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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 25 juin 2013, n° 11-03653

REIMS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Lafayette coiffure (SAS)

Défendeur :

Deltour (ès qual.), GM (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Maillard

Conseillers :

Mme Dias Da Silva Jarry, M. Soin

Avocats :

SCP Delvincourt Caulier-Richard, Mes Pierangeli, Lacheny, Vlerick

T. com. Reims, du 8 nov. 2011

8 novembre 2011

Titulaire d'un contrat de franchise auprès de la société Lafayette coiffure, lui permettant d'exploiter un fonds de commerce sous l'enseigne "Shampoo", la société GM a acquis le 10 septembre 2004, pour la somme de 228 000 euros, un fonds de commerce situé dans la galerie marchande de l'hypermarché Cora à Reims.

A la suite de la signature en date du 4 septembre 2008, d'un compromis de vente avec M. Joël Thouvenin pour la somme de 260 000 euros, majorée de la valeur du stock, la société GM a été destinataire d'une lettre recommandée avec demande d'accusé réception de la part de la société Lafayette coiffure, datée du 20 octobre 2008, par laquelle cette dernière informait le franchisé de l'exercice de son droit de préemption.

Destinataire par la suite d'un commandement de payer les loyers de la part du bailleur, la société GM a fait convoquer la société Lafayette coiffure, par acte du 2 mars 2009, à fin de régularisation de la vente du fonds de commerce en l'étude notariale de Me Bauchet, moyennant le prix convenu au compromis du 4 septembre 2008.

Par jugement en date du 20 octobre 2009, le Tribunal de commerce de Reims a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société GM et désigné Me Deltour en qualité de mandataire judiciaire, procédure convertie en liquidation judiciaire par jugement du 26 janvier 2010 et désignation de Me Deltour en qualité de liquidateur.

Par ordonnance du 3 février 2010, le juge-commissaire ayant autorisé Me Deltour à céder le fonds de commerce de la société GM au prix de 150 000 euros, la vente est intervenue le 28 juin 2008.

Par acte d'huissier en date du 11 octobre 2010, Me Deltour, ès-qualités de liquidateur de la société GM, a fait assigner la société Lafayette coiffure devant le Tribunal de commerce de Reims, afin de voir notamment condamner celle-ci à lui payer la somme de 204 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 8 novembre 2011, le Tribunal de commerce de Reims a :

- reçu Me François Deltour, ès-qualités, en ses demandes,

- débouté la société Lafayette coiffure de sa demande visant à voir constater que l'exercice de son droit de préemption est tardif,

- débouté la société Lafayette coiffure de sa demande visant à voir constater que la société GM lui a volontairement dissimulé des informations déterminantes et a procédé à des déclarations erronées dans le compromis de cession du fonds de commerce,

- dit et jugé que la société Lafayette coiffure a fait preuve, par son comportement silencieux, d'une réticence dolosive entraînant la liquidation de la société GM,

- dit et jugé Me Deltour, ès-qualités, fondé à requérir la mise en cause de la responsabilité contractuelle de la société Lafayette coiffure,

- condamné la société Lafayette coiffure à payer à Me Deltour, ès-qualités, une somme de 204 500 euros à titre de dommages et intérêts, correspondant pour 110 000 euros à la perte subie et pour 94 500 euros au gain dont la société GM a été privée, pour les causes sus-énoncées,

- ordonné l'exécution provisoire,

- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions des parties,

- condamné la société Lafayette coiffure à payer à Me François Deltour, ès-qualités, une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la société Lafayette coiffure aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration en date du 21 décembre 2011, la société Lafayette coiffure a interjeté appel du jugement.

Par conclusions notifiées le 21 mars 2012, la société Lafayette coiffure demande à la cour, vu les articles 1108, 1116, 1134, 1142, 1146, 1147, 1149 et 1589 du Code civil, d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement et statuant à nouveau, à titre principal de :

- constater que l'exercice par elle de son droit de préemption est tardif car introduit au-delà du délai de 30 jours à compter de la notification du compromis de cession du fonds de commerce par la société GM, en conséquence,

- dire et juger que cet exercice tardif vaut, en application des stipulations du contrat de franchise, renonciation au droit de préemption,

