CA Montpellier, 2e ch., 25 juin 2013, n° 12-01783
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Keolis (SA)
Défendeur :
Vidal (Epoux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chassery
Conseillers :
Mme Olive, M. Prouzat
Avocats :
SCP Nègre Pepratx Nègre, Mes Lefebvre, Vahramian, Salvignol Guilhem, Redon
FAITS ET PROCEDURE - MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Par acte sous seing privé du 22 juillet 2003, la SA Keolis a fait l'acquisition, sous diverses conditions suspensives, de 5 399 des 5 400 actions de la société Transports GEP-Vidal (la société GEP-Vidal), SA au capital de 86 400 ayant son siège à Quillan (11) et pour objet le transport public de voyageurs, moyennant le prix de 1 099 830,29 arrêté sur la base du bilan de l'exercice clos le 30 septembre 2002.
Conformément aux articles 3.2 et 3.4 de l'acte, les cessionnaires ont perçu, en exécution d'un avenant du 27 janvier 2004, des dividendes à hauteur de 208 485 , correspondant à l'augmentation de la situation nette de la société entre le 30 septembre 2002 et le 30 septembre 2003, ainsi qu'un supplément de prix de 99 830,29 .
Actionnaires majoritaires de la société GEP-Vidal, Roger Vidal et son épouse, Marie-Christine Roudière, ont souscrit au profit de la société Keolis, par acte du 1er octobre 2003, une garantie d'actif et de passif ; après avoir notamment déclaré que la société s'est conformée à l'ensemble des réglementations qui lui sont applicables au titre de ses activités tant en France qu'à l'étranger (article 1.16), M. et Mme Vidal se sont engagés à garantir l'exactitude et la sincérité des déclarations faites à l'article 1, ainsi que celle des comptes arrêtés au 30 septembre 2003, dans les conditions suivantes :
Les garants déclarent garantir intégralement la consistance réelle des actifs et l'exactitude des différents postes de passif figurant au 30 septembre 2003 au bilan de la société.
En conséquence :
a) toute inexactitude ou erreur, volontaire ou non, dans les déclarations faites à l'article 1 ci-dessus engagera la responsabilité des cédants qui seront tenus de supporter le coût des obligations qui pourraient incomber à la société en raison d'événements ou de situations non conformes aux déclarations ci-dessus.
b) les garants s'engagent à supporter et à régler de leurs deniers le montant de toute diminution de la valeur de l'un des postes de l'actif immobilisé, ainsi que le montant de tout passif nouveau ne figurant pas dans le bilan de la société clos au 30 septembre 2003 ou insuffisamment provisionné, dès lors que toute diminution d'actif ou tout passif nouveaux auraient une cause ou une origine imputable à des faits ou circonstances antérieurs à la date de la cession ou résulterait d'un acte effectué ou omis en violation des déclarations stipulées à l'article 1 ci-dessus.
Le passif supplémentaire pourra résulter notamment de faits commerciaux ou de responsabilité civile, de l'exécution d'engagements hors bilan non mentionnés dans les comptes arrêtés au 30 septembre 2003, tels que cautions et avals donnés par la société, ou être l'effet de redressements effectués par les administrations fiscales ou sociales et résultant ou non de vérifications de la société, ou encore du fait que le recensement des actifs au 30 septembre 2003 soit inexact ou que certains postes n'aient pas fait l'objet de provisions suffisantes.
La diminution d'actif pourra résulter notamment de toute surévaluation dans les comptes d'un poste d'actif, d'une dépréciation des stocks ou de l'absence ou de l'insuffisance de provisionnement de créances inscrites au bilan de la société " (article 2).
Il est, en outre, stipulé dans l'acte que la garantie est consentie pour une durée de quatre ans à compter du 1er octobre 2003 (article 4) et qu'elle ne pourra être mise en jeu que si l'ensemble des sommes dues à ce titre est au moins égal à 7 500 , le montant de la garantie étant, par ailleurs, limité à 280 000 (article 5).
