CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 27 juin 2013, n° 11-03644
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Borgal (SARL), Bormans (ès qual.)
Défendeur :
Du pareil au même (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Perrin
Conseillers :
Mmes Pomonti, Michel-Ansellem
Avocats :
Mes Fisselier, Bellet, Ingold, Zafrani
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
La société Banc, aux droits et obligations de laquelle vient la société Du pareil au même (DPAM), a développé un réseau de succursales, de magasins affiliés et de franchisés à l'enseigne "Petits Petons", afin de vendre des chaussures pour enfants de 0 à 12 ans.
Madame Murielle Bormans, qui exerçait auparavant une activité de chef de marques européennes dans une société commercialisant des produits d'entretien automobiles, a pris contact avec la société Banc au début de l'année 2005.
Elle a conclu, le 20 octobre 2005, au nom de la société Borgal en cours de création, un contrat de franchise d'une durée de 6 ans, tacitement renouvelable par périodes de 3 ans, pour l'exploitation exclusive de la marque "Petits Petons" à Tours. Le magasin a ouvert le 14 mars 2006.
En raison du manque de rentabilité du magasin, la société DPAM a proposé à la société Borgal de régulariser un contrat de commission-affiliation ;
Les parties ont conclu le 2 avril 2007 un protocole d'accord aux termes duquel la société Banc reprenait une partie des stocks de la société Borgal et acceptait d'annuler une partie de la commande en cours, les parties déclarant "n'avoir aucun grief ni aucune faute ou manquement à une quelconque obligation à s'opposer depuis leur entrée en relation jusqu'à ce jour".
Le 23 janvier 2008, Mme Bormans a signé un contrat de vente en dépôt consignation ayant la même échéance que le contrat de franchise au terme duquel la société Banc prélevait deux fois par mois sur son compte une commission égale à 60 % du chiffre d'affaires ; par un avenant du 22 juillet 2009, la société Banc a proposé à Mme Bormans d'augmenter sa commission à 45 %.
Les difficultés ayant persisté, la société Borgal et Madame Bormans ont assigné le 5 mai 2010 la société Du pareil au même devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de voir engager sa responsabilité.
Par un jugement prononcé le 26 janvier 2011, le Tribunal de Commerce de Paris a :
- écarté des débats la note en délibéré de la SARL Borgal et de Madame Murielle Bormans en date du 12 octobre 2010, la réponse de la SA Banc "Petits Petons" en date du 14 octobre 2010 et la réplique des demanderesses en date du 21 octobre 2010 ;
- prononcé la résiliation du contrat de commission-affiliation existant entre la SARL Borgal et la SA Banc "Petits Petons" aux torts partagés des parties ;
- condamné la SA Banc "Petits Petons" à verser les sommes de :
- 25 412 à la SARL Borgal,
- 17 2010 à Madame Murielle Bormans,
outre les intérêts au taux légal à compter du 5 mai 2010, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;
- condamné la SARL Borgal à payer la SA Banc "Petits Petons" la somme de 45 578 au titre des ventes nettes de commissions restant dues ;
- ordonné à la SARL Borgal le retrait de la mention "Petits Petons" de son K bis sous astreinte de 10 par jour de retard à compter du 15e jour suivant la date de signification du présent jugement, et ce pendant une période de 30 jours à l'issue de laquelle il sera de nouveau fait foi ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile;
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires.
Vu l'appel interjeté le 25 février 2011 par la société Borgal et Madame Bormans contre cette décision.
Vu les dernières conclusions signifiées le 20 mars 2013 par la société Borgal et Madame Murielle Bormans qui demandent à la cour de :
- dire et juger l'action de la société Borgal recevable et bien fondée.
- dire et juger l'action de Madame Murielle Bormans, à titre personnel, recevable et bien fondée.
- dire et juger que la société Du pareil au même a gravement manqué à l'exécution loyale et de bonne foi du contrat.
- dire et juger que la société Du pareil au même a induit en erreur Madame Bormans sur les perspectives de rentabilité du commerce qu'elle envisageait d'exploiter.
