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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 26 juin 2013, n° 12-04441

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

JCB Sales Ltd (Sté), JC Bamford Excavators Ltd (Sté), JCB Service (Sté)

Défendeur :

Central Parts (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Luc, Pomonti

Avocats :

Mes de Maria, Akyurek, Morgan de Rivery, Olivier, Lavisse

T. com. Orléans, 6e ch., du 4 juin 2008

4 juin 2008

La société anonyme Central Parts (société Central Parts) a notamment pour activité l'importation et la distribution d'engins et de pièces détachées pour travaux publics.

La société de droit anglais JCB Service est une société holding. Elle a plusieurs filiales, notamment les sociétés de droit anglais JCB Finances, JCB Sales et la société JCB Bamford Excavators Ltd. Le groupe a pour activité la construction de matériels de travaux publics et de matériels agricoles ainsi que la vente de ces matériels.

La société Central Parts a souhaité s'approvisionner auprès des concessionnaires anglais et irlandais afin de bénéficier de meilleures conditions financières et logistiques que celles obtenues auprès du concessionnaire français.

Se plaignant du refus de vente opposé par les concessionnaires britanniques et irlandais de la société de droit anglais JCB Service Ltd, la société Central Parts, non agréée en France pour la distribution de ces produits a saisi, le 15 février 1996, la Commission des Communautés européennes de pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par cette société.

Par décision du 21 décembre 2000, la Commission a énoncé en son article 1 que "la société JCB et ses filiales avaient enfreint les dispositions de l'article 81 du Traité CE en concluant avec les concessionnaires des accords ou des pratiques concertées dont l'objet est de restreindre la concurrence à l'intérieur du marché commun afin de cloisonner les marchés nationaux et d'assurer une protection absolue sur les territoires exclusifs en dehors desquels les concessionnaires sont empêchés de réaliser des ventes actives et qui comportent les éléments suivants : a) restriction des ventes passives des concessionnaires établis au Royaume-Uni, en Irlande, en France et en Italie, qui comprennent des ventes aux revendeurs non agréés, aux utilisateurs finals ou aux concessionnaires établis en dehors des territoires exclusifs, et notamment dans les autres états membres". Elle a rejeté la demande d'exemption faite par le "groupe JCB-UK". Elle a infligé une sanction pécuniaire à la société JCB Service de 39 614 000 euros et lui a enjoint de cesser ces pratiques.

Le Tribunal de première instance des Communautés européennes a par arrêt du 13 janvier 2004 maintenu la condamnation de la société JBC Services pour la pratique citée. Il a rejeté la demande d'exemption présentée par JCB. Le pourvoi contre cet arrêt a été rejeté par un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 21 septembre 2006.

La société Central Parts a assigné les sociétés JCB Services, JCB Sales Ltd, JCB Finances Ltd et JC Bamford Excavators Ltd en dommages-intérêts par actes des 4 mars 2004 et 12 avril 2005 devant le Tribunal de commerce d'Orléans.

Par jugement du 4 juin 2008, le Tribunal de commerce d'Orléans a notamment condamné solidairement les sociétés JBC Services, JCB Sales, JCB Finances Ltd et JC Bamford Excavators Ltd à lui payer des dommages-intérêts à hauteur de 600 000 euros.

Par arrêt du premier avril 2010, la Cour d'appel d'Orléans a mis hors de cause la société JCB Finances, confirmé le jugement qui a retenu la responsabilité du "groupe JCB" et rejeté la demande en dommages-intérêts pour résistance abusive formée par la société Central Parts, dit que les surcoûts occasionnés par les difficultés d'approvisionnement constituent un préjudice indemnisable, condamné solidairement les sociétés JBC Services, JCB Sales, et JC Bamford Excavators Ltd à payer à la société Central Parts une provision et avant dire droit sur le montant du préjudice financier subi par la société Central Parts, ordonné une expertise et désigné un expert.

Par arrêt du 15 novembre 2011, aux motifs tirés de la violation de l'article 32 du Code de procédure civile et de l'article 1382 du Code civil, la Cour de cassation a annulé l'arrêt sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société JCB Finances et renvoyé devant la Cour d'appel de Paris.

