Cass. com., 25 juin 2013, n° 12-20.815
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Hypromat France (SAS)
Défendeur :
CLE (EURL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Rapporteur :
Mme Mouillard
Avocat général :
M. Mollard
Avocats :
SCP Boullez, SCP Gatineau, Fattaccini
LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, du 15 mai 2012), que le 29 avril 2003, la société CLE a conclu avec la société Hypromat France (la société Hypromat) un contrat de franchise d'une durée de neuf ans pour l'exploitation d'un centre de lavage rapide de véhicules ; que le 18 août 2008, la société Hypromat a résilié le contrat en raison d'impayés ; que la société CLE a fait assigner la société Hypromat en annulation du contrat de franchise et en réparation de son préjudice ;
Attendu que la société Hypromat fait grief à l'arrêt de sa condamnation, alors, selon le moyen : 1°) que le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en prononçant la nullité du contrat de franchise pour vice du consentement du franchisé qui a été trompé par les mentions du chiffres d'affaires figurant sur le document prévisionnel sans indiquer si son consentement avait été donné par erreur ou bien s'il avait été surpris par dol, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1109, 1110 et 1116 du Code civil ; 2°) que le manquement à une obligation précontractuelle d'information, à le supposer caractérisé, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci ; qu'en se bornant à énoncer, pour annuler le contrat de franchise, que la société CLE avait été trompée par un prévisionnel chimérique qui était un élément déterminant dans le calcul des risques qu'elle prenait en ouvrant un centre de la lavage, et, en conséquence, sur la décision de contracter, sans constater qu'un tel manquement a été commis par la société Hypromat sciemment dans l'intention de provoquer dans l'esprit de la victime une erreur déterminante de son consentement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil ; 3°) qu'en l'absence d'un dol, l'erreur sur la rentabilité économique constitue une cause de nullité du contrat de franchise à la condition que le franchisé démontre que le potentiel de bénéfices économiques attendu au jour de sa conclusion était objectivement inatteignable dès l'origine, indépendamment de ses mérites et de son action ; qu'en se bornant à énoncer, pour annuler le contrat de franchise, que la société CLE avait été trompée par un prévisionnel chimérique qui était un élément déterminant dans le calcul des risques qu'elle prenait en ouvrant un centre de lavage, et, en conséquence, sur la décision de contracter, après avoir constaté qu'aucune défaillance dans la gestion dans l'entreprise n'est de nature à expliquer l'écart entre les chiffres d'affaires réalisés et ceux annoncés dans le document prévisionnel de la société Hypromat, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, compte tenu de l'aléa affectant toute activité économique, si l'écart entre les prévisions et les chiffres d'affaires réalisés n'était pas la conséquence de circonstances inattendues et extérieures au franchiseur qui sont postérieures à la date de réalisation de l'étude de faisabilité et qui résultaient du doublement du coût des travaux de génie civil, de l'insuffisance des investissements publicitaires, du montant des loyers, de la création d'une rocade réduisant de deux tiers la fréquentation des véhicules, et de l'ouverture d'une centre de lavage concurrent à une centaine de mètres de distance, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à établir que dès l'échange des consentements, le chiffre d'affaires projeté ne pouvait pas être atteint ; qu'ainsi, elle a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et 1110 du Code civil ; 4°) qu'en affirmant que l'écart entre les chiffres d'affaires prévisionnels et ceux effectivement réalisés démontre que la société Hypromat a manqué à son obligation d'information en établissant un document irréaliste et trompeur, après avoir constaté qu'une telle différence ne s'explique pas par une défaillance dans la gestion de l'entreprise, sans répondre aux conclusions par lesquelles la société Hypromat a soutenu que l'écart entre les prévisions et les chiffres d'affaires réalisés résultait ainsi du doublement du coût des travaux de génie civil, de l'insuffisance des investissements publicitaires, du montant des loyers, de la création d'une rocade réduisant de deux tiers la fréquentation des véhicules, et de l'ouverture d'une centre de lavage concurrent à une centaine de mètres de distance, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; 5°) que l'erreur doit être excusable ; qu'en se bornant à constater que la société Hypromat avait manqué à son obligation d'information à l'égard de la société CLE, quand bien même elle n'était pas novice, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si l'expérience acquise par le gérant de la société CLE dans l'exploitation d'un autre centre de lavage pendant huit ans de 1993 à 2001 sous contrat de franchise ne la mettait pas à même d'apprécier les risques de l'exploitation, ce qui lui interdisait de rechercher la nullité du contrat de franchise en raison d'un vice du consentement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et 1110 du Code civil ;
Mais attendu qu'après avoir retenu que, même si le dirigeant de la société CLE n'était pas novice pour avoir repris avec succès un centre de lavage de la même enseigne dans une autre région quelques années auparavant, la société Hypromat devait lui communiquer des chiffres sérieux concernant le marché local, l'arrêt relève que le chiffre d'affaires prévisionnel annoncé par le franchiseur s'est révélé deux fois supérieur à celui réalisé par la société CLE qui, même après plusieurs années d'exploitation, n'a jamais réussi à atteindre le montant annoncé pour la première année ; qu'il ajoute que cet écart dépasse la marge habituelle d'erreur en la matière, qu'aucune défaillance dans la gestion de l'entreprise par le franchisé n'est de nature à l'expliquer et que la société Hypromat ne fournit aucun exemple de centres de lavage implantés dans des agglomérations de taille similaire ayant réalisé entre 2003 et 2008 des chiffres d'affaires comparables aux prévisions annoncées ; qu'il en déduit que la société Hypromat, qui a fourni à la société CLE un prévisionnel irréaliste et chimérique, a failli à son obligation d'information et que la société CLE, trompée sur cet élément déterminant dans le calcul des risques qu'elle prenait en ouvrant un centre, a ainsi été victime d'un vice du consentement ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre la société Hypromat dans le détail de son argumentation, a justifié sa décision sans être tenue de procéder aux recherches inopérantes visées aux première, deuxième et cinquième branches ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.