CA Rennes, 3e ch. com., 25 juin 2013, n° 11-08882
RENNES
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
SMC (SARL)
Défendeur :
Geoxia Ouest (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Poumarède
Conseillers :
Mmes André, Guéroult
Avocats :
Selarl Avocat Luc Bourges, Mes Bertin, de Moncuit-Saint Hilaire, Madelin
I - EXPOSE DU LITIGE
M. Stéphane Magne a signé un contrat d'agent commercial mandataire le 20 décembre 1999 avec les Maisons Aura.
Ce contrat prévoit la prospection sans exclusivité de la clientèle désirant faire construire pour son propre compte une maison individuelle dont la construction sera implantée dans la région de Sablé-sur-Sarthe.
Ce contrat a fait l'objet d'un premier avenant le 16 janvier 2008 consécutivement au rachat de la SNC Maison Aura par la société Geoxia Ouest. Un second avenant a été régularisé le 2 avril 2009 afin de substituer à M. Stéphane Magne la SARL SMC représentée par son gérant M. Bernard Magne, qui reprend alors l'ensemble des droits, charges et obligations du contrat d'agent commercial signé par Geoxia Ouest.
La SMC dont l'activité a commencé le 2 avril 2009 a pour associés M. Bernard Magne, et ses deux fils, Stéphane Magne et Julien Magne.
Par lettre recommandée du 17 février 2010, la SMC et quatre autres agents commerciaux de l'enseigne Maisons Aura ont par la voie de leur conseil dénoncé à la société Geoxia Ouest une incapacité d'assurer de façon satisfaisante le suivi le dossier avec des retards importants, l'engagement dans une politique commerciale incohérente avec une baisse de qualité ou de suppression des prestations, la délégation du suivi technique à des personnes manifestement incompétentes, l'ouverture d'une nouvelle agence sur Saint-Brieuc au mépris des investissements importants effectués par certains de ses agents, la marginalisation des agents commerciaux qui assuraient jusqu'alors un suivi clientèle jusqu'à la réception des travaux, dorénavant coupés de la clientèle dès la signature du contrat, la mise en place de manœuvres caractérisant le délit de tromperie sur les qualités essentielles de la chose vendue, la situation financière très préoccupante de certains agents.
Il était ainsi annoncé la saisine du tribunal pour faire constater la rupture de leur contrat d'agent commercial aux torts et aux griefs de la société Geoxia Ouest, la saisine de la DGCCRF, l'intention de donner une large publicité à leur action pour dénoncer le préjudice subi et se dissocier des agissements de Geoxia Ouest pour ne pas subir plus longtemps l'atteinte à leur réputation commerciale. Il était réclamé l'intégralité des relevés de commissions de chacun des agents et la justification que l'agence de Saint-Brieuc était bien animée par des agents commerciaux régulièrement inscrits.
Par courrier officiel du 15 mars 2010 la société Geoxia Ouest a répondu point par point en contestant les griefs formulés à son encontre et adressait des relevés de commissions.
Par courrier officiel du 20 janvier 2011 la SMC réclamait de nouveau un relevé de la totalité des commissions versées à M. Stéphane Magne puis à la société SMC entre 2007 et 2009 et mentionnait qu'à défaut il engagerait une procédure en référé pour solliciter sa condamnation sous astreinte.
Par télécopie officielle le 24 janvier 2011 la société Geoxia Ouest s'engageait à communiquer le relevé complet et adressait le relevé rectifié et complété de la SMC compte tenu de petites erreurs.
Autorisée par ordonnance du 16 décembre 2010 rendue sur requête déposée le 10 décembre 2010 et reçue le 22 décembre 2010, la société Geoxia Ouest a fait constater par procès-verbal d'huissier du 27 janvier 2011 la présence et les attributions de Messieurs Stéphane Magne et Julien Magne dans la société Maison France Confort, les conditions et dates de leur recrutement.
Par lettre recommandée du 29 janvier 2011, Geoxia Ouest a notifié à la société SMC à effet immédiat la résiliation du contrat d'agent commercial pour faute grave et le 3 février 2011 a fait procéder à la récupération de tous les matériels et documents nécessaires à l'exécution du mandat.
