Cass. crim., 4 décembre 2007, n° 07-81.072
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Avocat :
SCP Gatineau
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société Boulangerie Viennoiserie Française, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon, 4e chambre, en date du 30 janvier 2007, qui, pour blessures involontaires, l'a condamnée à 25 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-2, 121-3, 122-2, 222-19, 222-21 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré la SA Boulangerie Viennoiserie Française coupable de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de 3 mois, la condamnant en répression à une peine de 25 000 euros d'amende, a donné acte à Serge X de sa constitution de partie civile et a alloué aux organisations syndicales qui se sont constituées diverses sommes à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs qu'aux termes de l'article L. 233-5-1 du Code du travail, les équipements de travail et les moyens de protection mis en service ou utilisés dans les établissements mentionnés à l'article L. 231-1 du même code doivent être équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la sécurité et la santé des travailleurs ; qu'il est établi et non discuté que le 8 octobre 2001, jour de l'accident, Serge X travaillait sur un pétrin d'une ligne de fabrication de pâte à viennoiserie de marque Pari relevant des dispositions des articles R. 233-17, R. 233-18 et R. 233-25 du Code du travail ; qu'il résulte de la procédure qu'alors que le couvercle du pétrin, protecteur mobile, était soumis à de fréquentes manœuvres, la défaillance d'un composant ou un court-circuit survenant dans le boîtier électrique n'avait pas été pris en compte et avait, ainsi, compromis sa fonction de protection ; que la fermeture du couvercle du pétrin provoquait la remise en marche de la ligne de pétrissage sans que l'opérateur ne soit contraint d'actionner l'organe de service prévu à cet effet ; que la mauvaise étanchéité de l'armoire électrique et des boîtiers de raccordement ainsi que l'insuffisance de l'indice de protection des capteurs de contrôle de la position du couvercle et de la boîte de dérivation placée devant le pétrin ne permettaient pas d'assurer une protection totale contre les poussières farineuses et la pénétration d'eau ; que de plus, l'installation de relais de sécurité n'avait pas été réalisée contrairement aux recommandations du plan établi en 1995 concernant la mise en conformité de cette ligne automatisée de pétrissage, en application du décret du 11 janvier 1993 ; qu'ainsi, il ne saurait être contesté que la conjonction de ces anomalies, provoquant la remise en marche intempestive des pales du pétrin en dépit de l'ouverture du couvercle, est à l'origine directe de l'accident ; que pour écarter la responsabilité pénale d'Olivier Y, le tribunal a retenu qu'il n'était pas démontré que celui-ci ait eu connaissance de la dangerosité de la procédure de nettoyage des pétrins et qu'il ne pouvait être établi qu'il ait violé de façon manifestement délibérée une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ou qu'il ait commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ; qu'il convient de relever, comme l'a fait le tribunal, qu'il appartenait toutefois à Olivier Y, directeur du site depuis le 15 mai 2000 et titulaire d'une délégation de pouvoir, de s'assurer que les recommandations de mise en conformité avaient été réalisées et que les règles de sécurité étaient respectées ; qu'en s'abstenant de le faire, il n'a pas accompli les diligences normales incombant au chef d'entreprise et a créé la situation ayant permis la réalisation du dommage ; que surtout il est établi qu'Olivier Y a laissé Serge X utiliser un pétrin dans des conditions dangereuses en omettant d'assurer la protection totale des boîtes de dérivation et des capteurs du couvercle du pétrin, d'ordonner l'installation de relais de sécurité et de veiller personnellement à la mise en place et à la stricte application des mesures de sécurité ; que ces manquements imputables à Olivier Y, délégataire du chef d'entreprise en matière de sécurité, nonobstant l'absence de faute délibérée ou caractérisée, engagent la responsabilité pénale de la société anonyme BVF. pour le compte de laquelle il a agi en qualité d'organe ou de représentant ;
"1 - alors que les personnes morales sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; qu'en reprochant à Olivier Y de ne pas s'être assuré que les recommandations stipulées dans le plan de mise en conformité établi par la société VMI en 1995 avaient été réalisées et de ne pas avoir procédé à l'installation des relais de sécurité alors préconisés, tout en constatant que celui-ci n'avait pas connaissance dudit plan, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;
"2 - alors que les juges doivent statuer sur tous les chefs de conclusions dont ils sont régulièrement saisis ; qu'à titre principal, la demanderesse soutenait que " la survenance du dommage apparaît comme le fruit de la fatalité et ne saurait être imputable à la SA BVF dès lors que le fait était non seulement imprévisible et irrésistible, mais aussi extérieur à l'entreprise " (conclusions d'appel, page 4, § 4) ;
qu'elle invoquait ainsi pour sa défense le bénéfice de l'article 122-2 du Code pénal tiré de la force majeure ; que la cour d'appel a cependant laissé sans aucune réponse cette articulation essentielle des conclusions, entachant sa décision de défaut de motifs" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 8 octobre 2001, un salarié de la société Boulangerie Viennoiserie Française (BVF) a été blessé par les pales du pétrin d'une ligne automatisée de fabrication de pâte à viennoiserie qui s'était inopinément remis en route lors d'une opération de nettoyage de la cuve en position d'ouverture ; qu'à la suite de ces faits, Olivier Y, directeur du site depuis le 15 mai 2000, et la société BVF ont été poursuivis devant la juridiction correctionnelle notamment du chef du délit de blessures involontaires ; que les premiers juges, qui ont relaxé Olivier Y au motif que celui-ci n'avait pas commis de faute délibérée ou caractérisée, ont déclaré la société BVF coupable de l'infraction lui étant imputée et prononcé sur les intérêts civils ;
Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris sur les seuls appels de la société BVF et du ministère public contre cette prévenue, l'arrêt, après avoir constaté que le système électrique de sécurité équipant initialement le pétrin avait été modifié afin d'arrêter le fonctionnement de la machine par le simple enlèvement de son couvercle, relève que le défaut de mise en place des relais de sécurité préconisés par un plan de mise en conformité établi en 1995, de même qu'une étanchéité défectueuse expliquant la remise en marche du pétrin à la suite de dysfonctionnements électriques, sont à l'origine de l'accident ; que les juges ajoutent qu'Olivier Y, titulaire d'une délégation de pouvoirs, a laissé la victime de l'accident utiliser un matériel dans des conditions dangereuses en omettant de veiller à la mise en place et au maintien de dispositifs de sécurité efficaces, et que ces manquements, même si aucune faute délibérée ou caractérisée n'a été retenue à l'encontre du délégataire, engagent la responsabilité pénale de la société BVF pour le compte de laquelle ce dernier agissait ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs qui mettent en évidence à la charge de la société BVF la méconnaissance fautive, exclusive de la force majeure, des dispositions de l'article L. 233-5-1 du Code du travail exigeant que les équipements de travail et les moyens de protection, y compris en cas de modification, soient utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la sécurité et la santé des travailleurs, la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors qu' il résulte des dispositions des articles 121-2, 121-3 et 222-21 du Code pénal que les personnes morales sont pénalement responsables de toute faute non intentionnelle de leurs organes ou représentants ayant entraîné une atteinte à l'intégrité physique constitutive de l'infraction de blessures involontaires, même si, en l'absence de faute délibérée ou caractérisée au sens de l'article 121-3, alinéa 4, du même code, la responsabilité pénale des personnes physiques ne peut être recherchée ; d'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.