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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 4 juillet 2013, n° 2012-05160

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Digicel Antilles Françaises Guyane (SA), France Télécom (SA), Orange Caraïbe (SA)

Défendeur :

Outremer Télécom (SAS), Président de l'Autorité de la concurrence, Ministre de l'Economie, des Finances et du Commerce Extérieur

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cocchiello

Conseillers :

Mmes Beaudonnet, Leroy

Avocats :

SCP Bolling Durand Lallement, SCP Grappotte Benetreau Jumel, Bredin Prat Aarpi, SCP Fisselier & Associes, Mes Vogel, Rameau, Calvet, Trifounovitch, Justier

CA Paris n° 2012-05160

4 juillet 2013

La société Orange Caraïbe, anciennement dénommée France Caraïbes Mobiles, détenue par la société Orange Holding, elle-même détenue par la société France Télécom, propose des offres commerciales de services de téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane depuis 1996. Ces offres initialement présentées sous la marque "Améris", ont à partir de 2001 été commercialisées sous la marque "Orange Caraïbe". La société Orange Caraïbe a été en monopole de fait dans ladite zone jusqu'à l'arrivée sur le marché fin décembre 2000 de la société Bouygues Télécom Caraïbe. La société Orange Caraïbe, qui détenait plus de 82 % du marché des services de téléphonie mobile en 2004, en détenait en 2009 entre 50 et 60 %.

La société Bouygues Télécom Caraïbe (ci-après BTC), détenue par la société Bouygues Télécom, après avoir bénéficié d'une autorisation provisoire, a obtenu sa licence d'exploitation par arrêté du 19 juillet 2001. BTC a débuté son activité commerciale de fourniture de services de téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane en décembre 2000.

La société BTC a été vendue en 2006 à la société Digicel Limited (ci-après Digicel), opérateur jamaïcain de téléphonie mobile très actif dans la région des Caraïbes.

La société Outremer Télécom (ci-après Outremer ou OMT), qui exploite ses services sous la marque "Only", se présente comme le premier opérateur alternatif de télécommunications des départements d'outre-mer. Après s'être concentrée sur les services de télécommunications fixes, cette société a commencé ses activités de téléphonie mobile fin 2004 en Guyane, fin 2005 en Martinique et en Guadeloupe et en 2007 à La Réunion.

1. Le 9 juillet 2004, la société Bouygues Télécom Caraïbe (BTC, aux droits de laquelle vient la société Digicel) a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par les sociétés Orange Caraïbe et France Télécom sur le marché de la téléphonie mobile dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane (ci-après la "zone Antilles-Guyane").

Accessoirement à sa saisine au fond, la société BTC a sollicité des mesures conservatoires. Par décision n° 04-MC-02 du 9 décembre 2004, le Conseil de la concurrence, estimant que certaines pratiques dénoncées étaient susceptibles d'être constitutives d'entente ou d'abus de position dominante, a prononcé des mesures conservatoires destinées à faire cesser les atteintes résultant desdites pratiques. Cette décision a, pour l'essentiel, été confirmée par la Cour d'appel de Paris par arrêt, devenu définitif, du 28 janvier 2005.

2. Le 10 juin 2005, la société Outremer Télécom a saisi le Conseil de la concurrence (devenu l'Autorité de la concurrence et ci-après le Conseil, l'Autorité ou l'ADLC) de pratiques d'abus de position dominante mises en œuvre par les sociétés France Télécom et Orange Caraïbe sur les marchés de la téléphonie fixe vers mobile et de la téléphonie mobile, sur le territoire des Antilles et de la Guyane. L'instruction des deux saisines au fond a été jointe par décision du 3 mai 2007.

Le 4 août 2008, ont, sur le fondement des droits national et européen, été notifiés à Orange Caraïbe et à France Télécom sept griefs concernant des pratiques d'abus de position dominante et d'entente mises en œuvre par Orange Caraïbe sur le marché des services de téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane.

Le même jour, ont été notifiés à France Télécom deux griefs d'abus de position dominante sur le marché des services de téléphonie fixe dans la zone Antilles-Guyane.

Par décision n° 09-D-36 du 9 décembre 2009, l'ADLC :

- article 1 : dit établi que les sociétés Orange Caraïbe et France Télécom, qui forment ensemble une seule et même entreprise, ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce ainsi que celles des articles 81 et 82 du traité CE, devenus 101 et 102 du traité TFUE, au titre des pratiques qui faisaient l'objet des griefs n° 1.1., 2, 4 (en sa 1ère branche) et 5.

Etant précisé que ces griefs, notifiés à Orange Caraïbe et à France Télécom, reprochaient à Orange Caraïbe :

- Grief n° 1.1 : d'avoir abusé de sa position dominante sur le marché des services de téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane en imposant à ses distributeurs des obligations d'exclusivité et de non concurrence les interdisant de commercialiser des services concurrents. Une telle pratique doit recevoir la qualification d'abus de position dominante au regard de l'article L. 420-2 du Code de commerce ainsi que l'article 82 du traité CE dans la mesure où elle a eu pour objet et pour effet de conforter la position d'Orange Caraïbe en rendant artificiellement plus difficile l'accès et le développement d'entreprises concurrentes, notamment depuis l'arrivée de Bouygues Télécom Caraïbe sur le marché en décembre 2000 jusqu'à la suppression de ces restrictions en janvier 2005 ;

- Grief n° 2 : de s'être entendue avec Cetelec Caraïbes par la signature de contrats envisageant des obligations d'exclusivité et de non concurrence interdisant à ce dernier d'assurer des services de réparation et de maintenance pour tout concurrent de l'opérateur. Une telle pratique doit recevoir la qualification d'entente anticoncurrentielle au regard de l'article L. 420-1 du Code de commerce ainsi que l'article 81 du traité CE dans la mesure où elle a eu pour objet et pour effet de limiter la concurrence effective et potentielle entre les opérateurs de téléphonie mobile de la zone Antilles- Guyane, notamment depuis l'arrivée de Bouygues Télécom Caraïbe sur le marché en décembre 2000 jusqu'à la suppression de ces restrictions en janvier 2005 ;

- Grief n° 4 : d'avoir abusé de sa position dominante sur le marché des services de téléphonie mobile dans la zone Antilles- Guyane tout d'abord en imposant un réengagement de 24 mois pour l'utilisation des points de fidélité du programme " Changez de mobile" du printemps 2002 au printemps 2005. En outre, cet abus est constitué par le fait qu'Orange Caraïbe n'a proposé et ne propose encore que des offres forfaitaires avec un engagement minimal de 12 mois, et que des offres de réengagement avec subvention du terminal de 24 mois. De telles pratiques doivent recevoir la qualification d'abus de position dominante au regard de l'article L. 420-2 du Code de commerce ainsi que l'article 82 du traité CE dans la mesure où elles ont eu pour objet et pour effet de conforter la position d'Orange Caraïbe en rendant artificiellement plus difficile l'accès et le développement d'entreprises concurrentes, notamment depuis l'arrivée de Bouygues Télécom Caraïbe sur le marché en décembre 2000 et d'Outremer Télécom en 2005, sans qu'elles puissent être justifiées à suffisance par des contreparties au bénéfice des consommateurs et/ou du marché ;

- Grief n° 5 : d'avoir abusé de sa position dominante sur le marché des services de téléphonie mobile dans la zone Antilles- Guyane en pratiquant une discrimination tarifaire injustifiée entre les appels à destination de son réseau (on net) et ceux à destination des autres opérateurs (et notamment de Bouygues Télécom Caraïbe. Une telle pratique doit recevoir la qualification d'abus de position dominante au regard de l'article L. 420-2 du Code de commerce ainsi que l'article 82 du traité CE dans la mesure où elle a eu pour objet et pour effet de conforter la position d'Orange Caraïbe en rendant artificiellement plus difficile l'accès et le développement d'entreprises concurrentes, notamment depuis l'arrivée de Bouygues Télécom Caraïbe en rendant artificiellement plus difficile l'accès et le développement d'entreprises concurrentes, notamment depuis l'arrivée de Bouygues Télécom Caraïbe sur le marché en décembre 2000 jusqu'à sa suppression au printemps 2005 ;

- article 2 : dit établi que la société France Télécom a enfreint les dispositions des articles L. 420-2 du Code de commerce et 82 du traité CE, devenu 102 du traité TFUE, au titre des pratiques visées par les griefs n° 7 et 8, à savoir :

- Grief n° 7 : avoir abusé de sa position dominante sur le marché des services de téléphonie fixe dans la zone Antilles-Guyane en appliquant à de nombreux de ses clients professionnels et entreprises une réduction sur les appels depuis un poste fixe à destination du réseau de sa filiale Orange exclusivement (Avantage Améris). Une telle pratique doit recevoir la qualification d'abus de position dominante au regard de l'article L. 420-2 du Code de commerce ainsi que l'article 82 du traité CE dans la mesure où elle a eu pour objet et pour effet de favoriser artificiellement la filiale de téléphonie mobile de France Télécom et de rendre artificiellement plus difficile l'accès et le développement d'entreprises concurrentes depuis l'arrivée de Bouygues Télécom Caraïbe sur le marché en décembre 2000 ;

- Grief n° 8 : avoir abusé de sa position dominante sur le marché des services de téléphonie fixe dans la zone Antilles-Guyane en proposant à des collectivités ou entreprises des offres de télécommunications fixe vers mobile en dessous des coûts qu'un opérateur aussi efficace qu'elle doit nécessairement supporter pour proposer la même prestation. Une telle pratique doit recevoir la qualification d'abus de position dominante au regard de l'article L. 420-2 du Code de commerce ainsi que l'article 82 du traité CE dans la mesure où elle a eu pour objet et pour effet d'introduire une distorsion de concurrence sur le marché des offres "fixe vers mobile" pour les entreprises et les organismes publics dont ont pu souffrir les concurrents de France Télécom dans la zone Antilles-Guyane ;

- Article 3 : a infligé les sanctions pécuniaires suivantes :

- aux sociétés Orange Caraïbe et France Télécom, conjointement et solidairement, une sanction de 52,5 millions d'euros ;

- à la société France Télécom une sanction de 10,5 millions d'euros.

- Article 4 : a ordonné des mesures de publication d'un résumé de la décision dans les éditions des quotidiens France-Antilles Martinique, France-Antilles Guadeloupe et France Guyane.

Sur recours de parties, la Cour d'appel de Paris a, par arrêt du 23 septembre 2010, annulé la décision de l'ADLC en ce qu'elle a fait application du droit européen et dit que les pratiques poursuivies le sont par application des dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce. Puis, évoquant, la cour d'appel a statué sur les griefs notifiés.

Statuant sur les trois pourvois joints formés contre cet arrêt, la Cour de cassation a, par arrêt du 31 janvier 2012 (B.16), cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt du 23 septembre 2010 et a renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de Paris autrement composée, étant précisé que la Cour de cassation a statué après que la Commission européenne lui a adressé, par application de l'article 15 § 3 du règlement n° 1-2003, des observations d'amicus curiae relatives au champ d'application des articles 101 et 102 TFUE.

C'est en cet état que la cour d'appel est à nouveau saisie.

La Cour

Vu la décision n° 09-D-36 de l'Autorité de la concurrence du 9 décembre 2009 (ci-après la décision) ;

Vu l'arrêt de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation du 31 janvier 2012, publié au Bulletin n° 16 ;

Vu la déclaration de saisine et les mémoires déposés par la société Orange Caraïbe le 10 août 2012 et en réplique le 15 janvier 2013 ;

Vu la déclaration de saisine et les mémoires signifiés par la société France Télécom le 10 août 2012 et en réplique le 15 janvier 2013 ;

Vu la déclaration de saisine et les mémoires déposés par la société Digicel Antilles françaises Guyane le 1er octobre 2012 et récapitulatif en réplique le 15 janvier 2013 ;

Vu le mémoire déposé par la société Outremer Télécom le 1er octobre 2012 ;

Vu les observations du Ministre de l'économie déposées le 11 décembre 2012 ;

Vu les observations de l'ADLC déposées le 13 décembre 2012 ;

Vu les observations du Ministère public, mises à disposition des parties avant l'audience ;

Ayant entendu à l'audience publique du 21 février 2013, en leurs observations orales, les conseils des requérantes qui ont été mis en mesure de répliquer et qui ont eu la parole en dernier, ainsi que le représentant de l'Autorité de la concurrence, celui du Ministre chargé de l'économie et le Ministère public ;

Sur ce

Sur les moyens de procédure invoqués par la société France Télécom

Considérant que, selon la société France Télécom, la procédure est entachée de nullité dans son intégralité en raison, d'une part, de la violation de ses secrets d'affaires et, d'autre part, de la violation de ses droits de défense ;

Sur la violation invoquée du secret des affaires

Considérant que la requérante fait valoir que figuraient dans la partie non confidentielle du dossier jointe à la notification des griefs, des copies de ses réponses à des appels d'offres lancés par des collectivités locales de la zone Antilles-Guyane, pour lesquelles elle n'avait pas été mise en mesure de formuler une demande de traitement confidentiel et soutient qu'il s'agit d'une violation du secret des affaires par les services d'instruction de l'Autorité, violation qui porte gravement atteinte aux droits de la défense ;

Mais considérant qu'outre le fait que les collectivités locales concernées, interrogées par les services d'instruction de l'Autorité sur un éventuel classement en annexe confidentielle des données communiquées, ont indiqué ne pas souhaiter formuler une telle demande ou n'ont pas répondu, ce qui conduit à présumer que ces données ne mettaient pas en jeu le secret des affaires, force est de constater que les données en cause relatives aux offres soumises par France Télécom de 2004 à 2006 étaient déjà anciennes et relativement obsolètes lorsqu'elles ont été communiquées à toutes les parties avec la notification des griefs au mois d'août 2008 ;

Considérant, de plus, que la requérante n'explique pas en quoi la violation du secret d'affaires qu'elle invoque aurait porté atteinte à ses droits de la défense et ne soutient pas avoir été empêchée de répondre aux griefs qui lui ont été notifiés ;

Considérant, au surplus, que la sanction qui s'attache à la divulgation d'informations couvertes par le secret des affaires, à la supposer établie ce qui n'est pas le cas en l'espèce, n'est pas la nullité de la procédure, mais le versement éventuel d'une indemnité s'il est démontré que la communication desdites informations était de nature à créer un préjudice direct et certain à l'entreprise concernée ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Sur la violation invoquée des droits de la défense

Considérant que la requérante soutient avoir été dans l'incapacité d'exercer utilement et efficacement ses droits de la défense en raison des imprécisions et incertitudes affectant, d'une part, les griefs notifiés et, d'autre part, la définition des marchés censés être concernés par les pratiques qui lui sont reprochées ;

Considérant que la société France Télécom dénonce, en premier lieu, s'agissant des griefs (n° 7 et n° 8) qui lui ont été notifiés, leurs caractères généraux et indéterminés en ce qui concerne la période qui pourrait être concernée par les pratiques reprochées et leurs caractères généraux et imprécis en ce qui concerne leur portée matérielle ;

Mais considérant que le grief n° 7 relatif à l'"Avantage Améris"(option tarifaire gratuite proposée par France Télécom à ses abonnés professionnels leur permettant de bénéficier d'un taux de réduction sur le prix des appels fixes vers les mobiles du réseau Améris d'Orange Caraïbe), incrimine une discrimination tarifaire par le maintien de l'"Avantage Améris", cette pratique étant qualifiée d'abus de position dominante "dans la mesure où elle a eu pour objet et pour effet de favoriser artificiellement la filiale de téléphonie mobile de France Télécom et de rendre artificiellement plus difficile l'accès et le développement d'entreprises concurrentes depuis l'arrivée de Bouygues Télécom Caraïbe sur le marché en décembre 2000" ; qu'il résulte de la lecture du corps de la notification des griefs (Cf. notamment n° 308 à 309 et 313 à 323) que ce grief vise le maintien par France Télécom de son offre "Avantage Ameris" après l'arrivée de son concurrent sur le marché en décembre 2000 et ce jusqu'au 21 mai 2002, date à laquelle cette offre n'a plus été proposée, et son maintien, après le 21 mai 2002, pour les clients qui avaient déjà, avant cette date, opté pour l'offre "Avantage Ameris" ;

Considérant sur le grief n° 8 relatif à une pratique de ciseau tarifaire, qu'il ressort des paragraphes 339 à 349 de la notification des griefs que ce grief porte sur une offre "fixe vers mobile" avec un prix unitaire de base par minute de communication de 0,12 euros hors taxes proposée par France Télécom lors d'un appel d'offres passé par le Conseil régional de Guyane en 2004 ;