- dire et juger en conséquence qu'aucun manquement contractuel ne peut être relevé à son encontre, tiré de l'absence de réitération de l'acte de cession devant notaire,

- débouter Me Deltour de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire, de :

- constater que la société GM a volontairement dissimulé des informations déterminantes tout en procédant à des déclarations gravement erronées dans le compromis de cession du fonds de commerce tel qu'il a été notifié à la société Lafayette coiffure pour l'exercice de son droit de préemption,

- dire et juger que ces manœuvres sont constitutives d'un dol ou de réticences dolosives et que, sans ces manœuvres, la société Lafayette coiffure n'aurait pas exercé son droit à préemption,

- dire et juger que le consentement donné par la société Lafayette coiffure s'en est trouvé vicié, en conséquence,

- dire et juger nul et non avenu l'exercice par la société Lafayette coiffure de son droit de préemption et par voie de conséquence le contrat de cession de fonds de commerce conclu entre les parties,

- débouter Me Deltour, ès-qualités, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

A titre infiniment subsidiaire, de :

- constater que la défenderesse s'est vu substituer une personne morale distincte dans l'exercice du droit de préemption,

- constater qu'une société Jeanvaljean II a obtenu un prêt le 29 juillet 2009 destiné à l'acquisition du fonds de commerce de la société GM,

- constater, dire et juger que M. Deltour, ès-qualités, n'est pas fondé en conséquence à requérir la mise en cause de la responsabilité contractuelle de la défenderesse.

A titre très infiniment subsidiaire, de :

- constater, dire et juger que M. Deltour, ès-qualités, ne justifie pas du préjudice sollicité et qu'en conséquence, ses demandes ne sont pas fondées,

En outre,

- constater, dire et juger que la société GM a commis une faute directement à l'origine de son préjudice en ne procédant pas à l'exécution forcée de la vente,

- constater, dire et juger que la faute de la société GM exonère la société Lafayette coiffure de sa responsabilité,

En conséquence, débouter Me Deltour de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

En tout état de cause, de condamner Me Deltour, ès-qualités, à payer à la société Lafayette coiffure la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et de le condamner, ès-qualités, aux entiers frais et dépens.

Par conclusions notifiées le 16 mai 2012, Me François Deltour, ès-qualités de liquidateur de la société GM, demande à la cour de débouter la société Lafayette coiffure de son appel et de confirmer en conséquence le jugement entrepris en toutes ses dispositions, y ajoutant si nécessaire, de :

- prononcer la résolution du compromis de vente du fonds de commerce en date du 4 septembre 2008, à effet du 18 novembre 2009, aux torts et griefs de la société Lafayette coiffure,

- condamner la société Lafayette coiffure à lui payer la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la SCP Delvincourt-Caulier-Richard.

Sur ce, LA COUR,

Sur la validité de l'exercice du droit de préemption

Attendu qu'aux termes de l'article 14 du contrat de franchise "Shampoo" établi le 29 juillet 2004 entre la société Lafayette coiffure, franchiseur et la SARL GM, franchisé, le franchiseur bénéficie en cas de cession par le franchisé de son fonds de commerce, d'un droit de préemption irrévocable en vertu duquel il peut acquérir le fonds dont la cession est projetée, dans les mêmes conditions que celles prévues dans le compromis de vente ou la promesse acceptée ;

Que les alinéas 2 et 4 de l'article précité régissent les modalités d'exercice par le franchiseur du droit de préemption, celui-ci devant ainsi informer le franchisé, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, de son intention d'exercer ou non son droit de préemption dans un délai de 30 jours à compter de la réception de la notification par le franchisé (alinéa 4), lequel s'engage donc au préalable à notifier par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception au franchiseur les conditions de la vente dans les conditions prévues pour la demande d'agrément (alinéa 2) ;

Que l'alinéa 5 du contrat stipule que le défaut de réponse du franchiseur sur l'exercice ou non de son droit de préemption, dans ce délai, emportera renonciation à cet exercice [...] ;

Attendu que pour soutenir qu'elle a exercé tardivement son droit de préemption, la société Lafayette coiffure précise que le franchisé ayant rempli sa propre obligation le 8 septembre 2008, via la notification par le notaire, du compromis de vente, elle avait jusqu'au 8 octobre pour se prononcer et que n'ayant informé la SARL GM de son intention d'exercer son droit que par courrier recommandé daté du 20 octobre 2008, elle se trouvait donc au-delà du délai de 30 jours stipulé dans l'acte de franchise ;

