV.
. 77 144 euro, au titre du remboursement des comptes courants au jour de la délivrance de l'assignation.
. 177 923 euro au titre des investissements spécifiques non amortis.
. 13 448 euro au titre des pertes enregistrées à la date de la délivrance de l'assignation.
. 278 668 euro au titre du manque à gagner en termes de commissions sur la période contractuelle restant à courir (sur la base de 38 % d'un CA moyen de 220 Keuro annuel, soit 83 600 euro de commissions par an).
- condamner la société DPAM à verser à Madame Viviane Grostabussiat :
. 36 000 euro à titre de dommages et intérêts correspondant au manque à gagner à titre de rémunération (1 500 euro x 24 mois, pour la période du 3 octobre 2008 au 31 octobre 2010).
A titre subsidiaire :
- prononcer la résiliation du contrat de commission-affiliation aux torts et griefs exclusifs de la société DPAM.
- prononcer la nullité de la clause de non-concurrence post-contractuelle.
- condamner la société DPAM à verser à la société Vidom :
. 10 000 euro HT au titre du remboursement du droit d'entrée.
. 7 000 euro au titre du remboursement des redevances d'enseigne et de location de TPV.
. 77 144 euro, au titre du remboursement des comptes courants au jour de la délivrance de l'assignation.
. 177 923 euro au titre des investissements spécifiques non amortis.
. 13 448 euro au titre des pertes enregistrées à la date de la délivrance de l'assignation.
. 278 668 euro au titre du manque à gagner en termes de commissions sur la période contractuelle restant à courir (sur la base de 38 % d'un CA moyen de 220 Keuro annuel, soit 83 600 euro de commissions par an).
- condamner la société DPAM à verser à Madame Viviane Grostabussiat :
.36 000 euro à titre de dommages et intérêts correspondant au manque à gagner à titre de rémunération (1 500 euro x 24 mois, pour la période du 3 octobre 2008 au 31 octobre 2010).
- dire que ces condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation, valant mise en demeure, avec capitalisation des intérêts échus par application de l'article 1154 du Code civil.
- condamner la société DPAM au paiement d'une somme de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du CPC.
La société Vidom et Mme Grostabussiat soutiennent que la société DPAM s'est rendue coupable de manquements à ses obligations, d'abord lors de la phase précontractuelle, en violant l'obligation de s'assurer de la faisabilité économique du projet d'ouverture d'un magasin " DPAM Chaussures ", puis lors de la phase contractuelle, en violant l'obligation d'aide et d'assistance mise à sa charge, ce qui a pour conséquence de la rendre entièrement responsable de la rupture du contrat d'affiliation.
Concernant la phase précontractuelle, les appelantes soutiennent que la société DPAM, professionnelle avisée de la franchise, se devait de leur remettre, en application des dispositions des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce, des informations loyales, exactes et prudentes et de s'assurer de la faisabilité économique du projet.
Mme Grostabussiat affirme avoir tout mis en œuvre pour assurer le succès de l'entreprise et avoir respecté l'intégralité de ses obligations contractuelles mais prétend que la société DPAM a manqué à son obligation d'assistance, en ce qu'elle n'a pas apporté son aide et préconisé des mesures de nature à permettre aux appelantes de régler les difficultés rencontrées et de réaliser les prévisions en termes de chiffre d'affaires.
Vu les dernières conclusions signifiées le 13 février 2013 par la société DPAM par lesquelles elle demande à la Cour de :
- recevoir la société DPAM en ses présentes écritures et la dire bien fondée,
- confirmer le jugement rendu le 6 octobre 2010 par le Tribunal de commerce d'Evry en toutes ses dispositions, notamment en ce qu'il a débouté la société Vidom et Mme Grostabussiat de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- ajoutant au jugement et statuant à nouveau, constater la résiliation du contrat aux torts de la société Vidom,
- condamner la société Vidom au paiement d'une somme de 431 933 euros en réparation du préjudice subi par la société DPAM en raison de la rupture avant terme du contrat,
- condamner la société Vidom au paiement d'une somme de 68 200 euros en réparation de la cessation des relations contractuelles sans préavis,
- liquider le montant dû au titre des astreintes au jour du prononcé de l'arrêt,
- condamner in solidum la société Vidom et Mme Grostabussiat au paiement du montant retenu par la cour au jour du prononcé de l'arrêt au titre des astreintes dues par jour de retard depuis le trente et unième jour après signification du jugement,
- condamner in solidum la société Vidom et Mme Grostabussiat au paiement d'une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société DPAM soutient, qu'en exécution des dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce, elle a fait parvenir aux appelantes l'information pré-contractuelle exigée par la loi. Elle ajoute avoir pris acte du choix de ses futurs affiliés sur l'emplacement du magasin mais ne pas le leur avoir imposé.