Début novembre 2005, le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a saisi le Conseil de la concurrence, en application de l'article L. 462-5 du Code de commerce, de pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire et interurbain dans le département des Pyrénées-Orientales, à l'occasion des marchés passés en 2002 et 2003 par l'Union départementale des syndicats intercommunaux scolaires et de transport (UDSIST) et le conseil général.
Après enquête, des griefs d'infractions aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ont été notifiés, le 8 avril 2008, à 32 entreprises de transport de personnes, dont la société GEP-Vidal ; il leur était ainsi reproché de s'être réparti avant le dépôt des offres les lots du marché de transport scolaire lancé en mars 2002 dans le département des Pyrénées-Orientales, qui a donné lieu à une relance en juillet 2002, puis en mars 2003 sur un lot, et d'avoir empêché l'un des candidats à l'appel d'offres, la société Siberbus ou sa filiale CFT, de pouvoir normalement soumissionner en constituant des groupements.
La société GEP-Vidal n'a pas contesté la réalité des griefs ainsi notifiés et a sollicité le bénéfice des dispositions de l'article L. 464-2 III du Code de commerce permettant au rapporteur général de proposer au Conseil de la concurrence une sanction pécuniaire tenant compte de l'absence de contestation, le montant maximum de la sanction encourue étant alors réduit de moitié.
Par décision n° 09-D-03 du 21 janvier 2009, le Conseil de la concurrence a considéré que 7 des 35 entreprises poursuivies, dont la société GEP-Vidal, avaient enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce prohibant la concertation anti-concurrentielle et infligé notamment à cette société une sanction pécuniaire de 82 000 .
La société GEP-Vidal a aussitôt informé M. et Mme Vidal de cette décision et de son intention de ne pas former de recours ; elle leur a également demandé, en vain, de régler le montant de la sanction pécuniaire, augmentée des honoraires d'avocat liés à la procédure devant le Conseil de la concurrence, au titre de la clause de garantie d'actif et de passif.
Par acte du 26 mars 2010, la société Keolis a fait assigner M. et Mme Vidal devant le Tribunal de commerce de Carcassonne en paiement de la somme de 182 825,55 , déduction faite de la franchise prévue contractuellement.
Le tribunal, par jugement du 12 décembre 2011, a notamment condamné M. et Mme Vidal à payer à la société Keolis, avec exécution provisoire, la somme de 47 376 en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 octobre 2009, outre la somme de 1 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Keolis a régulièrement relevé appel de ce jugement en vue de sa réformation.
Elle demande à la cour (conclusions reçues par le RPVA le 25 septembre 2012) de condamner solidairement M. et Mme Vidal à lui payer, solidairement, la somme de 182 825,55 au titre de la mise en jeu de la garantie d'actif et de passif, outre intérêts au taux légal majoré de 3 points à compter de la mise en demeure du 5 octobre 2009 ; elle sollicite également leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 7 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :
- la sanction pécuniaire de 82 000 infligée à la société GEP-Vidal par le Conseil de la concurrence n'a pas été déterminée, contrairement à que M. et Mme Vidal ont soutenu, par référence au chiffre d'affaires mondial HT du groupe Keolis,
- M. et Mme Vidal, qui ont directement bénéficié, à titre personnel, des pratiques anticoncurrentielles de la société GEP-Vidal, avant sa cession à la société Keolis, doivent prendre en charge sans abattement le montant de la sanction pécuniaire infligée par le Conseil de la concurrence, qui constitue un nouveau passif lié à des faits antérieurs à la cession,
- leur responsabilité est engagée en raison de l'inexactitude de leur déclaration (selon laquelle la société s'est conformée à l'ensemble des règlementations qui lui sont applicables), qui les expose à supporter le coût des obligations mises à la charge de la société GEP-Vidal, y compris les honoraires d'avocat exposés pour sa défense devant le Conseil de la concurrence (108 325,55 HT),
- le montant des honoraires du cabinet Herbert Smith, spécialisé en droit de la concurrence, dépasse de 23 210,55 HT le budget estimatif initialement annoncé à M. et Mme Vidal, mais ce cabinet d'avocats a également dû gérer une procédure d'appel de la décision du Conseil de la concurrence devant la Cour d'appel de Paris,
- en outre, il est prévu, dans l'acte du 1er octobre 2003, que les sommes dues au titre de la garantie d'actif et de passif portent de plein droit intérêts, sans mise en demeure préalable, au taux légal majoré de 3 points.