Attendu cependant que l'appelante passe sous silence dans ses conclusions une première correspondance émanant de son conseil, adressée en réponse à Me Bauchet, notaire, par courrier et télécopie datés du 22 septembre 2008, par laquelle ledit conseil accuse notamment réception de la notification effectuée par la SARL GM et déclare que la société Lafayette étudie l'opportunité de l'exercice éventuel de son droit de préemption et que nous reviendrons donc vers vous et vous ferons part dans tous les cas de la position de notre cliente avant le 22 octobre prochain ;

Que cette correspondance, dont les termes n'ont nullement été contestés par la SARL GM qui avait pourtant seule intérêt à se prévaloir du délai de 30 jours stipulé au contrat de franchise, doit ainsi être analysée comme la marque de la volonté commune des parties de déroger à la stricte application dudit délai en accordant au franchiseur un sursis pour exercer ou non son option ;

Attendu par ailleurs que cette correspondance est suivie d'une lettre recommandée avec demande d'accusé réception, datée du 20 octobre 2008, par laquelle ledit conseil déclare à Me Bauchet que conformément aux termes du contrat de franchise, nous vous notifions le souhait de la société Lafayette coiffure d'exercer son droit de préemption dans le cadre de la cession du fonds de commerce visé en objet à la suite de la communication par vos soins des conditions de la vente dans votre correspondance visée ci-dessus (correspondance du 8 septembre 2008) ;

Que dès lors, ce second courrier étant intervenu dans le nouveau délai fixé d'un commun accord entre les parties, l'appelante ne peut raisonnablement soutenir qu'elle n'a pas entendu exercer valablement son droit à préemption, la cour observant au surplus qu'il ressort de la mention littérale apposée page 4 de l'acte contenant procès-verbal de carence, reçu le 16 mars 2009 par Me Bauchet, qu'à la date de cet acte, Me Lacheny, avocat agissant pour le compte de la société Lafayette coiffure, a adressé un courriel à l'officier ministériel lui confirmant l'intention de son client de se voir substituer dans l'exercice de son droit de préemption par une société distincte, la SARL Raguet, comme l'y autorise le contrat de franchise ;

Que ce moyen sera en conséquence jugé inopérant ;

Sur le vice du consentement

Attendu qu'à titre subsidiaire, la société Lafayette coiffure expose que la société GM a volontairement dissimulé des informations déterminantes tout en procédant à des déclarations gravement erronées dans le compromis de cession du fonds de commerce, tel qu'il lui a été notifié pour l'exercice de son droit de préemption, considère en conséquence que son consentement a été vicié et sollicite pour ce motif l'annulation du contrat de cession ;

Que plus précisément, l'appelante reproche au cédant d'une part de ne pas avoir fait mention de son état de cessation des paiements à la date du compromis de vente, d'autre part de n'avoir aucunement fait état de l'absence de respect à cette date de ses obligations au titre du bail commercial, composante essentielle de la cession du fonds de commerce ;

Attendu qu'il n'y a effectivement point de consentement valable s'il n'a été surpris par dol ;

Que l'article 1116 du Code civil dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une ou l'autre des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas, et il doit être prouvé ;

Attendu qu'en l'espèce, aux termes du compromis de vente établi le 4 septembre 2004, notifié à la société Lafayette coiffure le 8 septembre 2008, la SARL GM déclare notamment à M. Joël Jacquemin, acquéreur :

- qu'elle n'a jamais été en état de cessation de paiements, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire,

- qu'elle n'est pas l'objet de poursuites quelconques concernant l'exploitation du fonds ou susceptible d'entraver cette exploitation par l'Acquéreur,

- qu'aucune contravention aux causes et conditions du bail n'a été commise,

- qu'il n'y a actuellement aucune instance en cours pour action résolutoire ou surenchère, ni résiliation du bail des locaux,

Attendu que s'agissant de l'état de cessation des paiements, certes les débats, conclusions et pièces versées au dossier permettent de constater qu'à la date de signature du compromis de vente, la société GM était redevable d'un arriéré locatif envers le bailleur d'un montant de 12 078,11 euros, correspondant au solde de la facture du 2e trimestre 2008 et au loyer du 3e trimestre, charges incluses ;