Par conclusions du 7 mai 2013, les sociétés JCB Service, JCB Sales Ltd et JCB Bamford Excavators Ltd demandent à la cour de rejeter la demande de rejet de leurs conclusions et pièces communiquées le 22 avril 2013 formée par la société Central Parts.

Appelantes, les sociétés JCB Service, JCB Sales Ltd et JCB Bamford Excavators Ltd demandent à la cour par conclusions du 22 avril 2013 auxquelles il convient de se référer pour l'exposé plus ample des moyens, de :

- constater qu'il n'existe aucun lien entre les pratiques pour lesquelles la société JCB Service a été condamnée par les instances de l'Union européenne et le préjudice invoqué par la société Central Parts,

- infirmer le jugement qui a fait droit partiellement aux demandes indemnitaires de la société Central Parts,

- subsidiairement, si la cour estime qu'il existe un lien de causalité entre les pratiques et le préjudice,

- constater que le préjudice est inexistant,

- mettre hors de cause les sociétés JCB Sales et JCB Bamford Excavators,

- condamner la société Central Parts à payer aux sociétés JCB la somme de 50 000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles et à supporter les dépens.

Par conclusions du 5 mai 2013, la société Central Parts demande le rejet des conclusions des sociétés JCB Services, JCB Finances, JCB Bamford Excavators et JCB Sales en date du 22 avril 2013, communiquées la veille de la clôture, auxquelles elle n'a pu répondre, compte tenu des modifications importantes qu'elles comportaient ainsi que les pièces nouvelles 26 à 35 qu'elle a communiquées simultanément.

Par conclusions du 5 avril 2013 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé plus ample des moyens, la société Central Parts demande à la cour de :

- principalement,

- débouter les appelantes,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce qui a reconnu les sociétés JCB Services, JCB Sales Ltd et JCB Bamford Excavators Ltd auteurs de fautes génératrices d'un préjudice pour la société Central Parts,

- confirmer le jugement qui a ordonné leur condamnation solidaire et les condamner in solidum,

- infirmer le jugement sur le quantum,

- liquider le préjudice au vu du pré-rapport de l'expert,

- les condamner in solidum à lui payer la somme de 4 527 692 euros à titre de dommages-intérêts pour refus de vente,

- subsidiairement,

- les condamner in solidum à lui verser une provision de 1 000 000 euros ou à tout le moins de 600 000 euros à valoir sur son indemnisation définitive,

- avant dire droit désigner Monsieur Guibert avec mission de clôturer le rapport,

- infirmer le jugement qui l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- condamner in solidum les sociétés JCB Services, JCB Sales Ltd et JCB Bamford Excavators Ltd à lui payer la somme de 300 000 euros pour résistance abusive,

- assortir ces condamnations de l'intérêt au taux légal à compter de l'assignation et dire que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil à compter de la signification des premières écritures,

- infirmer le jugement sur la condamnation à une indemnité pour frais irrépétibles de première instance,

- condamner solidairement les appelantes à lui payer la somme de 150 000 euros à ce titre,

- condamner les appelantes solidairement à lui payer la somme de 37 500 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles engagés en cause d'appel,

- condamner solidairement les appelantes à supporter les dépens qui seront recouvrés avec le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile.

SUR CE

1) Sur le rejet des pièces et conclusions des sociétés JCB Service, JCB Sales Ltd et JCB Bamford Excavators Ltd du 22 avril 2013 :

Considérant que la société Central Parts demande à la cour de rejeter les pièces et conclusions versées la veille de l'ordonnance de clôture par ces sociétés, exposant que "ces conclusions modifient considérablement leur argumentation primitive" et qu'elles ont communiqué simultanément de nombreuses pièces nouvelles, qu'elle n'a pu en prendre connaissance et a fortiori y répondre ; que les sociétés JCB Service, JCB Sales Ltd et JCB Bamford Excavators Ltd font valoir qu'elles n'ont fait que répondre aux conclusions et pièces déposées le 5 avril 2013 c'est-à-dire quelques jours avant l'ordonnance de clôture par la société Central Parts qui est ainsi à l'origine de la situation,

Considérant que les parties ont été informées de la date de clôture (23 avril 2013) et de plaidoiries (22 mai 2013) par avis du 13 juillet 2012,