Considérant qu'il en résulte qu'à la lecture du corps de la notification des griefs, la société France Télécom ne pouvait nourrir de doute sur la nature, la portée et la durée des pratiques qui lui étaient reprochées ; que l'argumentation de la requérante manque en fait en ce qu'elle invoque des imprécisions et des incertitudes affectant les griefs notifiés ; que ce n'est donc qu'au surplus qu'il est observé que la teneur des observations écrites déposées par cette société en réponse à la notification des griefs et du rapport confirme que cette société a été en mesure de se défendre en toute connaissance de cause ;

Considérant que les griefs n° 7 et n° 8 ayant été formulés et présentés dans la notification des griefs de façon suffisamment claire et précise pour que la société France Télécom puisse présenter utilement sa défense, c'est à tort que cette requérante soutient que l'exercice de ses droits de la défense "a été sérieusement et irrévocablement compromis" ;

Considérant que la requérante invoque, en second lieu, des incertitudes et des imprécisions affectant la présentation faite par la notification de griefs et le rapport et reprises par la décision de la définition et de la description des marchés pertinents et soutient que ces imprécisions rendent impossible une appréciation pertinente des prétendus effets des pratiques dénoncées et portent gravement atteinte à ses droits de la défense ;

Mais considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que la notification de griefs a identifié trois marchés distincts : - le marché des services de téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane sur lequel Orange Caraïbe était en position dominante, - le marché des prestations de terminaison d'appels mobiles à destination du réseau Orange Caraïbe, monopole de cette société, - le marché des services de téléphonie fixe dans la zone Antilles-Guyane sur lequel France Télécom était en position dominante ; que s'agissant de ce dernier marché, la notification de griefs, après avoir exposé les deux définitions géographiques envisageables - définition nationale (comme l'a retenu l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, ci-après l'Arcep) ou définition locale compte tenu des singularités de la zone Antilles-Guyane - a retenu cette dernière dimension (Cf. n° 77 à 78 et 403 à 404) ; que ces définitions des marchés pertinents ont été maintenues dans le rapport qui a répondu aux observations critiques de France Télécom (n° 127), puis ont été reprises par la décision à l'issue d'une motivation étayée (n° 185 à 231) ;

Considérant que France Télécom, qui a pu débattre de la définition et de la délimitation des marchés et présenter ses observations tout au long de la procédure contradictoire ainsi que le montrent ses écritures en réponse à la notification des griefs (pages 21 à 26 de ses observations écrites du 5 novembre 2008) et au rapport (pages 27 à 32 de ses observations écrites du 14 août 2009), n'est pas fondée à invoquer, sur le plan procédural, une atteinte portée à ses droits de la défense ;

Considérant que, pour le surplus, l'argumentation développée par la requérante, sous couvert d'imprécisions de la délimitation des marchés, relève de contestations au fond de la définition des marchés retenus et des effets des pratiques et sera donc examinée ci-après ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les moyens d'annulation tenant à la procédure présentés par la société France Télécom doivent être écartés ;

Sur l'application du droit de l'Union européenne

Considérant que les sociétés France Télécom et Orange Caraïbes soutiennent que c'est à tort que la décision conclut à l'applicabilité du droit européen (articles 101 et 102 du TFUE) aux pratiques en cause alors qu'aucun des trois critères cumulatifs d'application du droit de l'Union n'est rempli ; qu'en effet, les services de téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane ne font pas l'objet d'échanges entre Etats membres et les pratiques reprochées ne sont pas susceptibles d'affecter, et en toute hypothèse pas de façon sensible, le commerce entre Etats membres ; qu'elles exposent qu'en cassant et annulant l'arrêt de cette cour du 23 septembre 2010 qui avait estimé qu'aucune des trois conditions d'application du droit européen n'était, en l'espèce, remplie, la Cour de cassation a sanctionné une motivation insuffisante sur l'existence de pratiques susceptibles d'affecter sensiblement les échanges entre Etats membres, sans remettre en cause le constat d'inapplicabilité du droit européen résultant de l'inexistence d'échanges entre Etats membres portant sur les produits ou services faisant l'objet des pratiques en cause ;

Que les requérantes font plus précisément valoir :

- en premier lieu, que les services de téléphonie dans la zone Antilles-Guyane ne constituent pas des services par nature transfrontaliers ; que ces services ne font pas l'objet d'échanges entre Etats membres car le marché est purement local, qu'il s'agisse de la demande constituée de clients situés dans la zone antillo-guyanaise ou de l'offre qui ne peut être le fait que des opérateurs disposant de licence pour cette zone ; que le fait que les consommateurs de cette zone sont en mesure d'émettre ou de recevoir des appels à destination ou en provenance d'autres Etats membres ne fait pas "participer l'offre et la demande de services de téléphonie dans la zone Antilles-Guyane à un flux transfrontalier entre Etats membres" et ne caractérise pas l'existence d'une activité économique entre Etats membres portant sur les services de téléphonie ;

- en deuxième lieu, que les pratiques en cause ne sont pas susceptibles d'affecter les échanges entre Etats membres, affectation qui doit être établie grief par grief ; que la décision repose sur ce point sur une analyse hypothétique et spéculative sans démontrer qu'à l'époque des faits, des opérateurs originaires d'autres Etats membres auraient manifesté leur volonté d'entrer sur le marché antillo-guyanais de la téléphonie mobile, ni que leur entrée aurait été probable, ni que les pratiques qui leur sont reprochées les en auraient "probablement" "effectivement empêchés" au sens de la jurisprudence de la CJUE ;

- en troisième lieu, que la décision n'a pas démontré le caractère sensible de l'affectation du commerce entre Etats membres faute d'établir que les services de téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane constituent "une partie substantielle du marché communautaire" et que les pratiques ne sont pas de nature locale et faute de prendre en considération, conformément aux lignes directrices, la taille du marché local des services de téléphonie mobile rapportée au volume de ventes global des services en cause en France afin de déterminer la part du marché national en volume à laquelle l'accès est interdit ;

Considérant, sur ce, qu'il convient au préalable de rappeler que la Cour de cassation, a, par l'arrêt sus-visé du 31 janvier 2012, sans statuer sur l'ensemble des griefs qui lui étaient soumis, cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu dans la présente affaire par la Cour d'appel de Paris le 23 septembre 2010, la Cour remettant, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, soit en l'état de la décision, et d'observer qu'est inopérante l'argumentation des requérantes relative à la portée de l'arrêt de la Cour de cassation, cette argumentation reposant sur l'affirmation inexacte que la Cour aurait, de façon implicite, approuvé l'analyse de la cour d'appel dans son arrêt du 23 septembre 2010 relativement à l'inexistence d'échanges entre Etats membres et ce, au surplus, alors même que les cassations prononcées, pour violation de la loi, sur deux des branches d'un moyen soumis à la Cour, portent sur les dispositions de l'arrêt d'appel ayant estimé que le commerce entre Etats membres n'était ni affecté, ni sensiblement affecté, par les pratiques en cause ;

Considérant que le critère d'affectation du commerce, qui conditionne l'application des dispositions des articles 81 et 82 du Traité CE, devenus les articles 101 et 102 du TFUE, a été explicité par les juridictions communautaires ; que les "lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité", ci-après les lignes directrices ou LD (Communication de la Commission 2004-C 101-07, JOUE du 27 avril 2004) ont notamment pour objet d'exposer les principes dégagés jusqu'à cette date par lesdites juridictions, et que tant la décision que les parties y font référence ; qu'en outre, il doit être tenu compte des observations versées aux débats, qui ont été présentées, dans la présente affaire, par la Commission européenne en tant qu' "amicus curiae" à la Cour de cassation, préalablement à l'arrêt du 31 janvier 2012 ;

Considérant que les lignes directrices (n° 18) précisent que "l'application du critère de l'affectation du commerce impose d'aborder plus particulièrement trois éléments a) la notion de "commerce entre Etats membres", b) la notion de "susceptible d'affecter", c) la notion de caractère sensible" ; que cette approche est suivie par les parties ;

Considérant que s'agissant, en premier lieu, de "la notion de "commerce entre Etats membres", il est fait référence aux n° 19 et 22 des lignes directrices en ce qu'elles rappellent notamment que "la notion de "commerce" n'est pas limitée aux échanges transfrontaliers traditionnels de produits et de services, mais a une portée plus large qui recouvre toute activité économique internationale, y compris l'établissement. Cette interprétation concorde avec l'objectif fondamental du traité consistant à favoriser la libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux." ;

Considérant, en l'espèce, que force est de constater que les services de téléphonie ont pour objet de permettre aux utilisateurs, particuliers ou professionnels, d'émettre ou de recevoir des appels ou des données, à destination ou en provenance notamment de tous les Etats membres de l'Union européenne ; que les services de téléphonie permettent ainsi, du fait même de leur nature, des échanges transfrontaliers ;

Considérant, de plus, que ces services font l'objet d'échanges entre opérateurs présents notamment dans l'Union, qui concluent entre eux des accords de roaming ou des accords de terminaison d'appels afin d'assurer l'acheminement des appels passés depuis ou vers leurs réseaux respectifs ;

Qu'il en résulte que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'offre et la demande de services de téléphonie dans la zone Antilles-Guyane constituent un marché local qui ne fait pas l'objet de courants d'échanges entre Etats membres, étant également observé que l'offre, destinée à des clients susceptibles d'utiliser les services proposés en tous lieux, émane d'une filiale d'une société européenne et que les échanges concernés par les services de téléphonie ne se réduisent pas à ceux réalisés sur le marché géographique de la zone Antilles- Guyane et qu'au surplus, il est reproché aux requérantes des pratiques tendant à entraver l'implantation d'autres opérateurs dans une zone susceptible d'intéresser des opérateurs européens ;

Que, contrairement à ce qui est soutenu, les échanges entre Etats membres sont susceptibles d'être affectés par des pratiques portant sur les services en cause ;

Considérant que s'agissant, en deuxième lieu, de "la notion de "susceptible d'affecter", qui a pour rôle de "définir la nature de l'incidence requise sur le commerce entre Etats membres, il est fait référence aux numéros 23 à 43 des lignes directrices qui présentent une synthèse de la jurisprudence communautaire ;

Que la Cour de cassation rappelle, dans l'arrêt de renvoi, que "les termes "susceptible d'affecter" énoncés par les articles 101 et 102 du TFUE supposent que l'accord ou la pratique abusive en cause permette, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre États membres, sans que soit exigée la constatation d'un effet réalisé sur le commerce intracommunautaire" ;

Considérant que, si les pratiques incriminées ont été mises en œuvre sur une partie du territoire national, l'application du critère de l'affectation du commerce est indépendante de la définition des marchés géographiques en cause car le commerce entre États membres peut également être affecté dans des cas où le marché en cause est national ou subnational ;

Considérant, par ailleurs, que, contrairement à ce qui est soutenu, il ne peut être reproché à la décision de ne pas avoir établi l'affectation du commerce entre Etats membres grief par grief ;

qu'en effet, il n'est pas nécessaire d'examiner chaque élément du comportement des entreprises dominantes du même groupe, qu'il concerne la téléphonie mobile ou la téléphonie fixe vers mobile, dès lors que chaque pratique fait partie d'une stratégie générale poursuivant le même objectif (Cf. LD n° 17) ;

Considérant, en l'espèce, que les pratiques en cause sont essentiellement des pratiques d'éviction ayant consisté pour Orange Caraïbes, filiale de France Télécom, à élever artificiellement des barrières à l'entrée sur le marché des services de téléphonie mobile dans zone Antilles-Guyane ; qu'elles concernent des services nécessitant et permettant des échanges transfrontaliers ; qu'en outre, ainsi que le relève la décision (n° 176), de grands groupes européens présents dans le secteur de la téléphonie mobile s'intéressent à la région des Caraïbes où ils offrent leurs services par le biais de filiales qu'ils y ont établies et un opérateur implanté dans un point de cette région a vocation à développer sa présence sur les autres territoires de la zone afin de renforcer son attractivité ;

Qu'il résulte de ces éléments que les pratiques en cause avaient "la capacité" (LD n° 29 et 42) d'affecter le commerce entre Etats membres ; qu'il importe peu, à cet égard, qu'à l'époque des faits, des opérateurs originaires d'autres Etats membres aient ou non manifesté leur volonté d'entrer sur le marché antillo-guyanais de la téléphonie mobile et que leur entrée ait ou non alors été probable ou n'ait pas, après la fin des pratiques, été effectivement réalisée dès lors que les pratiques incriminées étaient susceptibles d'empêcher l'entrée sur le marché d'un acteur européen qui aurait souhaité y accéder et d'affecter la structure de la concurrence ; que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la décision n'a pas caractérisé l'influence des pratiques abusives sur les courants d'échanges entre Etats membres ;

Considérant, en troisième lieu, sur le caractère sensible de l'affectation du commerce entre Etats membres, que la Cour de cassation rappelle, dans l'arrêt de renvoi, "qu'en l'état de pratiques cumulées d'entente et d'abus de position dominante commises sur une partie seulement d'un Etat membre, le caractère sensible de l'affectation directe ou indirecte, potentielle ou actuelle, du commerce intracommunautaire résulte d'un ensemble de critères, parmi lesquels la nature des pratiques, la nature des produits concernés et la position de marché des entreprises en cause, le volume de ventes global concerné par rapport au volume national n'étant qu'un élément parmi d'autres" ;

Considérant que, si ainsi que le relèvent les requérantes, les pratiques en cause ne couvrent qu'une partie d'un Etat membre constituée par trois départements du territoire français et si France Télécom ne réalise que 0,75 % de son chiffre d'affaires dans la zone Antilles-Guyane, c'est au travers d'une interprétation réductrice des lignes directrices, au surplus contredite par la Commission dans ses conclusions d'"amicus curiae", que les requérantes soutiennent que la décision n'a pas établi que les pratiques en cause sont susceptibles d'affecter de façon sensible le commerce entre Etats membres ; qu'au contraire, les motifs de la décision (n° 179 à 183), qui ne sont pas utilement contredits et que la cour fait siens, démontrent à suffisance au moyen d'une analyse multi-critères le caractère sensible de l'affectation du commerce entre Etats membres ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à juste titre que la décision conclut à l'applicabilité en l'espèce des dispositions des articles 101 et 102 du TFUE ;

Sur les marchés pertinents

Considérant que la société Orange Caraïbe soutient que les imprécisions et inexactitudes affectant la décision dans la définition des marchés pertinents sont la cause d'une "grave défaillance de la qualification des effets prétendument anticoncurrentiels des pratiques reprochées" et reproche à la décision d'avoir "fondé sa démonstration des prétendus effets réels et concrets des pratiques reprochées, en vue de leur qualification au regard des règles de concurrence, sur des segments de marché arbitrairement choisis en fonction des griefs, sans fournir la moindre justification ni analyse spécifiques" ; que la société France Télécom expose de même qu'il est impossible de retenir un objet ou un effet anticoncurrentiel sur un segment spécifique d'un marché pertinent sans justifier la segmentation opérée ; que les requérantes estiment que la décision a commis de graves erreurs d'appréciation dans la définition des marchés ;

Mais considérant que c'est à juste titre que la décision retient que dès lors qu'une segmentation du marché retenu n'apporterait aucune information supplémentaire sur le pouvoir de marché dont dispose l'entreprise concernée car celle-ci occupe la même position quelle que soit la segmentation retenue, il n'est pas nécessaire de procéder à une telle segmentation et que le fait de retenir un marché pertinent plus large n'interdit pas de constater que les effets des pratiques mises en œuvre ont été plus importants sur certains segments du marché ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, trois marchés ont, en l'espèce, été retenus comme pertinents ;

Considérant, s'agissant du marché des services de téléphonie fixe dans la zone Antilles- Guyane retenu comme pertinent par la décision (n° 222 à 231) pour apprécier le pouvoir de marché de France Télécom, que la requérante n'est pas fondée, eu égard aux rappels opérés par la décision (n° 222 et 225), à soutenir qu'en identifiant un marché des services de téléphonie fixe dans la zone Antilles-Guyane au sein duquel elle distingue un segment des appels "fixe vers mobile", l'Autorité se serait départie de sa pratique antérieure en portant atteinte au principe de sécurité juridique ; qu'en outre, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, France Télécom a pu débattre de la délimitation du marché tout au long de la procédure contradictoire ; qu'enfin, la décision n'est pas utilement contredite en ce qu'elle retient d'une part, qu'il n'est pas, en l'espèce, nécessaire de retenir un marché plus étroit que celui des services de téléphonie fixe dès lors que "selon les frontières du marché retenues, la position occupée par France Télécom n'est pas sensiblement différente et l'appréciation des effets des comportements en cause sur la concurrence ne se trouve pas modifiée", d'autre part, que tant les particularités géographiques que l'absence des grands compétiteurs métropolitains et l'entrée plus tardive de concurrents distinguent la zone Antilles- Guyane, caractérisée par une dominance plus large de l'opérateur historique ;