Formant appel incident, M. et Mme Vidal demandent à la cour (conclusions reçues par le RPVA le 31 juillet 2012) de débouter la société Keolis de l'ensemble de ses demandes et, subsidiairement, de ramener le montant des sommes dues au titre de la garantie de passif à la somme de 28 000 ; ils réclament également la condamnation de l'appelante à leur payer la somme de 10 000 en remboursement de leurs frais irrépétibles.
Ils exposent en substance que :
- la participation de la société GEP-Vidal à une entente irrégulière était contestable, contrairement à la position adoptée par la société Keolis, le fait d'avoir participer à des groupements momentanés d'entreprises (GME) en vue de faciliter la candidature de la société aux appels d'offres n'étant pas, en effet, selon la jurisprudence du Conseil de la concurrence, un indice suffisant pour démontrer l'existence d'une pratique prohibée,
- la société Keolis, par l'intermédiaire de sa filiale, la société Les Courriers Catalans, laquelle a participé et reconnu avoir participé à une entente illicite, était parfaitement informée des faits qu'elle dénonce et ne saurait dès lors, sans être de mauvaise foi, réclamer l'application de la garantie de passif pour obtenir le remboursement de l'amende infligée par le Conseil de la concurrence,
- en s'abstenant de contester les griefs reprochés à la société GEP-Vidal, la société Keolis a commis une faute à leur égard dans la gestion de la procédure devant le Conseil de la concurrence, sa stratégie de défense ayant été, en réalité, motivée par le fait que des sanctions lui avaient déjà été infligées pour des faits similaires,
- les frais de justice et les honoraires d'avocat, exposés à l'occasion de la procédure devant le Conseil de la concurrence, ne peuvent être pris en charge au titre de la garantie de passif, dès lors que de tels frais et honoraires ne correspondent pas à une dette inhérente à l'activité de la société, antérieure au 30 septembre 2003,
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 2 mai 2013.
MOTIFS DE LA DECISION :
C'est vainement que M. et Mme Vidal soutiennent que la société Keolis, dont la stratégie aurait été, selon eux, dictée par des considérations liées à l'existence d'une précédente sanction prononcée contre elle, en juillet 2005, par le Conseil de la concurrence, a commis une faute à leur égard dans la gestion de la procédure devant le Conseil en s'abstenant de contester les griefs.
D'une part, la société Keolis, qui a avisé M. et Mme Vidal, comme elle en avait l'obligation en vertu de l'article 3 du contrat, de la procédure engagée devant le Conseil de la concurrence par courrier du 22 décembre 2006, a régulièrement tenu ces derniers informés de l'avancement de la procédure et sollicité tous éléments d'information par plusieurs courriers recommandés leur ayant été adressés entre le 20 février 2007 et le 15 mai 2008 ; elle leur a ainsi transmis, le 3 mars 2008, le questionnaire du rapporteur général, sollicitant des réponses à diverses questions, notamment en ce qui concerne les groupements constitués en vue des appels d'offres, et, le 16 avril 2008, la notification des griefs émanant du Conseil de la concurrence, leur indiquant qu'un délai, expirant le 10 juin 2008, lui était donné pour répondre à cette notification ; or, M. et Mme Vidal, qui n'avaient jusqu'alors fait parvenir à la société Keolis aucun argumentaire précis, ni aucune pièce, permettant de discuter les pratiques anticoncurrentielles, reprochées à la société GEP-Vidal, ont adressé tardivement au conseil de la société Keolis, par télécopie du 6 juin 2008, une lettre contestant la portée des pièces recueillies au cours de l'instruction et donc, les griefs précédemment notifiés ; ils ne peuvent dès lors reprocher à la société Keolis d'avoir pris la décision de ne pas contester les griefs, comme celle-ci les en avait avisés par courrier du 15 mai 2008.
