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Décisions

Cass. crim., 19 juin 2013, n° 12-82.144

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

Mme Nocquet

Avocats généraux :

Avocats : Me Foussard, SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas

Poitiers, ch. corr., du 23 févr. 2012

23 février 2012

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par l'administration des douanes et droits indirects, partie poursuivante, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Poitiers, chambre correctionnelle, en date du 23 février 2012, qui l'a déboutée de certaines de ses demandes après relaxe partielle de l'association Quine animations et de M. René X du chef d'infractions à la législation sur les contributions indirectes ; - Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1559, 1560, 1560-1 et 1699 du Code général des impôts, 124, 146, alinéa 2, 149, 152 et 154 de l'annexe IV de ce Code, 6 de la loi du 21 mai 1836 , 591 à 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que, si les juges du fond ont décidé à juste titre que l'association Quine animations et M. X se livraient à une activité commerciale, ils ont prononcé une relaxe partielle, s'agissant des faits visés ou poursuivis pour la partie des manifestations correspondant à la vente de cartons de lotos de couleur verte dont le produit était réservé aux associations clientes de l'association Quine animations et de M. X, et ont décidé, en conséquence, que ces faits ne pouvaient donner lieu à sanction ainsi qu'à la condamnation au paiement de l'impôt correspondant ;

"aux motifs propres que, l'utilisation de deux couleurs de cartons de loto dont chacune correspond à un mode de recettes au bénéfice de personnes morales différentes, dont les tirages sont distincts et dont les lots ne proviennent pas du même patrimoine permet de considérer qu'il faut distinguer les deux types d'opérations qui doivent s'analyser comme deux lotos différents ; que les associations clients participaient aux manifestations avec une fréquence faible, étant précisé que le caractère social de ces associations n'est pas contesté ; qu'il n'apparaît pas anormal que le public participant aux lotos ne soit pas limité à leurs membres ; que pour autant rien n'indique que ce public provenait d'une zone dépassant celle du Gâtinais, que les lots restent de valeur faible, sont en nature et non remboursables ; qu'il résulte de ces constatations que ces lotos joués avec les cartons verts présentent les caractéristiques requises pour les exceptions de l'article 6 de la loi du 21 mai 1836 , permettant d'échapper à la prohibition générale les loteries de toutes espèces édictée par l'article 1 de cette loi, que l'impôt à ce titre n'est donc pas dû, que le jugement de relaxe partielle visant cette partie de la base imposable doit être confirmé ;

"et aux motifs adoptés que, cependant s'il est avéré à la lecture de l'article 1800, alinéa 3, du Code général des impôts que le tribunal de céans ne peut dispenser le redevable du paiement des sommes fraudés ou indûment obtenues et qu'il ne possède aucun pouvoir modérateur, en ce qui concerne les droits éludés, il n'en demeure pas moins qu'il doit déterminer avec précision l'étendue de l'infraction par rapport aux faits dont il est saisi dans la citation ; qu'en l'espèce, les procès-verbaux établis par l'administration fiscales et les débats ont démontré qu'en réalité l'activité de M. X et de l'association Quine animation était parfaitement scindable en deux parties : qu'une partie liée à l'animation de lotos au profit d'associations tierces qui n'ont pas été poursuivies et une seconde partie liée à l'organisation de loteries au profit de l'association Quine animation et de deux de ses trois membres ; qu'en l'espèce, les sommes fraudées sont, comme le soutient l'administration poursuivante, les recettes brutes de l'association ; que, toutefois, il doit être déduit de ces recettes brutes la part reversée aux autres associations, dans le cadre de la partie animation de l'activité des prévenus ; que, juger autrement serait faire peser sur ces derniers une responsabilité qui aurait dû peser le cas échéant pour cette partie de l'activité sur les associations clientes concernées ; que, dans ces conditions il est démontré que les prévenus ont au minimum retiré 175 euros de recettes brutes par loto soit 451 x 175 euros = 78 925 euros, au cours de la période visée à la prévention ; qu'il convient de relaxer les prévenus pour non-paiement de l'impôt portant sur le surplus des recettes (total des recettes brutes retenues par l'administration fiscale 792 886,65 euros - total des recettes brutes retenues par la juridiction : 78 925 euros) soit 713 961,65 euros ; qu'il sera précisé que les droits de l'administration fiscale et les pénalités ci-après seront calculés sur la base de l'assiette retenue 78 925 euros ;

1°) "alors que, quand bien même le produit des cartons de loto de couleur verte aurait été réservé aux associations clientes, il reste que l'association Quine animations et M. X organisaient la manifestation prise dans son ensemble en procédant à une publicité commune, en animant l'ensemble de la soirée, en mettant à la disposition de l'association cliente le matériel nécessaire pour l'ensemble de la soirée ; que, par conséquent, l'association Quine animations et M. X avaient la responsabilité de la manifestation, prise dans son ensemble, sachant que l'activité était déployée à des fins lucratives ; qu'en statuant comme ils l'ont fait sans tenir compte de la vente de cartons de loto verts, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;

2°) "alors que, et en tout cas, faute de s'être expliqués sur la publicité faite préalablement à chaque manifestation, la manière dont la soirée était organisée, tant du point de vue de l'animation que du point de vue du matériel, à l'effet de déterminer si la vente de cartons de loto verts, quel que soit le destinataire du produit de la vente, ne s'insérait pas dans une manifestation unique organisée par l'associations Quine animations et M. X, les juges du fond ont à tout le moins entaché leur décision d'insuffisance de motifs au regard des textes susvisés" ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ; - Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, cités directement devant le tribunal correctionnel pour défaut de déclaration d'ouverture d'une maison de jeux, omission de passation d'écritures en comptabilité, non déclaration mensuelle des recettes et non-paiement de l'impôt sur les spectacles, M. X et l'association Quine animations, après avoir été déclarés coupables de ces infractions pour avoir organisé des loteries prohibées pour leur propre compte, ont été relaxés du chef de non-paiement de l'impôt sur les recettes provenant des jeux de loto qu'ils ont organisés simultanément pour le compte d'associations clientes ;

Attendu que, pour confirmer cette relaxe partielle, l'arrêt attaqué relève que c'est chacune des associations clientes qui choisit le local où se déroule l'événement, finance l'achat des lots et vend elle-même, durant deux périodes séparées par un entracte, des "cartons verts" récompensés par ces lots, tandis que les prévenus vendent pour leur compte, pendant l'entracte, un nombre beaucoup plus réduit de "cartons jaunes", qui font l'objet d'un tirage spécial donnant accès à des lots acquis par eux ; que les juges en déduisent que les loteries organisées pour le compte des associations clientes présentent les caractéristiques requises par l'article 6 de la loi du 21 mai 1836 pour échapper à la prohibition édictée par l'article 1er de la même loi, dispositions remplacées par les articles 322-4 et 322-1 du Code de la sécurité intérieure ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les deux sortes de loterie ne procédaient pas de l'organisation d'une manifestation unique dont les prévenus ont, à des fins lucratives, assuré l'animation après avoir diffusé une publicité commune et fourni leur propre matériel, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; d'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens proposés : Casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Poitiers, en date du 23 février 2012, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.