Elle considère n'avoir pas manqué à son obligation d'assistance en ce qu'elle a fait preuve d'une attention particulière à l'égard de la société Vidom lors de l'ouverture, précisant qu'elle n'avait pas à fournir un état du marché local et que le chiffre d'affaires prévisionnel était une projection établi avec la société Vidom et que les époux Grostabussiat étaient des professionnels avertis.
LA COUR renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
Motifs
Considérant que Mme Grostabussiat et la société Vidom n'ont présenté en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué lequel repose sur des motifs pertinents, résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure, notamment des pièces contractuelles et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière.
Sur la recevabilité de Mme Grostabussiat
Considérant que la société DPAM soutient que la demande de Mme Grostabussiat est irrecevable, dans la mesure où le contrat d'affiliation a été signé avec la société Vidom, de sorte que sa résiliation, si elle est prononcée, ne saurait avoir d'effet qu'entre les parties qui l'ont signé et exécuté ;
Considérant que Mme Grostabussiat fait valoir qu'elle est recevable dans son action personnelle, que son consentement a été vicié ; qu'elle sollicite des dommages et intérêts en raison d'un manque à gagner au titre d'une rémunération qu'elle n'aurait pas perçue ;
Considérant que Mme Grostabussiat, associé à 50 % de la société Vidom, en est également la gérante ; que, dès lors, elle est recevable à invoquer une faute du franchiseur lui ayant causé un préjudice personnel et à réclamer paiement de dommages et intérêts.
Sur l'annulation du contrat de franchise
Considérant que Mme Grostabussiat et la société Vidom soutiennent que la société DPAM a commis des manquements à ses obligations, lors de la phase précontractuelle, en violant l'obligation de s'assurer de la faisabilité économique du projet d'ouverture d'un magasin " DPAM Chaussures ", sis 14 rue du Clôt Bey à Grenoble, de sorte que leur consentement a été vicié ;
Considérant que l'article L. 330-3 du Code de commerce dispose à l'alinéa 1er : " Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause" ;
Considérant que la société DPAM a fait parvenir à son franchisé le document d'information précontractuelle, le 19 mai 2008 selon elle, le 23 juillet selon les consorts Grostabussiat ; que, pour autant, d'une part il a été adressé et reçu avant la signature du contrat ; que, de plus, Mme Grostabussiat et la société Vidom indiquant qu'ils avaient été convaincus du sérieux du franchiseur et de l'enseigne, ce qui suppose que ceux-ci, qui sont des professionnels avertis pour avoir précédemment géré un fonds de commerce de vêtements pour enfants dans le cadre d'une autre franchise, les ont étudiés avant de s'engager ; qu'ils ont eux-mêmes indiqué qu'il avaient été en contact avec un autre affilié DPAM ; qu'ils ne contestent pas avoir entamé des négociations dès le mois de janvier 2008 ; que la société DPAM leur a adressé, par courrier du 17 janvier 2008, un dossier d'information, leur indiquant " DPAM dispose de deux concepts différents, le textile Enfant (du 3 mois au 14 ans) et la chaussure (du 18 au 38). Plusieurs possibilités d'ouvertures s'offrent à vous en simple ou double concept dans des agglomérations de l'ordre de 60 000 habitants " ; que, par un courrier le 19 mai 2008, la société DPAM leur a précisé un certain nombre de conditions financières qu'ils indiquaient avoir alors améliorées en augmentant leur apport personnel et en diminuant le montant de l'emprunt ;
Considérant que l'article R. 330-1-4 du Code de commerce dispose les informations que doit contenir ce document à savoir " la date de création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution y compris celle du réseau exploitant.
Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les 5 dernières années qui précédent celle de la remise du document " ;
Considérant que cette obligation concerne les étapes historiques et l'évolution du réseau ; que l'examen du DIP démontre qu'elle est parfaitement remplie ; que Mme Grostabussiat et la société Vidom ne le contestent pas, indiquant avoir été ainsi convaincues du sérieux de la franchise ;
Que la société DPAM a retracé son évolution, exposant avoir successivement ajouté à son activité de franchiseur de vêtements pour enfants, celle de franchiseur de vêtements bébé, en dernier lieu, celle de chaussures pour enfant et que, pour cela, elle a adopté différents types de structures, certaines dédiées uniquement aux chaussures, d'autres réalisant la commercialisation conjointe de vêtements et de chaussures ;
Considérant que l'article R. 330-2 4° dispose :
" Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précédent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché " ;
Considérant que la société DPAM a refusé d'implanter un fonds de commerce dans les villes d'Aix-les-Bains et d'Annecy, proposées par Mme Grostabussiat et la société Vidom en raison de sa volonté d'implanter des lignes complètes, intégrant la chaussure à son concept vêtement, et basé sur une synergie entre les magasins ; qu'il s'agit d'un choix stratégique du franchiseur que le franchisé pouvait refuser ; qu'il ne peut être contesté que la ville de Grenoble bénéficie d'un potentiel économique supérieur à celui d'Aix-les-Bains et d'Annecy et que la société DPAM avait déjà deux franchiseurs commercialisant sa ligne vêtements, ce qui était de nature à créer une synergie avec un magasin de chaussures enfants ; qu'il résulte des informations précontractuelles que le réseau comprenait notamment à Rennes et à Rouen, villes pouvant être comparées avec celle de Grenoble, des succursales avec deux magasins dédiés l'un aux vêtements, l'autre à la chaussure ; et que dans la ville de Saint-Nazaire, également comparable, il existait deux affiliés, l'un vêtement, l'autre chaussure ;
Considérant que l'article R. 330-1-5 dispose que le DIP doit contenir " une présentation du réseau d'exploitants qui comporte :
c) le nombre d'entreprises qui, étant liées au réseau par les contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document " ;
Considérant que le DIP a précisé le nombre de points de vente et le chiffre d'affaires du groupe ; qu'il a détaillé le groupe comme comportant des points de vente " DPAM Chaussures " comprenant 50 points de vente avec un " CA moyen par m2 (TTC) de 7 600 euro " ;
Considérant que la société DPAM a précisé le nombre d'affiliés ayant quitté le réseau dans l'année précédant la remise du document d'information précontractuelle et a distingué les fonds de commerce " enfants " et " chaussures " ;
Considérant ainsi que le franchisé ne saurait invoquer un défaut d'information, ayant été informé sur l'évolution du réseau, sur les entités le composant et sur la situation locale particulière.
Qu'il n'est pas contesté que l'ouverture de la franchise de chaussures était réalisée aux côtés des deux franchises existant localement, la société DPAM poursuivant la création de franchises chaussures dans des villes où elle était déjà installée comme franchiseur vêtements ; qu'elle a remis son rapport annuel d'activité qui relate cette orientation ; qu'ainsi, le franchisé avait une connaissance du marché local en ce qu'il s'agissait du développement d'une franchise liée à des implantations locales existantes et de ses perspectives qui étaient de développer le secteur chaussures ; que la société Vidom n'a pas formulé de demande de renseignements supplémentaires sur le marché local qui n'aurait pas été satisfaite.