D'autre part, il n'est nullement établi qu'une contestation des griefs devant le Conseil de la concurrence aurait permis à la société GEP-Vidal d'être exonérée de toute sanction pour infraction aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce ; en effet, il est de principe que si la constitution de groupements destinés à répondre à un appel d'offres n'est pas en soi prohibée, il en va autrement lorsque la constitution de tels groupements contribue à une diminution artificielle du nombre des entreprises candidates ou masque une entente sur les prix ou la répartition des marchés ; le Conseil de la concurrence indique ainsi, au point 107 de sa décision du 21 janvier 2009, qu'il n'est pas reproché aux entreprises, en particulier celles de petite dimension, d'avoir participé à des groupements, alors qu'elles n'auraient pu concourir isolément et d'avoir voulu se positionner sur des lots sur lesquels elles étaient déjà actives, mais aux transporteurs, qui ont pris part à la concertation anticoncurrentielle, d'avoir utilisé la constitution d'un seul groupement par lot pour procéder à une répartition du marché des transports scolaires du département des Pyrénées-Orientales.
Ainsi, dans le cadre de l'appel d'offres lancé en mars 2002 par l'UDSIST, puis de la procédure mise en œuvre, en juillet 2002, sous la forme de marché négocié, la société GEP-Vidal a soumissionné sur les lots 1, 5, 6 et 9, chaque fois dans un groupement unique constitué, respectivement, de 6, 7, 8 et 12 autres entreprises de transport ; l'enquête a établi, comme le relève la Cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 5 janvier 2010, que des réunions et des contacts entre transporteurs ont eu lieu entre février 2002 et la date limite des offres, le 4 juin 2002, puis au cours de la période précédant les offres du marché négocié ; de plus, a été saisie dans les locaux de la société GEP-Vidal et de M. Vails une télécopie, datée du 26 mars 2002, ayant été envoyée juste avant le dépôt des offres par le GIE Carinter, lequel avait servi de relais d'informations pour la préparation de l'appel d'offres, télécopie sur laquelle figurait une liste de 29 transporteurs avec l'indication de leurs coordonnées et des lots auxquels étaient censés souscrire les différents transporteurs.
Dans sa décision, au point 96, le Conseil de la concurrence retient que les documents découverts chez GEP-Vidal et chez Jean Vails indiquent avec un important degré de précision, presque un mois et demi avant le dépôt des offres, les lots pour lesquels chacune des entreprises répertoriées est admise comme membre de l'unique groupement "local" constitué pour chaque lot, que cette répartition est le fruit de discussions, d'échanges et de réunions, qui remontent à plus de deux ans avant le lancement de l'appel d'offres plusieurs fois reporté, ainsi que le montrent les documents saisis au sein des Courriers Catalans et que l'entente s'est concrétisée lors des dernières réunions organisées par le GIE Carinter qui ont débouché sur l'établissement des documents découverts ; selon le Conseil, les déclarations également recueillies lors de l'enquête confirment la concertation, qui peut être déduite de ces documents, puisqu'elles établissent, comme il est précisé au point 97 de la décision, que le principe d'un seul groupement candidat par lot a été décidé par un certain nombre de transporteurs au cours de réunions et plus spécialement au cours d'une réunion sous l'égide du GIE Carinter et que la plupart des participants à ces réunions devaient dans une large mesure savoir qui participerait à chaque groupement.
L'infraction à l'article L. 420-1 tient donc au fait que pour l'attribution des 9 lots du marché des transports scolaires du département, les entreprises locales ou certaines d'entre elles se sont concertées afin qu'un groupement unique soit constitué pour chaque lot, empêchant ainsi le dépôt d'offres par des entreprises individuelles ou des groupements concurrents ; en l'état des éléments recueillis lors de l'enquête, il n'est pas dès lors évident que la société GEP-Vidal, qui n'a jamais contesté avoir participé aux réunions organisées avec les autres transporteurs du département par le GIE Carinter et chez laquelle a, précisément, été découverte la télécopie envoyée par le GIE, le 26 mars 2002, peu avant le dépôt des offres, aurait pu être exonérée de toute sanction si elle avait contesté les griefs ; ce n'est que tardivement, le 8 juin 2008, que M. et Mme Vidal ont contesté que la société ait été destinataire du fax envoyé, en mars 2002, par le GIE Carinter et ont émis l'hypothèse que celui-ci ait pu se trouver dans les locaux de l'entreprise postérieurement à cette date.