- dire et juger que Madame Bormans n'aurait jamais réalisé un placement financier d'une telle importance si elle avait su que le chiffre d'affaires ne lui permettrait en aucun cas de faire face aux charges.
- dire et juger que la société Du pareil au même a violé son obligation d'approvisionnement en termes de qualité et de quantité.
- dire et juger que la société Du pareil au même a violé son obligation d'assistance.
- dire et juger que la société Du pareil au même doit réparer l'intégralité des préjudices commerciaux consécutifs à ses fautes et notamment ceux nés de la rupture anticipée du contrat de commission-affiliation.
- dire et juger que la société Borgal est recevable et bien fondée à opposer à la société Du pareil au même une exception d'inexécution.
- prononcer la résiliation du contrat de commission-affiliation aux torts exclusifs de la société Du pareil au même.
- prononcer la nullité de la garantie bancaire de 30 000 remise en application de l'article 7 du contrat.
- annuler la dette contractée par la société Borgal au profit de la société Du pareil au même, sur le fondement de l'exception d'inexécution.
En conséquence :
- débouter la société Du pareil au même de toutes ses demandes aussi irrecevables que mal fondées.
- condamner la société Du pareil au même à payer à la société Borgal :
- 3 049 HT au titre du remboursement de la garantie prévue à l'article 13 du contrat.
- 16 221 au titre du remboursement des investissements spécifiques non amortis à la rupture du contrat.
- 113 324 à titre de dommages et intérêts pour la perte de chance de faire un meilleur emploi de ses fonds.
- condamner la société Du pareil au même à payer à Madame Murielle Bormans :
- 37 500 à titre de dommages et intérêts correspondant au manque à gagner en termes de rémunération.
- dire que ces condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation, valant mise en demeure, avec capitalisation des intérêts échus par application de l'article 1154 du Code civil.
- condamner la société Du pareil au même au paiement d'une somme de 10 000 sur le fondement de l'article 700 du CPC.
La société Borgal et Madame Murielle Bormans font valoir que la société Banc a manqué à ses obligations légales précontractuelles, en ne fournissant pas à Madame Bormans des informations précontractuelles sincères, sérieuses et loyales dans le cadre de son document d'information précontractuelle (DIP). Ainsi Madame Bormans n'a pas été en mesure de s'engager en toute connaissance de cause et d'apprécier la rentabilité de son entreprise.
La société Borgal et Madame Bormans soutiennent, ensuite, que la société Banc a manqué à ses obligations contractuelles essentielles, en particulier, à son obligation d'approvisionnement qualitatif et quantitatif ainsi qu'à son obligation d'assistance.
La société Borgal et Madame Bormans font valoir, enfin, que les fautes commises par la société Banc leur ont causé à chacune un préjudice et en demandent réparation.
Vu les dernières conclusions signifiées le 21 juillet 2011 par la société Du pareil au même qui demande à la cour de :
confirmer le jugement en ce qu'il a :
- débouté Madame Bormans et la société Borgal de leurs demandes de nullité de la clause de non-concurrence et du dépôt de garantie.
- débouté Madame Bormans et la société Borgal de leur demande d'annulation de dette sur le fondement de l'exception d'inexécution.
- condamné la société Borgal à payer à la société Banc la somme de 45 578 euros incontestablement due à la société Banc au titre des chaussures vendues sans rétrocession de commission.
infirmer le jugement en ce qu'il a :
- condamné la société Banc à des dommages et intérêts et notamment à rembourser les immobilisations non encore amorties ;
- prononcé la résiliation du contrat aux torts partagés des parties.
Prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Borgal et Madame Bormans ;
- dire et juger que la société Banc n'a failli à aucune de ses obligations ;
- débouter les appelantes de l'ensemble de leurs demandes ;
- condamner Madame Bormans et la société Borgal à la somme de 10 000 euros, au titre de l'article 700 du CPC.
La société Du pareil au même soutient que la société Banc a respecté toutes ses obligations légales et contractuelles.
Elle affirme qu'elle a remis au franchisé un document d'information précontractuelle, décrivant parfaitement le réseau et son évolution et contenant un état du marché local et de ses perspectives de développement.