Considérant que la société Vidom affirme que la société DPAM devait faire montre, sur le plan local, d'un savoir-faire dans le choix de l'emplacement, faisant valoir que leur intention avait été d'ouvrir un fonds de commerce dans la rue Saint Jacques et non dans la rue Clôt Bey et que la société DPAM a fait choix de l'emplacement retenu, ayant alors ses deux magasins rue Saint Jacques ;
Considérant que, si le franchisé verse une attestation d'un agent immobilier faisant état de la visite de deux emplacements, l'un rue Saint Jacques, l'autre Clôt Bey, celui-ci ne fournit aucun élément sur ces différents emplacements, ni en termes de prix, ni de disponibilité ; qu'en revanche, celui-ci ne fait nullement état d'une intervention de la société DPAM ; que Mme Grostabussiat, qui était une professionnelle, ne justifie pas davantage avoir sollicité un conseil de son franchiseur ; que, s'il n'est pas contesté que la rue Saint Jacques est une rue commerçante de Grenoble, il n'est pas démontré que tel n'est pas aussi le cas de la rue Clôt Bey, chaque immeuble de cette rue comportant en rez-de-chaussée un commerce et essentiellement en matière de mode et d'habillement ; que le local choisi par la société Vidom accueillait avant son installation un commerce de prêt-à-porter et il a été repris par une boutique de chaussures ; que la société Vidom a donc manifestement privilégié la proximité des deux autres franchisés et la perspective d'une synergie entre les fonds de commerce, ce qui, certes, ne pouvait que convenir au franchiseur ; qu'aucun élément ne permet de conclure que le franchiseur aurait dû déduire de l'étude des facteurs locaux que l'implantation devait se faire rue Saint Jacques ; que, si la société DPAM s'est, après le retrait de la société Vidom, installée rue Saint Jacques, il ne saurait en être tiré aucune conclusion, dans la mesure où elle l'a fait dans le cadre d'une restructuration de son réseau de franchise local en regroupant ceux-ci sous deux enseignes dont l'une a ajouté l'activité chaussures.
Considérant que la société Vidom et Mme Grostabussiat soutiennent que la société DPAM leur a communiqué un prévisionnel irréaliste, ce que conteste cette dernière, qui fait valoir que celui-ci a été réalisé sur la base d'une simulation établie d'un commun accord entre DPAM, d'une part et l'affilié, d'autre part, et qu'il ne s'agit pas d'une garantie mais d'une projection ;
Que les parties ont mentionné avoir établi une étude d'implantation " sur la base des éléments communiqués par Mme Grostabussiat et la société Vidom " ;
Que, le 19 mai 2008, la société DPAM a transmis un état prévisionnel prévoyant un chiffre d'affaires de 334 448 euro HT et un chiffre de commissions hors taxe de 133 435 euro la première année, 134 348 euro la deuxième année et 138 378 euro la troisième année ;
Que dès le 9 février 2009, la société Vidom a écrit " Le choix de l'emplacement à deux pas des concepts enfants et bébé a été souhaité par DPAM. Après 4 mois d'ouverture nous n'avons réalisé que 62 000 euro soit la moitié du prévisionnel " ;
Considérant que l'ouverture du magasin, prévue en septembre, selon la société Vidom, est intervenue le 3 octobre 2008, ce qui a privé la société d'une partie de son chiffre d'affaires dans la mesure où elle n'a pas bénéficié des achats de pré rentrée scolaire particulièrement importants ; que, par ailleurs, la mise en place de la synergie entre les magasins a également connu un certain retard ;
Que le chiffre d'affaires de la société Vidom a été en augmentation, en mars, avril et mai 2009, atteignant 68 194 euro pour ces trois mois, puis également, en septembre et octobre 2009, atteignant pour ces deux mois 61 400 euro ; qu'ainsi, si de janvier 2009 à octobre 2009, soit sur 10 mois, le chiffre d'affaires n'a été que de 192 067 euro, l'écart avec le prévisionnel n'est pas significatif, dans la mesure où, d'une part, il a été affecté par des circonstances particulières au démarrage de l'activité et où, d'autre part, il a connu une progression après les premiers mois de démarrage ;
Que, d'ailleurs, le 9 février 2009, la société Vidom et Mme Grostabussiat, ont écrit " le potentiel existe " ; que le 2 mars 2009, les franchisés ont constaté que la synergie avait été mise en place mais écrivent " si au bout de 3 mois, la situation ne nous permet pas de coller au prévisionnel, nous vous demanderons de considérer la reprise de notre boutique en succursale dans des conditions financières correspondant à notre investissement majoré d'indemnités d'immobilisation et du manque à gagner " ; qu'au cours de l'été 2009, les franchisés ont présenté à la société DPAM une demande de rachat de leur fonds de commerce ;
Considérant qu'un prévisionnel est par nature une projection aléatoire ; que, dès lors, les franchisés ne sauraient tirer argument de ce qu'il n'a pas été réalisé au cours des quatre premiers mois d'activité, ni de ce qu'ils n'ont pas, au cours des mois suivants, réussi à l'atteindre, pour considérer que celui-ci n'était pas sérieux ;
Que les quatre premiers mois d'activité ont été affectés par des circonstances particulières, à savoir des retards à l'ouverture et à la mise en place de la synergie entre les trois magasins, selon la société Vidom et également par la crise économique affectant particulièrement le secteur textile selon la société DPAM, de sorte que le chiffre d'affaires de l'ensemble du réseau a baissé, enregistrant en novembre une baisse de 14,10 % par rapport à l'année précédente pour le même mois ; que l'écart avec le prévisionnel n'est pas significatif et n'apporte pas la démonstration que le prévisionnel était irréaliste, les chiffres pour les mois suivants marquant une progression, de sorte qu'il ne peut être exclu que les prévisions pouvaient être approchées.