C'est dans ces conditions que la SMC a assignée Geoxia Ouest devant le Tribunal de commerce de Saint-Malo par assignation du 11 mars 2011.
Par jugement contradictoire du 6 décembre 2011, le Tribunal de commerce de Saint-Malo a :
Dit que la société SMC a commis une faute grave à l'encontre de son mandant la société Geoxia Ouest et que c'est à bon droit que cette dernière a résilié le contrat d'agent la liant à la société SMC et en conséquence a débouté la société SMC de l'intégralité de ses demandes comme étant mal fondées,
Condamné la société SMC à payer à la société Geoxia Ouest la somme de 30 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
Débouté la société Geoxia Ouest de sa demande de remboursement de la somme de 17 230 euro correspondant aux avances sur commission,
Condamné la société SMC à payer à la société Geoxia Ouest la somme de 10 000 euro en application de l'article 700 du CPC,
Condamné la société SMC aux dépens qui outre les frais de signification de la décision comprendront les frais de greffe,
Ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Ce jugement arrêt a été signifié à la requête de la société Geoxia Ouest à la société SMC le 22 décembre 2011.
La société SMC a déclaré faire appel de cette décision le 30 décembre 2011 et le 17 janvier 2012.
Par deux ordonnances du 11 juillet 2012, le juge de la mise en état a principalement :
- dit n'y avoir lieu de prononcer la caducité de la déclaration d'appel de la société SMC
- déclaré irrecevable les pièces numérotées 0 à 61 et 1 à 5 communiquées après la signification des conclusions du 30 mars 2012 par la société SMC et les a écartés des débats,
- invité la société SMC a conclu au fond en tenant compte de l'irrecevabilité de ces pièces.
Les deux procédures ont été jointes.
Appelante la société SMC demande à la cour de :
Vu les articles 1134 alinéas 1 et 3 du Code civil,
Vu l'article L. 134-12 alinéa 1er du Code de commerce,
Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Geoxia Ouest de sa demande de restitution d'avances sur commissions,
L'infirmer pour le surplus de ces dispositions
Statuant à nouveau,
Débouter la société Geoxia Ouest de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions,
Dire et juger que la société Geoxia Ouest a engagé sa responsabilité au préjudice de la SARL SMC,
- en résiliant de façon aussi injustifiée que brutale et abusive le contrat d'agent commercial conclu entre les parties,
- en ayant exécuté de façon déloyale et de mauvaise foi ledit contrat jusqu'à en compromettre la pérennité de l'exploitation de la SARL SMC,
En conséquence
Condamner la société Geoxia Ouest à payer à la SARL SMC :
- l'indemnité de fin de contrat due en application de l'article L. 134-12 alinéa 1er du Code de commerce évaluée à un montant de 370 868 euro
- des dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait du caractère fautif de la résiliation du contrat d'agent commercial et des défaillances du mandant à l'occasion de son exécution à hauteur de 370 868 euro.
La condamner en outre au paiement d'une somme de 20 000 euro en application de l'article 700 du CPC
La condamner aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel dont distraction en application de l'article 699 du CPC au profit de la Selarl Luc Bourges, avocats aux offres de droit.