Par ailleurs, M. et Mme Vidal ne sont pas fondés à soutenir que la société Keolis a participé, par l'intermédiaire de sa filiale, la société Les Courriers Catalans, aux faits d'entente illicite et qu'elle ne peut, en conséquence, se prévaloir de la garantie de passif pour réclamer le remboursement d'une amende relativement à des faits, dont elle avait connaissance lors de la souscription de la garantie ; les éléments, qu'ils invoquent tirés des déclarations faites, lors de l'enquête diligentée par le Conseil de la concurrence, par les dirigeants de la société Les Courriers Catalans, ne sont pas, en effet, de nature à établir que la société mère a commandité ou a été associée à la stratégie développée par sa filiale lors de l'appel d'offres lancé par l'UDSIST en vue de l'attribution du marché des transports scolaires ou même qu'elle a été simplement informée de la concertation mise en œuvre par diverses entreprises, dont la société Les Courriers Catalans, visant à fausser le jeu de la concurrence.
Si l'ancien directeur de la société Les Courriers Catalans (M. Remy) a ainsi indiqué, lors de l'enquête, qu'à l'occasion de l'appel d'offres, les prix de soumission des lots 6 et 9 avaient été déterminés avec sa hiérarchie, laquelle avait également été informée, lors de la négociation d'octobre 2002, de la composition des groupements, il ne peut pour autant en être déduit que la société Keolis avait eu connaissance de la stratégie mise en place par sa filiale, en concertation avec d'autres entreprises de transport du secteur, visant à ne constituer qu'un seul groupement d'entreprises par lot, dans le but de faire obstacle au dépôt d'offres par des entreprises individuelles ou des groupements concurrents ; le fait que la société Les Courriers Catalans ait demandé à la société Keolis, lors de la négociation de septembre - octobre 2002, de mettre à sa disposition des véhicules de type interurbain supplémentaires, n'est pas davantage révélateur de la connaissance, qu'elle pouvait avoir, de la pratique anticoncurrentielle développée par sa filiale ; enfin, l'actuel directeur de la société Les Courriers Catalans (M. Roos) a confirmé que les actes d'engagement sont signés par le directeur de la société, qui conçoit également la réponse aux appels d'offres et la stratégie de l'entreprise, dont il tient informé le directeur régional du groupe, et qu'en 2002-2003, la marge de manœuvre du directeur était similaire, le groupe Keolis étant alors en construction (sic).
L'article 2 du contrat conclu le 1er octobre 2003 oblige notamment les cédants à supporter tout passif nouveau ne figurant pas dans le bilan de la société clos au 30 septembre 2003 ou insuffisamment provisionné, dès lors que ce passif a une cause ou une origine imputable à des faits ou circonstances antérieurs à la date de la cession ou résulterait d'un acte effectué ou omis en violation des déclarations stipulées à l'article 1 aux termes duquel M. et Mme Vidal ont notamment déclaré que la société s'est conformée à l'ensemble des réglementations qui lui sont applicables au titre de ses activités tant en France qu'à l'étranger.
La sanction pécuniaire infligée par le Conseil de la concurrence à la société GEP Vidal, pour des faits de pratique anticoncurrentielle commis antérieurement au 30 septembre 2003, entre à l'évidence dans le champ d'application de la garantie de passif ; si dans sa décision, le Conseil a retenu, aux points 128 et 130, que le plafond de la sanction applicable à la société GEP-Vidal, société du groupe Keolis n'ayant pas contesté les griefs, était de 140 millions d'euros, correspondant à 5 % du chiffre d'affaires consolidé du groupe réalisé en 2007, conformément au I de l'article L. 464-2 du Code de commerce, cette circonstance de l'appartenance de la société au groupe Keolis, dont il a été tenu compte pour la fixation du montant de la sanction, n'est pas de nature à justifier un abattement sur la somme due par M. et Mme Vidal, qui se sont engagés vis-à-vis de la société Keolis à supporter tout passif nouveau d'un montant supérieur à 7 500 , que celle-ci aurait à supporter pour des faits ayant une cause ou une origine antérieure à la cession du 22 juillet 2003, dans la limite d'un montant maximum de 280 000 ; c'est donc à tort que le tribunal de commerce a estimé devoir réduire à 18 768 la somme due par ces derniers au titre de la garantie de passif, après avoir relevé que les sanctions infligées aux autres sociétés ne dépassaient pas 15 % du plafond et que les bénéfices du marché obtenu par la société GEP-Vidal avaient profité au groupe Keolis deux années sur trois ; M. et Mme Vidal sont donc tenus au paiement de la somme de 82 000 , montant de la sanction prononcée par le Conseil de la concurrence.