Considérant que la société Central Parts n'explique pas en quoi les conclusions et pièces dont elle demande le rejet apportent de sa part une réponse, se bornant à affirmer que l'argumentation initiale est modifiée sans préciser en quoi celle-ci est en effet nouvelle et apporte une réponse de sa part, qu'elle ne précise pas non plus en quoi les pièces versées le 22 avril 2013 apportent de sa part une réponse,

Considérant que la demande de rejet des pièces et conclusions sera rejetée,

2) Sur les fautes des sociétés JCB Service, JCB Sales Ltd et JCB Bamford Excavators Ltd :

Considérant que par arrêt du 13 janvier 2004 le TPICE a rejeté le recours contre la décision de la Commission du 21 décembre 2000 en ce qu'elle avait notamment :

- dans l'article 1, dit que :

JCB Service et ses filiales ont enfreint les dispositions de l'article 81 du traité CE en concluant avec des concessionnaires des accords ou des pratiques concertées dont l'objet est de restreindre la concurrence à l'intérieur du marché commun afin de cloisonner les marchés nationaux et d'assurer une protection absolue sur des territoires exclusifs en dehors desquels les concessionnaires sont empêchés de réaliser des ventes actives et qui comportent les éléments suivants :

a) restrictions des ventes passives des distributeurs établis au Royaume-Uni, en Irlande, en France et en Italie, auprès des revendeurs non agréés, des utilisateurs finals ou des distributeurs établis en dehors des territoires exclusifs et notamment dans d'autres Etats membres (point 182 de l'arrêt du TPICE),

b) restrictions des sources d'approvisionnement concernant les achats de produits contractuels par des concessionnaires établis en France et en Italie qui empêchent les approvisionnements réciproques entre concessionnaires (point 182 arrêt du TPICE),

- dans l'article 2 : rejeté la demande d'exemption présentée par JCB Bamford Excavators,

- dans l'article 4 : fixé l'amende infligée à JCB Service à 39 614 000 euros,

Considérant que par arrêt du 21 septembre 2006, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt du TPICE par JBC Service sur ces points,

Considérant que la société Central Parts reproche à ces trois sociétés de lui avoir refusé des ventes illégalement, qu'elle soutient en substance que les décisions communautaires qui ont déterminé les fautes commises par ces trois sociétés s'imposent à la juridiction nationale et qu'elles ne peuvent être à nouveau jugées d'autant plus que les appelantes les ont reconnues, les estimant légales,

- que le TPI n'a nullement indiqué que le contrat de distribution interdisait valablement aux distributeurs anglais de vendre à des distributeurs non agréés des matériels en vue de leur revente, qu'il a expressément rejeté la validité de telles pratiques (point 134 CJCE),

- que les infractions étaient caractérisées, au regard des termes des paragraphes de la décision du TPI n° 82, 107 et 108, et également de celle de la CJCE n° 128,

- qu'elle-même avait le droit de contourner les interdictions de revente qui étaient opposées aux revendeurs non agréés,

Considérant que JCB Service, JCB Bamford Excavators Ltd et JCB Sales Ltd font valoir que les juridictions communautaires n'ont retenu que deux infractions dont Central Parts ne peut se prévaloir, soit la restriction par la société JCB Service des livraisons croisées entre ses concessionnaires et l'interprétation abusive des stipulations des accords signés par les distributeurs anglais, français et italiens de la société JCB Service qui allait au-delà des stipulations légitimes desdits accords lesquels, de façon expresse dans le cas du Royaume-Uni et de l'Irlande, visaient spécifiquement et uniquement l'interdiction de revendre aux distributeurs non autorisés ; que le Tribunal de commerce d'Orléans a fait une interprétation erronée de ces décisions, que les société JCB reprennent et exposent :

1) qu'on ne peut soutenir que le tribunal lui ait reproché d'avoir fait en sorte que les revendeurs agréés anglais et irlandais refusent de vendre à des revendeurs non agréés,

2) que des conséquences erronées ont été tirées du défaut d'exemption, que la société Central Parts a eu des pratiques déloyales en France et au Royaume-Uni et ne pouvait se voir reconnaître le statut de distributeur agréé ; qu'elles exposent enfin que les corrections demandées par la Commission et confirmées par le TPI et la CJCE ont été exécutées au temps et en heure sans aucune réclamation depuis cette date,