Elle relève à ce titre que la raison, pour laquelle Madame Bormans n'a pas atteint la rentabilité escomptée de son magasin, tient à l'exploitation qu'elle en a faite et non à l'état de marché qu'aurait occulté la société Banc.
Elle estime qu'elle a communiqué des chiffres d'affaires sérieux et prudents sur la rentabilité du réseau.
Elle soutient, enfin, avoir respecté son obligation d'approvisionnement quantitatif et qualitatif ainsi que son obligation d'assistance dans la mesure où elle a apporté un véritable accompagnement à l'affiliée dans l'exploitation de son fonds de commerce.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Sur les obligations précontractuelles de la société Banc :
Considérant que les premiers juges ont retenu qu'il n'y a avait pas lieu d'examiner les arguments développés par les parties sur le vice du consentement dans la mesure où la nullité du contrat de franchise n'était pas demandée ;
Considérant que Mme Bormans et la société Borgal soutiennent que la société DPAM n'a pas rempli ses obligations précontractuelles en ce qu'elle n'a pas fourni des informations sincères, sérieuses et loyales de nature à permettre à Mme Bormans de s'engager en toute connaissance de cause ; que si elles demandent la résiliation du contrat de commission-affiliation aux torts exclusifs de la société DPAM pour inexécution de ses obligations, elles invoquent néanmoins des manquements de la société DPAM tant à ses obligations précontractuelles que contractuelles, caractérisant un défaut de loyauté ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'examiner les fautes alléguées à l'occasion de la phase précontractuelle et de réformer le jugement entrepris ;
Considérant que la société DPAM soutient avoir fourni un DIP présentant l'évolution du réseau depuis 1992 avec ses ouvertures et ses fermetures de sorte que le candidat à la franchise était parfaitement informé ;
Considérant que l'article L. 330-3 du Code de commerce dispose à l'alinéa 1er : "Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause."
L'article R. 330-1 du Code de commerce dispose : "Le document prévu au premier alinéa de l'article L. 330-3 contient les informations suivantes :
1° (...)
2° (...)
3° (...)
4° La date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants.
Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché ;
Considérant que le DIP a décrit une évolution, année par année, à partir de 1992, faisant état de l'ouverture régulière de magasins, avec 50 points de vente en 2001 et d'une première fermeture de boutique intervenue en 2004, indiquant "la croissance de la société Banc est par conséquent exponentielle et son savoir-faire rencontre un franc succès. Ainsi à l'heure actuelle la société Banc compte 61 points de vente dont 17 succursales et 44 franchisés" ;
Que le DIP a dressé la liste des succursales et des franchisés et a précisé avoir cessé ses relations au cours de l'année précédente, avec 4 franchisés, respectivement à Périgueux, Deauville, Cherbourg et La Réunion ;
Que, si Mme Bormans relate que le réseau a connu de nombreuses fermetures, elle situe celles-ci entre 2005 et 2009 ; que le DIP n'en a mentionné aucune entre 1992 et 2004 et a manifestement voulu privilégier les seuls aspects positifs de l'évolution du réseau ; que, pour autant, il n'est pas démontré que celui-ci aurait connu au cours de cette période des départs massifs, tels qu'ils auraient marqué une étape décisive de celui-ci et qu'elle aurait été occultée, alors que l'entrée et la sortie d'un réseau sont des événements habituels ;
Considérant que Mme Bormans fait valoir qu'elle n'a pas reçu une information concernant le marché local et son évolution ;
Qu'il convient de relever que le DIP indique que le franchisé a une connaissance du marché local de sorte qu'un état de celui-ci a été établi par le candidat franchisé avec le franchiseur et qu'il appartient au franchisé "d'établir une étude précise du marché local lui permettant d'apprécier le potentiel du commerce qu'il envisage de gérer" ;
Que Mme Bormans n'a jamais remis en cause la connaissance qu'elle avait du marché local de la ville de Tours et ce alors qu'elle a exploité sous l'enseigne Petits Petons de 2005 à 2010, d'abord dans le cadre d'un contrat de franchise puis d'un contrat d'affiliation ; qu'elle ne saurait invoquer le défaut d'information sur le marché local de sorte qu'elle aurait été trompée sur celui-ci ;
Considérant que Mme Bormans se plaint de ce qu'elle a été victime d'une erreur sur la rentabilité qu'elle pouvait escompter de son activité ;
Considérant que le DIP indique "la société Banc se tient à la disposition du candidat franchisé pour l'assister le cas échéant dans l'élaboration de ses comptes prévisionnels en tenant compte de la zone de chalandise et du montant de l'investissement.