La société Geoxia Ouest, intimée demande à la cour de :
Vu les articles 15, 122, 906, 908, 909, 912 et 954 du Code de procédure civile
Vu l'avis de la cour de cassation du 11 juin 2012
Vu les ordonnances du conseiller de la mise en état du 11 juillet 2012,
Vu l'article L. 134-13 du Code de commerce,
Vu l'article 1134 du Code civil,
A TITRE PRINCIPAL
Constater In limine litis que, par ordonnances du 11 juillet 2012 dûment signifiées à le société SMC, le conseiller de la mise en état près la présente chambre de la cour a déclaré irrecevables les pièces n° 0 à 61 et n° 1 à n° 5 de de la société SMC et les a dûment écartées des débats, à défaut d'avoir été communiquées simultanément aux conclusions de SMC ;
Juger in limine iitis, si la cour l'estime nécessaire au regard du paragraphe précédent notamment quant à la compétence du conseiller de la mise en état pour écarter des pièces des débats, que ces pièces n° 0 à n° 61 (communiquées postérieurement au délai ouvert à l'intime pour conclure) et n° 1 à n° 5 (communiquées le 4 avril 2012) de la société SMC ne peuvent entrer valablement dans le cadre des débats soumis à la cour et confirmer le fait et ou juger qu'elles sont irrecevables et doivent en être purement et simplement écartées à défaut d'avoir été communiquées simultanément aux conclusions de SMC, quels que soient leurs numéros, de même que tous les arguments basés sur ces pièces ;
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Saint-Malo du 6 décembre 2011 en ce qu'il a débouté la société SMC de l'intégralité de ses demandes ;
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Saint-Malo du 6 décembre 2011 en ce qu'il a retenu la faute grave commise par la société SMC à l'égard de son mandant, Geoxia Ouest ;
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Saint-Malo du 6 décembre en ce qu'il a jugé que la société Geoxia Ouest avait à bon droit résilié le contrat d'agent commercial de la société SMC ;
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Saint-Malo du 6 décembre 2011 en ce qu'il a condamné la société SMC à indemniser Geoxia Ouest de son préjudice au titre de l'obligation dans laquelle cette dernière s'est trouvée de résilier le contrat d'agent commercial pour faute grave de son mandataire, entraînant ainsi une désorganisation de son réseau commercial, mais de l'infirmer pour le montant accordé à ce titre en le portant à la somme de 49 191 euro ;
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Saint-Malo du 6 décembre 2011 en ce qu'il a condamné la société SMC au paiement des dépens de première instance et au versement d'une indemnité de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Saint-Malo en ce qu'il a refusé d'ordonner le remboursement, par la société SMC de la somme de 17 230 euro correspondant aux avances sur commissions perçues dans les dossiers Lebel et Turbin mais indues ;
À titre subsidiaire si les pièces n° O à n° 61 et n° 1 à n° 5 (communiquées le 4 avril 2012) de la société SMC sont intégrées aux débats :
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Saint-Malo du 6 décembre 2011 en ce qu'il a débouté la société SMC de l'intégralité de ses demandes ;
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Saint-Malo du 6 décembre 2011
- en ce qu'il a retenu la faute grave commise par la société SMC à l'égard de son mandant, Geoxia Ouest;
- en ce qu'il a jugé que la société Geoxia Ouest avait à bon droit résilié le contrat d'agent commercial de la société SMC ;
- en ce qu'il a condamné la société SMC à indemniser Geoxia Ouest de son préjudice au titre de l'obligation dans laquelle cette dernière s'est trouvée de résilier le contrat d'agent commercial pour faute grave de son mandataire, entraînant ainsi une désorganisation de son réseau commercial, mais de l'infirmer pour le montant accordé à ce titre en le portant à la somme de 49 191 euro ;
Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Saint-Malo du 6 décembre 2011
- en ce qu'il a condamné la société SMC au parement des dépens de première instance et au versement d'une indemnité de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- en ce qu'il a refusé d'ordonner le remboursement, par la société SMC, de la somme de 17 230 euros correspondant aux avances sur commissions perçues dans les dossiers Lebel et Turbin mais indues ;
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :
Constater que la société SMC est à l'origine de la rupture du contrat ou, à tout le moins, que le préjudice dont elle se prévaut ne peut être que symbolique au regard de l'attitude qu'elle a adoptée dans le cadre de l'exécution du contrat d'agent commercial ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
Condamner la société SMC au paiement de la somme de 20 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des sommes engagées dans le cadre de la procédure d'appel ;
Condamner la société SMC aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés par Maitre Régine de Moncuit-Saint Hilaire, Avocat au Barreau de Rennes, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est du 20 mars 2013
II MOYENS DES PARTIES
Sur la procédure la société Geoxia Ouest fait valoir que les pièces doivent être écartées des débats en considération de l'avis de la Cour de cassation du 25 juin 2012, qu'il y impossibilité de régulariser postérieurement au délai de trois mois fixé par la loi et en outre aucune régularisation n'est possible si elle se heurte un délai préfix ou à un délai de prescription en application des articles 122 et 126 du CPC. L'absence de recours à l'encontre des ordonnance a été définitivement constaté; l'avis du 25 juin 2012 ne peut avoir de conséquence sans remettre en cause les droits acquis et le fait que le conseiller de la mise en état ne soit pas compétent pour écarter des débats les pièces ne le remet pas en cause.