Considérant toutefois que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés JCB Service, JCB Sales Ltd et JCB Bamford Excavators Ltd, les juridictions communautaires ont relevé dans des dispositions parfaitement claires, les infractions de restriction de ventes passives par les revendeurs anglais et irlandais aux revendeurs non agréés et ont refusé l'exemption sollicitée de sorte que le réseau de distribution de JCB n'étant pas reconnu comme sélectif, JCB ne pouvait interdire de revendre à des distributeurs non agréés, qu'en effet, la CJCE a rappelé (points 125 à 139) que le TPICE a estimé que les documents de la cause établissaient :

1) que les distributeurs au Royaume-Uni, en Irlande et en France estimaient que leur accord avec le groupe JCB les obligeait à des pratiques commerciales restrictives et avaient ainsi adopté un comportement correspondant ce qui caractérisait des pratiques restrictives distinctes du contenu des accords notifiés,

2) que pour l'Irlande, dans le contexte de stipulations contractuelles identiques en l'espèce à celles du Royaume-Uni, mais non notifiées, les éléments de fait corroborés par le comportement général de limitation des ventes hors territoire dans le reste du réseau de distribution du grouper JCB permettaient de caractériser également l'existence de l'infraction,

3) que pour la France, l'accord standard de concession datant de 1991 comportait en son article 2 une clause d'exclusivité réciproque qui interdisait notamment au concessionnaire de vendre, de diffuser ou de promouvoir directement ou indirectement les produits et les pièces JCB en dehors du territoire concédé et que cet accord non notifié interdisait les ventes actives et par sa rédaction même comportait aussi une interdiction des ventes passives en dehors du territoire concédé, qu'enfin, la CJCE a indiqué (point162 et suivants) que la combinaison de la sélectivité et de l'exclusivité propre au système de distribution du groupe JCB emportait un cumul des restrictions non indispensables sans que ces limitations fussent contrebalancées par des effets bénéfiques notamment pour les consommateurs que le groupe JCB affirmait sans le démontrer aucunement (Commission point 207 s) ; que la cour a rappelé (point 166) que le TPICE a relevé que JCB n'avait pas démontré que ces accords pourraient relever du régime d'exemption par catégorie prévu par le règlement CEE 123-85 remplacé par le règlement CEE 1475-95 (les produits concernés ne sont pas visés par ces textes point 164 de l'arrêt du TPICE) pas plus que la société JCB n'avait établi qu'ils pouvaient faire l'objet d'une décision d'exemption individuelle au titre de l'article 81 paragraphe 3 CE (points 165, 166, 167 et 168 de l'arrêt du TPICE),

Considérant qu'en application de l'article 16 du règlement CE n° 1-2003 du Conseil du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du Traité, le constat des violations s'impose aux juridictions nationales ; qu'ainsi, les contestations de JCB qui prétend que ses refus seraient licites au vu des règlements d'exemption de 1999 et 2010 ne sont pas recevables,

Considérant que les infractions à la législation communautaire constituent des fautes civiles selon le droit français,

Considérant, quant au rôle de la société JCB Service, que le TPICE constatait que dans un courrier du 2 juin 1992, la société JCB Service exposait très clairement (point 106) sa position en ce qui concerne les exportations parallèles qui est de décourager activement la vente de toute nouvelle machine à l'étranger (...) par l'intermédiaire d'un distributeur du Royaume-Uni et qu'en cloisonnant ainsi les territoires de ses distributeurs et des marchés nationaux, elle prohibait de façon générale toute vente hors territoire, notamment à l'étranger, qu'il s'agisse d'exportations parallèles en marge de son réseau de distribution ou non, et que ce comportement renforçait les restrictions imposées aux ventes passives ; que, comme l'expose la société Central Parts, JCB Service, société holding "impulse la politique commerciale" du groupe (selon la décision de la Commission point 89, les filiales lui adressent "toute demande douteuse" pour qu'il leur soit dit si elles doivent ou non livrer et selon le point 148, ses concessionnaires respectent ses instructions et sa politique) et organise de la fraude ; que selon la Commission (point 87) les dirigeants de JCB Service suggéraient à Watling JCB, société à laquelle Central Parts demande d'expliquer pourquoi il lui est refusé toute vente d'"ignorer la demande" ; que la société JCB Service a commis les infractions constatées par les décisions communautaires et que ces infractions constituent une faute délictuelle, selon le droit interne français,