Pour ce faire la société est disposée à communiquer au candidat franchisé s'il le demande le compte de résultat moyen de deux franchisés du réseau" ;
Que la société Banc qui exploite un réseau de franchises depuis 1992 possédait des éléments d'analyse qu'elle seule pouvait exploiter en matière de taux de rentabilité pour des franchises ouvertes dans des villes similaires ; qu'elle ne justifie pas avoir réalisé un travail d'analyse de ces données afin de permettre à Mme Bormans de bâtir un compte prévisionnel sérieux et de s'engager en connaissance de cause ; que le franchiseur a donc manqué à son obligation en ne lui apportant aucune information pertinente au regard de son entreprise ; qu'il a, au demeurant, validé le prévisionnel qui lui était soumis et qui s'élevait à 220 000 la première année, à 242 000 la deuxième et à 266 200 la troisième, chiffre qui ne sera jamais approché par Mme Bormans.
Que le 10 décembre 2007, celle-ci a écrit "je pense que je vais faire un chiffre d'affaires de 134 000 euros pour l'année 2007 (...).
J'ai environ 85 200 euros de frais fixes par an ce qui fait qu'il me manque un peu plus de 20 000 euros dans ma trésorerie chaque année (...) le principal problème vient du prévisionnel de 220 000 euros HT qui a été la base de tous mes investissements mais qui est loin de la réalité" ;
Qu'elle conclut alors "par conséquent 3 solutions se présentent à moi :
augmenter la marge ce qui est impossible dans le cadre de votre contrat,
passer en affiliation avec des aménagements afin de me permettre d'augmenter mon chiffre,
quitter Petits Petons" ;
Que la société Banc n'a pas contesté cette analyse dont il résulte que, deux ans après son début d'exploitation, le prévisionnel était très loin d'être atteint et surtout que le chiffre d'affaires réalisé ne permettait pas de rentabiliser l'entreprise ;
Que la société Banc, en concluant alors un contrat d'affiliation, sans mettre en œuvre aucune autre mesure pour assurer à l'entreprise d'atteindre un seuil de rentabilité, a trompé Mme Bormans, dès lors que ce contrat d'affiliation était inopérant à résoudre ses problèmes et ce, d'autant que, comme il sera vu, la société Banc a été totalement défaillante dans l'exécution de ses propres obligations.
Sur l'obligation d'approvisionnement qualitatif et quantitatif
Considérant que la société Banc a fait passer la société Borgal sous le régime de l'affiliation, de sorte que celle-ci n'acquérait plus le stock, ayant remis, en revanche, une garantie bancaire de 30 000 ; que les obligations de la société Banc restaient les mêmes, en ce qui concerne l'approvisionnement quantitatif et qualitatif de son affilié et l'assistance ;
Considérant que la société Banc s'est engagée à :
Créer des modèles originaux
Livrer des modèles de qualité exceptionnelle afin de "conforter la clientèle dans son achat pour qu'elle ait l'automatisme de revenir dans les boutiques au prochain achat"
Livrer 120 modèles par collection pour optimiser les ventes et assurer le réassort.
Considérant que la société Borgal et Mme Bormans font valoir que la société Banc a constamment manqué à ses obligations, que ce soit à l'occasion de l'exécution du contrat de franchise ou du contrat d'affiliation ;
Que, si la société DPAM prétend que Mme Bormans s'appuie sur les courriels adressés à la société Banc par d'autres affiliés, celle-ci justifie des nombreux courriels qu'elle a personnellement adressés, ceux des autres affiliés venant corroborer le caractère général de ses doléances ;
Qu'elle a écrit, dès le 14 mars 2006, pour signaler des problèmes de livraisons et de qualité; qu'elle ne cessera pas d'envoyer des mails à son franchiseur, écrivant le 6 mai 2006 qu'elle "essaie de le joindre au téléphone mais en vain" et ajoute "Ce n'est pas normal d'avoir si peu de marchandises. Je loupe des ventes. J'en ai marre d'envoyer des mails qui restent sans réponse".
