CA Douai, 1re ch. sect. 1, 4 mars 2013, n° 12-00779
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Piotrowski
Défendeur :
Taouch, Dordain
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Merfeld
Conseillers :
Mmes Metteau, Doat
Avocats :
Mes Levasseur, Lacroix, Tavernier
Par jugement rendu le 20 janvier 2012, le Tribunal d'instance de Douai a :
prononcé la résolution du contrat de vente et de fourniture du poêle à pellets en date du 23 août 2010,
condamné M. Georges Piotrowski exerçant sous la dénomination commerciale Lestiennes Electricité à rembourser à M. François Dordain et à Mme Djamila Taouch la somme de 5 188,60 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2011,
ordonné le démontage du poêle à pellets par M. Georges Piotrowski exerçant sous la dénomination commerciale Lestiennes Electricité et la remise des lieux en l'état antérieur, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard pendant 60 jours, passé le délai d'un mois suivant la signification de la décision,
condamné M. Georges Piotrowski exerçant sous la dénomination commerciale Lestiennes Electricité à payer à M. François Dordain et à Mme Djamila Taouch la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts,
condamné M. Georges Piotrowski exerçant sous la dénomination commerciale Lestiennes Electricité aux dépens,
condamné M. Georges Piotrowski exerçant sous l'enseigne commerciale Lestiennes Electricité à payer à M. François Dordain et à Mme Djamila Taouch la somme de 600 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires.
M. Georges Piotrowski exerçant sous l'enseigne Lestiennes Electricité a interjeté appel de cette décision le 8 février 2012.
RAPPEL DES DONNÉES UTILES DU LITIGE :
M. François Dordain et Mme Djamila Taouch ont fait appel à l'entreprise Lestiennes Electricité pour la fourniture, la pose et la mise en service d'un poêle à granulés bois dans leur habitation située à Bugnicourt. Un devis a été établi à cette fin le 18 août 2010 concernant un poêle à pellets Pusa Confort de 11,5 KW moyennant un prix de 5 188,60 euros. La commande a été passée le 23 août 2010.
Les travaux ont été facturés le 20 septembre 2010 et intégralement payés.
Par acte d'huissier du 13 avril 2011, M. François Dordain et Mme Djamila Taouch ont fait assigner M. Georges Piotrowski exerçant sous l'enseigne Lestiennes Electricité, au visa des articles 1134, 1184 et 1147 du Code civil aux fins de voir prononcer la résolution du contrat portant sur la fourniture et la pose du poêle, d'obtenir le remboursement de la somme de 5.188,60 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, d'ordonner le démontage du poêle et la remise des lieux dans l'état antérieur, sous astreinte, d'obtenir la condamnation du défendeur à leur payer 4 000 euros à titre de dommages et intérêts et 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
M. Georges Piotrowski s'est opposé à ces demandes et a sollicité la somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La décision déférée a été rendue dans ces conditions. Le tribunal a retenu que M. Piotrowski avait gravement manqué à son obligation de conseil en proposant un poêle inadapté au chauffage de l'habitation de ses clients.
Dans ses écritures, M. Georges Piotrowski demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1147 du Code civil d'infirmer le jugement et de :
juger qu'il a fourni à ses cocontractants une information suffisante s'agissant du volume susceptible d'être chauffé par le poêle en apposant la mention "il permet de chauffer un volume d'environ 330 m3" sur le devis du 18 août 2010,
juger que, dès lors que M. Dordain et Mme Taouch disposaient d'un système de chauffage central de leur maison d'habitation, que ce système n'était pas en fonctionnement lors de la vente au regard de la période estivale et que rien ne permet de retenir qu'il aurait été avisé d'un quelconque projet de substituer à la chaudière en place le poêle commandé, il n'avait aucune obligation de mettre en garde ses cocontractants sur le fait que le poêle ne pourrait remplacer efficacement la chaudière pour chauffer l'intégralité de l'habitation,
juger au contraire que le fait que M. Dordain et Mme Taouch aient accepté un devis de la société Aplusénergie en décembre 2010 pour remplacer la chaudière existante démontre qu'ils entendaient utiliser concurremment le poêle et le système de chauffage central,
juger en conséquence qu'il n'a pas violé son obligation de conseil,
débouter M. Dordain et Mme Taouch de leur demande de résolution de la vente et de l'ensemble de leurs autres demandes,
reconventionnellement, les condamner à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
les condamner aux entiers dépens.