Considérant, s'agissant du marché de détail des services de téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane (offres aux consommateurs) retenu par la décision comme pertinent (n° 186 à 207), que la société Orange Caraïbe fait valoir qu'en l'absence de justifications éventuelles de la limitation du périmètre d'analyse aux offres destinées à certaines catégories de clientèle, la décision aurait dû conduire son analyse sur l'ensemble du périmètre du marché de la téléphonie mobile dans la zone antillo-guyanaise ;

Mais considérant qu'ainsi que le souligne la décision, le pouvoir de marché détenu par la société Orange Caraïbe reste sensiblement le même que l'on procède ou non à une segmentation du marché des services de téléphonie mobile selon que la clientèle adressée est résidentielle ou professionnelle ; que, dès lors, la décision ne peut être critiquée en ce qu'elle retient que l'appréciation des effets réels ou potentiels des pratiques en cause sur des segments de ce marché (celui des offres résidentielles pour les griefs 1 à 5 et celui des offres professionnelles pour le grief 6), et non sur son ensemble, est indifférente et ne modifie pas l'analyse ;

Considérant, s'agissant du marché des prestations de terminaison d'appels mobiles à destination du réseau d'Orange Caraïbe, il est fait référence à la décision (n° 113 à 123 et n° 208 à 221) ;

Que, sur ce point, la requérante réitère devant la cour son argumentation selon laquelle la délimitation d'un marché amont de la terminaison d'appel, qui peut être pertinente au regard de la régulation sectorielle, est inappropriée et artificielle pour l'application du droit de concurrence car aboutit à une présentation restrictive de la prestation de gros et de la position des opérateurs, monopolistique pour chaque opérateur pour les prestations de terminaison d'appel à destination de leurs réseaux respectifs ; qu'elle ajoute qu'une telle délimitation est d'autant plus restrictive que la décision refuse d'intégrer les mécanismes de hérissons dans le marché pertinent ;

Mais considérant que tant l'ART, devenue l'Arcep, que le Conseil de la concurrence, devenu l'Autorité de la concurrence, délimitent, de façon constante, un marché de gros de la terminaison d'appel et constatent que chaque opérateur de réseau mobile, en monopole sur la terminaison d'appel sur son propre réseau, est en position dominante sur ce marché ; que ce monopole de fait résulte de la nécessité, pour tout opérateur, de permettre à ses clients d'appeler leurs interlocuteurs quel que soit le réseau auquel ils appartiennent, cette nécessité commerciale étant renforcée par les dispositions de l'article L. 34-8 du Code des postes et communications électroniques imposant aux opérateurs de terminer les appels destinés aux réseaux de leurs concurrents ; que, pour réaliser cette prestation, l'opérateur de l'appelant doit s'approvisionner auprès de l'opérateur de l'appelé sur le marché de gros en prestations de terminaison d'appel ;

que le pouvoir de marché qui en découle pour l'opérateur de l'appelé n'est pas contrebalancé par un éventuel contre-pouvoir des autres opérateurs de téléphonie ; qu'ainsi que l'observe l'Autorité, les opérateurs de petite taille, soumis à une régulation sectorielle moins contraignante, peuvent pratiquer des tarifs de terminaison d'appel plus élevés que leurs concurrents malgré leur situation moins favorable sur le marché de détail ; qu'en outre, contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance que le monopole de fait des opérateurs sur le marché amont ne se traduise pas par un fort pouvoir de marché sur les marchés avals n'a pas d'incidence sur l'analyse des marchés pertinents ;

Considérant, par ailleurs, que les requérantes estiment que c'est à tort que la décision refuse d'inclure dans le périmètre du marché pertinent de terminaison d'appel les solutions de hérisson qui auraient été jusqu'en 2007 des solutions alternatives et donc des substituts aux terminaisons d'appel dans la zone Antilles-Guyane ; qu'elles soulignent que l'Arcep avait, dans sa décision n° 05-0111 du 1 février 2005 inclut les hérissons dans le marché en cause en se fondant sur l'existence d'une substituabilité bien que partielle ;

Considérant que le mécanisme des hérissons est décrit par la décision ; qu'il s'agit de procédés techniques permettant à un opérateur désirant acheminer un appel vers la ligne d'un abonné d'un autre opérateur de faire passer l'appel sur la carte SIM de l'opérateur, l'appel devenant ainsi un appel on net du réseau de l'abonné destinataire, facturé comme tel à l'appelant ;

qu'ils permettent ainsi à l'opérateur de ne pas recourir à l'interconnexion directe et donc de ne pas payer la charge de terminaison d'appel ; que, cependant, dès 2005, l'Arcep dans la décision invoquée a précisé que les appels par le biais des hérissons ne représentaient, mi 2004, que 20 à 30 % des appels fixes vers mobiles selon les opérateurs concernés et a exprimé des réserves quant à leur substituabilité à l'interconnexion directe ; qu'en outre, la décision précise, sans être utilement contredite, les raisons pour lesquelles les mécanismes de hérissons représentaient, à l'époque des faits et dans les territoires concernés, une solution techniquement de qualité inférieure et juridiquement précaire reposant sur une tolérance de certains opérateurs (Cf. sur ces points n° 119 à 123) ; qu'il en résulte que, contrairement à ce qui est soutenu, la décision a pu ne pas inclure dans le périmètre du marché pertinent les dispositifs de hérissons qui ne constituaient qu'une alternative précaire, contraire aux dispositions contractuelles, à l'interconnexion directe ; que ce n'est donc qu'au surplus qu'il est observé que la question de l'inclusion ou non des hérissons dans le périmètre du marché pertinent n'a pas d'incidence sur la position occupée par Orange Caraïbe sur ce marché car dans un cas, comme dans l'autre, cette société demeure l'unique offreur dès lors que les hérissons s'appuient sur les offres de détail d'Orange Caraïbe pour lesquelles les prix d'appel on net sont inférieurs à la charge de terminaison d'appel ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les contestations des parties relatives à la délimitation des marchés retenus comme pertinents doivent être écartées ;

Sur les pratiques

Sur les critiques générales formées par la société Orange Caraïbe

Considérant que la requérante soutient, d'une part, que "la démonstration de la décision est erronée dans la mesure où l'Autorité n'a pas procédé à une analyse concrète des effets réels des pratiques alléguées" et, d'autre part, que "la protection de la concurrence par les mérites entre opérateurs efficaces exclut la qualification de pratiques anticoncurrentielles des comportements" qui lui sont reprochés ;

Considérant que, par ces moyens, la société Orange Caraïbe reproche à la décision de ne pas avoir procédé à une analyse concrète des effets réels des pratiques alléguées ; qu'elle soutient que la démonstration de la décision repose sur des affirmations non étayées ou sur des citations des décisions relatives aux mesures conservatoires qui n'ont que valeur d'analyse prima facie, et que la décision ne discute pas le contenu de l'étude du Cabinet Mapp qu'elle avait produite pour proposer une analyse concrète des pratiques ; qu'elle ajoute que l'analyse du marché avant et après la mise en œuvre des mesures conservatoires ainsi que les éléments recueillis au cours de l'instruction attestent de l'absence de tout effet des pratiques reprochées sur le jeu de la concurrence ; qu'elle fait, à cet égard, valoir d'une part, que l'entrée sur le marché de BTC et son développement grâce à sa reprise réussie par Digicel ainsi que l'entrée et la croissance spectaculaire d'Outremer excluent toute qualification d'effets d'exclusion et d'autre part, que l'absence de tout effet des mesures conservatoires atteste de l'absence de toute influence sur la concurrence des pratiques qui lui sont reprochées ; qu'elle ajoute que BTC n'ayant été victime que de sa propre inefficacité, la qualification des pratiques alléguées d'anticoncurrentielle est exclue car la protection de la concurrence par les mérites au bénéfice des consommateurs n'a pas pour fonction de remédier aux inefficacités des opérateurs sur le marché ; qu'elle expose sur ce point que la situation de monopole de fait dont elle a bénéficié sur le marché jusqu'en 2001 ne lui est pas imputable car BTC aurait pu entrer sur le marché dès fin 1998 et que le choix de BTC de pénétrer tardivement le marché, "sans s'en donner les moyens et sans s'adapter aux spécificités du marché local" fait apparaître que cette société a été victime de sa propre inefficacité ;

Mais considérant que l'Autorité fait exactement observer qu'aux fins de l'établissement d'une violation des articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du TFUE, il n'est pas nécessaire de démontrer que le comportement abusif d'une entreprise dominante a eu un effet anticoncurrentiel concret sur les marchés concernés ; qu'il suffit d'établir que ce comportement est de nature à ou susceptible d'avoir un tel effet ; qu'en d'autres termes, la démonstration d'effets potentiels suffit, peu important que le résultat escompté par l'entreprise dominante n'ait pas été atteint ;

Considérant qu'en l'espèce, la décision analyse les effets, réels ou potentiels, sur la concurrence de chacune des pratiques reprochées (engagements d'exclusivité, discrimination tarifaire, pratique de fidélisation) ; que la requérante n'est pas fondée à soutenir, de façon générale, que la décision n'aurait qualifié les pratiques en cause qu'en "considération de leurs prétendus effets réels et concrets", et ne reposerait sur aucune "analyse concrète des effets qu'elle croit pouvoir constater" ; que les critiques de la requérante ne peuvent être examinées qu'au regard de chacun des griefs retenus à son encontre (Cf. ci-après) ; qu'il est, par ailleurs, observé que la décision (n° 161) a admis la recevabilité de l'étude économique du cabinet Mapp portant sur deux des pratiques en cause et transmise par Orange Caraïbe en réponse au rapport, et a de fait répondu (Cf. développements de la décision sur les griefs n° 4 et n° 5) aux arguments sous tendant cette étude en adoptant des analyses différentes ; qu'en outre, l'Autorité explicite devant la cour son argumentation relative à ladite étude sans apporter d'éléments nouveaux de nature à aggraver la culpabilité ou la condamnation des parties en cause, étant précisé que les sociétés concernées ont été en mesure devant la cour de répliquer par écrit et oralement aux observations de l'Autorité, ce qu'elles ont d'ailleurs fait ;

Considérant que l'argumentation de la requérante manque en fait pour le surplus dès lors d'une part, que la décision (n° 463) ne retient pas que la mise en œuvre des pratiques incriminées aurait eu pour effet d'éliminer BTC du marché, mais seulement que les pratiques reprochées à Orange Caraïbes, qui était en monopole sur le marché lors de l'arrivée de BTC en 2000, ont eu pour effet de rendre plus difficile l'entrée de cette dernière à la fin de l'année 2000 puis son développement sur le marché de téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane (part de marché limitée à 17,5 % en juin 2004 après avoir atteint 26 %), dès lors, d'autre part, que Digicel n'a acquis BTC qu'en 2006 et qu'Outremer n'a commencé ses activités de téléphonie mobile que fin 2004 en Guyane, fin 2005 en Martinique et en Guadeloupe (décision n°18 à 30), soit après le prononcé des mesures conservatoires par décision du Conseil du 9 décembre 2004, dès lors enfin, que, contrairement à ce qui est soutenu, la décision s'est prononcée sur l'évolution du marché (Cf. notamment n° 464 à 466), montrant que l'érosion des parts de marché d'Orange Caraïbe a commencé quelques mois après le prononcé des mesures conservatoires ;

Considérant, enfin, que les allégations générales, au demeurant non établies, de la requérante sur les mérites de sa concurrente BTC, à laquelle il est inopérant de reprocher une entrée tardive sur le marché, ne sont pas de nature à exclure que les pratiques en cause aient eu ou aient pu avoir un effet anticoncurrentiel ;

Qu'il résulte de ce qui précède que ces moyens doivent être écartés ;

Sur le grief n° 1

Considérant que la société Orange Caraïbe invoque, en premier lieu, l'absence de caractère et d'effets anticoncurrentiels des clauses d'exclusivité et de non-concurrence des distributeurs indépendants, exposant que ces clauses n'ont produit, ni pu produire, aucun effet anticoncurrentiel sur le marché ; qu'après avoir estimé que le recours à des distributeurs monomarques, également appliqué par OMT et Digicel, est une réponse aux exigences des spécificités du marché local et aux préférences de la clientèle caribéenne, la requérante observe que la décision a exagéré la portée des clauses en cause qui concernaient moins de 50 distributeurs et n'ont pas empêché BTC de développer un réseau commercial et ce, d'autant plus qu'il est licite et aisé dans cette zone de contourner des clauses d'exclusivité, un distributeur pouvant créer des structures légales distinctes lui permettant, sans méconnaître les clauses, de commercialiser simultanément les produits de différents opérateurs ; qu'elle fait valoir que l'absence d'effectivité de l'exclusivité en cause exclut toute création de barrières artificielles à l'entrée ; qu'en effet, la décision se borne à postuler un effet réel de verrouillage du marché alors que les distributeurs avaient la possibilité de demander la levée de l'exclusivité, qu'elle-même ne s'y est jamais opposée et qu'en pratique les clauses d'exclusivité n'étaient pas appliquées pas plus que la clause de non concurrence post-contractuelle, les pénalités prévues n'étant pas mises en œuvre et alors que le fait qu'il n'y ait pas eu plus de distributeurs Orange coopérant avec Bouygues est imputable à l'inefficacité ou aux choix de cette dernière ; qu'elle ajoute que, contrairement à ce que retient la décision, ces clauses n'ont pas eu pour effet de diminuer l'intensité concurrentielle sur le marché en raison de la généralisation de la distribution monomarque à laquelle elles auraient conduit ; qu'en effet, le modèle de distribution monomarque présente, compte tenu des spécificités du marché local et du comportement de la demande, un caractère pro-concurrentiel qui compense les éventuelles restrictions qu'il pourrait engendrer et s'insère dans une dynamique concurrentielle de différentiation des opérateurs de téléphonie mobile stimulant la qualité de service au bénéfice des consommateurs et non dans une stratégie d'éviction des concurrents ; qu'en outre, l'observation de l'évolution du marché montre un renforcement de l'intensité concurrentielle se traduisant par l'entrée de nouveaux acteurs et une prise rapide de parts de marchés par les concurrents efficaces, à savoir Digicel et OMT qui ont connu des développements importants sans mettre à profit la suppression par les mesures conservatoires des clauses d'exclusivité ;

Considérant que la société Orange Caraïbe fait valoir, en deuxième lieu, qu'en tout état de cause, "les clauses d'exclusivité des distributeurs étaient pleinement économiquement justifiées au regard des investissements financiers et humains (qu'elle) a consentis pour le développement du réseau et la formation des personnels, investissements qui pouvaient légitimement être protégés contre le risque de parasitisme" ;

Considérant que la requérante soutient à titre subsidiaire, en troisième lieu, que la décision n'a pas établi de lien de causalité entre son pouvoir de domination et l'abus qui lui est imputé ; qu'en effet, d'une part, il n'existe pas de verrouillage du marché, d'autre part, la généralisation du monomarquisme dans la zone Antilles-Guyane résulte des caractéristiques du marché et lui est donc étrangère, enfin, les déboires et échecs de BTC ne sont imputables qu'à la propre inefficacité de cette société ;

Mais considérant, en premier lieu, que si, ainsi que le relève la décision (n° 31 à 42), le marché des services de téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane présente des spécificités, le fait que les consommateurs caribéens manifestent une "forte appétence pour les nouvelles technologies" et qu'ils se déplacent plus fréquemment chez leur distributeur que les clients métropolitains ne sont, contrairement à ce qu'expose la requérante, pas de nature à justifier une "approche monomarque" plutôt qu'une distribution multimarques non, en elle-même, exclusive d'un accompagnement personnalisé des clients et d'une qualité du service rendu ; que les affirmations non étayées de la requérante selon lesquelles le recours à des distributeurs monomarques serait une réponse aux exigences des spécificités du marché local sont, en outre, utilement contredites par les constats de la décision (n° 258) ; qu'en effet, les clauses d'exclusivité figurant dans les contrats de distribution conclus entre Orange Caraïbe - premier entrant et en monopole de fait sur le marché pendant plus de quatre années - et ses distributeurs ont imposé au deuxième entrant le choix d'une distribution monomarque et ont durablement orienté la distribution des produits et services de mobiles dans la zone Antilles-Guyane vers le monomarquisme ;