Mais attendu que l'état de cessation des paiements caractérise en réalité l'entreprise qui se trouve dans l'incapacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible ;

Que l'appelante ne rapporte pas la preuve que la société GM se trouvait dans la situation définie ci-avant, à la date du compromis de vente, la cour observant au surplus que par jugement du 20 octobre 2009 prononçant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire au profit du cédant, le tribunal de commerce a fixé provisoirement au 20 octobre 2009 la date de cessation des paiements, retenant ainsi la date déclarée par l'intimé selon procès-verbal daté du même jour, le jugement du 26 janvier 2010 prononçant la liquidation judiciaire n'ayant par ailleurs pas cru devoir revenir sur cette date ;

Qu'en outre, il ne semble pas inutile de rappeler à la société Lafayette coiffure que de simples difficultés de trésorerie, même entraînant le défaut de paiement de certaines échéances, ne sont pas constitutives d'un état de cessation des paiements, tel qu'il est défini par la loi de sauvegarde des entreprises du 18 décembre 2008 ;

Que dès lors, en l'absence d'élément concret de nature à corroborer la thèse du moyen, il convient de juger que le compromis de vente n'a nullement dissimulé à l'acquéreur le très hypothétique état de cessation des paiements reproché à la société GM ;

Attendu que le moyen pris de l'omission pour le vendeur d'avoir informé l'acquéreur du non-respect de ses obligations au titre du bail commercial, composante essentielle de la cession du fonds de commerce, ne sera pas davantage tenu pour pertinent ;

Qu'en effet, s'il est constant qu'au 4 septembre 2008, date de cession du fonds, deux échéances de loyers n'avaient pas été payées au bailleur, la cour ne peut que constater qu'à cette date, aucune instance pour action résolutoire ou surenchère, ni résiliation du bail des locaux n'avait été engagée par ledit bailleur, lequel a attendu le 17 février 2009, soit une date postérieure à la date à laquelle la cession aurait dû être régularisée, pour faire délivrer au preneur le commandement de payer les loyers, visant la clause résolutoire ;

Que ce comportement du bailleur corrobore la thèse développée par Me Deltour, ès qualités de mandataire judiciaire puis de liquidateur de la société GM, selon laquelle le bailleur a accepté de manière tacite de différer l'exigibilité des loyers jusqu'à la date de régularisation de la vente, le prix stipulé dans l'acte permettant alors au cédant de rembourser intégralement le passif, exigible ou non, de la société ;

Que dès lors, le défaut de mention dans l'acte de l'existence d'un arriéré locatif, limité à deux échéances, ne saurait constituer des manœuvres pratiquées par le cédant, au sens de l'article 1116 du Code civil ;

Attendu enfin qu'il y a lieu d'observer, pour la simple moralité des débats, que le contrat de franchise ayant lié les parties contient un article 10.4. disposant que le franchisé s'oblige notamment à communiquer au franchiseur, au plus tard trois mois après chaque clôture d'exercice, la copie des comptes sociaux de son entreprise (bilan et compte de résultat), qu'il aura préalablement certifiés et fait certifier conformes par un expert-comptable indépendant ;

Que le dernier alinéa de cet article stipule que le franchiseur pourra mandater toute personne de son choix afin d'analyser et de vérifier les comptes du franchisé [...] ;

Qu'il suit de cela que la société Lafayette coiffure, qui disposait contractuellement ainsi que relevé dans le premier paragraphe des motifs, d'un délai de 30 jours à compter de la réception de la notification par le franchisé des conditions de la vente pour exercer ou non son option, et qui a de surcroît sollicité un délai supplémentaire auprès du susnommé, pour étudier l'opportunité de l'exercice éventuel de son droit de préemption (sic), ne peut raisonnablement soutenir qu'en raison de la réticence dolosive de la société GM, elle n'était pas suffisamment informée de la situation financière réelle de cette dernière et que les manœuvres de l'intimé ont été telles, qu'il est évident que sans ces manœuvres, elle n'aurait pas exercé son droit de préemption ;