S'agissant des honoraires d'avocat exposés par la société Keolis à l'occasion de la procédure diligentée devant le Conseil de la concurrence, M. et Mme Vidal ne peuvent prétendre que ceux-ci ne relèvent pas de la garantie de passif au sens de l'article 2 du contrat ; en effet, les honoraires d'avocat, qu'a dû régler la société Keolis pour la défense des intérêts de la société GEP-Vidal, sa filiale, à raison de faits d'entente illicite commis antérieurement à la cession, doivent être regardés comme un élément de passif nouveau ; ainsi, l'article 2 susvisé couvre tout passif nouveau quelle qu'en soit la nature, ayant une cause ou une origine antérieure à la cession et qui, ne figurant pas dans le bilan de la société clos au 30 septembre 2003, doit être supporté par le cessionnaire ; si le e) de cet article dispose que le passif supplémentaire pourra résulter notamment de faits commerciaux ou de responsabilité civile, de l'exécution d'engagement hors bilan non mentionnés dans les comptes arrêtés au 30 septembre 2003 tels que cautions, avals donnés par la société ou être l'effet de redressements effectués par les administrations fiscales ou sociales, force est de constater que la liste donnée n'est pas limitative en sorte que les frais engagés par le bénéficiaire de la garantie dans le cadre d'une procédure engagée contre la société pour des faits antérieurs à la cession constituent bien un élément de passif nouveau.
M. et Mme Vidal, qui n'ont émis aucune objection à la désignation du cabinet d'avocats Herbert Smith pour défendre les intérêts de la société GEP-Vidal devant le Conseil de la concurrence, ne sauraient reprocher ce choix à la société Keolis ; en revanche, celle-ci n'a pas exécuté complètement son obligation d'information découlant de l'article 3 du contrat, puisqu'elle n'a, par courrier du 20 février 2007, annoncé aux intéressés qu'un coût d'honoraires prévisionnel de 36 615 HT en cas d'issue négociée du dossier ; elle ne peut dès lors réclamer de ce chef le paiement d'une somme totale de 108 325,55 HT au motif que le cabinet d'avocats a également dû gérer une procédure d'appel de la décision du Conseil de la concurrence devant la Cour d'appel de Paris, procédure à laquelle la société GEP-Vidal n'était pas partie.
La somme due par M. et Mme Vidal au titre de la garantie de passif s'élève en définitive à la somme de : (82 000 + 36 615 ) - 7 500 = 111 115 à laquelle ils doivent être condamnés, avec intérêts au taux légal majoré de 3 points, conformément à l'article 2e) du contrat, à compter du 5 octobre 2009, date de la mise en demeure.
Le jugement entrepris doit donc être réformé, mais seulement quant au montant de la condamnation prononcée à l'encontre de M. et Mme Vidal au titre de la garantie du passif.
Au regard de la solution apportée au règlement du litige, M. et Mme Vidal doivent être condamnées aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Keolis la somme de 2 000 au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, Réforme le jugement du Tribunal de commerce de Carcassonne en date du 12 décembre 2011, mais seulement quant au montant de la condamnation prononcée à l'encontre de M. et Mme Vidal au titre de la garantie du passif, Statuant à nouveau de ce chef, Condamne Roger Vidal et son épouse, Marie-Christine Roudière, à payer à la société Keolis la somme de 111 115 en principal, avec intérêts au taux légal majoré de 3 points à compter du 5 octobre 2009, Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions, Condamne M. et Mme Vidal aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Keolis la somme de 2 000 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même Code.