Considérant, en outre, que la requérante n'est pas fondée à minimiser la portée des clauses d'exclusivité et de non concurrence figurant dans les contrats d'agent commercial et les contrats Kid Card conclus avec ses distributeurs indépendants, alors que : - d'une part, ces clauses d'exclusivité, dont la teneur est exactement rappelée par la décision (n° 49 à 58), interdisaient aux distributeurs d'accepter de distribuer aux Antilles et en Guyane des produits et services concurrents d'Orange Caraïbe sans l'accord exprès et préalable de cette dernière et qu'en outre ces clauses avaient vocation à s'appliquer non seulement pendant la durée d'exécution des contrats mais encore deux ans après leur cessation et ce, sous peine de sanctions significatives ;

- d'autre part, si ces clauses liaient moins de 50 distributeurs, ceux-ci représentaient 110 points de vente étant précisé que ces distributeurs indépendants assuraient 80 % de la distribution des services d'Orange Caraïbe et des terminaux associés (Cf. décision n° 45 et 46) ;

- enfin, le fait que Bouygues Télécom Caraïbe a pu, malgré l'existence des clauses d'exclusivité, déployer un réseau commercial d'une soixantaine de points de vente en bénéficiant parfois d'emplacements de premier ordre (Cf. décision n°64) ne saurait établir la faible portée invoquée desdites clauses qui, en faisant obstacle à une distribution multimarques, contraignaient BTC à consentir, pour trouver des distributeurs indépendants qualifiés disposant d'emplacements attractifs sur de petits territoires, des efforts très supérieurs à ceux qu'elle aurait eu besoin de fournir dans des conditions de concurrence normale ;

- de plus, si la requérante évoque des possibilités légales de contourner les clauses d'exclusivité, force est de constater qu'un tel contournement n'aurait pu aisément être mis en œuvre car aurait supposé qu'un distributeur crée deux entités juridiques distinctes et distribue les services et produits de chaque opérateur dans des lieux de vente différents, de telles difficultés étant susceptibles d'expliquer qu'au vu de l'enquête, seuls deux distributeurs, qui au surplus ne commercialisaient pas un nombre important de lignes, ont eu recours à ce procédé ;

Considérant que, pour soutenir que les clauses sus-rappelées n'ont érigé aucune barrière artificielle à l'entrée pour tout nouvel opérateur, la requérante invoque "l'absence d'effectivité de l'exclusivité" en cause qui résulterait du fait qu'un distributeur (SGR) a déclaré que la clause d'exclusivité n'était pas appliquée et que des pénalités de sortie n'ont pas été appliquées à cinq distributeurs et du fait relevé par la décision (n° 66 et 67) que trois distributeurs n'ont pas souhaité travailler avec BTC alors que trois autres n'ont pas été retenus par cette dernière ;

Considérant, cependant, que ces éléments parcellaires concernant quelques distributeurs sont contredits par les éléments du dossier montrant non seulement que les dérogations aux clauses d'exclusivité ont été très rares et n'ont pas perduré dans le temps, mais encore que les distributeurs avaient une conscience aigüe du lien d'exclusivité qui les attachait à Orange Caraïbe ; que la requérante ne peut, au vu des constatations de l'enquête rappelées par la décision (n° 59 à 62), affirmer de façon générale que l'exclusivité n'était pas effective ;

Considérant en outre, que si trois distributeurs n'ont pas souhaité travailler avec BTC en invoquant des insuffisances du nouvel entrant et si BTC n'a pas retenu trois des distributeurs présentis, il ne saurait en être tiré la conclusion générale que le fait qu'il n'y ait pas eu plus de distributeurs Orange coopérant avec Bouygues est imputable à l'inefficacité ou aux choix de cette dernière ;

Qu'il résulte de ce qui précède que l'argumentation de la requérante sur la portée des clauses d'exclusivité et de non concurrence et "l'absence d'effectivité de l'exclusivité" manque en fait et que la requérante n'est donc pas fondée à déduire de cette argumentation que c'est à tort que la décision retient, par des motifs que la cour approuve, que les clauses d'exclusivité reprochées, dans les conditions dans lesquelles elles ont été conclues et appliquées, ont contribué à élever des barrières à l'entrée de nature à empêcher ou retarder des offres concurrentes ;

Considérant que, pour contester la diminution de l'intensité concurrentielle retenue par la décision comme étant liée à la distribution monomarque, la société Orange Caraïbe invoque le caractère pro-concurrentiel de la distribution monomarque sur le marché en cause et l'augmentation de la pression concurrentielle ;

Mais considérant qu'ainsi qu'il a été dit, les clauses d'exclusivité figurant dans les contrats de distribution conclus entre Orange Caraïbe et ses distributeurs ont imposé au deuxième entrant le choix d'une distribution monomarque et ont durablement orienté la distribution des produits et services de mobiles dans la zone Antilles-Guyane vers le monomarquisme ; qu'en outre, la requérante ne justifie pas ses affirmations selon lesquelles "le monomarquisme, d'une part, "répond fondamentalement à un besoin des consommateurs locaux et s'insère en réalité dans la dynamique concurrentielle de différentiation" et, d'autre part, "produit des effets proconcurrentiels sur le marché antillo-guyanais, compte tenu notamment de la structure de ce marché et des spécificités et des besoins et des habitudes de consommation de la clientèle locale" (à savoir notamment l'étroitesse des territoires, la concentration des points de vente facilitant les arbitrages, le taux d'équipement multiple des clients les conduisant à changer de carte SIM selon l'opérateur de la personne appelée) ;

Considérant que, s'il ne peut être contesté que le monomarquisme peut produire des effets vertueux, c'est par des motifs non utilement contestés (n° 250 et suivants) que la décision établit qu'en l'espèce sa mise en place et son maintien par un opérateur en monopole de fait sur un marché de dimension limitée a eu pour conséquence d'ériger des barrières artificielles à l'entrée et conclut (n° 270) que les clauses d'exclusivité en cause ont limité de manière sensible la capacité de commercialisation de tout nouvel opérateur en augmentant ses coûts d'entrée ;

Considérant, enfin, qu'il convient de rappeler que Digicel n'a acheté BTC qu'en 2006 et qu'OMT n'a commencé ses activités de téléphonie mobile que fin 2004 en Guyane et fin 2005 en Martinique et Guadeloupe ; que ces sociétés ne sont ainsi entrées sur le marché qu'après la décision du Conseil de la concurrence du 9 décembre 2004, confirmée par la cour le 28 janvier 2005, enjoignant à la société Orange Caraïbe, à titre conservatoire, de supprimer l'exclusivité la liant à ses distributeurs indépendants ; que la circonstance alléguée par la requérante selon laquelle les sociétés Digicel et OMT sont entrées sur le marché et y ont rapidement progressé sans mettre à profit la suppression des clauses d'exclusivité ordonnée à titre conservatoire ne saurait démontrer que les clauses d'exclusivité, alors supprimées, n'auraient produit aucun effet préjudiciable lors de l'entrée sur le marché à la fin de l'année 2000 de la société BTC (par la suite rachetée par Digicel) en tant que premier concurrent d'Orange Caraïbe qui était jusqu'alors en monopole de fait ;

Qu'il résulte de tout ce qui précède que les moyens de la requérante tendant à soutenir que, contrairement à ce que retient la décision, les clauses litigieuses n'ont eu aucun effet anticoncurrentiel ne sont pas fondés ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il appartient à l'entreprise en position dominante qui conteste le caractère abusif d'une pratique de démontrer qu'elle est objectivement justifiée ou qu'elle est source de gains d'efficacité au profit des consommateurs ;

Considérant qu'ainsi que le relève la décision (n° 263 à 267), la requérante n'est pas fondée à se prévaloir d'une décision du Conseil de la concurrence du 7 novembre 2007 intervenue dans des circonstances de fait différentes ;

Considérant qu'en l'espèce, les investissements financiers et humains invoqués par Orange Caraïbe visaient à assurer la promotion des produits et des services Orange Caraïbe et la formation des vendeurs sur les produits et offres Orange ; que, par nature, propres à la marque de l'opérateur dominant sur le marché, ces investissements ne pouvaient profiter à des opérateurs qui ne les auraient pas financés ; qu'au surplus, la décision relève exactement que la protection des investissements invoqués par une exclusivité d'une durée de fait illimitée (Cf. n° 243 et 268) est manifestement disproportionnée au regard de l'atteinte portée à la concurrence par les clauses en cause ;

Que la requérante n'est par conséquent pas fondée à soutenir que l'abus de position dominante qui lui est reproché en raison des clauses d'exclusivité et de non concurrence la liant à ses distributeurs indépendants pouvait être objectivement justifié sur un plan économique ;

Considérant, en troisième lieu, que la décision (n°272) a caractérisé le lien de causalité entre le pouvoir de domination de la requérante et l'abus qui lui est imputé en relevant qu'Orange Caraïbe a utilisé son pouvoir de marché pour imposer à ses distributeurs indépendants des contrats de distribution dans lesquels figuraient les clauses d'exclusivité sus-décrites que ces derniers ne pouvaient qu'accepter s'ils souhaitaient avoir la possibilité de distribuer les produits et services du principal opérateur mobile de la zone Antilles-Guyane ;

Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, la décision a exactement répondu aux arguments de la requérante en établissant que les clauses d'exclusivité ont entraîné le verrouillage du marché, verrouillage d'autant plus grand qu'il concerne les produits finals au stade de la vente au détail, ainsi qu'aux arguments de la requérante relatifs à la généralisation du monomarquisme dans la zone concernée ; qu'en outre, les défaillances invoquées de la société BTC, même à les supposer établies, ce qui n'est pas le cas, ne seraient pas de nature à remettre en cause le fait que l'opérateur dominant, en imposant les clauses litigieuses à ses distributeurs, a érigé des barrières artificielles à l'entrée sur le marché ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les motifs ayant conduit la décision (n° 232 à 273) à estimer établi le grief n° 1 ne sont pas utilement contestés par la requérante et sont adoptés par la cour ;

Sur le grief n° 2

Considérant que la décision (Cf. n° 88 à 104 et n° 274 à 295) a dit établi qu'Orange Caraïbe et Cetelec Caraïbes (ci-après Cetelec), seul réparateur de terminaux mobiles agréé dans les Caraïbes, - en signant le 1er avril 2003 un contrat de services de maintenance comportant une "clause de non concurrence" interdisant à Cetelec d'effectuer des prestations de maintenance de mobiles au profit d'un concurrent d'Orange Caraïbe, et en faisant appliquer cette clause d'exclusivité jusqu'à la fin du mois de janvier 2005, date à laquelle il a été mis fin à l'exclusivité en exécution des mesures conservatoires ordonnées par le Conseil - se sont entendues en méconnaissance des dispositions des articles L. 420-1 du Code de commerce et 81 du Traité CE, cette entente ayant eu pour effet d'entraver artificiellement le développement d'opérateurs concurrents ;

Considérant qu'Orange Caraïbe fait grief à la décision de ne pas avoir établi à suffisance les prétendus effets anticoncurrentiels de l'exclusivité ; qu'elle soutient que le recours aux services d'un réparateur local n'est ni indispensable pour se développer sur le marché de la téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane, ni économiquement plus intéressant ; qu'elle en veut pour preuve qu'avant 2003, BTC n'avait pas recours aux services d'A Novo, prédécesseur de Cetelec et que BTC a attendu avril 2007 pour contracter avec le réparateur alors que l'exclusivité avait pris fin en janvier 2005 ; qu'elle ajoute que la décision se borne à postuler le caractère indispensable et moins coûteux des services d'un réparateur local pour en déduire que leur absence dégrade l'image de marque d'un nouvel entrant et augmente ses coûts, ce qui est démenti par le fait qu'OMT, entrée sur le marché en 2005 alors que l'exclusivité était levée, a pu se développer sans recourir aux services de Cetelec et par le fait que BTC s'est à partir de 2003 engagée à prêter à ses clients des terminaux en cas de panne du leur et aurait pu contracter avec Cetelec sans qu'elle-même ne s'y oppose ;

Qu'elle ajoute que la clause d'exclusivité était justifiée par les investissements (mise à disposition gracieusement d'équipements informatique, de stocks de terminaux, de locaux, détachement d'un salarié...) qu'elle avait consentis au profit de Cetelec et reproche à la décision de ne pas avoir vérifié le caractère proportionné de ces justifications économiques ;

Que, très subsidiairement la requérante fait valoir que la simple lecture de la chronologie des faits établit l'absence de tout lien de cause à effet entre la clause en cause et les effets réels et concrets allégués de dégradation de l'image et d'augmentation des coûts de BTC dont celle-ci est seule responsable pour avoir fait le choix dès 2001 de ne pas confier la réparation de ses terminaux à un réparateur agréé ;

Considérant, sur ce, qu'il est constant que le contrat de services de maintenance conclu le 1er avril 2003, pour une durée de trois ans, renouvelable par tacite reconduction par période de un an, entre Orange Caraïbe et Cetelec comportait une clause intitulée "Non concurrence" par laquelle Cetelec "s'engage à ne pas effectuer, de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, et sur le Territoire, de prestations de maintenance de mobiles au profit d'un concurrent (et ses clients) pendant la durée du présent contrat, sauf accord préalable et écrit" d'Orange Caraïbe, et ce, sous peine de sanctions sévères ; qu'en outre, entre 2003 et 2005, Orange Caraïbe a consenti à Cetelec des sous-locations de locaux, l'un en Guyane, l'autre en Martinique, sans paiement de loyers mais ayant pour contre-partie l'obligation pour Cetelec de réaliser ses services de maintenance de téléphones mobiles et accessoires à titre exclusif pour Orange Caraïbe ;

Considérant qu'il n'est pas contestable qu'il est indispensable pour un opérateur de téléphonie mobile de pouvoir assurer à ses clients un service après-vente et notamment de maintenance des terminaux défectueux ;

Qu'il n'est pas davantage contestable que la création d'un centre de réparation agréé local est longue et coûteuse (obtention d'agréments des constructeurs, formation de personnels, engagements de coûts fixes en matériels et outils informatiques, locaux...) ; qu'ainsi qu'elle le souligne elle-même, la requérante a dû aider le réparateur Cetelec à s'implanter dans la zone ;

qu'ainsi, contrairement à Orange Caraïbe qui détenait 80 % des parts du marché, un nouvel entrant ne disposait pas d'une clientèle suffisante pour générer un flux de maintenance suffisant pour amortir les coûts de création d'un service de maintenance ;

Que la décision en déduit exactement que l'exclusivité entre avril 2003 et janvier 2005 entre Orange Caraïbe et Cetelec Caraïbes, seul réparateur agréé dans la zone, a eu pour effet d'empêcher tout nouvel entrant sur le marché des services de téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane de bénéficier d'un service local de maintenance ;

Considérant que, si la requérante rappelle exactement que BTC à certaines périodes, puis OMT, ont utilisé des solutions alternatives au recours à un réparateur local, et notamment l'envoi des terminaux à réparer en métropole puis l'acquisition de terminaux pour faire patienter les clients, la décision établit (n° 286 à 290) que le fait de ne pas pouvoir proposer des prestations de maintenance de ses terminaux localement a, non seulement dégradé l'image de marque de BTC par rapport à celle d'Orange Caraïbe qui mettait commercialement en avant les prestations de suivi après-vente et de réparation rapide de Cetelec pour ses clients, mais a, encore, renchéri artificiellement les coûts des opérateurs concurrents d'Orange Caraïbe ; que les barrières ainsi crées à l'entrée sur le marché par l'exclusivité de maintenance ont ainsi été techniques, commerciales et économiques ;