Que le simple bon sens, cumulé aux pouvoirs d'investigation étendus conférés à l'appelante en vertu du contrat de franchise, commandait en effet à la société Lafayette coiffure de mettre à profit, en cas de doute sur le potentiel économique du fonds, délai qui lui était imparti, pour analyser le cas échéant les comptes du franchisé et notamment le passif du dernier bilan, analyse qui lui aurait alors permis de connaître très précisément la nature et le montant des dettes en cours ;

Sur la mise en cause de la responsabilité contractuelle de la société Lafayette coiffure

Attendu que pour contester le principe de sa responsabilité civile, la société Lafayette coiffure invoque à titre infiniment subsidiaire le fait qu'elle s'est trouvée substituée par une société distincte dans l'exercice de son droit à préemption ;

Attendu toutefois qu'il ressort de l'article 14 alinéa 7 du contrat de franchise que dans le cas où le franchiseur exercera son droit de préemption, à son profit et à celui de toute autre personne qu'il se substituera, la cession du fonds de commerce devra être régularisée dans le délai de 3 mois à compter de la date de notification par le franchiseur de sa préemption ;

Qu'en conséquence, en considération de la date d'exercice de son droit par le franchisé, reportée au 20 octobre 2008 comme il a été vu dans les développements qui précèdent, il appartenait donc à la société Lafayette coiffure soit de régulariser pour le 20 janvier 2009 la vente, soit de désigner clairement au cédant la personne censée bénéficier, en lieu et place du franchiseur, du droit de préemption ;

Attendu que convoquée par la société GM afin signer le 16 mars 2009 devant Me Bauchet l'acte authentique de vente, soit pour une date excédant déjà le terme fixé d'un commun accord, la société Lafayette coiffure a certes fait parvenir au notaire un courriel, précisant d'une part qu'elle entendait se faire substituer dans l'exercice de son droit une société distincte, la SARL Raguet, que d'autre part celle-ci a sollicité un financement bancaire qui est en bonne voie sans cependant être disponible ce jour ;

Mais attendu que la société Lafayette coiffure ne rapporte la preuve ni de ce qu'elle a ensuite rapidement accompli les diligences permettant à la société GM d'identifier précisément le candidat à l'acquisition, ni de ce que ce dernier a directement contacté le cédant afin de convenir, très rapidement compte tenu du dépassement déjà acquis du délai de régularisation de la vente, d'une nouvelle date de signature de l'acte authentique ;

Qu'à cet égard, la lettre datée du 30 juillet 2009, soit plus de six mois après l'expiration dudit délai, par laquelle la SA Crédit lyonnais informe une société Jeanvaljean II de son accord de principe pour l'octroi d'un financement pour l'acquisition du fonds de commerce Shampoo, ZAC La Neuvillette à Reims, bien qu'ayant retenu toute l'attention de la cour, n'emporte pas sa conviction dans le sens de la présentation en temps utile à la société GM de ce candidat à la reprise du fonds ;

Qu'en définitive, la société Lafayette coiffure n'étant pas fondée à se prévaloir de la substitution d'acquéreur, il convient de juger que la vente, conformément aux dispositions de l'article 1589 alinéa 1 du Code civil, auquel renvoie expressément l'alinéa 3 du contrat de franchise, est parfaite dès la notification par le franchisé de l'exercice de son droit de préemption, soit le 20 octobre 2008 ;

Qu'en négligeant de régulariser dans le délai de trois mois la cession du fonds de commerce, l'appelante a en conséquence, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, commis une faute de nature à engager sa responsabilité civile ;

Sur les moyens présentés à titre très infiniment subsidiaire par l'appelante

Attendu que pour tenter d'échapper à sa responsabilité civile, la société Lafayette coiffure soutient d'une part que Me Deltour ne justifie pas du préjudice sollicité, d'autre part que la société GM a commis une faute directement à l'origine de son préjudice en ne procédant pas à l'exécution forcée de la vente, faute exonérant la société Lafayette coiffure de sa propre responsabilité ;

Attendu que certes les débats et conclusions établissent l'effectivité des difficultés financières rencontrées par la société GM au cours de l'exercice 2008, en raison d'une part de la concurrence engendrée par l'ouverture dans la même galerie commerciale d'un salon de coiffure et de la baisse corrélative du chiffre d'affaires du franchisé, d'autre part de l'importance de l'endettement bancaire résultant du prêt contracté par l'intimé pour l'acquisition du fonds de commerce ;