La SMC fait valoir quant à elle que la situation est régularisée, que les ordonnances rendues 11 juillet 2012 n'ont pas autorité de chose jugée, que la doctrine, l'avis de la Cour de cassation en date du 21 janvier 2013 et la circulaire du bâtonnier du barreau de Rennes imposent que la cour tienne compte des pièces aujourd'hui communiquées.
La SARL SMC soutient que Geoxia Ouest a enfreint son obligation en modifiant les conditions d'exécution du contrat d'agent commercial en supprimant des missions comme le choix des artisans locaux, le suivi des clients, principaux arguments de vente des maisons Aura par rapport à d'autres pavillonnaires. Geoxia Ouest a fait appel à M. Bernard Magne lors de l'absence de conducteur de travaux de mars à juillet 2009 afin que celui-ci reprenne le suivi des chantiers moyennant une rémunération mensuelle de 1 500 euro. Geoxia Ouest à l'arrivée d'un nouveau conducteur de travaux, M. Marie, a retiré tout droit d'intervention de M. Magne après la signature du contrat lors de l'exécution des chantiers et la façon de travailler de M. Marie ne correspondait en rien à celle de Maison Aura ; une telle ingérence a mis en péril la pérennité de son entreprise. M. Magne a dénoncé cette situation par l'envoi de plusieurs lettres recommandées mais cette situation malgré divers échanges perdurait. Plus aucun dossier de chantier n'étant présent à l'agence, M. Magne ne pouvant plus répondre aux questions diverses des clients a reçu beaucoup de plaintes de clients mécontents. La SMC a ainsi été coupée du dossier après la signature des ventes. La politique de réduction des coûts de Geoxia Ouest à dégradé la qualité de la construction. Compte tenu de cette politique les conséquences sur les relations avec les partenaires locaux ne se sont pas faites attendre et suite au refus de certains de ses partenaires de travailler avec des marges de plus en plus faibles Geoxia Ouest a eu recours à des salariés Phenix, spécialiste de la maison préfabriquée et non traditionnelle. Ces éléments ont engendré des difficultés, absence de suivi de chantier, malfaçons, non-respect des normes DTU, absence de mise en place de chape de ravoirage alors que les maisons ont été vendues avec la rupture de pont thermique. Par ces agissements fautifs Geoxia Ouest a engagé sa responsabilité contractuelle envers la SMC en la plaçant dans l'impossibilité de poursuivre l'exploitation pérenne de son agence.
Le but de la résiliation opérée par Geoxia Ouest à effet immédiat a été d'anticiper l'engagement à son encontre par la société SMC de l'action en responsabilité et de tenter la priver de l'indemnité légale.
Geoxia Ouest ne peut imputer à la société SMC les agissements de ses anciens salariés qui n'étant liés par aucune clause de non-concurrence et qui pouvaient parfaitement devenir salariés d'une entreprise concurrente. La SMC a satisfait à son devoir d'information et n'a exercé aucune activité concurrente, pas plus que Stéphane et Julien Magne d'ailleurs.
Le préjudice subi est constitué par la ruine de l'exploitation de l'agence commerciale de la SARL SMC avec fermeture en juin 2009 de son agence secondaire ouverte à La Flèche en avril 2008, vente de son pavillon témoin, obligation de licencier ses 2 salariés, Messieurs Stéphane et Julien Magne.