Considérant que la requérante ne saurait tirer argument du fait que BTC avant 2003 et jusqu'en 2007, puis OMT après 2005, n'ont pas eu recours aux services d'un réparateur local ce qui leur aurait été possible avant 2003 et après 2005, alors qu'il résulte du dossier qu'au milieu de l'année 2003, BTC a lancé un appel d'offres afin de trouver un centre de réparation local sans que Cetelec n'y réponde et qu'en 2003 et 2004, BTC a engagé et poursuivi des discussions avec Cetelec afin que cette dernière fasse évoluer les conditions de son exclusivité avec Orange Caraïbe ; qu'à cet égard, la requérante ne peut se borner à affirmer qu'elle aurait accepté une levée de l'exclusivité si Cetelec le lui avait demandé et ce, au surplus alors même que Cetelec a déclaré devoir entamer début juin 2004 à ce propos, une discussion avec Orange Caraïbe ; qu'en outre, les choix stratégiques d'OMT, opérateur déjà présent dans les départements d'outre-mer et entré sur le marché en cause après la levée de l'exclusivité, ne sont pas de nature à remettre en cause l'analyse des effets antérieurs de l'exclusivité de maintenance à l'égard de BTC ;

Considérant, par ailleurs, que contrairement à ce qui est soutenu, la décision à laquelle il est renvoyé sur ce point, a vérifié le caractère proportionné des justifications économiques invoquées par Orange Caraïbe et en justement déduit que les investissements de la requérante ne pouvaient justifier, dans le contexte du marché, l'entrave à la concurrence résultant de l'accord d'exclusivité conclu avec Cételec ;

Considérant, enfin, que la décision a établi par d'exacts motifs auxquels il est renvoyé que l'entente entre Orange Caraïbe et Cetelec Caraïbes du 1er avril 2003 à fin janvier 2005, qui était de nature à gêner le développement d'opérateurs concurrents, a entravé artificiellement le développement de BTC ;

Que la requérante n'est, au vu des éléments du dossier, pas fondée à soutenir que BTC serait seule responsable de cette situation et que tout lien de causalité serait exclu entre "l'exclusivité et les faits reprochés" ; qu'en particulier, elle ne saurait reprocher à BTC de ne pas avoir de 2001 à 2002 eu recours localement aux services de la société A Novo autrement que pour collecter les terminaux alors que cette société ne disposait pas encore de l'agrément de tous les constructeurs pour la réparation des terminaux proposés par BTC, puis a rencontré des difficultés financières ayant conduit à sa disparition en 2002, alors qu'entre 2003 et 2005, BTC n'a, malgré ses demandes, pas pu bénéficier des services de Cetelec du fait de l'exclusivité susdécrite et alors, enfin, que BTC a entamé dès 2005 des négociations avec la société Cordon (qui a repris Cetelec Caraïbes) afin de conclure un contrat de réparation locale ;

Que les moyens présentés par la société Orange Caraïbe ne sont pas fondés ;

Sur le grief n° 4

Considérant que le grief n° 4 était ainsi libellé dans la notification de griefs (n°403) établie le1er août 2008 : "Il est fait grief à Orange Caraïbe d'avoir abusé de sa position dominante sur le marché des services de téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane tout d'abord en imposant un réengagement de 24 mois pour l'utilisation des points de fidélité du programme "changez de mobile" du printemps 2002 au printemps 2005. En outre cet abus est constitué par le fait que Orange Caraïbe n'a proposé et ne propose encore aujourd'hui que des offres forfaitaires avec un engagement initial minimal de 12 mois, et que des offres de réengagement avec subvention du terminal de 24 mois. De telles pratiques doivent recevoir la qualification d'abus de position dominante au regard de l'article L. 420-2 du Code de commerce ainsi que de l'article 82 du traité CE dans la mesure où elles ont eu pour objet et pour effet de conforter la position d'Orange Caraïbe en rendant artificiellement plus difficile l'accès et le développement d'entreprises concurrentes, notamment depuis l'arrivée de Bouygues Télécom Caraïbe sur le marché en décembre 2000 et d'Outremer Télécom en 2005, sans qu'elles puissent être justifiées à suffisance par des contreparties au bénéfice des consommateurs et/ou au marché". Considérant que les termes de ce grief ont été rappelés par le rapport (page 65), qui indique, notamment : "sur la prétendue imprécision du grief, il convient de constater que le grief se compose en effet de deux branches présentées de manière parfaitement claire ; la première branche étant soulignée par le "tout d'abord", la seconde par le "en outre". (...) "La seconde branche vise de manière plus générale, la pratique visant à ne proposer, pour les offres de forfait que des engagements initiaux de 12 mois et des réengagements pour des périodes de 24 mois". Considérant que la société Orange Caraïbe conteste la décision en ce qu'elle estime établie la première branche de ce grief ; que la société Digicel, soutenue par OMT, reproche à la décision de ne pas avoir estimé établie la seconde branche du grief ;

- Sur la première branche du grief n° 4

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, la première branche du grief reproche à Orange Caraïbe, comme constitutif d'un abus de sa position dominante, le fait d'avoir imposé un réengagement de 24 mois pour l'utilisation des points de fidélité du programme " Changez de mobile" du printemps 2002 au printemps 2005 ;

Considérant que la société Orange Caraïbe fait valoir que la décision se borne à postuler des effets anticoncurrentiels du programme "Changez de mobile" sans discuter le contenu de la note économique du Cabinet Mapp qu'elle avait produite en réponse au rapport, et ce, alors que la décision aurait dû relever, en tenant compte de cette étude, que - dès lors que moins d'un tiers des clients ayant accès au programme litigieux et 17 % seulement du total des abonnés Orange Caraïbe ont décidé d'y recourir pour changer de terminal, dès lors que les clients de ce programme n'étaient pas captifs et donc n'étaient pas dissuadés de faire jouer la concurrence puisque les offres des concurrents d'Orange Caraïbe sur les terminaux en acquisition étaient plus attractives que celles du programme en cause, dès lors que le taux de résiliation des forfaits Orange Caraïbe était systématiquement supérieur à celui observé en métropole, dès lors que le marché antillo-guyanais est caractérisé par une très grande fluidité, dès lors que les pratiques de fidélisation d'Orange Caraïbe n'avaient pas eu pour effet de verrouiller le marché y compris s'agissant des forfaits les plus rentables et dès lors que le marché était à l'époque en pleine croissance - le programme "Changez de mobile" n'a produit, ni pu produire le moindre effet anticoncurrentiel sur le marché ;

Mais considérant qu'ainsi qu'il a été dit, relèvent des dispositions des articles L.420-2 du Code de commerce et 102 du TFUE les pratiques ayant des effets anticoncurrentiels tant potentiels que réels ;

Considérant que le programme "Changez de mobile", tel que mis en œuvre par Orange Caraïbe du printemps 2002 jusqu'à sa modification début 2005 en application des mesures conservatoires prononcées le 9 décembre 2004, est précisément décrit par la décision (n° 82 et suivants et n°105 et suivants) ; qu'il permettait aux clients d'Orange Caraïbe de cumuler des points de fidélité à chaque facture en fonction du montant de celle-ci ; que, cependant, le client ne pouvait, avant 2005, utiliser ses points de fidélité que pour l'acquisition d'un terminal et sous la condition d'un réengagement de 24 mois auprès d'Orange Caraïbe ; que ce programme s'apparentait ainsi, non seulement à une offre de fidélité récompensant le passé, mais encore à une offre de fidélisation proposant au client un avantage en contrepartie d'un engagement pour l'avenir et privant le client de sa capacité d'arbitrage pendant une période à venir ;

Considérant que la décision retient exactement qu'une offre de fidélisation donnée doit s'apprécier dans le cadre d'un bilan comparant les effets anticoncurrentiels de l'offre à ses justifications économiques, au regard notamment des avantages octroyés, de leurs modalités de mise en œuvre, de la durée des engagements et de la structure du marché ; que, contrairement à ce qui est soutenu, la décision (n° 319 à 326) a procédé à ces analyses ; que celles-ci sont contestées par la requérante qui invoque notamment les études et analyses ci-dessus évoquées du Cabinet Mapp, elles-mêmes contestées par l'Autorité ;

Considérant, s'agissant de l'étude du Cabinet Mapp, qu'ainsi que le souligne l'Autorité, l'échantillon retenu par cette étude (une "cohorte-témoins" composée des 5000 premiers abonnés à des forfaits d'Orange Caraïbe en janvier 2002) comporte une sur-représentation des clients ayant souscrit un forfait prépayé (95,48 % au lieu de 81,48 % habituellement) et une sous-représentation corrélative des clients ayant souscrit un forfait post-payé (4,52 % au lieu de 18,51 %) ; que si, ainsi que le réplique Orange Caraïbe, l'ensemble de cette "cohorte" était éligible au programme "Changez de mobile", il n'en demeure pas moins que la représentativité de la "cohorte" étudiée n'est pas établie ; que, par conséquent, les résultats de l'étude invoquée ne sauraient être retenus comme suffisamment probants ; qu'au surplus et en toute hypothèse, ces résultats ne sont pas en eux-mêmes de nature à démontrer les affirmations de la requérante selon laquelle, contrairement à ce que retient la décision, le programme "Changez de mobile" n'aurait produit et n'aurait pu produire le moindre effet anticoncurrentiel sur le marché ;

Considérant, s'agissant des avantages octroyés, de leurs modalités de mise en œuvre et de la durée des engagements, qu'il résulte du dossier que le programme "Changez de mobile" tel que mis en œuvre par Orange Caraïbe d'avril 2002 à avril 2005, ne permettait à un client d'Orange Caraïbe disposant de points de fidélité d'utiliser ces points pour obtenir un nouveau terminal qu'en contrepartie d'un réengagement de 24 mois et que, dès lors, ce client ne pouvait, au terme d'une période d'engagement, changer d'opérateur qu'en perdant la contre-valeur de ses points ; que c'est à juste titre, et sans être utilement contredite, que la décision retient qu'un tel mécanisme de fidélisation était de nature à dissuader le consommateur de faire jouer la concurrence au moment où cela lui aurait été possible et, ce faisant, à cristalliser les parts de marché de l'opérateur dominant ; qu'il en a été d'autant plus ainsi à partir de la fin de l'année 2003 lorsqu'après une phase de forte croissance, le marché a connu une moindre croissance, la part de la demande reposant sur des renouvellements d'abonnements augmentant alors par rapport à celle reposant sur des primo-accédants non équipés (Cf. avis n° 2008-0098 du 24 janvier 2008 de l'Arcep) ;

Considérant que si, ainsi que le souligne la requérante, le programme "Changez de mobile" ne concernait qu'une partie de la clientèle d'Orange Caraïbe, à savoir les clients ayant souscrit des abonnements avec forfaits, ceux-ci étaient, ainsi que le relève la décision, ceux qui consommaient le plus et générait le plus fort "ARPU" (Average Revenue per User), les 20 % d'abonnés d'Orange Caraïbe concernés représentant en valeur plus de 25 % de la clientèle totale d'Orange Caraïbe, étant observé que presqu'un tiers de ces clients ont décidé de bénéficier dudit programme et donc de ne pas changer d'opérateur ;

Qu'il ne peut davantage, pour soutenir que les clients n'auraient pas été dissuadés de faire jouer la concurrence, être tiré argument du fait que certaines offres des concurrents d'Orange Caraïbe sur les terminaux (en acquisition) auraient à l'époque des faits été plus attractives que celles du programme en cause, ce qui au demeurant n'est établi, ni pour toute la période en cause, ni pour tous les clients susceptibles d'être concernés par le programme "Changez de mobile" ;

Considérant, s'agissant de la structure du marché, qu'Orange Caraïbe était en position dominante sur le marché de détail des services de téléphonie mobile dans la zone Antilles- Guyane, ses parts de marché s'élevant à 83 % à la fin de l'année 2003 ; que la mise en œuvre de la pratique en cause de fidélisation de ses clients par un opérateur bénéficiant d'une telle dominance était de nature non seulement à dissuader ces clients de migrer vers d'autres opérateurs, mais encore, en réduisant de ce fait le nombre potentiel de clients de ses concurrents, à ériger une barrière à l'entrée du marché pour tout nouvel opérateur ;

Que la requérante n'est, à cet égard, pas fondée à invoquer le fait que certaines pratiques de fidélisation ont également été mises en œuvre en métropole ou à comparer la situation du marché local avec celle du marché métropolitain, la pratique en cause devant être appréhendée en tenant compte tant de ses caractéristiques propres que de la dominance de la requérante sur le marché de la téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane ;

Considérant, par ailleurs, que pas davantage devant la cour que devant l'Autorité, la requérante ne justifie économiquement la pratique incriminée ; qu'en effet, dans le cadre du programme "Changez de mobile", le client était, de fait, mis deux fois à contribution pour acquérir un terminal, la première fois en accumulant des points de fidélité en récompense de sa consommation passée et la seconde, en ne pouvant utiliser ces points qu'en s'engageant pour sa consommation future ;

Considérant, enfin, qu'ainsi que l'observe l'Autorité (Cf. ses observations page 38), il est difficile de mesurer les effets précis de l'offre de fidélisation, en les isolant des effets produits par les autres pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par Orange Caraïbe ; que, cependant, l'existence des effets de la pratique de fidélisation mise en œuvre par l'opérateur dominant entre 2002 et 2005 tels qu'établis par la décision, n'est pas utilement contestée ; qu'en outre, force est de constater que cette pratique a contribué à renforcer la position dominante d'Orange Caraïbe sur le marché en cause dès lors qu'Orange Caraïbe en monopole lors de l'arrivée de BTC fin 2000, a vu ses parts de marché tomber à 75 % en 2002 avant de remonter à 83 % à la fin de l'année 2003, soit au moment où l'offre de fidélisation a pu commencer à produire ses effets, puis baisser à nouveau à partir de 2005 après la mise en application des injonctions prononcées à titre conservatoire pour se stabiliser par la suite à 55 % ;

Qu'à cet égard, la requérante ne justifie pas ses affirmations selon lesquelles l'augmentation de sa part de marché en 2003 s'expliquerait par "la diminution de la taille du parc global du marché antillo-guyanais due au nettoyage de grande envergure de la base d'abonnés de BTC", et ce, d'autant moins que tous les opérateurs procèdent régulièrement au "nettoyage" (résiliation des contrats inactifs ou impayés...) de leurs bases d'abonnés et, au surplus, qu'une telle explication ne pourrait rendre compte ni de l'importance des fluctuations des parts de marché de la requérante, ni de leurs évolutions successives dans le temps ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à contester le grief n° 4, en sa première branche ;

- Sur la seconde branche du grief n° 4 :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, la seconde branche du grief reproche à Orange Caraïbe, de manière générale, comme constitutif d'un abus de sa position dominante, le fait d'avoir proposé et de ne proposer encore aujourd'hui que des offres forfaitaires avec un engagement initial minimal de 12 mois et que des offres de réengagement avec subvention du terminal de 24 mois ;

Considérant que la décision (n° 328) retient que "Dans la mesure où ni l'enquête administrative, ni l'instruction n'ont porté sur l'analyse précise et approfondie des offres de forfaits proposées par Orange Caraïbe, des justifications économiques - liées notamment à la subvention du terminal - associées à ces offres et des effets de fermeture du marché qui pourraient résulter de la seule durée imposée pour les engagements ou les réengagements, l'Autorité n'est pas en mesure de se prononcer sur la licéité de ces offres au regard des règles de concurrence." Considérant que la société Digicel, soutenue par la société OMT qui forme des demandes aux mêmes fins, prie la cour de constater que la seconde branche du grief n° 4 visait une pratique de fidélisation après le printemps 2005 consistant à proposer dans le cadre de l'offre "Changez de mobile" à l'abonné d'utiliser ses points pour obtenir une subvention du terminal contre un réengagement de deux ans, de dire que le dossier de l'instruction contient tous les éléments permettant de se prononcer sur cette offre, et par conséquent, d'annuler partiellement la décision et à défaut la réformer en ce qu'elle a écarté ce grief en indiquant qu'elle n'était pas en mesure de se prononcer en raison du caractère incomplet de l'instruction, puis, statuant à nouveau, de dire établi l'abus par Orange Caraïbe de sa position dominante en raison du caractère anticoncurrentiel de cette offre et de prononcer une amende ; qu'à titre subsidiaire, la société Digicel entend faire juger que l'Autorité a l'obligation de se prononcer sur tous griefs notifiés et prie par conséquent la cour d'annuler la décision en ce qu'elle a omis de se prononcer sur la seconde partie du grief n°4 et, statuant à nouveau, de renvoyer l'affaire à l'Autorité pour complément d'instruction sur ce point ;