Il explique que ses clients se sont plaints de dysfonctionnements, que le fournisseur, contacté par ses soins, a mandaté sa station technique et qu'il a finalement indiqué que la puissance de l'appareil installé ne permettait pas de chauffer l'intégralité de l'habitation de M. Dordain et Mme Taouch. Cependant, il affirme qu'il avait attiré l'attention de ces derniers sur ce point, qu'il les avait informés du volume susceptible d'être chauffé par le poêle et que le devis mentionne de façon claire que cet équipement est susceptible de chauffer un volume d'environ 330 m3 soit environ 110 m², surface inférieure à celle de la même maison d'habitation de M. Dordain et Mme Taouch. Il précise qu'il n'avait aucun motif de délivrer une information complémentaire à ses cocontractants à ce sujet dans la mesure où l'habitation disposait d'une chaudière à gaz lorsque le devis a été établi et que rien ne lui permettait d'imaginer que ces derniers entendaient chauffer leur maison au seul moyen du poêle. Il en déduit que le matériel proposé chez ses clients était parfaitement adapté. Il précise qu'il est établi que M. Dordain et Mme Taouch souhaitaient remplacer la chaudière existante puisqu'ils ont fait réaliser un devis en décembre 2010. Il souligne, en conséquence, qu'il n'a commis aucune faute et s'oppose à l'octroi de dommages et intérêts. Il relève, par ailleurs, l'absence de préjudice des clients, le poêle permettant d'atteindre une température de 19° dans l'ensemble de l'habitation. Il affirme enfin que cette situation n'est que la conséquence du démontage de la chaudière à gaz, projet qui ne lui a pas été révélé de sorte qu'il n'existe aucun lien de causalité entre une éventuelle faute de sa part et le préjudice allégué.
Par ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Douai le 13 novembre 2012, l'irrecevabilité des conclusions adressées par M. François Dordain et Mme Djamila Taouch par RPVA le 9 août 2012 a été prononcée en application de l'article 909 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
L'article 1134 du Code civil prévoit que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Selon l'article 1184, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des parties ne satisfera pas à son engagement.
Selon contrat du 23 août 2010, M. Dordain et Mme Taouch ont commandé auprès de M. Piotrowski exerçant sous l'enseigne Lestiennes Electricité la fourniture et la pose d'un poêle à pellets "Nima warm grey", le gainage d'air chaud, le conduit d'extraction et la mise en service de l'ensemble moyennant un prix total de 5 188,60 euros.
Il appartient à M. Dordain et Mme Taouch qui prétendent obtenir la résolution de ce contrat de justifier de l'inexécution par M. Piotrowski de ses obligations.
A ce titre, ils allèguent une insuffisance du chauffage produit par le poêle.
Après plusieurs interventions sur l'appareil, le constructeur est intervenu à leur domicile. Par mail du 12 février 2011, il leur a été indiqué que "suite à notre passage avec Giuliano sur votre installation MCZ, nous avons remarqué que la gaine de distribution d'air chaud vers votre salle de bains a été installée sans être recoupée ce qui fait que la longueur ne permet pas à la chaleur de sortir rapidement, la grille de ventilation est près de la porte, que la puissance de l'appareil ne permettra pas de chauffer votre habitation. Il aurait fallu choisir un appareil Hydro de 24 KW qui étant raccordé à votre installation de chauffage central aurait réparti la chaleur dans l'ensemble de votre habitation."
Il résulte de cet élément que le poêle à pellets posé par M. Piotrowski est inadapté pour chauffer l'habitation de M. Dordain et Mme Taouch.
M. Piotrowski affirme que cet équipement ne devait être utilisé que comme chauffage d'appoint, qu'il avait informé les clients de cette situation et qu'il avait constaté que le logement était équipé d'une chaudière à gaz.