Considérant que les sociétés JCB Sales Ltd et JCB Bamford Excavators Ltd sont les sociétés d'exploitation principales visées également par les décisions communautaires en tant que "filiales de JCB Service", qu'il est ainsi observé par exemple que la société JCB Bamford Excavators Ltd est auditionnée au cours de la procédure communautaire (point 49 arrêt TPICE) ; que ces deux sociétés notifient aux distributeurs les accords de distribution frauduleux sur l'ordre de JCB Service (point 6 de l'arrêt du TPICE et point 15 de l'arrêt de la CJCE), appliquent les consignes de la politique commerciale de la société JCB Service et contribuent à la réalisation des infractions relevées ; qu'elles ont ainsi commis une faute délictuelle selon le droit interne français ; que la demande tendant à les mettre hors de cause n'est ainsi pas justifiée et à cet égard, le fait qu'elles ne soient pas condamnées dans les décisions communautaires n'interdit pas à la juridiction nationale d'apprécier au regard des éléments qui lui sont soumis, notamment des décisions communautaires, les éléments de leur comportement constitutifs d'une faute,

Considérant que la société Central Parts, revendeur non agréé, s'est vu refuser tout approvisionnement en machines et pièces détachées par les distributeurs agréés anglais et irlandais en produits JCB, qu'à cet égard, le TPICE (point 88) a constaté que dans une lettre adressée le 30 novembre 1992, la société TC Harisson JCB, distributeur agréé, expliquait à Central Parts qu'elle n'a pas le droit d'exporter (reprise du point 91 de la décision de la Commission), que le distributeur agréé irlandais éludait les demandes de Central Parts (point 92 de la décision de la Commission) ; que la Commission constatait (point 94 de la décision) que pour l'approvisionnement en pièces détachées, les principales cibles de JCB étaient Interparts et Central Parts,

Considérant que les appelantes ne peuvent reprocher à la société Central Parts d'avoir contourné les refus que lui opposaient les distributeurs, alors que ce comportement a trouvé son origine directe dans les infractions relevées contre ces sociétés ; que le TPICE relève que le comportement répréhensible de Central Parts pour lequel cette société a été condamnée est sans incidence sur la réalité des infractions retenues contre JCB Service (point 95) ; que de même, il apparaît que les fautes commises par les sociétés JCB Service, JCB Sales Ltd et JCB Bamford Excavators Ltd ont incité la société Central Parts à agir comme elle l'a fait, de sorte que les sociétés JCB sont mal fondées à les invoquer ; que ces fautes sont sans incidence sur l'application de l'article 1382 du Code civil aux faits de l'espèce,

Considérant qu'il apparaît que contrairement à ce que soutiennent les sociétés JCB Service, JCB Sales Ltd et JC Bamford Excavators Ltd, le Tribunal de commerce d'Orléans a parfaitement interprété les décisions communautaires ; que les trois sociétés appelantes ont par les décisions prise par l'une, par l'exécution par les autres de ces décisions commis des fautes qui ont concouru à la réalisation du préjudice subi par Central Parts, que la cour les condamnera in solidum à réparer celui-ci,

Considérant enfin qu'il appartient à la cour de fixer la période au cours de laquelle les infractions sont commises pour la solution du litige porté devant la cour,

Considérant que la Commission précise dans les points 149, 252 et suivants que ces infractions sont prouvées sur la période début de l'année 1989 à fin de l'année 1998 sur la totalité de cette période pour l'infraction 1a), que cette appréciation est reprise par le TPICE en point 184 et par la CJCE (point 212),

Considérant au surplus que les sociétés JCB Service, JCB Sales Ltd et JCB Bamford Excavators Ltd exposent que les infractions ont cessé lorsqu'il leur a été imposé d'y mettre fin soit au plus tard dans les deux mois qui ont suivi la date de la décision de la Commission, c'est-à-dire le 21 février 2001,