Mais considérant que les sociétés Digicel et OMT dénoncent en réalité, au titre de la seconde branche du grief n° 4, une offre de fidélisation postérieure à 2005 qui aurait permis à la société Orange Caraïbe de maintenir le caractère fidélisant anticoncurrentiel du programme "Changez de mobile" après 2005 par le biais d'un contournement de la décision de mesures conservatoires du 9 décembre 2004 imposant à Orange Caraïbe de "permettre que ses clients utilisent les points de fidélité qu'ils ont acquis ou dont ils pourraient faire l'acquisition, en tant qu'à valoir venant en déduction du prix de tout achat d'un bien ou d'un service qu'elle propose à sa clientèle" ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus (Cf. notification de griefs et rapport) et contrairement à ce qui est soutenu, la seconde branche du grief n° 4 ne porte pas sur une prétendue offre de fidélisation postérieure à 2005 mais porte, de manière générale, sur les durées d'engagement et de réengagement imposées aux consommateurs pour les offres de forfaits ;

Qu'il en résulte que les requérantes dénoncent une pratique qui n'a pas fait l'objet d'un grief notifié ; qu'elles ne sont dès lors pas recevables à demander à la cour de dire cette pratique établie ou de renvoyer l'affaire à l'instruction de l'Autorité sur ce point ; que leurs recours partiels ne peuvent qu'être rejetés ;

Sur le grief n° 5

Considérant que le grief n° 5 retenu par la décision concerne les cartes prépayées d'Orange Caraïbe, à savoir les cartes "Orange Card Soir et week-end", "Orange Card Classique" et "Orange Card Seconde" ; qu'il est reproché à cet opérateur d'avoir établi une différentiation tarifaire entre les appels de ses clients à destination de clients de son propre réseau (appels on net), et ceux passés à destination de clients d'un autre opérateur (appels off net) ;

Considérant qu'après avoir rappelé (n° 113 et suivants) le principe de facturation des charges de terminaison d'appels et l'évolution de la tarification de ces charges dans la zone concernée, et avoir constaté qu'Orange Caraïbe opérait en 2003 et 2004 une différenciation des prix de détail entre les appels on net et les appels off net, rendant ainsi moins chers pour ses clients les appels vers ses autres clients que les appels de ses clients vers ceux de BTC, la décision (n° 330 et suivants) retient que cette différentiation tarifaire, qui n'avait aucune justification au regard d'éventuelles différences entre les charges de terminaison d'appel, a produit trois types d'effets anticoncurrentiels, à savoir un renforcement de l'effet de réseau ou "effet de club" profitant à Orange Caraïbe, une dégradation de l'image de BTC et des effets sur les revenus et la marge des opérateurs concurrents ;

Considérant que la société Orange Caraïbe, qui se prévaut de l'analyse économique du Cabinet Mapp et qui reproche à la décision de ne pas s'être appuyée sur une analyse détaillée du marché concerné et de l'impact des pratiques en cause, fait valoir que la différentiation tarifaire qu'elle a pratiquée en 2003 et 2004 entre appels on net et appels off net pour ses cartes prépayées n'a ni produit, ni pu produire le moindre effet anticoncurrentiel sur le marché ; qu'en effet, cette différentiation est bénéfique au consommateur en ce qu'elle permet de répercuter à son profit à travers les prix de détail la différence des coûts de gros des appels on net et off net et qu'en tout état de cause, elle n'a concerné que des offres de cartes prépayées représentant moins de 46 % de son parc grand public alors que BTC avait axé sa stratégie sur les forfaits ; qu'en outre, la mise en place de la mesure conservatoire n'a pas sensiblement modifié le comportement des clients puisque la répartition des appels on net et off net n'a pas été nettement modifiée par la mise en œuvre de la mesure conservatoire, ce qui suffit à démontrer l'absence de tout effet de la pratique sur le marché ; que, de plus, du fait de l'équilibre des flux d'appels entre elle et BTC et de l'asymétrie des charges de terminaison d'appel en faveur de BTC, les flux financiers nets de terminaison d'appel ont toujours été excédentaires pour BTC et déficitaires pour elle ; qu'en réplique aux observations de l'Autorité, la requérante insiste sur l'absence de démonstration par la décision d'un lien de causalité entre la pratique de différentiation et l'exploitation abusive d'un pouvoir de marché sur la terminaison d'appel, sur la justification des écarts de prix par les écarts de coûts et sur l'absence d'effets anticoncurrentiels réels et répond aux critiques adressées par l'Autorité aux résultats de l'étude Mapp ;

Mais considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, la démonstration d'effets potentiels suffit à caractériser une pratique anticoncurrentielle ; qu'en l'espèce, contrairement à ce qui est soutenu, la décision démontre l'existence de tels effets, de même, au surplus, que celle d'effets réels même si ceux-ci ne peuvent être quantifiés isolément de ceux des autres pratiques mises en œuvre par l'opérateur dominant (Cf. l'évolution sus-rappelée des parts de marché d'Orange Caraïbe et de BTC) ;

Considérant que, si, ainsi que le souligne la requérante, la pratique de différentiation tarifaire n'a concerné que les cartes prépayées, il n'en demeure pas moins qu'elle a concerné toutes les offres de cartes prépayées d'Orange Caraïbe, soit environ 46 % de son parc client ;

qu'en outre, les cartes prépayées, également proposées par BTC, concernent plus particulièrement une clientèle de primo-accédants importante dans le jeu concurrentiel entre opérateurs ;

Considérant, s'agissant de l'effet de réseau ou "effet de club", qui se produit lorsque l'avantage que le consommateur tire d'un service augmente avec le nombre de personnes qui consomment le même service, que la décision retient exactement que l'importance du renforcement de cet effet est notamment fonction de l'asymétrie des parts de marché entre les opérateurs et de l'importance de la différentiation tarifaire entre appels on net et appels off net ;

qu'en l'espèce, les positions des deux opérateurs présents en 2003 et 2004 sur le marché de la téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane étaient fortement asymétriques, Orange Caraïbe détenant à elle seule 83 % des parts de marché fin 2003 ; que, de plus, l'écart tarifaire entre les appels des clients d'Orange Caraïbe vers les mobiles de cet opérateur et les appels des mêmes vers les mobiles de BTC était très significatif, variant selon les cartes de 53 % à 70 % ; que, dès lors qu'un consommateur a plus de 80 % de chance d'appeler un correspondant abonné chez l'opérateur qui détient plus de 80 % du parc client, et que les appels on net facturés par ce dernier sont significativement moins chers que ceux des appels off net, un client potentiel est incité à contracter avec l'opérateur dominant ; qu'il n'est pas utilement contesté que la pratique de différentiation tarifaire d'Orange Caraïbe a eu pour effet de renforcer artificiellement, par un "effet club", l'attractivité du réseau de cet opérateur ;

Considérant, en outre, qu'ainsi que le relève la décision, la pratique en cause, faisant apparaître BTC comme un opérateur cher, a contribué à dégrader l'image de BTC ;

Que, par ailleurs, la différentiation tarifaire a pu conduire certains clients à éviter ou ne pas faire durer les appels off net, réduisant ainsi artificiellement le volume d'appels à destination de BTC et donc privant cet opérateur de revenus et marges sur la prestation de terminaison des appels sur son réseau ; qu'au surplus, si la requérante affirme que la pratique n'a pas effectivement eu un tel effet et en veut pour preuve qu'après la fin de la pratiques, ses clients n'ont pas changé la répartition de leurs appels on net et off net, force est de constater que les résultats de l'étude dont elle se prévaut ne corroborent pas cette affirmation ; qu'en effet, cette étude porte sur toutes les offres prépayées alors que sont seules concernées par la pratique les cartes prépayées, étant observé que l'inclusion des forfaits prépayés conduit à sous-estimer les effets de la mise en œuvre des mesures conservatoires ; qu'en outre, l'étude se fondant sur l'évolution de la part des appels on net entre janvier 2004 et octobre 2005, la période observée n'est pas suffisamment significative s'agissant tant de la période antérieure à la pratique que de celle, limitée à six mois, suivant le prononcé des mesures conservatoires ;

Considérant, en deuxième lieu, si une différentiation tarifaire entre appels on net et appels off net pourrait être objectivement justifiée par l'existence de différences entre les charges de terminaison qui doivent être acquittées, la décision démontre que tel n'était pas le cas en l'espèce (Cf. n° 359 et suivants) dès lors notamment que les tarifications des charges de terminaison d'appel de BTC et d'Orange Caraïbe étaient identiques jusqu'en janvier 2004, puis de 2004 à janvier 2005 d'une différence comprise entre 1,472 et 2,544 centimes d'euros alors que la différence de tarification entre les appels on net et les appels off net pratiquée par Orange Caraïbe était comprise entre 2,028 et 26 centimes d'euros ;

Que, par ailleurs et contrairement à ce que soutient la requérante, c'est à juste titre que la décision (n° 338) retient qu'une différentiation tarifaire entre appels on net et appels off net ne pourrait être objectivement justifiée par l'existence de coûts de transfert internes, pour la terminaison des appels on net, qui seraient inférieurs à la charge de terminaison facturée aux concurrents ;

Considérant, en dernier lieu, que la requérante n'est pas fondée à invoquer une absence de démonstration par la décision d'un lien de causalité entre la pratique de différentiation et l'exploitation abusive d'un pouvoir de marché sur la terminaison d'appel ; qu'est sur ce point, approuvée l'analyse de la décision (n° 335 et suivants) ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les contestations de la requérante ne sont pas fondées et que la décision doit être approuvée en ce qu'elle a dit établi le grief n° 5 ;

Sur le grief n° 7

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ce grief vise la pratique de France Télécom consistant à avoir maintenu la commercialisation de l'"Avantage Améris" après l'arrivée sur le marché de Bouygues Télécom Caraïbes à la fin de l'année 2000 et jusqu'au 21 mai 2002, date à laquelle cette option a été remplacée par une nouvelle offre dite "Avantage Mobiles Plus" et à avoir, après le 21 mai 2002 et jusqu'à fin 2005, maintenu l'"Avantage Améris" au bénéfice des clients qui l'avaient souscrit avant le 21 mai 2002 ;

Considérant que l'option tarifaire gratuite, dite "Avantage Améris" proposée par France Télécom à ses abonnés professionnels (entreprises et collectivités) permettaient à ceux qui y souscrivaient de se voir appliquer un taux de réduction sur le prix des appels fixes vers les mobiles du réseau Améris (marque commerciale de France Caraïbe Mobile, devenue Orange Caraïbe) ; que les montants de cet avantage, les conditions de sa commercialisation et de son maintien et son "historique réglementaire" sont précisés par la décision (n° 134 à 141) à laquelle il est renvoyé sur ces points ;

Considérant que la société France Télécom - après avoir rappelé que l'option tarifaire dite "Avantage Améris" a été créée en juin 1999 alors qu'Orange Caraïbe était le seul opérateur de téléphonie mobile aux Antilles et en Guyane et a été homologuée sans réserve le 31 octobre 2000 - expose qu'à la suite de l'entrée sur le marché fin 2000 de Bouygues Télécom Caraïbes, France Caraïbe Mobile (devenue Orange Caraïbe), s'est spontanément engagée auprès de l'Arcep à étendre cet avantage à tous les opérateurs mobiles mais n'a pu le faire qu'après l'homologation de sa nouvelle offre ("Avantage Mobiles Plus") le 23 avril 2002 ; que France Télécom fait valoir que la commercialisation entre décembre 2000 et le 21 mai 2002 de l'"Avantage Améris" qui ne concernait que peu de clients, puis le maintien de cet avantage au bénéfice de ses clients l'ayant souscrit avant le 21 mai 2002, n'avaient aucun objet, ni aucun effet anticoncurrentiel dans le secteur de la téléphonie dans la zone Antilles-Guyane ; que, s'agissant de la période de commercialisation de l'offre, la requérante soutient, d'une part, que la réglementation sectorielle lui interdisait d'arrêter la commercialisation de l'"Avantage Améris" avant homologation de l'offre de remplacement, d'autre part, que la décision postule des effets anticoncurrentiels sur la base d'affirmations abstraites sans analyse circonstanciée des effets allégués, ni caractérisation d'une atteinte sensible au jeu de la concurrence ; que, s'agissant du maintien postérieur de l'Avantage en cause, la requérante souligne, d'une part, qu'elle y était contrainte par ses obligations contractuelles à l'égard des clients ayant souscrit l'"Avantage Améris" avant le 21 mai 2002 et ne pouvait envisager une migration forcée de ses clients vers l' "Avantage Mobile Plus Dom" sans leur consentement préalable et, d'autre part, que le maintien de l'Avantage Améris au-delà du 21 mai 2012 n'a pu produire aucun impact sensible sur la concurrence car ne concernait qu'un nombre minime de lignes pour un chiffre d'affaires marginal et aucun client potentiel nouveau ;

Mais considérant que si, avant l'entrée de Bouygues Télécom Caraïbe sur le marché, l'"Avantage Améris" ne soulevait pas de difficulté au regard du droit de la concurrence dans la mesure où le réseau Améris (France Caraïbe Mobile devenue Orange Caraïbe) était le seul réseau de téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane, le maintien de la commercialisation par France Télécom, opérateur dominant sur les marchés de communications vocales fixes dans cette zone, de cet Avantage, lorsqu'en 2001 Bouygues Télécom Caraïbe a proposé dans la même zone des services de téléphonie mobile, a conduit à une différentiation tarifaire entre, d'une part, les appels fixes vers les mobiles Orange Caraïbe et, d'autre part, les appels fixes vers les mobiles Bouygues Télécom Caraïbe ; qu'ainsi que le retient la décision (n° 375 à 379), une telle différence de traitement ne reposait sur aucune justification objective dès lors que jusqu'en janvier 2004, les charges de terminaison d'appel facturées par les différents opérateurs de téléphonie mobile étaient identiques et qu'après cette date, la baisse de ces charges par Orange Caraïbe a été répercutée par France Télécom dans les tarifs de ses communications fixes vers mobiles ;

Considérant qu'en offrant à ses clients professionnels des réductions tarifaires sur les volumes des appels fixes vers les mobiles Orange Caraïbe et donc en réduisant le coût des appels fixes vers le réseau mobile de sa filiale par rapport à celui des appels fixes vers le réseau mobile des concurrents de sa filiale (Bouygues Télécom Caraïbe dès le mois de décembre 2000, puis Outremer Télécom lorsqu'elle est entrée sur le marché de la téléphonie mobile fin 2004 en Guyane et fin 2005 en Martinique et Guadeloupe), France Télécom a permis à ses clients professionnels qui choisissaient Orange Caraïbe pour leur flotte de téléphones mobiles de réduire les coûts de leurs appels depuis leurs postes fixes vers leurs flottes de téléphones mobiles, les incitant de ce fait à choisir l'opérateur Orange Caraïbe ; qu'ainsi que le retient la décision, France Télécom a, ce faisant, octroyé à sa filiale un avantage sensible dans la commercialisation de ses propres services auprès des entreprises, des collectivités et des organismes publics ;

Qu'il en résulte que, contrairement à ce qui est soutenu, la décision a établi que la pratique de discrimination tarifaire reprochée à France Télécom, tant du fait de la commercialisation de l'"Avantage Améris" de fin 2000 au 21 mai 2002 que du fait de son maintien après le 21 mai 2002 au bénéfice des clients l'ayant souscrit avant cette date, est constitutive d'un abus par cette société de sa position dominante sur le marché des services de téléphonie fixe de la zone Antilles-Guyane en ce qu'elle visait à favoriser sa filiale de téléphonie mobile, au surplus elle-même en position dominante sur le marché des services de téléphonie mobile dans la même zone géographique, en rendant plus difficile l'entrée et le développement de concurrents de cette dernière sur le marché ;

Que la qualification d'abus au sens de l'article 102 du TFUE ne saurait être écartée du seul fait que l'"Avantage Améris" ne concernait plus à la fin de l'année 2005 que 6 % du chiffre d'affaires "fixe vers mobiles" de France Télécom, pas plus que du fait que la détérioration de la position concurrentielle des concurrents d'Orange Caraïbe n'est pas spécifiquement quantifiée indépendamment des autres pratiques reprochées aux opérateurs dominants dans la zone géographique concernée ;