L'indemnité légale de rupture sera évaluée à 2 années de commissions calculées sur les 3 dernières années non perturbées (2007 à 2009), Total : 544 027 euro HT, auquel il convient d'ajouter les commissions versées par Geoxia Ouest à SMC entre 2007 et 2009 de 12 276 euro HT. Sur la demande de restitution des commissions et sur le dossier Lebel, si le dossier a pris du retard, les clients n'y ont pas renoncé et pour le dossier Turbez Geoxia Ouest doit se faire payer les 10 % de dédit mais la commission reste acquise ;
Geoxia Ouest, soutient que l'agent commercial a violé l'obligation de loyauté en admettant que Messieurs Stéphane et Julien Magne deviennent salariés du concurrent direct de Geoxia Ouest tout en conservant leur qualité d'associé de la SMC et ainsi un accès direct à la stratégie commerciale, ceci aux fins d'exercer une activité directement concurrente de celle qu'exerçait SMC, qui plus est sur le même territoire, en violation de l'article 2a du contrat d'agent commercial et en outre les Maisons France Confort sont construites dans le même lotissement.
La SMC a violé son devoir d'information et en n'informant pas Geoxia Ouest que Messieurs Stéphane et Julien Magne étaient en même temps les principaux associés de SMC et les salariés d'un concurrent direct, n'a pas exécuté le contrat loyalement.
Elle souligne que le rôle contractuellement confiée à la SMC n'a fait l'objet d'aucune modification en cours d'exécution du contrat d'agent commercial et en toute hypothèse une simple modification des conditions d'exécution du contrat est inapte à engager la responsabilité de Geoxia Ouest, l'agent commercial étant un mandataire; la tolérance au sujet d'un éventuel dépassement des règles contractuellement convenues n'est pas génératrice d'un quelconque droit opposable au mandant. Geoxia Ouest a fait des efforts constants pour satisfaire sa clientèle, rationaliser les coûts de construction et le choix de ses partenaires ainsi que les procédures de construction, a imposé des chapes de ravoirage, obtenu la norme NF, a également été attentif au respect de la norme relative au pont thermique, engagé d'importants efforts commerciaux et promotionnels, est en constante recherche d'amélioration et ses clients sont satisfaits. La qualité de construction des maisons Aura n'a subi aucune dégradation. La baisse des ventes de maisons est directement liée à la grave crise qui a frappé le marché immobilier et non des griefs qu'elle impute artificiellement à Geoxia Ouest. Le rapport de gestion de la gérance de SMC en décembre 2010 ne fait jamais référence au prétendu manquement d'une particulière gravité de Geoxia Ouest.
La résiliation du contrat pour faute grave de l'agent est justifiée ; les dommages et intérêts réclamés à ce titre reflète le temps qu'il faudra à Geoxia Ouest pour tenter de réorganiser dans de bonnes conditions son activité dans la région de Sablé-sur-Sarthe à l'issue du litige. À titre subsidiaire la société SMC compte tenu des circonstances ne peut prétendre qu'à une indemnité purement symbolique et devrait être calculée au pire sur les trois dernières années activité, soit 196 774 euro. Par ailleurs les dommages et intérêts complémentaires ne sont ni fondés ni justifiés.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties la cour se réfère aux énonciations de la décision déférée et aux dernières conclusions des parties :
- le 31 janvier 2013 pour l'appelante
- le 12 mars 2013 pour intimée
III - MOTIFS
Sur la procédure
L'ensemble des pièces de l'appelant qui avaient été déclarées irrecevables et écartées des débats par le juge de la mise en état ont été communiquées à la société Geoxia Ouest sous de nouveaux numéros plusieurs mois avant l'ordonnance de clôture avec des conclusions du 25 juillet 2012. Les conclusions de celle-ci, sont du 1er avril 2013 et attestent de ce que le principe de la contradiction a été respecté. Il convient de rejeter la demande de la société Geoxia Ouest tendant à voir écarter les pièces qui avaient été déclarées irrecevables par le juge de la mise en état.
Sur la rupture du contrat d'agent commercial
Seule la faute grave, c'est-à-dire celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel, est privatrice de l'indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale et il appartient au mandant de rapporter la preuve d'une telle faute par application des articles L 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce.
"Article L. 134-12 du Code du commerce :
En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.
(...)
Article L. 134-13
La réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :
1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;
(...)"
L'article L. 134-4 :
Les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leur mandant sont conclus dans l'intérêt commun des parties.