Considérant que les sociétés JCB Service, JCB Sales Ltd et JCB Bamford Excavators Ltd ajoutent avoir commencé à appliquer les nouveaux contrats qu'elles avaient notifiés et qu'au plus tard, le 21 février 2001, "la société JCB était légitimement fondée à refuser de vendre à un distributeur/importateur non agréé tel que la société Central Parts (qui en tout état de cause n'aurait jamais pu être agréé (...)). Que celui-ci réside soit à l'intérieur soit hors de son territoire", que la société Central Parts estime que les sociétés JCB se contredisent et continuent de soutenir que leur refus de vente est légitime, ce qui est selon elle, un aveu judiciaire et qu'elle a à nouveau fait constater le refus qui lui est opposé en 2012,

Considérant toutefois qu'il peut être observé que la société Central Parts allègue sans en rapporter la preuve l'existence d'infractions similaires à celles qui ont été retenues par les instances communautaires et qu'elle ne peut rechercher dans les écritures de JCB la reconnaissance de la persistance des infractions, alors que les circonstances nées de l'application des nouveaux contrats supposent un nouvel examen des infractions qu'elle reproche aux sociétés JCB Service, JCB Sales Ltd et JCB Bamford Excavators Ltd et qu'elle ne met pas la cour en état de faire cet examen, faute de pièces,

Considérant que les infractions commises seront retenues sur la période du début de l'année 1989 au 21 février 2001,

3) Sur le préjudice subi par la société Central Parts :

a) sur la période à prendre en compte pour la réparation du préjudice :

Considérant que les sociétés JCB Service, JCB Sales Ltd et JCB JCB Bamford Excavators Ltd font valoir que le préjudice de la société Central Parts doit être "encadré dans le temps", qu'en effet, la prescription décennale est acquise pour partie et que l'action en réparation ayant été engagée par acte du 12 avril 2005 devant le Tribunal de commerce d'Orléans, seuls, sont à prendre en compte les préjudices subis à partir du 12 avril 1995, à les supposer justifiés ; qu'elles ont mis fin aux infractions au plus tard le 21 février 2001,

Considérant que selon la société Central Parts, la prescription n'a pu courir alors que sa créance indemnitaire dépendait de la condition de sa reconnaissance par les juridictions communautaires, que le préjudice a subsisté après l'injonction de la Commission du 20 décembre 2000,

Considérant que selon l'ancien article 2270-1 du Code civil applicable à la cause, le délai de prescription court à compter de la manifestation du dommage ; que l'article 2233 du Code civil ne peut être utilement invoqué par la société Central Parts, qu'en effet sa créance n'est pas conditionnelle et que rien n'interdisait à la société Central Parts de saisir du litige la juridiction nationale, sauf pour cette dernière de surseoir à statuer dans l'attente de la décision des instances communautaires ; qu'en effet, l'instance devant les juridictions communautaires dont l'objet est de déterminer les infractions à la législation communautaire, de les sanctionner et non de réparer le préjudice qui peut résulter de la commission de ces infractions, ne peut avoir suspendu la prescription ici encourue,

Considérant que doivent être pris en compte les préjudices subis depuis le 15 avril 1995 et résultant des infractions commises jusqu'au 21 février 2001,

b) sur l'existence du préjudice et son quantum :

Considérant que la société Central Parts expose avoir dû, en raison de l'impossibilité dans laquelle elle était de s'approvisionner, mettre en œuvre des circuits parallèles coûteux et avoir souffert d'une limitation de ses ventes et de son chiffre d'affaires, que son préjudice est largement déterminé par le pré-rapport d'expertise,

Considérant que selon les sociétés JCB Service, JCB Sales Ltd et JCB JCB Bamford Excavators Ltd, le préjudice dont la société Central Parts demande réparation est sans lien avec les infractions pour lesquelles elles ont été condamnées, que le préjudice financier est absent, inexistant, que la société Central Parts ne peut tirer quoi que ce soit du pré-rapport d'expertise alors que la cassation de l'arrêt qui l'a ordonnée a pour effet d'annuler les actes subséquents à l'arrêt cassé et qu'il ne s'agit pas d'un rapport définitif de sorte que la cour doit l'écarter,