Attendu cependant que l'intimé justifie de la réalité de son préjudice en produisant le bilan de l'exercice clos le 31 décembre 2008, soit moins d'un mois avant la date fixée pour la cession du fonds de commerce, permettant à la cour de constater qu'à cette date la totalité du passif, exigible et non exigible, soit la somme de 254 634 euros, était susceptible d'être payé par le prix de vente stipulé dans l'acte, soit 260 000 euros ;

Que par ailleurs, il n'est pas indifférent de constater également que le passif déclaré et vérifié dans le cadre de la liquidation judiciaire, intervenue le 26 janvier 2010, a peu varié et qu'il s'élève à la somme de 263 600,92 euros, soit un écart d'environ 9 000 euros seulement, en une année d'activité supplémentaire ;

Qu'il suit de cela que Me Deltour rapporte la preuve suffisante que la déclaration de cessation des paiements effectuée par la société GM est en relation causale avec les atermoiements de la société Lafayette coiffure, qui a négligé de procéder à la régularisation de la vente dans le délai requis, après avoir pourtant notifié au cédant l'exercice de son droit de préemption ;

Attendu en outre que s'agissant de la prétendue faute commise par la société GM, si à la date d'expiration du délai pour la réitération de l'acte, le cédant avait effectivement la faculté de solliciter judiciairement soit l'exécution forcée, soit la résolution de la vente avec demande de dommages et intérêts, il ressort des pièces versées au dossier que le défaut de choix immédiat par le cédant de l'une ou l'autre des branches de l'alternative n'est que la conséquence du comportement dilettante, voire empreint de morgue de la part du franchiseur, qui a sollicité à plusieurs reprises auprès de son partenaire franchisé, entre la date de notification par le cédant du compromis de vente et le 23 octobre 2009, date de l'ultime mise en demeure adressée par le conseil de la société GM à la société Lafayette coiffure, des délais successifs à fin de concrétiser sa volonté d'exercice du droit à préemption, puis n'a pas cru devoir ensuite répondre aux mises en demeure qui lui ont été adressées par la société GM ;

Que dès lors, nul ne pouvant se prévaloir de sa propre turpitude, la société Lafayette coiffure ne peut raisonnablement reprocher à son cocontractant, dont le seul tort a été de tenter d'exécuter, avec patience et bonne foi, le contrat de franchise ayant lié les parties, d'avoir commis une faute contractuelle ;

Attendu que suite à la carence de la société Lafayette coiffure, le fonds de commerce en litige a finalement été vendu le 28 juin 2010 au prix de 150 000 euros, sur autorisation délivrée le 3 février 2010 par le juge commissaire aux opérations de liquidation judiciaire ;

Qu'en conséquence, il y a lieu de constater la résolution de la vente résultant du compromis daté du 4 septembre 2008, aux torts de la société Lafayette coiffure et de fixer, au vu des pièces versées aux débats, à la somme de 136 000 euros le préjudice subi par la société GM ;

Qu'il convient donc d'infirmer sur ce point le jugement dont appel, de condamner la société Lafayette coiffure à payer ce montant à l'intimé et de confirmer pour le surplus ledit jugement, notamment dans ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du Code de procédure civile ;

Sur les autres demandes

Attendu que l'appelante, partie qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux modalités énoncées par l'article 699 du Code de procédure civile ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimé les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Qu'en conséquence, il convient de condamner la société Lafayette coiffure à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, sans qu'elle-même puisse prétendre à une telle indemnité ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Infirme le jugement prononcé le 8 novembre 2011 par le Tribunal de commerce de Reims, en ce qu'il a fixé à la somme de 204 500 euros le montant du préjudice subi par la société GM, Statuant à nouveau, Fixe à la somme de 136 000 euros le montant dudit préjudice, Condamne en conséquence la société Lafayette coiffure à payer cette somme à Me François Deltour, ès qualités de liquidateur de la SARL GM, Déboute Me Deltour, ès qualités de liquidateur de la SARL GM, du surplus de sa demande de dommages et intérêts, Confirme pour le surplus le jugement précité, Condamne la société Lafayette coiffure à payer à Me François Deltour, ès qualités de liquidateur de la SARL GM, la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Lafayette coiffure aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux modalités énoncées par l'article 699 du Code de procédure civile.