Cependant, il doit être constaté que le devis du 18 août 2010 concernait la fourniture la pose et la mise en service d'un poêle granulés bois de 11,5 KW qui, "entièrement automatique, permet de chauffer un volume d'environ 330 m3". Le modèle finalement choisi par les clients était plus puissant et les clients pouvaient penser qu'ils pourraient chauffer leur maison par ce biais. Par ailleurs, tel que constaté par le constructeur mais également tel que prévu dans le contrat, un gainage a été posé, dans le but d'apporter de l'air chaud dans différentes pièces notamment dans la salle de bains de l'immeuble (avec la pose de gaine, le chauffage par poêle permet d'équiper l'ensemble du maison comme le confirme d'ailleurs le constructeur qui ne fait référence qu'à un problème concernant la puissance de l'appareil choisi et qui n'a jamais affirmé qu'un poêle ne pouvait servir que comme chauffage d'appoint).
Ces divers éléments démontrent que le poêle choisi par M. Dordain et Mme Taouch n'avait pas vocation à servir uniquement de chauffage complémentaire à celui de la chaudière mais qu'il avait bel et bien vocation à remplacer le mode de chauffage existant et ce d'autant qu'il ressort de l'attestation de la société Aplusénergie que la chaudière était hors d'usage du fait de nombreuses fuites et qu'elle devait être remplacée. M. Dordain et Mme Taouch ont donc fait déposer cette chaudière en février 2011 et l'ont remplacée par un cumulus. Il sera précisé que le devis d'Aplusénergie ne concerne pas le remplacement de la chaudière.
En outre, M. Piotrowski n'a jamais précisé, dans son devis du 18 août 2010, que le poêle qui devait permettre de chauffer un volume d'environ 330 m3 ne pouvait être utilisé que comme complément d'une chaudière à gaz. M. Dordain et Mme Taouch, qui ne sont pas des professionnels en matière de chauffage, ne pouvaient pas savoir, alors qu'ils avaient contacté un professionnel en la matière, que ce dernier ne les avait pas informés correctement sur la puissance effective l'appareil devant être installé dans leur domicile et sur le fait que celui-ci n'était qu'un chauffage d'appoint.
Dès lors, il est établi que M. Georges Piotrowski n'a pas satisfait à ses obligations contractuelles en ne fournissant pas à M. Dordain et Mme Taouch un poêle susceptible de chauffer l'intégralité de leur habitation et en ne les informant pas que le modèle qu'il conseillait ne pouvait être utilisé comme complément d'une chaudière à gaz.
Ce manquement de l'entreprise Lestiennes Electricité à ses obligations contractuelles et notamment à son obligation d'information est d'une gravité telle, au regard de la prestation contractuellement prévue, que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat conclu le 23 août 2010, condamné M. Georges Piotrowski au remboursement du prix avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation valant mis en demeure et ordonné le démontage du poêle et la remise des lieux en l'état, sous astreinte. L'astreinte fixée courra, à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, pendant un délai de six mois.
Le tribunal a exactement relevé que M. Dordain et Mme Taouch avaient subi un préjudice de fait de l'inexécution par l'entreprise Lestiennes Electricité de ses obligations dans la mesure où ils n'avaient pas pu chauffer leur habitation selon leur souhait (étant précisé que la température de 19° qui a pu être relevée dans l'habitation est la température maximale, ce qui est, pour M. Dordain et Mme Taouch, insuffisant dans certaines pièces).
M. Piotrowski ne saurait prétendre que la situation n'est que la conséquence du démontage de la chaudière à gaz dans la mesure où le poêle installé par ses soins devait permettre un tel démontage et qu'en tout état de cause la chaudière était hors d'usage.
Le jugement doit donc être également confirmé en ce qu'il a accordé, en réparation de ce préjudice, la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.
En définitive, la décision, qui a également fait une exacte appréciation des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en première instance, sera confirmée en toutes ses dispositions.
M. Piotrowski succombant en cause d'appel, sera condamné aux dépens et sera débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt contradictoire : Confirme le jugement sauf en ce qui concerne les modalités de l'astreinte ; Le Reformant de ce chef : Dit que l'astreinte courra pendant une durée de six mois, à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt ; Condamne M. Georges Piotrowski aux dépens d'appel ; Déboute M. Georges Piotrowski de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.