Considérant que les pratiques anticoncurrentielles dénoncées par Central Parts et reconnues par les décisions communautaires et qui ont eu pour effet d'empêcher le jeu de la concurrence ont nécessairement causé un trouble commercial à celle-ci, que Central Parts a pu devoir engager des frais pour se fournir en produits JCB en raison des difficultés qu'elle rencontrait et souffrir d'un manque à gagner,

Considérant toutefois les éléments dont dispose la cour sont insuffisants pour statuer sur la demande de la société Central Parts et chiffrer les éléments composant son préjudice, que les tableaux de dépenses qu'elle présente sont une simple base de travail qui doit être analysée et discutée par les parties, qu'il en va de même du pré-rapport d'expertise qu'elle verse aux débats,

Considérant qu'une expertise sera ordonnée,

Considérant que rien ne s'oppose à la désignation de Lionel Guibert pour la réaliser,

Considérant qu'il sera sursis à statuer en l'état sur les demandes de réparation et que les dépens seront réservés,

Par ces motifs : LA COUR, Rejette la demande d'irrecevabilité des pièces et conclusions communiquées le 22 avril 2013 par les sociétés JCB Service, JCB Sales Ltd et JCB Bamford Excavators Ltd, Dit que les sociétés JCB Service, JCB Sales Ltd et JCB Bamford Excavators Ltd ont commis des infractions à la libre concurrence constitutives de fautes au sens de l'article 1382 du Code civil, Dit que ces sociétés ont concouru à la réalisation du préjudice subi par la société Central Parts, Les Condamne in solidum à le réparer, Dit que doivent être pris en compte les préjudices subis depuis le 15 avril 1995 et résultant des infractions commises jusqu'au 21 février 2001, Avant dire droit sur la réparation du préjudice de la société Central Parts, Ordonne une expertise, Désigne Lionel Guibert, expert auprès de la Cour d'appel de Paris, 80 rue Blanche, Paris avec mission d'évaluer les préjudices subis depuis le 15 avril 1995 et résultant des infractions commises jusqu'au 21 février 2001, et de préciser : - le surcoût occasionné par la mise en place de circuits d'approvisionnement parallèles et par la création de sociétés ad hoc sur le territoire du Royaume-Uni, le surcoût engendré par le besoin en main d'œuvre pour gérer les difficultés d'approvisionnement de la société Central Parts en produits JCB tout en recherchant si ce surcoût a pu ou non être répercuté sur les clients, - la perte du chiffre d'affaires et de marge sur les produits dont la fourniture a été interdite, fournir à la cour tous les éléments lui permettant de fixer le préjudice, Dit que l'expert devra préalablement communiquer aux parties un pré-rapport et recueillir contradictoirement leurs observations ou réclamations écrites dans le délai qu'il fixera, puis joindra ces observations ou réclamations à son rapport définitif en indiquant quelles suites il leur aura données, Rappelle qu'en application de l'article 276 du Code de procédure civile, les parties devront dans leurs dernières observations ou réclamations reprendre sommairement le contenu de celles qu'elles avaient précédemment présentées, à défaut de quoi, elles seront réputées abandonnées, Fixe à 20 000 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert que versera la société Central Parts entre les mains du régisseurs d'avances et de recettes de la Cour d'appel de Paris et ce, avant le 15 septembre 1013, Rappelle qu'à défaut de consignation dans le délai, la désignation de l'expert sera caduque, toute conséquence étant tirée du refus ou de l'abstention de consigner, Dit que l'expert déposera le rapport de ses opérations au greffe de la cour dans les six mois de sa saisine par signification qui lui sera faite de la consignation, Dit que l'affaire sera examinée à l'audience de mise en état du mardi 18 mars 2014, Surseoit à statuer sur la réparation du préjudice, Réserve les dépens. Ordonne, conformément aux dispositions combinées des articles 15, alinéa 2 du règlement (CE) n° 1-2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 101 et 102 du traité et R. 470-2 du Code de commerce, que cet arrêt soit notifié par le greffe de la cour d'appel, par lettre recommandée avec accusé de réception, à la Commission européenne, à l'Autorité de la concurrence, ainsi qu'au ministre chargé de l'Economie.