Les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et en devoirs réciproque d'information.
L'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat.
L'article 2 a) du contrat d'agent commercial dispose que le mandataire, soit la SMC, ne peut "prendre de représentation concurrente ou susceptible de faire concurrence sur le même secteur".
L'article 2 b) prévoit également que "l'agent s'engage à tenir informé régulièrement le mandant de l'état du marché de son secteur, les souhaits de la clientèle et les actions de la concurrence."
La société SMC fait valoir que s'agissant de vente de maison à construire le maintien d'une information du client, tout au long du chantier, de l'avancement ce dernier est un argument commercial déterminant, susceptible d'accroître et de maintenir la réputation du prestataire sur un secteur géographique donné. Selon elle, c'est sa réputation de sérieux en la matière qui assurait sa notoriété et ses bons résultats de commercialisation. Les attestations de Mme Bellœuvre, des consorts Cayeux et Jiraud et de M. Dubois vont dans ce sens.
Il est constant que pour diverses raisons la société Geoxia Ouest a réduit, voir supprimé l'accès de la société SMC aux dossiers des clients une fois le contrat de vente signé. Il résulte ainsi notamment de la lettre de M. Beau en date du 15 février 2010 qu'il était demandé à la société SMC de diriger les clients le contactant pour des questions liées au suivi d'un chantier vers le siège de Geoxia Ouest.
Il ne peut être reproché à la société Geoxia Ouest d'avoir cherché à réduire les coûts de construction pour s'adapter à un marché en crise soumis à une concurrence toute particulière. Il ne résulte pas des pièces produites par la société SMC que cette politique s'est traduite par une perte de qualité des produits livrés, y compris malfaçons et non-respect de DTU. Il est fait état de certaines difficultés rencontrées par les clients au cours des travaux sans que ces difficultés dépassent les aléas normaux de toute construction. Ce qui peut être reproché à la société Geoxia Ouest est d'avoir ainsi en modifiant de façon substantielle les conditions d'exécution du contrat de mandat, empêché la société SMC de garder contact avec la clientèle, de lui permettre de continuer de favoriser un suivi de la clientèle, et donc l'activité et le développement de l'activité de son agent.
Aux termes du procès-verbal de constat du 27 janvier 2011 M. Stéphane Magne a indiqué avoir été embauché le 15 septembre 2010, son frère Julien le 1er septembre 2010, par la société Maisons France Confort, tous deux comme VRP et seuls salariés de l'agence située à Sablé-sur-Sarthe.
Par lettre du 29 janvier 2011 la société Geoxia Ouest a notifié à la société SMC la résiliation du contrat d'agent commercial pour faute grave. Elle reproche à deux associés de la société SMC d'être salariés d'une société concurrente.
Le fait que des associés de la société SMC soient salariés d'une entreprise concurrente ne constitue pas la prise par la société SMC, personne morale distincte des personnes physiques que sont ses associés, d'une représentation. Il n'est pas reproché à la société SMC d'avoir pris une quelconque représentation.
Il n'est pas non plus reproché à la société SMC de ne pas avoir tenu informé le mandant de l'état du marché et des souhaits de la clientèle.
Reste que la société SMC ne pouvait ignorer que deux de ses associés, disposant à eux deux de 74 sur 100 parts sociales de la SMC, étaient également salariés d'une entreprise entrant directement en concurrence avec la société Geoxia Ouest. Son devoir de loyauté vis-à-vis du mandant et le respect de l'article 2 b) du contrat d'agent commercial lui imposaient d'avertir la société Geoxia Ouest de cette situation. Ce manquement constitue une faute entraînant la perte de confiance du mandant.
M. Stéphane Magne a donné sa démission à la SMC le 10 septembre 2010. La SMC, par la voie de son gérant en a pris acte, et a mentionné lever la clause de non-concurrence les liant contractuellement.
La SMC produit aux débats deux attestations de commerciaux Maison Aura qui mentionnent avoir été informés par M. Delbard en 2010 pour l'un de ce que Julien et Stéphane Magne ont quitté la société SMC pour aller travailler chez France Confort, pour l'autre en juillet 2010 du départ de Julien Magne en juin 2010 ainsi que du prochain départ de Stéphane Magne en septembre 2010.