Que, par courrier du 14 mars 2007, la société Banc a félicité Mme Bormans tout en reconnaissant que "les félicitations ne répondent pas à notre problème de chiffre d'affaires" ajoutant que Mme Bormans "devait être convaincue d'avoir choisi la bonne enseigne au bon endroit de la ville de Tours" et reconnaissant que celle-ci avait localement deux concurrents sérieux ;
Que le 23 novembre 2007, Mme Bormans a encore alerté son franchiseur sur des problèmes de livraisons, indiquant aussi "il faut se battre pour que les défectueux soient repris" ;
Qu'il convient de noter que le compte rendu de visite dressé le 5 mai 2008 par l'animatrice de réseau relève "emplacement du magasin très bien situé avec parking à proximité et facilité d'accès ;
Intérieur bien tenu et jolie décoration en place"
mais signale de nombreux points négatifs imputables à la société Banc dont ceux déjà signalés par Mme Bormans à travers ses nombreux courriels à savoir :
planning de livraison à mettre en place
note d'information pour retour des défectueux à transmettre avec date butoir
idem pour changements de collections
très peu de sandales garçons, besoin urgent pour la saison
idem pour bottes livraison souhaitée pour la rentrée
pas de réponse aux mails et aux courriers de Mme Bormans
reassort réclamés mais non réactifs
besoin urgent de la nouvelle collection (non livrée à 100 %)
trop peu de taille 17
reçois 2 mêmes pieds dans les boîtes
erreurs de taille
appels téléphoniques en vain
récompense "piccolo saxo" non transmise à la gagnante sans information de quiconque
refre 80 286504 problème de couture, de colle
manque trop de modèles non reçus", que sont visées un certain nombre de références ;
Qu'en mai 2008, Mme Bormans a dressé à nouveau la liste des produits manquants ;
Que la société Banc ne pouvait affirmer n'avoir pas été alertée par Mme Bormans sur des problèmes d'approvisionnement tant quantitatifs que qualitatifs ; qu'en revanche, elle a constaté que le fonds de commerce présentait des qualités permettant d'attirer la clientèle; qu'elle ne justifie pas avoir adressé de reproche à Mme Bormans ;
Que, le 18 mars 2010, cette dernière s'est plaint des ventes perdues faute de choix et a écrit "déjà je n'ai pas beaucoup de clients, les juniors vont chez les multimarques chercher des toiles ou des baskets et maintenant je ne peux plus non plus servir les bébés car je n'ai pas de choix" ;
Que, le 19 mars 2010, elle a signalé avoir reçu une livraison mais fait observer "J'ai aussi reçu des modèles de l'année dernière ce qui ne me dérange pas en soi car c'était des bons modèles et je les avais réclamés.
Par contre ce qui me dérange c'est que les modèles viennent d'autres magasins avec des boîtes dégueulasses et je n'exagère pas et des chaussures sont décolorées car elles ont été en vitrine et je n'ai pas tout vérifié.
Ce n'est pas la première fois que je te le signale (...)" ;
Qu'en octobre 2008, la société Banc a reconnu auprès de ses franchisés "que lors des dernières livraisons, vous avez reçu des produits défectueux, il ne faut pas que vous les vendiez" et au cours de l'année 2009 "qu'elle n'avait pas livré de nombreuses références notamment de la nouvelle collection et que plusieurs modèles présentaient des défauts" ;
Que Mme Bormans a produit une attestation de Mme Nelly Naak, salariée de la société Banc de 2001 à 2008 qui relate "Les délais de livraison étaient au minimum de deux mois, compte tenu du fait qu'ils étaient fabriqués en Chine et que la livraison s'effectuait par bateau. Il n'y avait pas de possibilité de réassort pour les magasins franchisés-affiliés. Il est même arrivé que sur une livraison, la marchandise avait pris l'eau. Nous avons dû ouvrir les boîtes à chaussures, les faire sécher et essuyer les moisissures. Les semelles ayant gondolé, nous avons mis du papier journal et les modèles sont allés en magasins !