Considérant que le fait invoqué que l'"Avantage Améris" a été homologué le 31 octobre 2000 par le ministre de l'Economie, après avis favorable de l'ART du 25 octobre 2000 est sans incidence sur la qualification de la pratique en cause au regard des règles de concurrence ; que ce n'est donc qu'au surplus qu'il est observé que l'avis de l'ART a été rendu alors que Améris (Orange) était le seul réseau mobile de la zone Antilles-Guyane, qu'en outre, l'ART avait précisé (relativement à la même offre qu'"Avantage Améris" mais développée en métropole) que "dès lors que les tarifs sont fixés par France Télécom (...), les options tarifaires correspondantes s'appliquent à l'ensemble des appels vers tout réseau mobile", qu'au surplus, France Télécom qui indique elle-même s'être spontanément engagée auprès de l'Arcep (anciennement ART) à étendre l'"Avantage Améris" à tous les opérateurs mobiles, ne l'ignorait pas ;

Considérant, enfin, que c'est par d'exacts motifs qui ne sont pas utilement contredits et que la cour adopte (n° 385 et 386) que la décision retient, d'une part, qu'aucune homologation ministérielle n'était nécessaire pour que France Télécom cesse la commercialisation de l'"Avantage Améris" et, d'autre part, qu'il n'existait aucun obstacle juridique à ce que France Télécom résilie, en cours de contrat, l'"Avantage Améris" à l'égard des clients qui en étaient bénéficiaires (Cf. article 8 des conditions générales d'abonnement) ;

Qu'il résulte de ce qui précède que les moyens ne sont pas fondés ;

Sur le grief n° 8

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, ce grief est relatif à une offre "fixe vers mobile" avec un prix unitaire de base par minute de communication de 0,12 euro hors taxes proposée par France Télécom lors d'un appel d'offres passé par le Conseil régional de Guyane en 2004,offre décrite par la décision au n° 142 et suivants ;

Considérant que, pour dire établi ce grief d'abus de position dominante reproché à France Télécom, la décision retient (n° 392) qu'il "ressort de l'instruction que, lors d'un appel d'offres passé par le Conseil régional de Guyane à l'été 2004, France Télécom a proposé une offre tarifaire qui n'était pas "réplicable" par un opérateur concurrent aussi efficace qu'elle, sauf à supporter des pertes." (ciseau tarifaire), puis répond aux contestations de la société France Télécom (Cf. décision n° 390 à 399) ;

Considérant que la requérante souligne à juste titre qu'un tel renvoi aux développements de l'instruction est inopérant ; qu'en effet, ce faisant, la décision ne caractérise pas la pratique de ciseau tarifaire qu'elle impute à France Télécom ;

Que la décision sera, par conséquent, annulée en ce qu'elle a dit établi le grief n° 8 ;

Sur l'imputabilité des pratiques

Considérant que France Télécom, mère d'Orange Caraïbe, soutient que l'autonomie de sa filiale exclut que les pratiques reprochées à celle-ci, lui soient imputables ; qu'en effet, à supposer même que le droit européen, et donc la présomption d'imputabilité à la société mère, soient applicables, elle renverse cette présomption simple en démontrant l'autonomie commerciale, financière et technique d'Orange Caraïbe au moment des faits ; qu'elle invoque en ce sens, des preuves de l'autonomie stratégique d'Orange Caraïbe qui auraient été apportées au cours de l'instruction et son absence d'implication dans la conception et la mise en œuvre des pratiques de sa filiales ; qu'elle ajoute que l'autonomie d'Orange Caraïbe est indiscutable à l'aune de la jurisprudence française ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, le droit européen est applicable en l'espèce ; que, dès lors, ainsi que le rappelle exactement la décision (n° 423 et 424), la question de l'imputabilité des pratiques mises en œuvre par Orange Caraïbe doit être examinée, non à l'aune de la jurisprudence nationale, mais au regard des principes résultant de la jurisprudence européenne ;

qu'il convient de se référer notamment aux arrêts du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C-97-08P, du 29 septembre 2009, Elf Aquitaine/Commission, C-521-09 P, du 20 janvier 2011, General Química e.a./Commission, C-90-09P, du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C-201-09 P et C- 216-09 P, du 19 juillet 2012, Alliance One International Inc. e.a./ Commission, C-628-10 et C- 14-11 ;

Qu'il en résulte notamment que, dans le cas particulier où une société mère détient la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de la concurrence de l'Union, il existe une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de cette filiale ;

Qu'il suffit, dans ces conditions, que l'Autorité de concurrence prouve que la totalité ou quasi-totalité du capital d'une filiale est détenue par sa société mère pour présumer que cette dernière exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement de cette filiale ;

que l'Autorité peut alors considérer la société mère comme tenue solidairement au paiement de l'amende infligée à sa filiale, à moins que la société mère, à laquelle il incombe de renverser ladite présomption, n'apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché ;

Qu'il "appartient à des entités souhaitant renverser la présomption de l'exercice effectif d'une influence déterminante d'apporter tout élément relatif aux liens économiques, organisationnels et juridiques unissant la filiale en question à la société mère et qu'elles considéraient comme étant de nature à démontrer qu'elles ne constituaient pas une entité économique unique" ;

Considérant, en l'espèce, qu'il n'est pas contesté que, durant la période des pratiques en cause, France Télécom détenait directement ou indirectement la totalité ou la quasi-totalité du capital d'Orange Caraïbe (Cf. décision n° 18 et 426) ; qu'il doit donc être présumé qu'Orange Caraïbe ne se comportait pas de façon autonome sur le marché et qu'elle formait avec France Télécom une entreprise unique au sens des articles devenus 101 et 102 du TFUE ;

Considérant que, pour renverser cette présomption, il ne suffit pas pour France Télécom de soutenir qu'elle n'est pas impliquée dans les infractions mises en œuvre par sa filiale, mais il lui appartient de démontrer, indépendamment des comportements reprochés, qu'elle n'exerçait pas une influence déterminante sur sa filiale et ce, en justifiant d'un ensemble d'éléments - relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques l'ayant uni à sa filiale - de nature à démontrer que ces deux personnes morales ne constituaient pas une entité économique unique ;

Considérant que, sur ce point, France Télécom fait valoir que les liens économiques, organisationnels et juridiques qui régissaient ses relations avec sa filiale à l'époque des faits plaçaient sa filiale Orange Caraïbe dans une autonomie totale à son égard et que la décision a écarté son argumentation en ce sens sans réelle motivation ce qui justifie son annulation ; qu'elle ajoute qu'en toute hypothèse, elle apporte la preuve de l'autonomie de sa filiale à l'époque des faits ; qu'en effet, le fonctionnement d'Orange Caraïbe, tant dans son organisation que dans ses processus de décisions internes lui garantissait une autonomie totale par rapport à France Télécom dès lors que cette filiale était dotée de tous les organes décisionnels et de toutes les ressources d'une entité autonome (propres équipes opérationnelles, techniques et fonctions support, et budgets affectés aux services permettant, selon la stratégie définie par le Comité directeur d'Orange Caraïbe, de définir et mettre en place la stratégie commerciale de cette société) ; qu'en outre, Orange Caraïbe était de fait indépendante de France Télécom dans la définition de sa stratégie commerciale, financière et technique à l'époque des faits, qu'il s'agisse de son activité d'opérateur de réseau (propre licence d'exploitation et responsabilité vis-à-vis de l'Arcep du respect de ses obligations réglementaires), de sa politique commerciale et marketing (définition de la conception et du développement de ses offres), de sa politique de distribution (définition d'une stratégie de distribution monomarque adaptée au marché local et contraire à celle d'Orange en métropole à la même époque), ou de sa politique d'achats de terminaux ; qu'elle précise que cette autonomie totale ne résultait pas de l'éloignement géographique, mais "d'une stratégie délibérée du groupe France Télécom compte tenu des spécificités du marché mobile antilloguyanais de donner toute liberté à l'entité du groupe qui avait la connaissance la plus fine de ce marché pour y développer son activité" (mémoire en réplique n° 86) ;

Mais considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, la décision, répondant à l'argumentation de France Télécom, a exposé les motifs la conduisant à retenir que "France Télécom ne fait donc état d'aucun facteur, tiré de l'analyse de l'ensemble des liens organisationnels, juridiques et économiques existant au sein du groupe, susceptibles de démontrer de manière probante qu'Orange Caraïbe n'appartiendrait pas à une telle unité économique" ;

Considérant, en effet, que France Télécom ne conteste pas que la quasi-totalité des membres du Conseil d'administration d'Orange Caraïbe a travaillé ou travaillait toujours en 2010 pour France Télécom à des postes stratégiques et qu'ainsi l'équipe dirigeante de la filiale était formée de personnels de la société mère ; qu'il en résulte qu'il ne peut être affirmé qu'Orange Caraïbe était indépendante de France Télécom dans la définition de sa stratégie, étant également observé que le fait que cette stratégie tienne compte des spécificités du marché local ne démontre pas qu'Orange Caraïbe en décidait en toute indépendance ;

Considérant, en outre, que les éléments invoqués relatifs à l'indépendance dont aurait, de fait, bénéficié Orange Caraïbe dans la définition de sa stratégie commerciale, financière et technique n'apparaissent pas de nature à renverser la présomption ; qu'il ne peut être tiré aucune conclusion du fait qu'Orange Caraïbe dispose de sa propre licence d'opérateur mobile avec les obligations qui en découlent dès lors qu'il n'est pas soutenu que cette organisation ne résulterait pas d'un choix du groupe auquel appartient cette société ; que, de plus, ainsi que le retient la décision, la marge de manœuvre dont il est soutenu qu'Orange Caraïbe bénéficierait, ne dépasse pas ce qu'induit l'éloignement géographique entre mère et filiale ; qu'il en est notamment ainsi du fait que la filiale dispose d'une licence propre d'opérateur et de ses propres équipes opérationnelles et d'exécution ; que, de plus, si Orange Caraïbe achetait des terminaux directement auprès des fabricants, elle en achetait également via des processus d'achat au niveau du groupe France Télécom ;

Considérant, au surplus, qu'il n'est pas contesté que toutes les agences France Télécom des Antilles et de la Guyane distribuaient les produits Orange Caraïbe à titre exclusif, peu important à cet égard l'existence d'autres distributeurs ; qu'en outre, France Télécom a parfois agi en tant que commissionnaire de sa filiale pour la conclusion des contrats de distribution ; que, par ailleurs, France Télécom a parfois publié des publicités pour les seuls produits de sa filiale ;

Considérant que ces éléments montrent que mère et fille se présentaient à l'époque des faits comme un groupe vis-à-vis de leurs clients et partenaires ; qu'il en était également ainsi, comme le relève la décision (n° 429), dans le cadre de l'"Avantage Améris" et de certaines offres sur mesure pour les appels fixes vers Mobile Orange Caraïbe (Cf. sur ces deux points décision n° 134 à 149) ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que France Télécom ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du fait que sa filiale Orange Caraïbe se comportait, à l'époque des pratiques en cause, de façon autonome sur le marché ; que c'est à juste titre que la décision retient que France Télécom est responsable, aux côtés d'Orange Caraïbe, des pratiques commises par cette dernière ;

Sur les sanctions pécuniaires

Considérant qu'aux termes de l'article L. 464-2 du Code de commerce : "Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction." "Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante." Considérant, en premier lieu, que la société Orange Caraïbe fait valoir que la décision retient de façon erronée comme assiette du calcul de la sanction le chiffre d'affaires mondial consolidé du groupe France Télécom, violant ainsi le principe de proportionnalité et l'exigence de tenir compte de la situation particulière de l'entreprise concernée au stade de la détermination de l'assiette de la sanction ; qu'elle soutient que son seul chiffre d'affaires aurait dû être retenu comme assiette de la sanction eu égard notamment au fait qu'elle ne s'est jamais appuyée sur son appartenance au groupe France Télécom pour mettre en œuvre les pratiques en cause ;

Mais considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, la décision a fait une exacte application des dispositions de l'article L. 464-2 du Code de commerce en retenant que le maximum légal (ou plafond) de la sanction susceptible d'être prononcée à l'égard d'Orange Caraïbe, dont les comptes étaient consolidés au sein de ceux du groupe France Télécom, était de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial HT du groupe France Télécom le plus élevé réalisé au cours d'une des années depuis celle précédant celle au cours de laquelle les pratiques ont été mises en œuvre, soit, compte tenu d'un chiffre d'affaires de 53,488 milliard euros en 2008, un plafond de sanction de 5,348 milliard euros, puis en examinant les éléments légaux (gravité des faits reprochés, importance du dommage causé à l'économie, situation de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel elle appartient, réitération des pratiques) auxquels doit être proportionnée la sanction ; qu'il est au surplus rappelé pour répondre aux conclusions de la requérante qu'ainsi qu'il a été vu, France Télécom et Orange Caraïbe forment une seule et même entité économique ;

Considérant, en deuxième lieu, s'agissant de la gravité des faits, qu'Orange Caraïbe soutient que la décision a exagéré la gravité des pratiques en cause faute d'avoir tenu compte d'une part du fait que la faiblesse de BTC sur le marché n'était due qu'à ses erreurs stratégiques et d'autre part de l'absence de tout impact des pratiques ; que France Télécom fait valoir que la décision ne pouvait qualifier le maintien de l'Avantage Améris comme constitutif d'une discrimination "particulièrement grave" alors que cette option a été mise en place avant l'arrivée de BTC sur le marché pour permettre aux clients de bénéficier d'une remise au volume, qu'elle ne pouvait être remplacée avant homologation d'une nouvelle offre, que le remplacement s'est fait à son initiative et que son maintien pour les clients ayant souscrit avant mi 2002 n'a pu avoir d'impact sur le choix d'opérateur des clients ;

Mais considérant que c'est à juste titre que la décision (n° 446 à 450) a apprécié la gravité des pratiques en tenant compte tant de leur nature que de la responsabilité particulière d'Orange Caraïbe, filiale de l'opérateur historique, et ayant disposé pendant plus de quatre ans d'un monopole de fait sur le marché de la téléphonie mobile dans la zone concernée ;

Qu'en effet, les pratiques en cause sont des abus d'exclusion, graves en elles-mêmes en ce qu'elles tendent à l'élimination du marché de concurrents réels ou potentiels ; qu'en outre, elles ont été mises en œuvre par la filiale de l'opérateur historique sur des marchés caractérisés par l'existence de barrières à l'entrée significatives (Cf. décision n° 35 et suivants) ; que, de plus, le nombre, le cumul et l'interaction des comportements anticoncurrentiels mis en œuvre en même temps ont exactement été pris en compte au titre de la gravité des faits ;

Considérant, en particulier, que France Télécom ne peut contester que la discrimination résultant de l'Avantage Ameris maintenu grâce à sa puissance d'opérateur historique pour favoriser sa filiale Orange Caraïbe sur un marché censé être plus concurrentiel, revêt une particulière gravité, étant observé qu'ainsi qu'il a été vu, rien ne s'opposait à ce que France Télécom cesse de commercialiser ou de maintenir cet Avantage après l'arrivée de BTC sur le marché ;

Que, par ailleurs, Orange Caraïbe dont la dominance était significative, ne peut, au vu des développements qui précèdent, soutenir que les pratiques en cause auraient été dépourvues de tout impact alors qu'elles ont créé ou laissé subsister des freins artificiels à l'entrée de nouveaux acteurs sur le marché et rendu plus difficiles la pénétration et le développement de BTC sur le marché de la téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane ; que la requérante ne peut davantage soutenir, sans en justifier, que la faiblesse de BTC ne serait due qu'à ses erreurs stratégiques et ce, au surplus, alors même qu'elle ne peut imputer à faute à BTC d'être entrée "tardivement" sur ledit marché sur lequel Orange Caraïbe est restée en monopole de fait pendant plus de quatre ans, ni contester (Cf. tableau reproduit en page 123 de ses premières écritures) que BTC avait en 2001 et 2002 acquis aux Antilles une part de marché de 25 %, part qui s'est tassée autour de 20 % en 2003 et 2004, période durant laquelle toutes les pratiques en cause se cumulaient, avant de s'améliorer à nouveau légèrement en 2005 après le prononcé des mesures conservatoires, puis plus nettement début 2006 ;

Que les requérantes ne sont pas fondés en leurs contestations de l'appréciation par la décision de la gravité des faits ;

Considérant, en troisième lieu, s'agissant du dommage causé à l'économie, qu'Orange Caraïbe soutient que son existence n'est pas démontrée ni son importance évaluée par la décision et fait valoir que les pratiques ont été brèves et n'ont pas eu d'impact sur le marché et sur le développement de ses concurrents compte tenu du dynamisme dudit marché, de l'inefficacité de BTC et de l'entrée de nouveaux acteurs efficaces ; que France Télécom soutient que le dommage à l'économie n'est pas établi et est inexistant s'agissant des pratiques qui lui sont reprochées ;