Que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que le consentement du franchisé n'avait pas été vicié et l'ont débouté de sa demande en nullité du contrat.
Sur la demande tendant au prononcé de la nullité de la clause de non-concurrence post-contractuelle
Considérant que cette demande de la société Vidom et Mme Grostabussiat est formulée sur les arguments tendant à l'annulation du contrat ; que dès lors elle ne saurait prospérer.
Sur la demande de résiliation du contrat
Considérant que la société Vidom et Mme Grostabussiat font valoir que le franchiseur a manqué à ses obligations de conseil et d'assistance ;
Qu'elles soutiennent que la société DPAM est responsable du retard à l'ouverture du magasin intervenue le 3 octobre au lieu du 15 septembre, en raison d'un retard dans la livraison des étagères et d'un manque de coordination des travaux, lui faisant ainsi perdre le bénéfice du chiffre d'affaires de la rentrée qui est le plus important de l'année ;
Considérant que la société Vidom a signé le contrat le 28 août 2008 lequel stipule que " L'affilié devra remettre à DPAM dans les 8 jours suivant la signature des présentes tous les documents ci-dessus mentionnés afin que DPAM soit en mesure de faire réaliser par son architecte d'intérieur un dossier complet nécessaire à l'aménagement du point de vente et au respect du concept DPAM.
L'architecte d'intérieur de DPAM, préalablement à l'élaboration de tout dossier se rendra sur les lieux afin de vérifier la conformité des plans transmis.
DPAM transmettra à l'affilié dans les 15 jours ouvrés suivant la visite sur site de son architecte d'intérieur "deux dossiers d'aménagement de son magasin. L'affilié aura pour obligation de retourner dans les 5 jours à DPAM un exemplaire dûment signé pour approbation. L'affilié disposera alors d'un délai de 2 mois à compter de la réception dudit dossier de l'architecte d'intérieur de DPAM pour réaliser ses travaux et ouvrir son magasin" ;
Que la société Vidom ne caractérise aucun manquement de la société DPAM dans l'exécution de ses obligations ; que le calendrier ainsi fixé excluait manifestement toute possibilité d'ouverture le 15 septembre ; que l'ouverture effective au 3 octobre montre, au contraire, que les parties ont fait diligence.
Considérant que la société DPAM avait une obligation d'assistance de son franchisé au cours de l'exécution du contrat ; que la société Vidom reproche à la société DPAM son absence de réactivité en présence des difficultés qu'elle rencontrait ;
Que la société DPAM a répondu aux griefs formulés par son franchisé sur le manque de synergie ; que, d'ailleurs, celui-ci a constaté cette réaction et la mise en place d'actions effectives ; que la société DPAM lui a écrit le 16 mars 2009 " vous ne jouez pas le jeu de nos opérations commerciales. Lorsque nous modifions la vitrine, nous devons réclamer à plusieurs reprises les chaussures assorties aux modèles textiles présentés car vous estimez que ce n'est pas à vous de vous déplacer " ;
Considérant que la société Vidom ne s'est plaint de défauts en termes de qualité qu'à partir de novembre 2009, alors même qu'elle avait déjà demandé à la société DPAM de reprendre son fonds ; que, de plus, ces réclamations n'ont concerné que deux modèles ; que, dès lors, elle ne saurait invoquer ceux-ci à l'encontre de son franchiseur qui, au surplus, a fait preuve d'une réaction immédiate, marquant son souci d'assurer la qualité de ses produits ;
Considérant que la société Vidom verse des pièces qui démontrent qu'elle a reçu des visites régulières de la déléguée régionale de la société DPAM, qu'elle a rencontré la directrice commerciale et le directeur administratif du réseau et qu'il a été répondu par des mails à ses demandes ;
Que le 7 avril 2009, la société DPAM a augmenté de 1 % la commission des affiliés afin de " mieux prendre en compte les difficultés liés au contexte de crise économique " :
Qu'il n'est donc pas démontré de manquements du franchiseur à ses obligations contractuelles.