Il y avait très peu de stocks tampons pour effectuer des réassorts. Lors de l'ouverture d'un nouveau magasin, n'ayant pas prévu de stock initial, ils se servaient dans les commandes des autres magasins.
Il y avait beaucoup de retard sur les livraisons et les franchisés s'en plaignaient régulièrement (...).
On pouvait constater beaucoup de problèmes sur la qualité des modèles et quand les franchisés appelaient au siège pour se plaindre des retours sur la marchandise, le franchiseur disait : Nous on les a tous vendus ce qui était faux. Les modèles exposés lors des commandes étaient différents des modèles reçus" ;
Qu'elle a produit également des constats d'huissiers établis à la demande d'autres franchisés et relevant des défauts sur les chaussures livrées ;
Que la société Banc a contesté la capacité d'un huissier à apprécier la qualité des chaussures et a produit une expertise non contradictoire réalisée à sa demande par un expert en chaussures ; que, pour autant, ce dernier a relevé des défauts et a conclu pour certaines paires qu'elles ne pouvaient pas être vendues, pour d'autres qu'elles pouvaient seulement être soldées relevant par exemple des brides de longueur différente selon le pied, 2,5 cm pour le pied droit et 4,5 cm pour l'autre, présence de traces de colle, indiquant pour une autre "le papier adhésif blanc a laissé des traces de colle qui nécessitent un nettoyage si l'on désire solder la paire", "en effet il y a un trou sur le dessus" ;
Que ces éléments démontrent que les problèmes de livraison tant en quantité qu'en qualité n'étaient pas des problèmes ponctuels mais qu'il s'agissait de problèmes récurrents, existant depuis plusieurs années et auxquels le franchiseur n'a pas cherché à apporter de solution ; que se trouve caractérisée la mauvaise foi du franchiseur dans ses relations avec les franchisés et affiliés, sans avoir pris des mesures pour résoudre les problèmes d'approvisionnement récurrents lesquels affectaient gravement la rentabilité des affiliés ;
Que Mme Bormans affirme que la société Banc n'a pas effectué les visites trimestrielles de son magasin ce que celle-ci a contesté, indiquant avoir réalisé 6 visites depuis 2006, et prétendant que celles-ci lui auraient permis de constater que la boutique de Tours était peu attrayante ; que, toutefois, elle produit des comptes rendus non signés et qui sont en contradiction avec celui du 5 mai 2008 qui, lui, est signé par Mme Bormans ; que, dès lors, ceux-ci, à défaut de signature de Mme Bormans, ne sauraient être retenus comme justifiant que la société Banc a respecté ses obligations, ni de ce qu'elle aurait constaté des défaillances de Mme Bormans et qu'elle lui aurait prodigué des conseils à l'occasion de ces visites ;
Que l'ensemble de ces éléments démontrent Mme Bormans qui avait été trompée sur la rentabilité de son magasin a vu son fonctionnement gravement affecté par les manquements de la société Banc à ses obligations, celle-ci procédant à des livraisons incomplètes et de mauvaise qualité et n'apportant aucun conseil à son affiliée pour lui permettre de mettre en œuvre des mesures pour améliorer la rentabilité.
Considérant que, dès lors, les manquements de la société Banc sont à l'origine de l'insuffisance du chiffre d'affaires, qui a été tel que Mme Bormans n'a pas pris de rémunération et a dû réinjecter des fonds ; que son expert-comptable attestait le 20 avril 2010 "Les résultats de la société Borgal ressortent avec un manque crucial de rentabilité chronique, tant sous la franchise que sous l'affiliation; Madame Bormans ne peut continuer à apporter de l'argent afin de régler les charges. La non-défaillance de la société Borgal pour les années 2 et 3 est uniquement liée aux sommes réinjectées par Mme Bormans" ;
Considérant que, si la société Borgal a cessé de procéder au règlement des commissions dues au titre du contrat d'affiliation, c'est en raison de la seule carence de la société Banc la mettant dans l'impossibilité d'assurer la rentabilité de son exploitation ;
Considérant qu'il y a lieu en conséquence de constater l'inexécution par la société Banc de ses obligations, de prononcer la résiliation du contrat à ses torts exclusifs et de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu une résiliation aux torts partagés.