Mais considérant qu'ainsi que le constate la décision, qui rappelle la durée de chaque pratique (n° 454), si certaines pratiques ont été d'une durée relativement brève (Cf. grief n°5), c'est en raison de la mise en œuvre des mesures conservatoires prononcées fin 2004 ; qu'en outre, la décision (n° 456 et suivants) a montré qu'Orange Caraïbe captait en 2004, 80 % du marché de détail des services de téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane, marché évalué en 2005 à environ 300 millions euros, et relevé que l'érosion des parts de marché d'Orange Caraïbe avait commencé quelques mois après le prononcé des mesures conservatoires et qu'en 2008, elle détenait 54,5 % des parts de marché en nombre de clients actifs, cette baisse devant être relativisée compte tenu de l'évolution moins marquée de ses parts de marché en valeur ; qu'il ne peut ainsi être soutenu que les pratiques n'auraient eu aucun impact, ni, ainsi qu'il a été dit, être allégué une inefficacité supposée de BTC ; que si, ainsi que le relève la décision, ces pratiques n'ont pas eu pour effet d'éliminer BTC du marché, leur mise en œuvre, dont les effets ont été établis au stade de l'examen de chaque grief, a eu pour effet de rendre plus difficiles l'entrée et le développement de BTC sur le marché de la téléphonie mobile dans la zone concernée et de retarder le développement de la concurrence dans cette zone, permettant à Orange Caraïbe d'éviter, au détriment des consommateurs, une concurrence vive jusqu'à ce que les mesures conservatoires et les interventions du régulateur sectoriel modifient "la dynamique concurrentielle sur le marché" (Cf. avis de l'Arcep cité par la décision n° 466) ; qu'il doit de surcroît être observé que tant les caractéristiques du marché des services de téléphonie mobile dans la zone Antilles-Guyane décrites par la décision (n° 31 à 42) que les évolutions du marché après 2005 confirment la sensibilité de la demande de tels services aux prix ; qu'enfin, France Télécom ne peut reprocher à la décision d'avoir évalué le dommage causé à l'économie au regard de données relatives aux seuls opérateurs de téléphonie mobile alors que les pratiques qui lui sont imputées sont fondées sur l'existence d'une unité économique entre elle et Orange Caraïbe et que, s'agissant des deux pratiques qui lui sont reprochées d'avoir elle seule mises en œuvre, elles concernent les appels vers les mobiles de sa filiale de téléphonie mobile ;

Considérant, cependant qu'en ce qui concerne ces deux pratiques imputées spécifiquement à France Télécom, il convient de tenir compte non seulement comme le fait la décision du fait que le maintien de l'Avantage Ameris, dont les effets ont été ci-dessus analysés, a concerné un nombre limité de clients, mais aussi du fait que, contrairement à ce que retient la décision, le grief n° 8 n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les critiques développées par les requérantes relativement au dommage causé à l'économie ne sont pas fondées à l'exception de celles relatives au dommage qu'aurait causé la pratique visée par le grief n° 8 ;

Considérant, en quatrième lieu, s'agissant de la réitération des pratiques, que la société Orange Caraïbe rappelle qu'elle n'a jamais été sanctionnée par une autorité de concurrence ;

qu'elle soutient, d'une part, qu'elle aurait dû être considérée avant l'arrêt Akzo Nobel (CJCE,10 septembre 2009) comme autonome à l'égard de France Télécom et que la référence de la décision (n° 419) à cet arrêt, intervenu 5 jours avant la séance de l'Autorité, est contraire au principe de sécurité juridique ; que les sociétés Orange Caraïbe et France Télécom font valoir, d'autre part, que l'Autorité a commis une erreur de droit et porté atteinte au principe de personnalité des peines en faisant découler l'appréciation de la réitération des pratiques de l'analyse de l'imputabilité fondée sur les règles européennes et en caractérisant la réitération au regard d'une unité économique au lieu d'examiner l'autonomie d'Orange Caraïbe vis-à-vis de France Télécom aux regard des règles françaises et de rechercher l'implication personnelle de chaque société dans la commission des infractions ; qu'elles reprochent, enfin, à la décision d'avoir fait une interprétation extensive erronée de la notion d'infractions identiques ou similaires en l'étendant à des pratiques qui ne sont pas de même nature, ni de même type, ne concernent pas les mêmes marchés et relèvent de dispositions juridiques différentes, mais qui poursuivent le même effet ; qu'elles soutiennent que cette interprétation porte atteinte au principe d'interprétation restrictive des dispositions répressives, qu'elle conduit à retenir au titre de la réitération la "quasi-totalité des pratiques anticoncurrentielles" et vide le mécanisme de la réitération de sa logique en excluant qu'une entreprise puisse déduire d'une précédente condamnation que son comportement postérieur est également constitutif d'une infraction ;

qu'elles concluent que les précédentes sanctions de France Télécom retenues par la décision, relatives à des pratiques de nature différente et anciennes sont inopérantes, ne peuvent donc être retenues comme circonstances aggravantes de réitération, ni par conséquent justifier la majoration appliquée à la sanction ; que France Télécom ajoute que si la réitération était retenue, seule la décision n° 01-D-46 pourrait être retenue mais seulement au titre du grief n° 8 ce qui justifie une réduction du taux de majoration de 50 % appliqué à la sanction ;

Mais considérant, d'une part, que, contrairement à ce qui est soutenu, les principes de l'arrêt Akzo Nobel du 10 septembre 2009 par lequel la CJCE a rejeté le pourvoi formé contre l'arrêt du TPICE du 12 décembre 2007 sont issus d'une jurisprudence antérieure et la circonstance que cet arrêt soit intervenu quelques jours avant la séance de l'Autorité ne saurait porter atteinte au principe de sécurité juridique ;

Considérant, d'autre part, que les règles concernant l'imputabilité et la détermination de la notion d'entreprise - à la différence de celles relatives aux sanctions qui relèvent du principe d'autonomie procédurale - sont des règles de fond dont l'application s'impose aux autorités nationales de concurrence lorsqu'elles appliquent les articles 101 et 102 du TFUE ;

Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, les règles en matière de réitération doivent suivre celles appliquées en matière d'imputabilité (Cf. décision n° 470 et suivants) ; qu'il n'est pas, ce faisant, porté atteinte au principe de personnalité des peines, l'entreprise sanctionnée pour avoir contrevenu aux règles des articles 101 et 102 TFUE étant celle (entité économique unique) à laquelle sont imputées des pratiques contraires à ces dispositions, et ce, le cas échéant, en réitération lorsqu'une des personnes morales composant cette entreprise au sens desdits articles, a déjà été sanctionnée pour le même type d'infraction ; qu'ainsi que l'observe l'Autorité, si tel n'était pas le cas, la notion d'entreprise devrait être appréciée de façon différente aux différents stades de l'analyse des pratiques sanctionnées alors même que les sanctions doivent être prononcées à l'encontre de l'auteur de l'infraction tel qu'identifié au stade de l'imputabilité du comportement infractionnel ;

Considérant, en l'espèce, qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, le droit de l'Union est applicable et les sociétés France Télécom et Orange Caraïbe forment une entreprise unique au sens des dispositions des articles 101 et 102 TFUE ; que les sanctions et donc leurs éventuelles majorations sont encourues par l'auteur des infractions ci-dessus décrites et donc par l'entreprise au sens des textes d'incrimination à laquelle ces infractions sont imputées, à savoir les sociétés France Télécom et Orange Caraïbe ;

Que les requérantes ne sont par conséquent pas fondées à contester la décision en ce qu'elle retient que les pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par France Télécom précédemment constatées dans d'autres décisions, peuvent être opposées au titre de la réitération à l'entreprise que forme, au sens des articles devenus 101 et 102 du TFUE, France Télécom avec sa filiale Orange Caraïbe ;

Considérant, enfin, que, contrairement à ce qui est soutenu, la qualification de la réitération n'exige pas que les infractions commises soient identiques quant à la pratique mise en œuvre ou quant au marché concerné, qu'il s'agisse du marché de produits ou services ou du marché géographique ; qu'ainsi que le retient la décision, la réitération peut être retenue lorsque les nouvelles pratiques sont identiques ou similaires par leur objet ou leurs effets à celles ayant donné lieu au précédent constat d'infraction ;

Considérant que la décision (n° 475 à 483) retient la réitération au regard de plusieurs décisions ayant constaté des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par France Télécom ;

que les requérantes contestent la pertinence des décisions retenues ;

Considérant qu'il s'agit des décisions suivantes :

- Conseil de la concurrence n° 94-D-21 du 22 mars 1994 sanctionnant une entente entre France Télécom et une de ses filiales en position dominante sur le marché de la publicité dans les annuaires France Télécom, retenue comme constitutive d'une pratique concertée d'exclusion limitant l'accès au marché des agences de publicité ;

- Conseil de la concurrence n° 97-D-53 du 1 er juillet 1997 retenant que France Télécom a abusé de son monopole légal sur le réseau Numéris en 1993 en favorisant sa filiale Transpac, exploitant le réseau public Transpac, en accordant la gratuité des frais d'accès à Numéris ainsi qu'un abonnement gratuit de deux mois et en permettant ainsi à la société Transpac d'intégrer dans les offres présentées à plusieurs clients lesdits avantages, et que la société Transpac a abusé de sa position dominante en pratiquant un rabais rétroactif sur le trafic Transpac, ces pratiques ayant pour objet de protéger une technologie au détriment d'une autre et ayant pu avoir pour effet de limiter l'accès au marché considéré à la technologie VSAT considérée alors comme susceptible de pouvoir concurrencer les services offerts par la société Transpac via le canal D de Numéris ;

- Cour d'appel de Paris du 29 juin 1999 jugeant que France Télécom a abusé de sa position dominante sur le marché de la liste des abonnés au téléphone en mettant en œuvre, sur le marché aval des fichiers de prospection, une discrimination de prix en imputant des charges d'accès à la structure qu'elle gère moindres que celles qu'elle facture à ses concurrents ;

- Conseil de la concurrence n° 01-D-46 du 23 juillet 2001 estimant que la société France Télécom a, en 1999, abusé de la position dominante qu'elle détenait sur des marchés du secteur des télécommunications, en tentant d'entraver l'accès de nouveaux concurrents au marché des grands comptes, par des moyens qui ne relèvent pas d'une concurrence par les mérites ;

- Conseil de la concurrence n° 05-D-59 du 7 novembre 2005 sanctionnant la société France Télécom pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché de gros de l'accès à Internet haut débit en refusant à un opérateur concurrent l'accès à une infrastructure essentielle, empêchant l'entrée de concurrents sur un marché naissant dont le dynamisme a été freiné ; étant observé que cette décision n'a pas été prise en compte par la décision que pour le grief n° 7 (avantage Améris) imputé à France Télécom qui s'est poursuivi après le 7 novembre 2005 (n° 477) ;

Considérant que ces décisions ont toutes appréhendé des comportements de France Télécom qui, comme en l'espèce, tendaient à empêcher, à entraver ou à freiner l'entrée sur un marché de nouveaux concurrents et de nature à rendre artificiellement plus difficile l'exercice d'une pression concurrentielle de nouveaux opérateurs sur des marchés directement ou indirectement dominés par France Télécom ; qu'en raison de ces constats d'infractions, certes pour certains anciens, mais constamment renouvelés, France Télécom ne peut soutenir avoir ignoré les obligations résultant de la dominance ; qu'elle ne peut davantage soutenir que la décision aurait méconnu le principe de non rétroactivité des lois pénales plus sévères en raison de la prise en compte de certaines pratiques sanctionnées avant l'entrée en vigueur de la loi NRE de 2001 permettant de tenir compte de la réitération pour déterminer la sanction ; qu'en effet, le facteur d'aggravation de la sanction n'est pas celui de la commission de pratiques antérieures, mais celui de la mise en œuvre de pratiques du même type que les précédentes postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi NRE ;

Qu'il résulte de tout ce qui précède que les moyens ne sont pas fondés et que la décision doit être approuvée en ce qu'elle a, au titre de la réitération, majoré de 50 % les sanctions prononcées solidairement à l'encontre de France Télécom et Orange Caraïbe au titre des griefs n° 1-1, 2, 4 et 5 et de 50 % la sanction infligée à France Télécom au titre du grief n° 7 ;

Sur le montant des sanctions

Considérant que les éléments relatifs à la situation individuelle de la société France Télécom et de la société Orange Caraïbe (n° 484 et 485) ne sont pas contestés ;

Considérant qu'au vu des développements qui précèdent, la sanction de 52 500 000 euros infligée par la décision conjointement et solidairement aux sociétés France Télécom et Orange Caraïbe au titre des griefs n° 1-1, 2, 4 et 5, n'apparaît pas disproportionnée ;

Considérant, en ce qui concerne la société France Télécom qui a seule été condamnée par la décision au titre des griefs n° 7 et n° 8, qu'ainsi qu'il a été dit, le grief n° 8 n'est pas établi et la décision annulée s'agissant ce grief ; qu'il convient, pour en tenir compte, de réformer la décision qui a infligé à France Télécom au titre de ces deux griefs une sanction de 10,5 millions euros et de statuer à nouveau ; qu'au vu de l'ensemble des développements ci-dessus, une sanction de 5 millions euros, majorée au titre de la réitération de 50 %, soit un total de 7,5 millions euros, apparaît proportionnée ;

Sur l'injonction de publication

Considérant que les sociétés France Télécom et Orange Caraïbe entendent voir juger que l'injonction de publication ordonnée par la décision est excessive et injustifiée et ordonner toute mesure utile pour en compenser les effets et ce, selon France Télécom sous astreinte ; qu'elles font valoir qu'il s'agit d'une sanction complémentaire excessive et disproportionnée à l'objectif poursuivi car inadaptée à l'ampleur, à la nature et aux circonstances de l'affaire ; qu'en effet, l'affaire concerne une période révolue, les faits reprochés étant antérieurs à 2005 et ayant déjà été portés à la connaissance des tiers par la publication de la décision du Conseil du 9 décembre 2004 ordonnant des mesures conservatoires relatives aux mêmes pratiques et par l'écho médiatique dont a fait l'objet la présente affaire ;

Mais considérant que la mesure de publication d'un résumé de la décision dans des quotidiens de la zone Antilles-Guyane, ordonnée par l'Autorité par application de l'article L. 464- 2 du Code de commerce, est justifiée par la nécessité d'attirer la vigilance des consommateurs, entreprises et collectivités qui recourent aux services de téléphonie dans cette zone et de les tenir informés de l'issue de la procédure à la suite des mesures ordonnées à titre conservatoire et ce, au travers d'un résumé objectif et officiel de l'historique de la procédure et des éléments retenus par la décision pour entrer en voie de sanction ;

Considérant que cette mesure, dont l'exécution a eu lieu le 22 janvier 2010, n'apparaît, contrairement à ce qui est soutenu, ni excessive ni disproportionnée, mais au contraire, adaptée à l'ampleur, à la nature et aux circonstances de l'affaire ; qu'il n'y a pas lieu faire droit aux demandes tendant à son annulation, ni par conséquent d'ordonner "toute mesure utile pour en compenser les effets" ;

Considérant que l'équité ne conduit pas à faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs : Dit n'y avoir lieu à annulation de la procédure ; Dit applicables tant les dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce que celles des articles devenus 101 et 102 du TFUE ; Dit la société France Télécom responsable, aux côtés de sa filiale Orange Caraïbe des pratiques commises par cette dernière ; Rejette les recours, sauf en ce qui concerne le grief n° 8 et la sanction prononcée à l'égard de la société France Télécom ; Annule la décision n° 09-D-36 de l'Autorité de la concurrence du 9 décembre 2009 en ce qu'elle a dit établi le grief n° 8 ; Réformant cette décision sur la sanction prononcée à l'encontre de la société France Télécom : Dit que la sanction pécuniaire infligée à la société France Télécom s'élève à la somme de 7,5 millions euros ; Ordonne en conséquence la restitution partielle des fonds payés par la société France Télécom en exécution de la décision n° 09-D-36 de l'Autorité de la concurrence du 9 décembre 2009, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et capitalisation ; Déboute les parties pour le surplus ; Condamne in solidum les sociétés France Télécom et Orange Caraïbe aux dépens ; Vu l'article R. 470-2 du Code de commerce, dit que sur les diligences du greffe de la Cour d'appel de Paris, le présent arrêt sera notifié, par lettre recommandée avec accusé de réception, à la Commission européenne, à l'Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l'économie.