M. Delbard atteste avoir été informé par M. Bernard Magne alors qu'il était directeur d'exploitation des maisons Aura "du départ de Julien Magne en juillet 2010 puis de Stéphane Magne courant septembre 2010 à la concurrence chez France Confort à Sablé" ; il convient de relever que la date d'entrée de Julien Magne ne correspond pas aux propres déclarations de Stéphane Magne au procès-verbal du 27 janvier 2011.
La société Geoxia Ouest a appris cette situation, à l'été ou à l'automne 2010. Il ne peut en être déduit qu'elle ait toléré cette situation dès lors qu'il résulte de la chronologie des faits telle qu'exposée supra qu'elle s'est simplement attachée à s'assurer de l'existence de ses informations.
La société SMC ne peut se prévaloir d'une tolérance par la société Geoxia Ouest de la situation résultant de ce que deux de ses associés travaillaient pour la concurrence. La société Geoxia Ouest a agi immédiatement lorsqu'à la suite du procès-verbal d'huissier en date du 27 janvier 2011 elle a pu avoir la certitude que deux des associés de la société SMC étaient salariés d'une société concurrente. La société SMC ne justifie pas avoir informé la société Geoxia Ouest de cette situation alors qu'elle y était contractuellement tenue. La lettre de résiliation du 29 janvier 2011 mentionne expressément qu'il est reproché au mandataire d'avoir manqué à son obligation d'information du mandant et de loyauté à son égard.
Mais, au vu des circonstances et des fautes commises par la société Geoxia Ouest dans le cadre de ses obligations contractuelles, le fait que la société SMC n'ait pas informé de façon officielle le mandat que deux de ses associés travaillaient pour la concurrence retire à cette faute la gravité suffisante permettant de justifier la rupture du contrat aux torts du mandataire sans droit à indemnité.
Les commissions versées aux mandataires ont été de 238 218 euros HT pour 2007 155 318 euros HT pour 2008, 150 491 euros HT pour 2009 et 87 719 euros HT pour 2010. La société SMC se prévaut en outre de commissions au titre d'avant projets pour 12 276 euros HT.
Il convient d'évaluer à la somme de 250 000 euros le montant de l'indemnité compensatrice à laquelle peut prétendre la société SMC.
Elle ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son contrat d'agent commercial. Il y a lieu de la débouter de sa demande de dommages-intérêts supplémentaires.
Sur les restitutions de commissions :
La société Geoxia Ouest demande le remboursement des commissions versées au titre de deux chantiers. Elle ne conteste pas le fait que les dossiers correspondant à ces deux chantiers ont été remplis conformément aux dispositions contractuelles et qu'ils ouvraient droit à versement des commissions. C'est à elle qu'il revient d'établir, pour fonder sa demande de remboursement, que ces chantiers n'ont finalement pas abouti. Elle ne produit aucun élément en ce sens. Il y a lieu de débouter la société Geoxia de sa demande de restitution des commissions versées au titre des chantiers Lebel et Turbez.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
La société Geoxia Ouest qui succombe à l'instance sera condamnée à verser à la société SMC la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 et à supporter les entiers dépens.
Par ces motifs : LA COUR, Déboute la société Geoxia Ouest de ses demandes tendant à déclarer irrecevables certaines des pièces produites par la société SMC, Confirme le jugement déféré en ce qu'il déboute la société Geoxia Ouest de sa demande de remboursement de la somme de 17 230 euros correspondant à des avances sur commissions, Infirme le jugement déféré pour le surplus, Statuant de nouveau, Condamne la société Geoxia Ouest à verser à la société SMC la somme de 250 000 euros au titre de la rupture du contrat d'agent commercial, Déboute la société Geoxia Ouest de sa demande de dommages-intérêts, Déboute la société SMC de ses autres de demandes de dommages-intérêts, Condamne la société Geoxia Ouest à verser à la société SMC la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Geoxia Ouest aux entiers dépens de première instance et d'appel.