Sur le préjudice
Considérant que la société Borgal fait état d'un préjudice se décomposant comme suit :
Remboursement de la garantie prévue à l'article 13 du contrat soit 3 049
Remboursement des investissements spécifiques non amortis à la rupture du contrat, soit la somme de 16 221
Dommages et intérêts pour la perte de chance de faire un meilleur emploi de ses fonds soit 113 324 ;
Considérant que la garantie prévue à l'article 13 devenant sans objet doit être remboursée; que la société Borgal a nécessairement procédé à des investissements spécifiques utilisés pour l'exploitation du concept Petits Petons ; qu'il y a donc lieu de faire droit à sa demande ;
Considérant que la somme de 113 324 correspond à la somme de 91 770 investie par Mme Bormans en fonds propres et à celle de 21 544 apportés en cours d'exécution du contrat ; que la société Borgal aurait pu utiliser les fonds apportés à d'autres fins que l'exploitation du concept Petits Petons ; que, toutefois, elle n'était pas certaine d'en tirer profit ; que cette perte de chance ne saurait donc être équivalente aux montants des fonds investis puis apportés ; que le cour la chiffre, en conséquence, à la somme 20 000 ;
Considérant que la société Borgal demande à la cour de prononcer l'annulation de la garantie bancaire garantissant le stock livré par la société Banc ; que toutefois le contrat d'affiliation stipulait qu'il s'agissait d'une garantie renouvelable ; qu'il n'est pas démontré que cette garantie est encore souscrite ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande ;
Considérant que Mme Bormans fait état d'un préjudice personnel en ce qu'elle n'a pris aucune rémunération pendant 4 ans et qu'elle a dû faire des apports de fonds alors même que le prévisionnel validé par la société Banc avait prévu un salaire mensuel de 1 500 ; qu'un compte prévisionnel constitue une projection dont il n'est pas acquis qu'elle se réalisera dans tous ses éléments ; que, si Mme Bormans a été trompée par la société Banc et a commis une erreur substantielle sur la rentabilité escomptée et n'a donc pas pu percevoir la rémunération prévue, elle ne saurait prétendre en obtenir paiement intégral en réparation ; que la cour chiffre en conséquence son préjudice à la somme de 30 000 .
Sur la demande de la société DPAM
Considérant que la société DPAM fait valoir que la société Borgal restait devoir à la société Banc la somme de 5 558 au titre du contrat de franchise et a cessé de régler les commissions dues au titre du contrat d'affiliation depuis le mois d'octobre 2009, soit une somme de 40 020 ;
Considérant que la société Borgal fait valoir que la cessation des paiements était proportionnée aux manquements de la société Banc à ses obligations ;
Considérant d'une part que la société DPAM ne rapporte pas la preuve de commissions qui lui seraient dues, d'autre part qu'ayant été défaillante dans l'exécution de ses obligations, elle ne saurait réclamer paiement de commissions ; qu'il y a lieu de rejeter sa demande.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant que la société Borgal et Mme Bormans ont dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge, qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement entrepris, Prononce la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société Banc, Condamne la société DPAM à payer à la société Borgal les sommes de : 3 049 au titre du remboursement de la garantie 16 221 au titre des investissements spécifiques non amortis au jour de la rupture du contrat 20 000 à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de faire un meilleur usage de ses fonds, Condamne la société DPAM à payer à Mme Bormans la somme de 30 000 à titre de dommages et intérêts, Dit que ces condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation, valant mise en demeure, avec capitalisation des intérêts échus par application de l'article 1154 du Code civil. Rejette toute autre demande, plus ample ou contraire, Condamne la société DPAM à payer à la société Borgal et à Mme Bormans la somme globale de 10 000 au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société DPAM aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.