Sur les demandes de la société DPAM
Considérant que la société DPAM fait valoir que la société Vidom s'est opposée à la venue de tout représentant du franchiseur dans sa boutique, contrairement aux dispositions contractuelles, et alors qu'elle continuait d'utiliser la marque et le logo DPAM ;
Que le 25 mai 2010, elle lui a adressé une lettre recommandée la mettant en demeure de se conformer à ses obligations contractuelles ;
Que la société DPAM demande à la cour de constater qu'elle est, en conséquence, bien fondée à demander la résiliation du contrat et la condamnation de la société Vidom à lui régler l'ensemble des bénéfices, qu'elle aurait pu tirer du contrat si celui-ci avait été poursuivi jusqu'à son terme, et, que la société Vidom ayant chiffré son chiffre d'affaires moyen annuel à 220 Keuro et le contrat devant se poursuivre jusqu'au 28 août 2013, il s'élève à la somme de 431 933 euro ;
Considérant qu'elle ajoute que la société Vidom n'a pas respecté le préavis contractuel, l'article 4 du contrat stipulant que " Dans la mesure où aucune infraction aux dispositions du présent contrat n'aura été reprochée à l'affilié, il se renouvellera automatiquement par période de 5 ans sauf dénonciation par l'une des parties par LRAR 6 mois au moins avant l'expiration de la période en cours lors de la dénonciation " et réclame des dommages et intérêts à ce titre ;
Considérant que les premiers juges ont relevé que, d'une part, "lors de l'audience du 9 juin, la société Vidom et Mme Grosstabussiat ont accepté de laisser la société DPAM" se rendre dans leur magasin afin de pouvoir apprécier la stricte application de l'ensemble des préceptes de la marque ", d'autre part, les deux parties ont demandé la résiliation du contrat d'affiliation et a, en conséquence, constaté celle-ci ;
Considérant que la société DPAM indique que la société Vidom a cessé son activité et que l'emplacement a été repris par une boutique de chaussures ; que la société Vidom expose que la société DPAM a déménagé ses deux magasins vêtements, l'un dédié au bébé, l'autre aux vêtements et chaussures pour enfants, ce qui n'est pas contesté ; que, dès lors, la société DPAM ne saurait demander la réparation d'un préjudice tiré de l'activité qu'aurait pu avoir la société Vidom ; qu'il s'agit d'un préjudice purement hypothétique dans la mesure même où l'activité de la société Vidom a été reprise dans le cadre d'une autre entité ;
Que, les deux parties ayant demandé aux premiers juges de constater la résiliation, la société DPAM ne peut se prévaloir de ce que le formalisme contractuel n'a pas été respecté ; qu'il y a lieu de rejeter la demande de la société DPAM tendant à obtenir réparation au titre du préavis de 6 mois ;
Considérant que l'article 23 du contrat d'affiliation a prévu, en cas de cessation du contrat, des obligations à charge de l'affilié ; que les premiers juges ont condamné la société Vidom et Mme Grostabussiat sous astreinte à réaliser ces obligations à savoir :
. cesser tout usage de la marque DPAM
. restituer l'enseigne
. restituer le matériel et les documents fournis par la société DPAM
. restituer l'intégralité des stocks
Considérant qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris ;
Considérant que s'agissant de l'astreinte prononcée par les premiers juges, il y a lieu de renvoyer sa liquidation au juge de l'exécution, la cour étant incompétente pour en connaître.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant que la société DPAM a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Reçoit Madame Grostabussiat en ses demandes, Confirme le jugement déféré, Dit la cour incompétente pour connaître de la liquidation de l'astreinte, Rejette toute autre demande plus ample ou contraire, Condamne la société Vidom et Madame Grostabussiat in solidum à payer à la société DPAM la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Condamne la société Vidom et Madame Grostabussiat in solidum aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.